CAA de NANCY, 4ème chambre, 19/12/2023, 21NC00089, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 décembre 2023
Num21NC00089
JuridictionNancy
Formation4ème chambre
PresidentMme GHISU-DEPARIS
RapporteurMme Sophie ROUSSAUX
CommissaireM. MICHEL
AvocatsNIANGO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Besançon, d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Besançon la demande de M. B....

Par un jugement n° 1901798 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 janvier 2021 et le 20 juin 2022, M. B..., représenté par Me Niango, demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- les premiers juges se sont fondés sur des données inexactes ;
- son état de santé s'est aggravé avant le 13 janvier 2015, date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; c'est donc à tort que l'administration lui a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité alors que le taux de ses infirmités pensionnées s'est aggravé de 15,25 % :
. l'administration a fondé son refus sur une simple information orale du patient à son médecin, selon laquelle il aurait décrit une aggravation de ses infirmités à compter de 2016 ;
. l'expert judiciaire, dans son rapport du 31 janvier 2019, a sous-évalué l'importance de l'aggravation de ses infirmités en retenant uniquement une aggravation à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche alors qu'elles se sont aggravées à hauteur de 15 % chacune ; il y a lieu de retenir un taux d'invalidité de 55 % pour son épaule droite et un taux de 40 % pour son épaule gauche, soit une invalidité de 75,25 % après application de la règle de Balthazard et donc une aggravation de 15,25 % par rapport au taux pensionné par l'arrêté du 24 février 2014.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2021, le 26 juillet 2022, le 8 août 2022 et le 25 août 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :
- l'administration doit se placer à la date de la demande de révision de la pension, soit le 13 janvier 2015 en l'espèce, pour évaluer le degré d'invalidité des infirmités invoquées, conformément à l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; or, les infirmités pour lesquelles l'intéressé est pensionné se sont aggravées seulement à compter de 2016, soit postérieurement à la date de la demande de révision de pension enregistrée le 13 janvier 2015 ;
- en tout état de cause, même si les aggravations constatées par l'expert judiciaire étaient antérieures à 2016, il conviendrait de les rejeter en application de l'article L. 29 du même code car elles sont inférieures au taux de 10 % ;
- les certificats des 13 novembre 2017 et 4 septembre 2017 doivent être écartés des débats car ils ne sont pas contemporains à la demande de révision de pension du 13 janvier 2015 et celui du 24 novembre 2020, dont le requérant se prévaut, n'a jamais été produit à l'instance ;
- les données de l'examen clinique relevées le 4 novembre 2016 ne sont pas contemporaines à la demande de révision du 13 janvier 2015 et le médecin n'a pas motivé son rapport, se contentant d'indiquer les doléances de M. B... ;
- seule l'expertise réalisée le 9 juillet 2015 est contemporaine à la demande de révision de la pension du requérant et cette dernière conclut à un taux d'infirmité de 25 % pour l'épaule droite et de 25 % pour l'épaule gauche ;
- le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 30 octobre 2015 a constaté une amélioration de l'épaule droite et de l'épaule gauche mais ces infirmités étant indemnisées à titre définitif, les taux acquis de 40 % et de 25 % ne peuvent qu'être maintenus ;
- le requérant ne saurait se prévaloir d'un certificat médical établi pour une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées car les critères d'attribution différent entre ces deux législations.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Niango, représentant M. B....


Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été blessé, en 1981, à l'occasion de l'exercice de son service militaire. Par un arrêté du 19 mars 1985, une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 40 % lui a été concédée pour une infirmité relative aux " séquelles de compression sus-claviculaire droite ". Par un arrêté du 24 février 2014, sa pension a été révisée au taux de 60 % en intégrant une seconde infirmité relative à des " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical ". Le 13 janvier 2015, l'intéressé a présenté une nouvelle demande de révision de sa pension au motif que ses infirmités se sont aggravées. Par un jugement avant dire droit du 13 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Besançon a nommé un expert judiciaire qui a rendu son rapport le 31 janvier 2019. Par une décision du 21 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande de révision de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 21 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Aux termes de l'article L. 14, alors en vigueur, de ce même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte enfin de l'article L. 9, alors en vigueur, de ce même code que : " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Enfin, quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite la révision de celle-ci du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entrainant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités déjà pensionnées et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires. La règle de l'arrondi énoncée à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne s'applique, le cas échéant, qu'une fois obtenu le degré global d'invalidité pour déterminer le taux de pension correspondant.

4. En l'espèce, l'arrêté du 24 février 2014 du ministre des armées portant concession à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 60 % à M. B... et pour lequel ce dernier sollicite une révision, indemnise la première infirmité " séquelles de compressions sus-claviculaires droites-Antépulsion et abduction limitée à 40°. Rétropulsion à 30°. Importante amyotrophie du deltoïde. Paralysie sensitive motrice du circonflexe droit chez un sujet droitier " au taux de 40 % et la seconde infirmité " séquelles de réfection de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche avec acromioplastie compliquée d'un syndrome algodystrophique post-chirurgical. Abduction à 20° antépulsion à 20° et limitation sévère des mouvements de rotation " au taux de 25 % avec un correctif de 5 %.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 31 janvier 2019 que si les deux infirmités de M. B... se sont aggravées, à hauteur de 5 % chacune, soit un taux d'invalidité de 45 % pour son épaule droite et de 30 % pour son épaule gauche, ces aggravations ont été constatées à compter de 2016, soit postérieurement au 13 janvier 2015, date de la demande de révision de sa pension, alors qu'une évolution stable de ses infirmités avait été remarquée depuis 2012.

6. Si le requérant fait valoir que ses infirmités se sont aggravées avant sa demande de révision, il résulte de l'expertise du 9 juillet 2015 du médecin généraliste, désigné dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de M. B..., que les deux infirmités se sont améliorées par rapport à 2014 au regard des amplitudes articulaires des épaules droite et gauche, l'expert évaluant le taux de ses infirmités respectivement à 25 % (épaule droite) et 25 % (épaule gauche). Il résulte également de l'avis émis le 30 octobre 2015 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité, qu'une amélioration des amplitudes articulaires des deux épaules a été constatée, les abductions étant désormais à 90°. Enfin, les certificats produits par le requérant des 30 septembre et 4 novembre 2016 et des 4 septembre et 13 novembre 2017, ne sont pas contemporains à la date de la demande de révision de M. B... et ne sont, au surplus, pas de nature à démontrer que le taux des infirmités se serait aggravé de 10 %.

7. Dans la mesure où à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité aucune aggravation supérieure au taux de 10 %, ouvrant droit à révision selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'a été constatée pour les deux infimités pensionnées, le ministre de la défense a pu légalement refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. B....

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du 21 septembre 2016 du ministre de la défense de réviser sa pension militaire d'invalidité.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.


La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. A...
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M.A...
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N° 21NC00089