CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 27/06/2023, 22MA00448, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 11 décembre 2017 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités de dorsalgies chroniques et de périarthrite scapulo-humérale dont il souffre.
Par un jugement du 18 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a, d'une part, rejeté la demande de M. C... tenant à l'annulation de cette décision du ministre des armées du 11 décembre 2017 en tant qu'elle a trait à l'infirmité de périarthrite scapulo-humérale et, d'autre part, ordonné avant dire droit une expertise s'agissant de l'infirmité dorsalgies chroniques.
L'expert de justice a déposé son rapport au greffe du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse le 18 avril 2019.
Par application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, la procédure a été transférée, à compter du 1er novembre 2019, au tribunal administratif de Bastia.
Par un jugement n° 1901463 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande présentée par M. C... qui tendait, dans le dernier état de ses écritures, à l'annulation de la décision susvisée du 11 décembre 2017 en tant que le ministre des années a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité de dorsalgies chroniques dont il souffre et à ce que, s'agissant de cette infirmité, son taux d'invalidité soit fixé à 70 %, voire à 80 %.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2022, M. C... relève appel de ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021.
Il soutient que :
- il trouve " anormal " d'avoir été jugé par le tribunal administratif de Bastia alors que la procédure avait été engagée devant le tribunal des pensions de Bastia ;
- il n'a pas reçu d'avis sur la date d'audience du tribunal administratif de Bastia ;
- il n'a reçu le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021 que le 6 décembre 2022 ;
- l'infirmité de dorsalgies chroniques dont il souffre s'est aggravée ;
- le certificat établi par le docteur B... n'a pas été présenté aux médecins pour effectuer leur expertise, comme l'exige la législation ;
- une expertise médicale faite par un médecin spécialiste en rhumatologie ou un chirurgien du rachis serait bienvenue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés et M. C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le jugement attaqué, ni l'évaluation à 60 % de son taux de l'infirmité afférente aux dorsalgies chroniques ;
- s'il appartient à la Cour d'apprécier souverainement la demande présentée par M. C... tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise, compte tenu de l'état d'invalidité de ce dernier, cette demande ne saurait se justifier.
Par une ordonnance du 29 décembre 2022, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 30 décembre 2022, a été reportée au 27 janvier 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 30 janvier 1944, M. C... était médecin en chef au service de santé des armées (SSA), avant d'être placé en position de retraite et rayé des cadres de l'armée active à compter du 24 avril 1997. M. C... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 85 % qui lui a été concédée par un arrêté du 26 mars 2012, avec entrée en jouissance à compter du 29 septembre 2010, pour cinq infirmités au nombre desquelles figurent l'infirmité de dorsalgies chroniques, dont le taux non imputable est pour moitié du taux global de cette affection, et celle de périarthrite scapulo-humérale. Le 16 mars 2016, M. C... a demandé la révision de sa pension en raison de l'aggravation de ces deux infirmités. Par une décision du 11 décembre 2017, le ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande. Après que, par un jugement du 18 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a, d'une part, rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision du 11 décembre 2017 en tant qu'elle a trait à l'infirmité de périarthrite scapulo-humérale et, d'autre part, ordonné une expertise avant dire droit afin qu'un expert puisse donner un avis sur le taux d'invalidité de l'infirmité de dorsalgies chroniques, le tribunal administratif de Bastia a, par un jugement du 7 décembre 2021, également rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette même décision en tant que le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour l'aggravation de cette infirmité de dorsalgies chroniques. Par la présente requête, M. C... doit être regardé comme demandant à la Cour d'annuler ce dernier jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par l'effet combiné de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et du décret du 28 décembre 2018 pris pour l'application de l'article 51 de cette loi, le contentieux des pensions militaires d'invalidité pendant devant les tribunaux des pensions a été transféré aux tribunaux administratifs, à compter du 1er novembre 2019. Le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a ainsi transmis à bon droit le surplus des conclusions de M. C... sur lesquelles il n'avait pas statué par son jugement du 18 mars 2019 au tribunal administratif de Bastia, lequel s'est compétemment prononcé sur ce surplus ainsi que sur les conclusions directement présentées devant lui par M. C....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...), du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...) / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience (...). ". Selon l'article R. 711-2-1 du même code : " (...) Les parties qui ont accepté l'usage du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 pour une affaire peuvent être convoquées au moyen de ce téléservice à l'audience à laquelle elle sera appelée. / Les dispositions de l'article R. 611-8-6 sont applicables. ". Cet article R. 611-8-6 dispose que : " Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été adressé par voie électronique, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'un avis d'audience est envoyé via l'application informatique Télérecours citoyens à une partie qui en a accepté l'usage et que cette partie ne consulte pas ce document dans le délai de deux jours ouvrés prévu à l'article R. 611-8-6 précité, elle est réputée en avoir reçu notification à l'expiration de ce délai.
4. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Bastia que l'avis d'audience a été mis à disposition de M. C... le 20 octobre 2021 au moyen de l'application Télérecours citoyens, mentionnée à l'article R. 414-6 du code de justice administrative. A supposer même que l'appelant n'ait pas consulté ce document dans le délai de deux jours à compter de cette date, il était, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative, réputé en avoir reçu notification à l'expiration de ce délai, soit le 22 octobre 2020. Par suite, et alors qu'au demeurant, il ressort des mêmes pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Bastia qu'il a pu présenter lui-même des observations au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 16 novembre 2021, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été destinataire d'un avis d'audience.
5. En troisième et dernier lieu, si M. C... soutient que le jugement attaqué ne lui a été notifié que le 6 janvier 2022 alors qu'il a été mis à disposition le 7 décembre 2021, cette circonstance est sans influence sur la régularité de cette décision juridictionnelle.
6. Dès lors, le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021 n'est pas entaché d'irrégularité sur ces différents points.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. En premier lieu, en se bornant à soutenir que le certificat établi par le docteur B... n'a pas été présenté aux médecins qui se sont vus confier une mission d'expertise " comme l'exige la législation ", M. C... n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
8. En second lieu, selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. C..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Ces dispositions ne sont applicables, d'une part, qu'en cas d'aggravation de l'une des infirmités au titre desquelles la pension a été concédée, d'autre part, que si l'aggravation constatée est elle-même imputable au service.
9. En vertu des dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée et cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, alors applicable et désormais repris à l'article L. 151-6 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités.
10. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 10 du même code, désormais repris à l'article L. 125-5 du même code, les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par l'article L. 9, aujourd'hui repris à l'article L. 125-3 du même code, présentent un caractère indicatif, à l'exception des amputations et des exérèses d'organes.
11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si l'ensemble des experts amenés à se prononcer sur les dorsalgies chroniques dont souffre M. C... concluent de manière concordante, à l'instar notamment du docteur A... B..., à une aggravation de celles-ci, tant l'expert consulté par l'administration en août 2017, que le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité sur le droit à pension d'invalidité, dans son avis de novembre 2017, et le médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale, dans son avis du 15 mai 2019, retiennent un taux d'invalidité de 60 %. Dans ces conditions, et alors que M. C... ne conteste au demeurant pas, à l'appui de ses écritures d'appel, que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges dans leur jugement attaqué, pour conclure à l'existence d'une aggravation de l'infirmité de dorsalgies chroniques et proposer de porter le taux d'invalidité de cette infirmité de 45 à 70 %, l'expert de justice désigné par le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse dans son jugement du 18 mars 2019 a notamment pris en considération certaines constatations effectuées le jour même de la visite qu'il a effectuée, soit le 9 avril 2019, il y a lieu de retenir ce taux de 60 % qui apparaît d'ailleurs cohérent avec le guide-barème des invalidités, M. C... n'établissant, ni même n'alléguant souffrir d'une immobilisation totale du rachis et des hanches. Dans la mesure où, ainsi qu'il a été déjà dit au point 1 du présent arrêt, seuls 50 % du taux global de l'infirmité dont souffre M. C... est imputable au service, l'aggravation à 60 % de cette infirmité, soit une augmentation de 15 % dont seule la moitié est imputable au service, est inférieure au taux de 10 % requis par les dispositions applicables de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour obtenir la révision de la pension. Par conséquent, le ministre des armées a pu légalement la lui refuser.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile d'ordonner une nouvelle expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2017 en tant que le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité de dorsalgies chroniques dont il souffre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
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No 22MA00448
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