CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/07/2023, 23MA01308, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa
demande de pension militaire d'invalidité, d'enjoindre à l'État de lui attribuer une pension dans un délai de deux mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1909393 du 21 mars 2023, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai et 16 juin 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 juin 2023 à 18h 58, et non communiqué, Mme B...
épouse A..., représentée en dernier lieu par Me Candon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cette ordonnance du 21 mars 2023 ;
2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Marseille ;
3°) de désigner tel expert pour accomplir la mission définie par le tribunal des pensions militaires le 30 août 2019 ;
4°) d'ordonner toute mesure propre à établir ses droits ;
5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Candon, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve du renoncement par celui-ci de la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- en considérant que le délai d'un mois pour confirmer sa requête courait à compter du 10 février 2023, alors que son conseil n'en a eu connaissance que le 13 février, date de mise à disposition sur l'application Télérecours, et sans tenir compte du mémoire du 11 mars, malgré le caractère franc du délai d'un mois, le premier juge a méconnu les articles R. 612-5-1 et
R. 611-8-6 du code de justice administrative, au terme d'une mauvaise computation du délai d'un mois prévu par le premier texte ;
- en tout état de cause, les dispositions du second texte, en ce qu'elles fixent à
deux jours le délai au terme duquel une consultation de courrier via Télérecours est réputée accomplie, sont contraires aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées à celles de
l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'état du dossier ne permettait pas au premier juge de s'interroger sur l'intérêt qu'il conservait pour la requérante qui, comme le ministre des armées, était dans l'attente des opérations d'expertise ordonnées par le tribunal des pensions militaires, avait sollicité la désignation d'un nouvel expert et, pour cette raison, le report de la clôture de l'instruction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., a présenté le 30 juin 2017 une demande de pension de victime civile de guerre au titre des infirmités dénommées " éviscération de l'œil droit ", " déficits auditifs " et " traumatisme crânien " et qu'elle impute à une explosion survenue en 1957 pendant la guerre d'Algérie, que la ministre des armées a rejetée par une première décision du 24 octobre 2017. Saisi du recours de Mme B... épouse A... contre cette décision, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, par jugement rendu avant dire droit le
30 août 2019, sursis à statuer sur sa demande et ordonné une expertise médicale aux fins de décrire les infirmités dont elle souffre, et de déterminer le taux d'aggravation imputable au service et le caractère curable ou non de ces affections. Après nouvel examen de la demande de pension de Mme B... épouse A..., et au vu des nouveaux éléments produits par
celle-ci, la ministre des armées a pris une deuxième décision de refus le 9 avril 2019. Par une ordonnance du 21 mars 2023, dont Mme B... épouse A... relève régulièrement appel, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille lui a donné acte du désistement de sa requête tendant à l'annulation de cette décision de refus et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui accorder le bénéfice d'une pension.
Sur l'admission de Mme B... épouse A... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président.(...) / L'aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d'aide juridictionnelle établit l'insuffisance des ressources ".
3. Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de
Mme B... épouse A..., et alors qu'en vertu de l'article L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'aide juridictionnelle est accordée de plein droit notamment aux auteurs de recours formés contre les décisions rendues en matière de pensions de victimes civiles de guerre, il y a lieu, ainsi d'ailleurs qu'elle le demande, de prononcer l'admission provisoire de l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé de l'appel de Mme B... épouse A... :
4. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ".
A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé en application des dispositions qui viennent d'être citées, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par ces dispositions, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1.
5. Il ressort des pièces soumises au tribunal que tant la demande de Mme B... épouse A... du 7 novembre 2019 contre la décision du 9 avril 2019 refusant une deuxième fois de lui accorder une pension militaire d'invalidité, telle que complétée le 6 mai 2020, que les écritures en défense produites par le ministre des armées les 6 avril et 26 juin 2020, étaient présentées comme conditionnées aux opérations d'expertise ordonnées avant dire droit par le jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 30 août 2019 et sollicitaient d'ailleurs la jonction de l'instance avec celle ayant donné lieu à ce jugement. Certes, au jour où le président de la troisième chambre du tribunal a invité la requérante à confirmer le maintien de sa demande, celle-ci n'avait pas produit de nouvelles écritures depuis presque trois années. Mais il est constant, d'une part, que l'intéressée a saisi l'expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille de cinq demandes tendant à l'organisation d'une réunion d'expertise, la dernière datant du 22 octobre 2020, d'autre part qu'elle a demandé en conséquence au tribunal administratif, le 1er octobre 2020, le report de la clôture d'instruction, dont la date indicative avait été communiquée en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative le 11 juin 2020, ainsi que le cas échéant la désignation d'un nouvel expert, et enfin que l'expert judiciaire a informé la juridiction, par courrier du 2 janvier 2023, qu'il ne souhaitait plus accomplir sa mission, faute d'avoir reçu la somme de 2 300 euros qu'il réclamait à titre provisionnel pour lui et son sapiteur, sans que le tribunal, qui était tenu d'assurer le suivi de la mesure d'instruction, procède à la désignation d'un nouvel expert.
6. Compte tenu de l'ensemble des circonstances énoncées au point précédent, qui ne permettaient pas de s'interroger sur l'intérêt que la requête de Mme B... épouse A... conservait pour elle, et alors au demeurant que celle-ci a présenté le 11 mars 2023 un mémoire confirmant expressément et formellement le maintien de sa demande, soit dans le délai
d'un mois imparti par le courrier du 10 février 2023, qui est un délai franc, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, en regardant l'absence de réponse de l'intéressée à son courrier du 8 février 2023 comme traduisant une renonciation de sa part à l'instance introduite. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de l'appel, l'ordonnance donnant acte de son désistement doit être annulée. Dès lors qu'aucune des parties à l'instance n'a saisi la Cour de conclusions au fond, l'affaire doit être renvoyée au tribunal.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de
Mme B... épouse A... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Mme B... épouse A... est admise au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'ordonnance n° 1909393 rendue le 21 mars 2023 par le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... épouse A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A...,
à Me Candon et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.
N° 23MA013082