CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 25/09/2023, 21MA03237, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 2 juillet 2019 par laquelle le président de l'université de Corse l'a déclarée définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et à toutes fonctions et l'a placée en retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2019 et de surseoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise dans le cadre de l'instance en référé n° 1901378 ou d'ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise.
Par un jugement n° 1901211 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2021, l'université de Corse, représentée par Me Carreras Vinciguerra, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande de Mme C... alors que cette dernière sollicitait l'annulation d'un acte préparatoire ne lui faisant pas grief ;
- en vertu des dispositions combinées de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, de l'article 2 du décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 et de l'article R. 49 bis du code des pensions, le président de l'université a reçu délégation de compétence pour prononcer l'admission à la retraite de Mme C..., adjointe technique de recherche et de formation ;
- les conditions de sa mise à la retraite d'office étaient réunies, l'intéressée ne justifiant pas que les pathologies la rendant apte de manière totale et définitive sont imputables au service.
Mme C... a été mise en demeure de produire ses conclusions le 13 janvier 2023.
Un courrier du 12 juin 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 3 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code l'éducation ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 ;
- l'arrêté (nor : ESRH1719924A) du 24 juillet 2017 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 2 juillet 2019, le président de l'université de Corse a déclaré Mme C... définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et à toutes fonctions et l'a placée en retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2019. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par le jugement du 9 juillet 2021, le tribunal administratif a fait droit à cette demande. L'université de Corse relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance de Mme C... :
2. La décision en litige du 2 juillet 2019 du président de l'université de Corse dispose, dans son article 1er, que " l'état de santé de Mme C... est consolidé le 3 mars 2019 ", dans son article 2, que " Mme C... (...) est reconnue inapte définitivement à l'exercice de ses fonctions et à toutes fonctions et est donc placée en retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2019 " et, dans son article 3, que " les pathologies reconnues comme rendant inapte Mme C... à ses fonctions et à toutes fonctions ne sont pas imputables au service ". Contrairement à ce que soutient l'université de Corse, une telle décision ne saurait être regardée comme un acte préparatoire ou un simple avis insusceptible de recours. La circonstance que cette décision n'a pas été exécutée, ou que l'intéressée a tenté de retarder par tout moyen la transmission de son dossier d'admission à la retraite, est sans incidence sur cette analyse. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'université de Corse ne peut être accueillie.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date de la décision : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée. / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. ".
4. Aux termes de l'article L. 29 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. ".
5. Aux termes de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par le conseil médical mentionné à l'article L. 28 selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 951-3 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut déléguer par arrêté aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels titulaires, stagiaires et non titulaires de l'Etat qui relèvent de son autorité, dans la limite des emplois inscrits dans la loi de finances et attribués à l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 951-3 du même code : " Pour tous les actes relevant de leur compétence, les présidents des universités et les présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur peuvent déléguer, par arrêté, leur signature au secrétaire général de l'établissement et, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, à un fonctionnaire de catégorie A placé directement sous l'autorité de ce dernier. Ces délégations fixent les actes et les corps auxquels elles s'appliquent. / Pour les personnels mentionnés aux 2° et 4° de l'article R. 951-1, les présidents des universités peuvent déléguer, par arrêté, leur signature au directeur de l'unité de formation et de recherche de médecine, d'odontologie ou de pharmacie concernée ou, à défaut, au directeur du département qui assure ces formations. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 24 juillet 2017, dans sa rédaction applicable : " Les pouvoirs délégués aux présidents et directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur pour la gestion des personnels (...) sont les suivants : (...) 8° Reconnaissance de l'état d'invalidité temporaire et ouverture du droit au versement de l'allocation d'invalidité temporaire et, le cas échéant, à la majoration pour tierce personne ; (...) 22° Admission à la retraite. ".
7. La décision attaquée place Mme C..., adjointe technique principale de recherche et de formation, en retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2019, son inaptitude totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions ayant été reconnue à raison de pathologies non imputables au service. Toutefois, si les présidents d'université ont reçu délégation de pouvoir, d'une part, pour reconnaître l'état d'invalidité temporaire et, d'autre part, pour prononcer l'admission à la retraite des agents techniques de recherche et de formation, ils n'ont en revanche pas reçu délégation de pouvoir pour prononcer l'admission à la retraite pour invalidité, compétence qui ressortit, en vertu des dispositions législatives de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite, non à la seule compétence du ministre en charge de l'enseignement supérieur, mais à la compétence conjointe de ce ministre et du ministre en charge des finances.
8. Il résulte de ce qui précède que l'université de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du président de l'université du 2 juillet 2019 pour incompétence.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'université de Corse dirigées contre Mme C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'université de Corse est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Corse et à Mme B... A... épouse C....
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 septembre 2023.
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N° 21MA03237