CAA de LYON, 3ème chambre, 13/09/2023, 21LY00894, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 septembre 2023
Num21LY00894
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurM. Joël ARNOULD
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsSELARL ITINERAIRES AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision prise par le maire de la commune de Vienne le 12 novembre 2018 rejetant sa réclamation indemnitaire préalable ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, la réalisation d'une expertise ;
3°) de condamner la commune de Vienne à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision à faire valoir sur les dommages et intérêts pour les préjudices subis suite à l'accident de service du 3 décembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Vienne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1807577 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 mars 2021 et un mémoire enregistré le 9 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Ollivier puis par Me Messerly, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2021 ;
2°) d'ordonner, avant dire droit, la réalisation d'une expertise ;
3°) de condamner la commune de Vienne à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision à faire valoir sur les dommages et intérêts pour les préjudices subis suite à l'accident de service du 3 décembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Vienne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la commune de Vienne a commis une faute, en lui confiant des tâches contraires aux préconisations médicales le concernant, en méconnaissance de son obligation de sécurité ;
- en l'absence même de faute, la commune de Vienne est tenue de réparer les préjudices causés par son accident de service, qui ne sont pas réparés par le forfait de pension perçu ;
- aucune faute ou imprudence ne lui est imputable ;
- ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ne pouvant être déterminés, la réalisation d'une expertise doit être ordonnée avant dire droit.


Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2022, la commune de Vienne, représentée par la SELARL Itinéraires avocats Cadoz Lacroix Rey Verne, agissant par Me Verne, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code du travail ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Messerly, avocate de M. A..., et celles de Me Benyahia, avocate, représentant la commune de Vienne ;


Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique de 1ere classe, employé depuis le 1er octobre 2012 en qualité de responsable de l'équipe funéraire de la commune de Vienne, relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que ladite commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices causés par un accident de service survenu le 3 décembre 2014.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardés comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, rendu applicable aux collectivités territoriales par l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) ". Le manquement à l'obligation de sécurité et de protection de la santé des agents par l'administration est susceptible de constituer une faute de nature à engager sa responsabilité.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de ses déclarations d'accident, que, le 3 décembre 2014, M. A... a ressenti une douleur au dos et aux genoux après avoir déplacé une plaque funéraire pendant son service. Si cet évènement a été reconnu comme un accident de service, il est constant que l'intéressé, reconnu travailleur handicapé en raison notamment de rhumatismes chroniques, faisait l'objet de restrictions médicales lui interdisant, en particulier, le port de charges supérieures à 5 kilogrammes, comme indiqué lors de l'examen d'aptitude du 4 octobre 2012 qui a précédé sa prise de fonctions. Le nécessaire respect de ces restrictions lui a été régulièrement rappelé par sa supérieure, en dernier lieu par courriers électroniques des 23 et 24 janvier 2014. M. A... avait ainsi parfaitement connaissance de ces restrictions, sans qu'il n'établisse, notamment par les fiches de poste produites, que la tâche à l'origine de cet accident relevait de ses missions ou lui aurait été imposée par son employeur. Cette tâche ayant été effectuée par l'intéressé de sa propre initiative et en méconnaissance des restrictions dont il faisait l'objet, l'accident qui s'en est suivi n'est pas imputable à une faute commise par la collectivité dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Par suite, et quelles que soient les tâches qui ont pu, en d'autres occasions, lui être confiées, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de la commune de Vienne.
5. En second lieu, et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la responsabilité sans faute de l'autorité administrative peut être atténuée ou supprimée dans le cas où l'accident est imputable à une faute de la victime. Comme indiqué au paragraphe précédent, la tâche à l'origine de l'accident de service survenu le 3 décembre 2014 a été effectuée par M. A... à sa seule initiative, en méconnaissance de restrictions médicales dont il avait parfaitement connaissance et qui lui avaient été précédemment rappelées. Par suite, la survenance de cet accident a pour seule origine le comportement fautif de M. A..., lequel est de nature à exonérer la commune de Vienne de toute responsabilité. Au surplus, l'intéressé n'apporte aucun élément tendant à établir qu'il aurait subi des préjudices autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cet accident, déjà forfaitairement indemnisés, en se bornant à évoquer des préjudices notamment patrimoniaux sans autres précisions. Par suite, M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Vienne.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la réalisation d'une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Vienne en application de ces mêmes dispositions.


DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. B... A..., est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vienne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Vienne.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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