CAA de NANTES, 3ème chambre, 26/05/2023, 21NT01663, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 juillet 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître le caractère d'accident de service aux faits survenus le 10 février 2017 ainsi que l'arrêté du
19 juillet 2018 par lequel le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 10 février 2017.
Par un jugement n° 1804408 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juin 2021 et 28 avril 2022,
Mme C..., représentée par Me Baron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2021 ;
2°) d'annuler ces décisions du 19 juillet 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a renversé la charge de la preuve en estimant que les éléments produits par le demandeur ne suffisent pas à établir un lien suffisant entre son état de santé et l'altercation du 9 février 2017 ;
- la situation de souffrance est en lien direct avec l'altercation ; ce fait a présenté un caractère soudain à l'occasion du service et dont il est résulté une lésion ;
- la commune aurait dû l'informer que sa demande relevait de la maladie professionnelle si elle considérait qu'un accident de service ne pouvait être observé ;
- l'autorité hiérarchique a eu un comportement excédant son exercice normal.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2022, la commune de ..., représentée par Me Saulnier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme C... le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- les observations de Me Saulnier, représentant la commune de ....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ingénieure territoriale, exerce des fonctions de responsable du service accessibilité et sécurité des établissements recevant du public, rattaché à la direction générale technique de la ville de ... dont Mme A... était alors la directrice. Cette dernière ayant constaté, le 9 février 2017, l'absence de la requérante et des agents de son service à une réunion à laquelle ils avaient été conviés le 7 février précédent, une altercation s'est produite entre la requérante et Mme A.... Le lendemain, Mme C... était placée en arrêt de maladie. Le 8 août 2017, elle a établi une déclaration d'accident du travail. Après avoir consulté la commission de réforme, le maire de la commune de ..., par un arrêté du 19 juillet 2018, notifié à l'intéressée par un courrier du même jour, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'évènement survenu le 9 février 2017. Mme C... relève appel du jugement du 15 avril 2021par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, entrée en vigueur le 21 janvier 2017 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions (...)".
3. Les droits des agents publics en matière d'accident de service sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est survenu, soit en l'espèce le 9 février 2017. Toutefois, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne sont pas applicables aux situations constituées avant l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale pris pour son application. Il s'ensuit que Mme C... ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance et sa situation relève uniquement du régime fixé par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.
4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
5. En premier lieu, il ressort des termes de sa déclaration du 8 août 2017 que Mme C... a fait état d'une altercation survenue le 9 février 2017 lors de la communication téléphonique au cours de laquelle la directrice de la direction générale technique a demandé à la requérante des explications sur son absence à la réunion qui était organisée et à laquelle elle devait participer, accompagnée des agents de son service. L'intéressée indique s'être alors emportée en raison d'une attitude négative de sa supérieure à l'égard de son service et fait état d'un état dépressif, d'un burn-out et de la nécessité pour elle d'un suivi médical et psychologique.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au cours de l'entretien téléphonique à l'origine de l'évènement en cause, la directrice aurait tenu des propos ou adopté un comportement qui auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique en demandant à l'intéressée des explications sur son refus de participer à la réunion à laquelle elle était, tout comme les agents de son service, conviée. L'intéressée reconnaît d'ailleurs s'être emportée lors de cet entretien et aucun des témoignages produits par ses collègues présents au moment de cette altercation ne permet de constater que le comportement de Mme A... aurait constitué à lui seul un évènement traumatisant. Alors même que la commission de réforme a, le 21 juin 2018, émis un avis favorable à la reconnaissance d'un accident de service et que le Dr B..., le 13 mars 2018, a émis l'avis que l'arrêt de travail de Mme C... est en lien avec une situation professionnelle vécue difficilement en lien notamment avec une charge de travail importante, ces circonstances ne peuvent être regardées comme caractérisant un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
7. Dès lors, en refusant de regarder comme imputable au service l'évènement survenu le 9 février 2017, l'administration n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
8. En deuxième lieu, en l'absence de demande présentée en ce sens par Mme C..., l'administration n'était pas tenue d'examiner d'office si la pathologie présentée par l'intéressée était susceptible d'être qualifiée de maladie professionnelle.
9. En dernier lieu, à supposer même que la commune de ... aurait dû informer son agente sur la possibilité pour cette dernière de présenter une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée relative à une reconnaissance au titre d'un accident de service de ses arrêts et soins.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de ... les frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de ....
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.
La rapporteure,
C. BRISSON
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01663