CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/11/2024, 23MA00314, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une première requête, enregistrée sous le n° 2004123, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la gestion fautive de ses demandes de placement en congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité, et d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2004123 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2101075, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 à son encontre par le SDIS des Hautes-Alpes pour un montant de 20 156,34 euros.
Par un jugement n° 2101075 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la Cour :
I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024 sous le n° 23MA00314, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2004123 du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2022 ;
2°) d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser la situation administrative de
M. C... B..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis par M. C... B... ;
4°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conséquences de la faute commise en tardant à se prononcer sur la demande de congé de longue maladie de son père, ne se limitent pas à une simple compensation financière mais s'étendent à la perte de chance d'être placé dans la position administrative adéquate, correspondant à la perte d'une chance de percevoir la bonification au titre des services accomplis en qualité de sapeur-pompier professionnel, en vertu de l'article 15-II-2° du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- les préjudices subis en conséquence sont en premier lieu, l'interruption prématurée, en juin 2019, de la perception de la compensation " perte de salaires " qu'il avait souscrite, en deuxième lieu, un trop-perçu de son employeur d'un montant de 20 156,34 euros, objet d'un titre exécutoire, en troisième lieu, un trop-perçu de sa mutuelle d'un montant de 15 930,99 euros, en quatrième lieu, une perte des compléments de six mois de revenus de sa mutuelle pour la somme de 3 000 euros et des compléments de primes été-hiver 2019 pour la somme de 1 474,40 euros, en cinquième lieu, le non-remboursement par l'assurance de son prêt immobilier des intérêts d'emprunt des mois de juillet et d'août 2019 d'un montant de 900 euros, et en dernier lieu, un préjudice psychologique et un préjudice moral ;
- la situation administrative de M. C... B... doit être régularisée, celui-ci n'ayant jamais fait l'objet d'un placement en disponibilité d'office dans l'attente de sa mise en retraite pour invalidité.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 9 novembre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier ;
- à titre subsidiaire, les moyens d'appel ne sont pas fondés, aucune faute dans l'instruction de la demande de congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité de M. C... B... ou dans le traitement de sa situation financière n'a été commise, et l'établissement n'étant à l'origine d'aucun préjudice pour lui.
II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23MA00315, le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 par le SDIS des Hautes-Alpes à l'encontre de M. C... B... pour un montant de 20 156,34 euros et de le décharger du paiement de cette somme ;
2°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, en application de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et dans la mesure où les pièces justificatives qui ont été remises à M. C... B... par son administration ne sont pas de nature à lui permettre d'identifier la nature ou le motif du versement prétendument irrégulier dont il a bénéficié, l'irrégularité de celui-ci ne peut être considérée comme évidente, et la créance invoquée est donc prescrite ;
- à titre subsidiaire, l'émission de ce titre exécutoire procède d'une erreur et d'une négligence fautive, et de la faute commise par le SDIS dans la gestion anormalement longue de sa demande de congé de longue maladie, reconnue par jugement du tribunal administratif de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 octobre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier, de son intérêt propre à contester le titre exécutoire qui ne le vise pas ;
- à titre subsidiaire, la requête d'appel n'est pas fondée dès lors que seule est sollicitée l'annulation du titre exécutoire, dont la contestation relève du plein contentieux, que la créance en cause n'est pas prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, qu'aucune faute n'a été commise et que les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du SDIS sont irrecevables, faute de demande préalable, et ne sont pas fondées en tout état de cause.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Morabito, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., sapeur-pompier professionnel en poste au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes, placé en congé de maladie ordinaire à compter du 15 mars 2016, a présenté le 5 avril 2017 une demande de congé de longue maladie à laquelle le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit, après avis favorable du comité médical du 18 juillet 2019, par un arrêté du 13 décembre 2019, pour la période du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. M. B... a été admis à la retraite pour invalidité à sa demande, à compter du 27 septembre 2019, par un arrêté du 7 février 2020. Par un titre émis et rendu exécutoire le 15 décembre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS a recherché le paiement par M. B... de la somme de 20 156,34 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020. Par un premier jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B..., venant aux droits de son père, M. C... B..., décédé le 23 novembre 2021, relève appel par sa requête n° 23MA00314, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion selon lui fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité, et à ce qu'il soit enjoint à cet établissement public de régulariser sa situation administrative. Par un second jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B... doit être regardé comme relevant appel en cette même qualité, par sa requête n° 23MA00315, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande M. C... B... tendant à l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020 et à la décharge du paiement de la somme de 20 156,34 euros.
2. Les requêtes n°s 23MA00314 et 23MA00315 sont relatives à la carrière d'un même agent public et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 23MA00314 :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
3. M. C... B... étant décédé le 23 novembre 2021, les conclusions de M. A... B..., venant aux droits de son père, tendant à ce qu'il soit enjoint à son ancien employeur, le SDIS des Hautes-Alpes, de régulariser sa situation administrative de sapeur-pompier professionnel en prononçant rétroactivement sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé, à les supposer présentées accessoirement à des conclusions dirigées contre le refus tacite de faire droit à la demande de M. B... relative à cette régularisation, sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :
4. D'une part, il ressort des écritures produites dans le délai d'appel par M. A... B... que celui-ci ne s'est pas borné à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par le SDIS des Hautes-Alpes de ce que la requête serait irrecevable, faute de satisfaire aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, doit être écartée.
5. D'autre part, M. A... B..., qui agit en sa qualité d'unique héritier de M. C... B..., son père, dont il a accepté la succession, et qui en justifie suffisamment aux dossiers d'instance, par la production d'un acte de notoriété du 16 décembre 2021 et d'un courrier du centre des finances publiques de Gap du 7 mai 2024, est recevable, en venant aux droits à indemnisation de celui-ci nés avant son décès, à interjeter appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de cet agent public tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion prétendument fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... :
S'agissant des fautes alléguées :
6. Il résulte de l'instruction que M. C... B..., placé en congé de maladie ordinaire depuis le 15 mars 2016, a présenté une demande de congé de longue maladie le
15 mars 2017, qui a été reçue par le SDIS des Hautes-Alpes le 5 avril 2017 selon les dires de
celui-ci qui ne sont pas contestés par l'appelant. Si, dès le 12 avril 2017, le SDIS a saisi de cette demande le comité médical ainsi que le centre de gestion qui ont désigné un médecin psychiatre, lequel a rendu son rapport d'expertise le 6 juin 2017, et si, par un arrêté du 3 juin 2017, le président du conseil d'administration du SDIS a placé d'office M. B... en position de mise en disposition à compter du 21 mars 2017, à demi-traitement, jusqu'à l'intervention de l'avis de ce comité, cet organisme n'a rendu un avis favorable à l'octroi de ce congé que le 18 juillet 2019 et ce n'est que par un arrêté du 13 décembre 2019 que le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit à la demande de M. B.... En prétendant que ce retard pour statuer sur la demande de congé de M. B... est imputable au comité médical, le SDIS ne livre aucun élément propre à justifier que, en sa qualité d'employeur de l'agent concerné, il ait entrepris d'adresser des relances à cet organisme et toute autre démarche propre à assurer le traitement de la demande de son agent. La circonstance que M. B... n'a pas donné suite à la lettre du 31 janvier 2018 par laquelle le directeur départemental d'incendie et de secours lui indiquait ne pas disposer de toutes les informations récentes sur son absence, sa situation et ses intentions, alors que le SDIS ne précise pas la nature des informations dont l'absence aurait fait obstacle au traitement utile de la demande de congé de longue maladie, est sans incidence sur le caractère fautif de l'inertie de ses services. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le retard du SDIS dans le traitement de la demande de congé de longue maladie de M. B... revêt un caractère fautif, de nature à engager sa responsabilité envers celui-ci.
7. En revanche, et d'une part, il résulte de l'instruction que sur réception le
17 décembre 2018 de la demande de M. B..., présentée le 12 décembre 2018, tendant à son admission à la retraite pour invalidité, le SDIS a saisi l'expert psychiatre le 22 mars 2019. S'il est constant que cette saisine fait suite à deux courriers de relance de l'intéressé et d'un représentant syndical, et si l'avis du comité médical, le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction a été rendu le 18 juillet 2019, l'expert psychiatre, qui avait rendu son premier rapport le 17 avril 2019, a dû en établir un autre, le 5 juin 2019, à la demande du médecin de prévention du centre de gestion des Hautes-Alpes. En outre, à la suite de l'avis d'inaptitude émis par le comité médical le 18 juillet 2019, la commission de réforme, saisie dans les plus brefs délais du cas de M. B..., a rendu le 26 septembre 2019 son avis le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction, favorable à son admission à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019. Enfin, alors que le SDIS a adressé le dossier de M. B... à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales le 18 décembre 2019, après avoir attendu la réception du rapport complet de l'expert psychiatre, il affirme sans être contredit avoir dû saisir de nouveau la caisse du dossier de l'agent avant de signer, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité à compter du
27 septembre 2019. L'ensemble de ces circonstances ne traduisent pas de retard fautif dans l'engagement et le traitement par le SDIS des Hautes-Alpes de la procédure de mise à la retraite pour invalidité de M. B....
8. D'autre part, la seule circonstance que l'arrêté de mise à la retraite pour invalidité,
par sa date de prise d'effet, n'a pas ouvert à M. B... droit à la bonification de pension instituée par le 2° du II de l'article 15 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales,
au bénéfice des sapeurs-pompiers professionnels " admis à la retraite à compter de
cinquante-sept ans, qui ont accompli vingt-sept ans de services effectifs " " dont dix-sept en qualité de sapeurs-pompiers professionnels ", ne rend pas illégal cet arrêté. Si M. B... a entendu invoquer également, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, la rétroactivité illégale de cet arrêté, il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs que l'a jugé la Cour dans son arrêt n° 23MA00313 du 19 décembre 2023, contre lequel le pourvoi en cassation du requérant n'a pas été admis, que cette date de prise d'effet, au 27 septembre 2019, se justifie par la nécessité de placer M. B... dans une situation régulière, alors que celui-ci avait été déclaré inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions comme de toute fonction dès le 15 mars 2019, par l'avis du comité médical du 18 juillet 2019. Le SDIS des Hautes-Alpes n'a donc pas commis de faute en signant, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité.
En ce qui concerne les préjudices subis :
9. Premièrement, M. B... soutient que si le congé de longue maladie lui avait été accordé sans retard, dès le 15 mars 2016, sa mutuelle, auprès de laquelle il avait souscrit un contrat garantissant le maintien de son salaire pendant trois ans en cas de congé de maladie, n'aurait pas eu à le faire bénéficier de cet avantage contractuel au cours de l'année 2016-2017 et cette garantie aurait dû lui profiter jusqu'en juin 2020, et non jusqu'en juin 2019. Mais dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... n'a présenté sa demande de congé de longue maladie que le 5 avril 2017 et où il a été fait droit à cette demande pour la période du 15 mars 2016 au
15 mars 2019, le requérant ne peut utilement invoquer un dommage causé par l'absence de décision intervenue avant le 5 avril 2017, ni, par suite, une perte de chance subie par son père de percevoir une année supplémentaire de la garantie contractuelle de maintien de salaire.
10. Deuxièmement, il ne résulte pas de l'instruction que si le SDIS s'était prononcé dans un délai raisonnable sur la demande de congé de M. B..., sa mutuelle, qu'il a saisie dans les plus brefs délais après le début de son congé de maladie ordinaire, le 15 mars 2016, n'aurait pas été amenée à lui verser comme elle l'a fait, en application de son contrat de garantie, un complément de salaire pour la période du 15 juin 2016 au 15 avril 2017. Ainsi, et alors que le SDIS a versé à M. B... son entier traitement de juin 2019 à mars 2020, dès avant le traitement effectif de sa demande de congé de longue maladie, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que l'obligation faite à son père par sa mutuelle, par lettre du 13 janvier 2020, de lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées de juin 2016 à avril 2017, qui découle du versement rétroactif du plein traitement de l'agent en application de l'arrêté du 13 décembre 2019 lui accordant ce congé, serait la conséquence directe du retard fautif à statuer sur cette demande. Il en va de même, par voie de conséquence, des difficultés financières de M. B... et des frais bancaires subis que l'appelant prête à cette obligation de rembourser.
11. Troisièmement, l'affirmation selon laquelle le SDIS se serait abstenu de communiquer à la mutuelle de M. B... des documents qu'elle aurait sollicités, mais dont le requérant ne précise ni la nature ni la teneur, et dont l'absence aurait fait obstacle au versement du complément de ses primes pour la période " été/hiver 2019 ", d'un montant total de 1 474,40 euros, n'est étayée par aucun élément permettant d'accréditer l'existence d'un tel chef de préjudice.
12. Quatrièmement, la circonstance que les sommes reçues par M. B... de son employeur, de juin 2019 à mars 2020, pour compléter son traitement mensuel malgré sa position, au cours de cette période, de mise en disponibilité d'office à demi-traitement, et récupérées par le SDIS suivant avis des sommes à payer du 15 décembre 2020, ont induit un surcroît d'imposition, est sans lien direct avec le retard fautif à statuer sur sa demande de congé de longue maladie.
13. Cinquièmement, en revanche, un tel retard a causé à M. C... B..., dont l'état psychologique ayant justifié son placement en congé de maladie le rendait plus vulnérable aux désagréments administratifs, un préjudice moral qu'il convient de réparer en allouant au requérant, venant aux droits de la victime, la somme de 2 000 euros.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à verser à M. A... B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. C... B..., de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette condamnation, et de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires de l'appelant.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par le SDIS des Hautes-Alpes, partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, dans la présente instance, à la charge du SDIS des Hautes-Alpes, une somme au titre de ces mêmes dispositions.
Sur la requête n° 23MA00315 :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :
16. M. A... B..., qui, pour interjeter appel du jugement n° 2101075, ne s'est pas borné dans le délai d'appel à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance, a suffisamment motivé sa requête, contrairement à ce que soutient le SDIS des Hautes-Alpes.
17. En outre, dès lors que M. A... B... est venu devant le tribunal aux droits de M. C... B..., en sa qualité d'unique héritier de ce dernier dont il a accepté la succession, ainsi qu'il a été dit au point 5, et qu'il a ainsi repris cette instance relative à l'opposition à exécution du titre exécutoire du 15 décembre 2020, il avait qualité pour interjeter appel du jugement rejetant cette demande.
18. La requête d'appel formée par M. A... B... est donc recevable.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
19. D'une part, en demandant au tribunal l'annulation du titre exécutoire du
15 décembre 2020 portant sur la somme de 20 156,34 euros, et en développant à l'appui de cette demande, des moyens tendant au bien-fondé de cette créance, M. C... B... devait être regardé comme sollicitant, ainsi qu'il le fait expressément devant la Cour dans le dernier état de ses écritures, la décharge du paiement de cette somme.
20. D'autre part, de telles prétentions, qui visent à s'opposer à l'exécution de ce titre de recettes, et non à obtenir la condamnation de la personne publique qui est l'auteur de cette décision à verser au requérant une indemnité en réparation de préjudices subis, n'ont pas à être précédées d'une demande d'indemnisation, alors même qu'elles se fondent notamment sur la faute commise par l'administration en lui versant, à tort, la somme dont elle a tardé à lui réclamer le remboursement. La fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut qu'être écartée.
21. Enfin, si le titre exécutoire en litige vise M. C... B... comme redevable à l'égard du SDIS des Hautes-Alpes de la somme de 20 156,34 euros, M. A... B..., en ce qu'il est l'unique héritier de M. C... B..., son père, décédé le 23 novembre 2021 ainsi qu'il a été dit, et en ce qu'il a accepté sa succession, est devenu à son tour redevable de cette somme. Il était dès lors recevable à venir, au cours de la première instance, aux droits de M. C... B... pour exercer l'opposition à l'exécution de ce titre.
22. Le SDIS des Hautes-Alpes n'est donc pas fondé à prétendre que la demande de première instance n'était pas recevable.
En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre principal :
23. Aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ".
24. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article
37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.
25. Il résulte de l'instruction, et il est du reste constant, que la somme de 20 156,34 euros dont le SDIS recherche le paiement auprès de M. B... par le titre exécutoire en litige correspond à un trop-perçu de traitements pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020,
M. B... ayant alors reçu de son employeur l'intégralité de son traitement au lieu du
demi-traitement mensuel qui lui était dû en raison de son placement en congé de longue maladie jusqu'au 15 mars 2019 et de son placement, dès le 3 juin 2017, en disponibilité d'office à
demi-traitement jusqu'à l'avis du comité médical. Il en résulte que, conformément aux règles énoncées au point 4, la créance du SDIS n'était pas atteinte par la prescription biennale instituée par les dispositions législatives citées au point 23 à la date à laquelle le titre litigieux a été émis et rendu exécutoire afin de recouvrer la somme en cause. M. B..., qui ne peut utilement prétendre ignorer l'irrégularité des versements dont il a bénéficié sur cette période, de surcroît en se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'application du statut des fonctionnaires européens, n'est donc pas fondé à se prévaloir de ces dispositions pour demander l'annulation du titre en litige.
En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre subsidiaire :
26. M. B... demande l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020, à titre subsidiaire, en invoquant les préjudices qu'il aurait subis du fait des fautes que le SDIS aurait commises, d'une part, en lui versant par erreur dès juin 2019 jusqu'au 31 mars 2020 un plein traitement au lieu d'un demi-traitement, et d'autre part, en n'émettant cet avis de la somme de 20 156,34 euros à payer, que le 15 décembre 2020, alors que l'irrégularité de ces versements était connue selon lui de son employeur depuis avril 2020.
27. Il est constant que sur la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020, M. C... B... a reçu à tort du SDIS des Hautes-Alpes l'intégralité de son traitement, alors qu'il n'aurait dû percevoir qu'un demi-traitement mensuel, compte tenu de son placement en position de mise en disponibilité d'office pour raison de santé avec maintien d'un demi-traitement par un arrêté du 3 juin 2017, et en position de congé de longue maladie, à titre rétroactif, du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. Si, contrairement à ce qu'affirme le SDIS, il ne résulte pas de l'instruction que le versement de ces sommes résulterait d'une demande de M. C... B..., à laquelle aurait fait droit un agent du SDIS, il résulte d'un échange de courriels des 5 et 26 juin 2019 entre l'intéressé et cet agent, que ce versement a été opéré dès le mois de juin 2019 au su de M. B... qui, par la suite, ne s'est pas opposé à sa reconduction. Si celui-ci affirme que ce versement ne serait jamais intervenu s'il avait pu bénéficier de son congé de longue maladie dès le 15 mars 2016, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 9, qu'il n'a présenté à son employeur une telle demande que le 5 avril 2017 et qu'il n'aurait pu être placé dans cette position de congé, à compter du 15 mars 2016, par une décision qui n'aurait pu être prise, au plus tôt, avant la fin de l'année 2017. Dans ces conditions, alors que le SDIS n'a émis le titre exécutoire propre à récupérer le trop-perçu de traitement, dont le versement a cessé dès le mois d'avril 2020, que
le 15 décembre 2020 et qu'une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur le montant et l'exigibilité de cette créance, la perception indue et prolongée par M. B... de son plein traitement pendant neuf mois a été rendue possible avec l'accord de l'intéressé, et non pas seulement par l'erreur et la carence de son administration. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu de la durée de cette carence, sur laquelle le SDIS n'apporte pas de justification sérieuse, et de l'importance des sommes en cause, rapportée aux revenus de leur redevable, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi, consistant en des troubles dans les conditions d'existence, en réduisant, eu égard aux circonstances de l'espèce, d'un tiers le montant de la somme due, et en ramenant ainsi celle-ci de 20 156,34 à 13 437,56 euros.
28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, et à obtenir que la somme due en exécution du titre de recettes du 15 décembre 2020 soit ramenée de 20 156,34 à 13 437,56 euros.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par le SDIS des Hautes-Alpes et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de de M. B... tendant à l'application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. B..., dans l'instance n° 23MA00314, tendant à l'annulation du refus tacite du président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative et à ce qu'il soit enjoint au SDIS de procéder à cette régularisation.
Article 2 : Le SDIS des Hautes-Alpes est condamné à verser à M. A... B..., venant aux droits de M. C... B..., la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Article 3 : La somme que M. A... B... doit au SDIS des Hautes-Alpes au titre du
trop-perçu de traitement par son père, M. C... B..., est ramenée de 20 156,34 euros à
13 437,56 euros.
Article 4 : Le jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 et le jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022 par le même tribunal est annulé.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
N° 23MA00314, 23MA003152