5958 results
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 27/02/2025, 23BX00219, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 25 juillet 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et de lui enjoindre de lui octroyer une pension au taux de 10 % à compter de la date de présentation de sa demande, le 10 octobre 2017. Par un jugement avant dire-droit en date du 30 novembre 2021, le tribunal , avant de statuer sur cette requête, a ordonné une expertise pour apprécier notamment la réalité des infirmités ou des maladies au titre desquelles le requérant a sollicité une pension militaire d'invalidité et pour déterminer leur origine ainsi que le taux d'invalidité en résultant. Par un jugement n° 2000115 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 25 juillet 2019 et a accordé à M. A... une pension miliaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 10 octobre 2017. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier 2023 et le 21 mai 2024, le ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - le tribunal n'a pas motivé son jugement en ce qui concerne l'évaluation du taux d'invalidité au jour de la demande de pension selon les modalités prévues par l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le tribunal a appliqué à tort le régime de la présomption légale d'imputabilité au cas de M. A... en l'absence de constat officiel de sa maladie au cours d'une période ouvrant droit à ce bénéfice ; la dermatose de M. A... a été constatée officiellement pour la première fois le 7 juin 2017, hors période de guerre ; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. A... n'entre pas dans le champ de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - alors que le taux d'invalidité doit être seulement déterminé en fonction de la gêne fonctionnelle objectivée à la date de la demande de pension, les experts s'accordent pour retenir une absence de déficit fonctionnel en lien avec la dermatose invoquée par M. A..., lequel ne présentait aucune dermatose ni aucune cicatrice à la date de sa demande ; il ne peut être tenu compte d'une maladie passée ni de son éventuelle récidive. Par des mémoires en défense enregistrés le 19 avril 2023 et le 4 juin 2024, M. A..., représenté par Me Mattler, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de confirmer le jugement du 21 novembre 2022 en toutes ses dispositions ; 3°) de le renvoyer devant l'administration afin qu'elle régularise sa situation financière selon les dispositions applicables du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance. Il soutient que : - la requête est irrecevable pour tardiveté, ayant été présentée au-delà du délai d'appel, qui expirait le 21 janvier 2023 ; - s'il a exposé devant le tribunal que la présomption légale d'imputabilité au service issue de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre devait lui être appliquée quelle que soit la nature de son infirmité, le tribunal n'a pas eu besoin d'y recourir, estimant que les conclusions de l'expert judiciaire et les pièces médicales versées au dossier étaient suffisantes pour lui permettre de regarder comme établie l'imputabilité de son infirmité au service, ce que le ministre a d'ailleurs admis en cours d'instance ; - le tribunal s'est référé à sa participation à différentes opérations extérieures non pour faire jouer la présomption mais pour justifier l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % exceptionnellement applicable en matière de maladie, en vertu de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le taux de 10 % retenu par l'expert judiciaire lui ouvrait droit à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité en application de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que les réactions allergiques et cutanées graves au titre desquelles il a présenté sa demande se sont développées au cours d'opérations extérieures ; le rapport circonstancié et l'attestation d'exposition évoquent une période d'exposition à certains allergènes (farines, crevettes, fruits de mer, détergents) courant de l'année 2007 ou 2008 jusqu'à 2017 ; - si, par son mémoire de première instance du 12 septembre 2022, le ministre soutient que sa situation n'entre pas dans le champ d'application de cet article, il l'avait pourtant visé dans la décision de rejet, laquelle se fonde uniquement sur l'absence de gêne fonctionnelle à la date de sa demande, et donc sur un taux nul ; - ses réactions allergiques sont intermittentes mais imprévisibles, avec un risque vital permanent de renouvellement d'un choc anaphylactique, nécessitant une trousse d'urgence ; cette situation entraîne un retentissement psychologique important en raison des contraintes sur son mode de vie ; l'allergie de contact causant la dermatose est " ancrée " dans ses cellules, avec un risque constant de récidive lors d'une nouvelle exposition aux allergènes ; c'est à bon droit que le tribunal a fixé un taux d'invalidité de 10 %, ainsi que proposé par l'expert judiciaire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; - l'arrêté du 9 décembre 2008 accordant aux militaires participant à des opérations extérieures sur les territoires de la République du Liban et d'Israël et de leurs eaux avoisinantes le bénéfice des dispositions de l'article L. 4123-4 du code de la défense ; - l'arrêté du 14 janvier 2011 accordant aux militaires participant à des opérations extérieures sur les territoires de la République du Liban et d'Israël et de leurs eaux avoisinantes le bénéfice des dispositions de l'article L. 4123-4 du code de la défense ; - le code de justice administrative. Par une ordonnance du 6 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juin 2024 à 12h00. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique, à laquelle les parties n'étaient ni présentes ni représentées : - le rapport de M. Antoine Rives, - et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien militaire entré en service le 19 février 2007 dans la Marine Nationale, unité Escadrille des Sous-marins Nucléaires d'Attaque, a été affecté en dernier lieu sur un emploi de boulanger et de cuisinier, avant de faire l'objet d'un arrêté portant réforme définitive et radiation des contrôles pour inaptitude physique le 4 juillet 2017. Par un jugement n° 2000115 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir ordonné avant dire droit la réalisation d'une expertise, a annulé la décision du 25 juillet 2019 par laquelle le ministre des armées a rejeté la demande de M. A... en date du 10 octobre 2017 tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, et lui a accordé une pension à compter du 10 octobre 2017. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... : 2. Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application des règles définies à l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant. 3. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au ministre des armées le 21 novembre 2022. Le 22 janvier étant un dimanche, le délai d'appel de deux mois a donc expiré le 23 janvier 2023. La requête d'appel du ministre des armées a été enregistrée au greffe de la cour le jour même de l'expiration du délai d'appel. Elle a ainsi été présentée dans le délai prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, et est, par suite, recevable. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :/ 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée :/ a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ;/ b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ;/ 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1° (...)/ La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas./ (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée :(...) 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Selon l'article L. 121-6 du même code " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli : 1° En temps de guerre ou au cours d'expéditions déclarées campagnes de guerre ou ouvrant droit au bénéfice de la campagne double ; 2° En captivité ; 3° En opérations extérieures. / La même dérogation s'applique à l'aggravation, par le fait ou à l'occasion du service accompli au cours des périodes définies aux 1°, 2° et 3°, d'une infirmité étrangère au service. ". Selon l'article L. 4123-4 du code de la défense : " Les militaires participant à des opérations extérieures ainsi que leurs ayants cause bénéficient : 1° Des dispositions des articles L. 121-1 à L. 121-3, L. 121-6, L. 125-6 (...) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; (...) / L'ouverture des droits susmentionnés s'effectue, pour chaque opération, par arrêté interministériel. (...). ". 5. Pour l'application de ces dispositions, d'une part, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. Lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 6. Il résulte des pièces médicales versées au dossier, notamment du rapport circonstancié du 14 juin 2018 et de l'expertise médicale réglementaire du 11 mars 2019, que M. A... a présenté des manifestations allergiques extra-cutanées et cutanées sévères qui ont consisté en un œdème de Quincke associé à un choc anaphylactique de grade 3, survenu le 25 janvier 2017, et en une dermatose inflammatoire de contact au niveau des mains et des avant-bras, constatée pour la première fois le 7 juin 2017 par le médecin principal des armées. Il résulte de l'instruction que les tests d'hypersensibilité et allergologiques, réalisés à l'Hôpital d'Instruction des Armées (HIA) Sainte-Anne de Toulon peu après la première crise subie par M. A..., se sont révélés positifs au détergent de type " dégraissant fort ", à la farine de blé, aux crevettes et autres fruits de mer, et à d'autres protéines alimentaires. Le rapport d'expertise médicale réglementaire du 11 mars 2019 relève que M. A... " a développé dans le cadre de son métier de bouche (...) des manifestations allergiques, dont une dermatose de contact, pour laquelle on peut retenir le rôle déclenchant des produits de nettoyage et possiblement de produits alimentaires ". Le rapport du 13 mai 2022 de l'expert allergologue désigné par le tribunal parvient à une conclusion identique s'agissant de l'imputabilité au service. Ces éléments établissent ainsi que la maladie dont souffre M. A..., dont résulte un taux d'invalidité de 10 % selon les deux expertises, présente un lien direct et certain avec son activité de cuisinier militaire, pour l'exercice de laquelle il a été exposé aux agents allergènes en cause. Toutefois, les réactions allergiques à raison desquelles il a déposé sa demande se sont déclarées plus de six années après sa participation aux opérations extérieures " Baliste " et " Daman " menées en République du Liban, Israël et leurs eaux avoisinantes, qui se sont achevées le 1er novembre 2010. En outre, elles se rattachent à une infirmité ayant évolué progressivement tout au long de son activité en mer comme sur terre, jusqu'à devenir incurable. M. A... ne peut dès lors se prévaloir des dispositions du 3° de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ouvrant droit à pension au taux dérogatoire de 10 %. Il en résulte que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision du 25 juillet 2019 et accorder à M. A... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 10 octobre 2017, les premiers juges ont retenu qu'il pouvait bénéficier de l'article L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal et la cour à l'encontre de la décision du 25 juillet 2019. 8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : / 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ". 9. D'une part, par un décret du 3 août 2018, publié au Journal officiel de la République française le lendemain, M. G... B... a été nommé directeur des ressources humaines du ministère des armées à compter du 3 septembre 2018. D'autre part, par une décision du 8 février 2019, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 10 février 2019, M. B... a donné délégation à Mme E... C..., administratrice civile, adjointe au sous-directeur des pensions à l'effet de signer, au nom du ministre des armées, tous les actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, relevant des attributions du service. Cette délégation n'est ni trop large ni trop imprécise, contrairement à ce que soutient M. A.... Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit donc être écarté. 10. En deuxième lieu, la décision du 25 juillet 2019 comprend l'ensemble des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle vise notamment les articles L. 121-4 et L. 121-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'avis de la commission de réforme du 3 juillet 2019 et relève que la dermatose très inflammatoire des mains et des avant-bras au titre de laquelle M. A... a demandé une pension militaire d'invalidité n'entraîne aucune gêne fonctionnelle et que son origine n'a pas été recherchée. Par suite, et alors que le caractère suffisant de la motivation d'une décision administrative ne se confond pas avec le bien-fondé de ses motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'insuffisance de motivation. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à l'espèce : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires ou marins en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. / Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet (...) ". Aux termes de l'article R. 151-10 de ce code : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert doit être mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. / L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont jointes au rapport de l'expert ". 12. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 20 décembre 2018, le médecin en chef, chargé des pensions militaires d'invalidité et de la sous-direction des pensions, a sollicité la désignation d'un médecin expert afin, notamment, que ce dernier prenne connaissance des éléments du dossier de M. A..., qu'il l'examine si nécessaire et qu'il fixe un taux d'invalidité conforme au guide barème des pensions militaires d'invalidité. Si l'expertise médicale remise le 11 mars 2019 à la suite de cette demande ne permet pas de déterminer l'identité de son rédacteur, rendue illisible par le mauvais positionnement du cachet encreur, il ressort des autres mentions lisibles portées sur ce rapport d'expertise qu'il a été établi et signé par un médecin chef des services officiant au sein de l'HIA Robert Piqué à Bordeaux, et M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause sa qualité de médecin militaire. De plus, s'il ne résulte d'aucun élément versé à l'instruction que M. A... aurait, préalablement à l'examen médical d'expertise, été informé par l'administration de son droit à être assisté par un médecin de son choix, de la possibilité d'apporter tout document ayant trait à la pathologie à examiner et de demander, le cas échéant, son annexion au dossier, ce vice ne l'a privé d'aucune garantie dès lors que l'expertise du 11 mars 2019 reconnaît tant l'imputabilité au service de son infirmité qu'un taux de 10 % d'invalidité, que M. A... ne conteste pas. 13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 151-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article R. 151-12, le demandeur saisit la commission compétente dans un délai de quinze jours francs après la notification du constat provisoire des droits à pension, par lettre simple, le cachet de la poste faisant foi. Il précise s'il souhaite être entendu lors de l'examen de sa demande. / S'il choisit d'être entendu, il est convoqué quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission de réforme par lettre simple. S'il ne se rend pas à cette convocation, il est convoqué à nouveau avec le même délai par lettre remise contre signature. S'il ne défère pas à cette seconde convocation, la commission statue sur pièces. " Aux termes de l'article R. 151-16 de ce code : " Le demandeur peut être assisté du médecin de son choix lorsqu'il est entendu par la commission. ". 14. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... a été destinataire du constat provisoire de ses droits à la suite de l'instruction de sa demande de pension. Ayant exprimé son désaccord sur ce constat, il a demandé, le 18 juin 2018, que sa situation soit soumise, " sur dossier ", à l'examen de la commission de réforme sans toutefois solliciter son audition par cette commission, devant laquelle il n'était pas présent. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être assisté du médecin de son choix. 15. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 151-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La composition des commissions de réforme est fixée comme suit : 1° Un médecin-chef des services ou un médecin en chef, président de la commission ; 2° Un officier supérieur ; 3° Un officier subalterne, capitaine ou de grade équivalent. ". Et aux termes de l'article R. 151-14-1 de ce code : " Chaque direction et service gestionnaire de personnel militaire du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur désigne plusieurs officiers pour siéger dans les différentes commissions de réforme. Ces officiers sont choisis parmi les officiers en activité et les officiers ayant souscrit un contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Le ministre de la défense désigne, parmi les officiers mentionnés au premier alinéa, ceux appelés à siéger. ". 16. Il résulte de l'instruction que M. Martin, président de la commission de réforme, était médecin chef, et a été régulièrement nommé membre de la commission, en qualité de président suppléant, par une décision du ministre des armées du 11 juillet 2017. Le lieutenant-colonel F... a été nommé membre titulaire par une décision du directeur des ressources humaines du ministère des armées du 30 novembre 2018. MM. Martin et F... ont été appelés à siéger à la CRPMI de la Rochelle du 3 juillet 2019 par note de service n° 245 du ministère des armées du 24 juin 2019. Le moyen tiré de l'irrégulière composition de la commission de réforme au regard des articles R. 151-14 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre doit être écarté. 17. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 151-17 : " La commission de réforme émet un avis sur l'imputabilité au service, le degré d'invalidité, le caractère incurable des affections et sur l'admission au bénéfice des avantages accessoires à la pension. Cet avis est consigné dans un procès-verbal qui est communiqué au demandeur ". 18. Il résulte du procès-verbal de la commission de réforme que celle-ci a rendu, le 3 juillet 2019, un avis conforme au constat provisoire des droits à pension du 27 mai 2019, motivé par la circonstance que la dermatose inflammatoire des mains et des avant-bras n'entraînait aucune invalidité à la date de la demande. Par suite, et alors que le taux nul retenu faisait en tout état de cause obstacle à ce qu'une pension militaire d'invalidité soit octroyée à M. A..., la commission n'était pas tenue de se prononcer sur l'imputabilité de son infirmité. Le moyen tiré du défaut de motivation du procès-verbal de la commission de réforme doit être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 25 juillet 2019 par laquelle il a rejeté la demande de M. A... en date du 10 octobre 2017 tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, et lui a accordé une pension à compter du 10 octobre 2017 Sur les frais liés au litige : 20. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer la mise à la charge de l'Etat des frais et honoraires de l'expert, taxés et liquidés à la somme de 1 194,45 euros par une ordonnance du 24 mai 2022 du président tribunal administratif de Poitiers. D'autre part, l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une somme à M. A.... DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2000115 du 21 novembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande de M. A... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 194,45 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. D... A.... Délibéré après l'audience du 4 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Antoine Rives, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024. Le rapporteur, Antoine Rives La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX00219
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 7ème chambre, 27/02/2025, 23PA03933, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Par un jugement n° 2111773/6-3 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre et 8 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Riccardi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de prendre un nouvel arrêté de mise à disposition prévoyant l'application du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 et de ne pas suspendre le principe de la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition conformément au régime particulier de retraite des personnels actifs de police ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant du jugement attaqué : - sa minute n'est pas signée par la présidente, le rapporteur et la greffière ; S'agissant de l'arrêté attaqué : - il méconnaît les dispositions des articles 2 et 3 du décret du 28 mars 1967, celles de l'article 24 du décret du 12 mars 1986 et celles des articles 1er et 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - il est entaché d'une erreur de fait et de qualification juridique des faits ; - il méconnaît le droit de propriété et le principe du respect des biens garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ; - le décret n° 86-416 du 12 mars 1986 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ; - le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ; - le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ; - le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ; - la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes du 11 octobre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Desvigne-Repusseau, - et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., brigadier-chef de police alors affecté à la direction centrale de la police aux frontières, a été, par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 4 décembre 2020, mis à disposition de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après l'Agence Frontex), organisme de l'Union européenne, pour servir à Varsovie (Pologne) en tant qu' " agent du corps permanent de garde-frontières " durant deux ans à compter du 1er janvier 2021. Par un courrier du 1er février 2021, reçu le 4 février suivant, l'intéressé a formé un recours administratif dirigé contre cet arrêté en tant que celui-ci ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. En raison du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'intérieur sur ce recours, celui-ci doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté le 4 avril 2021. M. B... fait appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2020 et de la décision du 4 avril 2021 en tant que ces décisions ne lui attribuent pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger ni ne prennent en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". 3. Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'un vice de forme, faute d'être revêtu des signatures de la présidente, du rapporteur et de la greffière, doit être écarté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 4. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 1er du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Le présent décret fixe les modalités de calcul des émoluments des personnels civils employés par l'Etat ou les établissements publics à caractère administratif en dépendant et en service à l'étranger (...) / (...) / Des arrêtés conjoints du ministre d'Etat chargé de la réforme administrative, du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires étrangères pris sur proposition du ministre intéressé préciseront, pour chaque ministère, les grades et emplois des personnels ainsi que les pays étrangers auxquels les dispositions du présent texte sont applicables (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Les émoluments des personnels visés à l'article 1er comprennent limitativement, sous réserve des modalités d'attribution prévues par le présent décret, les éléments suivants : / 1° Rémunération principale / (...) / L'indemnité de résidence à l'étranger (...) / (...) / 3° Indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels / D'établissement / (...) / De déplacement / 4° Réductions diverses pour tenir compte / (...) / Des rétributions que l'agent peut percevoir d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger / (...) / Les émoluments des personnels visés à l'article 1er sont exclusifs de tout autre élément de rémunération (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Lorsque l'agent perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, ses émoluments peuvent être calculés : / Soit par application du présent décret. Dans ce cas, les émoluments sont réduits pour tenir compte des rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger / Les conditions dans lesquelles sont calculées ces réductions sont fixées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre de l'économie et des finances / Soit forfaitairement. Dans ce cas, le total formé par le montant de l'indemnité forfaitaire que l'agent perçoit au lieu et place des émoluments prévus au présent décret et celui de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'intéressé percevrait par application du présent décret s'il ne recevait aucune rémunération du gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais relatifs aux déplacements effectués (...) entre la France et l'étranger : / - par les personnels civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Pour l'application des dispositions du présent décret : / 1° La résidence à l'étranger s'entend comme le lieu où l'agent est affecté pour au moins dix mois / (...) / 3° Le changement de résidence s'entend comme un mouvement lié : / - à une affectation à l'étranger pour au moins dix mois (...) ". Aux termes de l'article 20 du même décret : " L'agent changeant de résidence et régi, dans son affectation de départ et/ou de destination, par les dispositions du décret du 28 mars 1967 susvisé (...) a droit, s'il n'est pas recruté sur place ou résident au sens des dispositions de [ce décret], à la prise en charge : / - du voyage entre son ancienne et sa nouvelle résidence pour lui-même et les membres de sa famille, dans les conditions prévues au titre VI du présent décret / - des autres frais qui en résultent pour lui-même et les membres de sa famille dans les conditions prévues aux articles 24 et suivants du présent titre / (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " La couverture des frais de changement de résidence de l'agent et de sa famille autres que les frais de voyage est assurée par l'attribution d'une indemnité forfaitaire / (...) ". 6. Enfin, aux termes de l'article 1er du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 : " Le présent règlement institue un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pour assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Les autorités nationales des États membres chargées de la gestion des frontières, y compris les garde-côtes dans la mesure où ils effectuent des tâches de contrôle aux frontières, les autorités nationales chargées des retours et l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommée " Agence ") constituent le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " (...) / 2. L'Agence comprend le contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommé " contingent permanent ") visé à l'article 54, qui est doté d'une capacité allant jusqu'à 10 000 membres du personnel opérationnel (...) ". Aux termes de l'article 54 du même règlement : " 1. (...) Le contingent permanent se compose des quatre catégories suivantes de personnel opérationnel (...) : / (...) / b) catégorie 2 : personnel détaché par les États membres auprès de l'Agence pour une longue durée dans le cadre du contingent permanent, conformément à l'article 56 / (...) ". Aux termes de l'article 56 du même règlement : " 1. Les États membres contribuent au contingent permanent en détachant des membres du personnel opérationnel auprès de l'Agence en tant que membres des équipes (catégorie 2). La durée de chaque détachement est de vingt-quatre mois (...) / 2. Chaque État membre veille à fournir une contribution continue en membres du personnel opérationnel détachés en tant que membres des équipes (...). Les coûts exposés par le personnel déployé en vertu du présent article sont payés conformément aux règles adoptées en vertu de l'article 95, paragraphe 6 / (...) ". Aux termes de l'article 95 du même règlement : " (...) / 6. (...), le conseil d'administration adopte les règles relatives au détachement de membres du personnel auprès de l'Agence par les États membres conformément à l'article 56 (...). Ces règles comprennent notamment les dispositions financières relatives à ces détachements (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 10 de la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence Frontex du 11 octobre 2020, prise en application des dispositions précitées du 6 de l'article 95 du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019, que les frais d'hébergement, de transport et autres frais pertinents directement liés à l'affectation de l'agent détaché sont pris en charge par cette agence. Celle-ci prend également en charge les frais de voyage entre l'Etat membre d'origine de l'agent détaché et le lieu de son affectation au début comme à la fin de son détachement. L'Agence Frontex verse par ailleurs à l'agent détaché une indemnité journalière de séjour ainsi qu'une indemnité annuelle de déplacement privé. 7. Les dispositions de l'article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur, qui définissent la mise à disposition comme " la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir ", ne font pas obstacle à l'application des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, dont le bénéfice a été étendu aux personnels titulaires des services actifs de la police nationale par un arrêté interministériel du 21 février 2013, et du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 aux fonctionnaires en situation de mise à disposition, dès lors qu'ils relèvent de l'Etat ou d'un établissement public à caractère administratif de l'Etat et qu'ils accomplissent leur service à l'étranger. 8. Il résulte des dispositions précitées du décret du 28 mars 1967, notamment de son article 3, que, lorsqu'un agent en service à l'étranger perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, l'administration dispose de deux méthodes de calcul alternatives pour déterminer le montant des émoluments mentionnés à l'article 2 du même décret restant à sa charge. Soit elle déduit des émoluments qu'elle a déjà versés à son agent les rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, soit elle accorde à son agent, en lieu et place des émoluments, une indemnité forfaitaire dont le montant, ajouté à celui-ci de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'agent percevrait en l'absence de rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger. 9. Le ministre indique, sans être contredit sur ce point, que l'Agence Frontex verse aux agents nationaux détachés auprès d'elle diverses indemnités tendant à couvrir les frais liés à leur affectation située en dehors de leur Etat d'origine, ainsi qu'il ressort des dispositions citées au point 6. M. B... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que l'Agence Frontex n'aurait pas prévu de lui verser ces indemnités, ni, dans le cas contraire, que celles-ci ne seraient pas assimilables aux indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger prévues par la réglementation française ou que, le cas échéant, leur montant serait inférieur à celui qui lui serait dû par l'administration française s'il ne devait percevoir aucune rémunération de la part de l'Agence Frontex. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées des articles 2 et 3 du décret du 28 mars 1967 ainsi que de l'article 24 du décret du 12 mars 1986, doit être écarté. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante-cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités / (...) le bénéfice de la bonification acquise dans les conditions qui précédent est maintenu aux fonctionnaires des services actifs de la préfecture de police également soumis aux dispositions de la loi précitée du 28 septembre 1948 et dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, supérieure à cinquante-cinq ans, auxquels sont également applicables les dispositions de l'alinéa précédent / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " (...) les personnels des services actifs de police appartenant aux catégories énumérées au premier alinéa de l'article 1er (...) de la présente loi peuvent être admis à la retraite, sur leur demande, à la double condition de justifier de vingt-sept années de services effectifs ouvrant droit à la bonification précitée ou de services militaires obligatoires et de se trouver à cinq ans au plus de la limite d'âge de leur grade (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 11. Le bénéfice de la bonification spéciale de retraite, prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957, est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification spéciale de retraite pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 12. Si M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées des articles 1er et 2 de la loi du 8 avril 1957, la seule circonstance que l'arrêté attaqué n'indique pas que le temps de service accompli par le requérant durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex pourra être pris en compte au titre des services actifs ouvrant droit à la bonification spéciale de retraite prévue par ces dispositions, n'induit pas nécessairement que le ministre aurait implicitement refusé de prendre en compte ce temps de service dès lors que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition ne dispose pas d'un droit automatique au bénéfice de la bonification spéciale de retraite. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. Par suite, ce moyen doit être écarté. 13. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne (...) a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / (...) ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Aux termes de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général / (...) ". 14. Si les pensions civiles et militaires de retraite constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations et dispositions citées au point précédent, la bonification spéciale de retraite, prévue par les dispositions précitées de la loi du 8 avril 1957, en étant un accessoire, M. B... n'est toutefois pas fondé à se prévaloir des stipulations et dispositions citées au point précédent dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 12, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce en France au sein des services actifs de police. De même, s'agissant des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait titulaire d'une créance certaine dans son principe comme dans son montant ni qu'il disposerait d'une espérance légitime d'obtenir ces indemnités pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés. 15. En quatrième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. 16. Il résulte de ce qui précède que, si elles ont le même intitulé et le même objet, les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger dont peuvent bénéficier les militaires et celles dont peuvent bénéficier les fonctionnaires civils résultent de dispositions distinctes et propres aux statuts et sujétions respectifs des militaires et des fonctionnaires civils. Par conséquent, M. B..., qui se prévaut, en s'appuyant sur un bulletin de solde établi pour le mois d'avril 2023, de la circonstance qu'un adjudant de gendarmerie, détaché auprès de l'Agence Frontex, a bénéficié, en sus des frais et indemnités versés par cette agence, des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il ne lui attribue pas ces indemnités, méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Il en va de même s'agissant de la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex dès lors que cette bonification, prévue par les dispositions citées au point 10, n'est ouverte qu'aux fonctionnaires actifs de la police nationale et qu'en outre, le bulletin de solde concernant l'adjudant de gendarmerie n'en fait pas état. 17. En dernier lieu, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique des faits ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ces moyens doivent être écartés. 18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre, - Mme Hamon, présidente-assesseure, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025. Le rapporteur, M. Desvigne-RepusseauLa présidente, V. Chevalier-Aubert La greffière, C. Buot La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03933
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 11/03/2025, 23MA00139, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 16 novembre 2015 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle. Par un jugement n° 1600661 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande Par un arrêt n° 17MA03131 du 18 septembre 2018, la Cour a annulé ce jugement et cet arrêté, a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A... ainsi qu'à sa réintégration avec reconstitution de ses droits sociaux et à pension à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de l'appel. Par un arrêt n° 23MA00139 du 27 juin 2023, la Cour a d'une part, prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant sa notification, exécuté l'arrêt de la Cour du 18 septembre 2018 lui enjoignant de reconstituer les droits sociaux et à pension de M. A... à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, le 1er octobre 2016, et mettant à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, fixé le taux de cette astreinte à 250 euros par jour. Procédure devant la Cour : Par des mémoires, enregistrés le 12 septembre 2024, le 9 octobre 2024 et le 19 février 2025, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire indique que la somme de 4 213,17 euros a été versée à l'intéressé au titre des frais d'instance et que la reconstitution de ses droits sociaux et à pension, qui ne requiert pas une décision formalisée, a été opérée, au terme de démarches difficiles, en versant à l'organisme compétent la somme de 10 069,89 euros, que reste à payer à cet organisme la somme de 1 202,95 euros et que la question des modalités de la reconstitution présente à juger un litige distinct. Par des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2024, le 21 novembre 2024 et le 19 février 2025, M. A..., représenté par Me Journault, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée contre l'Etat, à hauteur de 126 750 euros au 19 février 2025, à la condamnation de l'Etat à lui verser l'intégralité de cette somme à ce titre, au prononcé d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêt de la Cour est frappé de pourvoi en ce qu'il limite l'obligation de l'Etat à une réintégration juridique par une reconstitution des droits sociaux de l'intéressé ; - aucune décision formalisant la reconstitution de ses droits sociaux ne lui a été notifiée ; - les mesures dont il est justifié ne portent que sur la période 2016-2019, alors que la reconstitution doit courir jusqu'à l'âge limite de la retraite ; - le retard dans l'exécution ne lui est pas imputable ; - le décompte produit par l'Etat est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte de l'évolution de l'indice, de l'évolution des échelons par ancienneté et de l'évolution de la valeur du point d'indice, ni de la part fixe de l'ISOE, du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, pourtant inclus dans le traitement du salaire mensuel servant d'assiette au calcul des cotisations et donc des droits sociaux y afférents ; - la régularisation opérée ne tient pas compte des droits sociaux ; - ces questions ne présentent pas à juger un litige distinct de la question de la liquidation de l'astreinte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ; - le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure public, - et les observations de Me Journault, représentant M. A..., et de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., enseignant en mathématiques au lycée agricole (LEAP) Fontlongue de Miramas, recruté par contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2008, a été licencié pour insuffisance professionnelle par arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 16 novembre 2015, avec effet au 1er octobre 2016. Par un arrêt rendu le 18 septembre 2018, la Cour, saisie par M. A... d'un appel contre le jugement du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande dirigée contre cet arrêté, a annulé cette décision et ce jugement et a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de sa situation administrative ainsi qu'à sa réintégration avec reconstitution de ses droits sociaux et à pension à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de l'appel. Par un arrêt n° 23MA00139 du 27 juin 2023, la Cour a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat à défaut pour le ministre chargé de l'agriculture de justifier, dans le délai de trois mois suivant la notification de cet arrêt, de mesures propres à reconstituer les droits sociaux et à pension de M. A... à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, le 1er octobre 2016, ainsi que du versement de la somme de 2 000 euros due au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la liquidation de l'astreinte : 2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. /Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. /Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". L'article L. 911-8 de ce code précise que : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". En ce qui concerne l'exécution des arrêts du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023 en ce qu'ils portent sur les frais liés au litige : 3. Pour assurer l'exécution de l'arrêt de la Cour du 27 juin 2023, le ministre chargé de l'agriculture a procédé au versement le 18 juin 2024, sur le compte bancaire de M. A..., de la somme de 4 213,17 euros correspondant aux sommes mises à la charge de l'Etat par cet arrêt ainsi que celui du 18 septembre 2018, augmentées des intérêts au taux légal. L'arrêt de la Cour est, à cet égard, entièrement exécuté. En ce qui concerne l'exécution des arrêts du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023 en ce qu'ils portent sur la reconstitution des droits sociaux et à pension : 4. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, comme de la part patronale. Cette obligation procède directement de l'annulation prononcée et n'a pas un caractère distinct de l'ensemble de la reconstitution de carrière à laquelle l'employeur est tenu. S'agissant des droits à pension : 5. Pour procéder à la reconstitution des droits à pension de M. A... à compter du 1er octobre 2016, date de prise d'effet de son éviction illégale, le ministre chargé de l'agriculture a versé à l'organisme Malakoff Humanis chargé du recouvrement des cotisations sociales, patronales et salariales, la somme de 10 069,83 euros. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que le calcul de cette somme, qui vise à rétablir M. A... dans ses droits à pension, en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à sa période d'éviction, a été opéré au titre de la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, date à laquelle M. A... a refusé de donner suite aux propositions de postes formulées par le bureau de l'enseignement agricole le 25 juin 2019, en prenant pour assiette les seuls traitements de base de l'agent, à l'exclusion d'indemnités et primes de toute nature. 6. D'une part, contrairement à ce que soutient M. A..., l'intervention d'une décision formelle de reconstitution des droits sociaux et à pension n'est pas nécessaire à l'exécution de l'annulation contentieuse de la décision prononçant illégalement l'éviction du service d'un agent public. 7. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 5 de l'arrêt de la Cour du 27 juin 2023, la réintégration juridique de M. A... à compter du 1er octobre 2016, ordonnée par son arrêt du 18 septembre 2018, qui n'a donné lieu à aucune décision formalisée, a été révélée par la proposition de poste qui lui a été faite le 23 juin 2019. Les effets de l'éviction illégale ayant ainsi cessé au plus tôt à cette date, c'est à bon droit que le ministre chargé de l'agriculture a fixé la période de régularisation des cotisations afférentes à la période d'éviction du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019. 8. Enfin, aux termes de l'article 34 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige: "Les enseignants contractuels ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant : a) Le traitement brut déterminé par référence à l'échelle indiciaire de leur catégorie, compte tenu éventuellement d'une ancienneté calculée dans les conditions prévues à l'article 38 ci-après ;b) Le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence s'il y a lieu ;c) Les autres avantages ou indemnités attribués par l'Etat aux personnels de l'enseignement public rémunérés selon l'échelle indiciaire de référence et exerçant des fonctions d'enseignement. (...)". L'article 39 de ce décret dispose en outre que : " I.- L'Etat supporte les charges sociales incombant à l'employeur qui comportent : a) Les cotisations instituées par le chapitre Ier du titre IV du livre VII du code rural au titre des prestations familiales et de l'assurance vieillesse et, par dérogation aux dispositions de l'article D. 741-35 du code rural et de la pêche maritime, la cotisation prévue à l'article D. 712-38 du code de la sécurité sociale au titre des risques mentionnés à l'article L. 712-9 du code de la sécurité sociale ;b) Les cotisations versées à une institution de retraite complémentaire choisie par l'association ou l'organisme responsable de l'établissement au taux de 4,80 % sur la tranche de rémunération inférieure ou égale au plafond de la sécurité sociale et au taux de 10 % sur la tranche de rémunération supérieure au plafond de la sécurité sociale ". 9. Il résulte de l'instruction, et plus spécialement du décompte des sommes prises en compte par les services du ministère chargé de l'agriculture, et des sommes versées à l'organisme payeur, que sur la période de reconstitution en cause, il a été tenu compte par ces services de l'évolution, à deux reprises, de la valeur du point d'indice, contrairement à ce que soutient M. A.... Celui-ci ne peut pas utilement se plaindre de ce que la régularisation à laquelle a procédé le ministre n'a pas tenu compte sur cette période de l'évolution de l'indice et des échelons d'ancienneté, eu égard aux dispositions applicables à sa situation d'agent contractuel de l'Etat et à celles de son contrat d'engagement qui ne prévoient pas à son bénéfice des droits à l'avancement et au déroulement de carrière. En revanche, il résulte des dispositions combinées des articles 34 et 39 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural que les cotisations dues par l'Etat au titre de l'assurance vieillesse de ces personnels sont assises, non pas seulement sur les sommes payées aux agents à titre de traitement de base, les dispositions de l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne leur étant pas applicables, mais sur l'ensemble de la rémunération perçue. Sur la période de régularisation en cause, M. A... aurait dû percevoir l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré, le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence, qu'il percevait avant son éviction. La circonstance que la première de ces indemnités n'est pas soumise à retenue pour pension en vertu de l'article 1er du décret du 15 janvier 1993 instituant cet avantage n'est pas de nature à faire obstacle aux modalités de calcul des contributions de l'employeur dues par l'Etat au régime de retraite de ses personnels enseignants fixées par les dispositions particulières du décret du 20 juin 1989. La circonstance, quant à elle, que ces indemnités sont liées à l'exercice effectif des fonctions est sans incidence sur leur prise en compte au titre de la reconstitution des droits sociaux et à pension de M. A..., dès lors que l'exécution de l'annulation de son éviction illégale implique nécessairement qu'il soit réputé s'être trouvé rétroactivement, et pour la période en cause, dans une position comportant accomplissement de services effectifs du point de vue de la législation sur les pensions. 10. Il suit de là que M. A..., dont la contestation sur ce point ne présente pas à juger un litige distinct de l'exécution des arrêts de la Cour du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023, est fondé à soutenir que la reconstitution de ses droits sociaux et à pension à laquelle a procédé le ministre chargé de l'agriculture sur la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, en versant à l'organisme compétent la somme de 10 069,83 euros, n'assure pas une exécution complète de ces arrêts. 11. Il résulte certes des pièces produites par le ministre chargé de l'agriculture le 13 février 2025, en réponse à une mesure d'instruction décidée par la Cour, que ses services ont tenu compte des observations de M. A... énoncées au point précédent et ont saisi l'organisme payeur des prestations sociales de M. A... de nouveaux éléments de calcul, correspondant à une somme supplémentaire à verser à cet organisme de 1 202,95 euros, et dont M. A..., par la seule production d'un tableau récapitulatif établi par ses soins, ne démontre pas le caractère erroné. 12. Mais, à la date du présent arrêt, le ministre n'a pas justifié du paiement effectif de cette somme à l'organisme payeur des prestations sociales de M. A.... S'agissant des autres droits sociaux : 13. Ainsi que l'affirme M. A... dans ses dernières écritures, il ne résulte pas des éléments produits par le ministre chargé de l'agriculture que, conformément à l'injonction qui lui était adressée par l'arrêt du 18 septembre 2018, il ait procédé à la reconstitution des droits sociaux de M. A..., autres que ses droits à pension. Si ni cet arrêt ni M. A... ne précisent la nature de ces droits dont celui-ci a été privé par l'effet de son éviction illégale, pour la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, il résulte des dispositions de l'article 39 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, citées au point 8, ainsi que du bulletin de paie de M. A... pour le mois de mars 2015, notamment que la couverture des risques maladie, maternité et invalidité dont bénéficie cette catégorie d'agents est assurée par une cotisation à la charge de l'Etat, à verser à un organisme collecteur. Il suit de là que, faute de justifier du paiement à un tel organisme des parts patronale et salariale de ces cotisations, le ministre chargé de l'agriculture n'a pas exécuté dans cette mesure les arrêts de la Cour du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait reçu une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes. 14. Compte tenu des motifs énoncés aux points 12 et 13, il y a donc lieu de procéder à une liquidation provisoire de l'astreinte ordonnée par l'arrêt du 27 juin 2023, notifié le même jour au ministre chargé de l'agriculture. Pour la période du 27 septembre 2023, date d'expiration du délai imparti par cet arrêt pour prendre les mesures d'exécution, au 25 février 2025, date de l'audience, le montant de cette astreinte, au taux de 250 euros par jour s'élève à 129 250 euros. Au cas d'espèce, compte tenu des mesures d'exécution déjà prises par le ministre, il y a lieu de verser à M. A... 5 % de cette somme, soit 6 462,50 euros. 15. Il reviendra au ministre chargé de l'agriculture de justifier de la régularisation des cotisations sociales conforme aux motifs du présent arrêt, énoncés aux points 12 et 13, et il appartiendra à la Cour de se prononcer sur une nouvelle liquidation de l'astreinte, le cas échéant définitive, sans qu'il y ait lieu, au cas présent, de rehausser le taux de celle-ci. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de soit 6 462,50 euros. Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire justifiera auprès de la Cour des mesures prises pour assurer la reconstitution complète des droits sociaux de M. A... conformément aux points 12 et 13 du présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressée au ministère public près la Cour des comptes en application de l'article R. 921-7 du code de justice administrative. Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025. N° 23MA01392
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 7ème chambre, 27/02/2025, 23PA03348, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne l'a placée en congé de maladie ordinaire du 13 mars au 26 septembre 2019 inclus et d'enjoindre au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne de lui octroyer un congé pour invalidité imputable au service à compter du 13 mars 2019. Par un jugement n° 1909734 du 12 juillet 2023 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, Mme A..., représentée par la société d'avocats Cabinet Cassel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1909734 du 12 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne l'a placée en congé de maladie ordinaire du 13 mars au 26 septembre 2019 inclus ; 3°) d'enjoindre sans délai au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 mars 2019, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, lui enjoindre de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal ne pouvait sans erreur de droit rejeter sa requête avant d'avoir statué sur sa requête tendant à l'annulation des décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; - la décision attaquée est entachée d'incompétence ; - elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission de réforme régulièrement composée conformément aux articles 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 et 17 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - son arrêt de travail du 13 mars au 26 septembre 2019 est imputable au service. Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2024, le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne, représenté par Me Boukheloua, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Hamon, - les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique, - et les observations de Me Bouyx pour le centre hospitalier Sud Seine-et-Marne. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., agent des services hospitaliers qualifié titulaire, exerçant au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne et affectée à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Fontainebleau, a été victime, le 3 novembre 2018, d'un accident reconnu imputable au service par une décision du 28 novembre 2018. Par une décision du 5 août 2019, le directeur du centre hospitalier a déclaré Mme A... " guérie des conséquences " de l'accident de service du 3 novembre 2018 à la date du 12 mars 2019 avec un retour à l'état antérieur. Par une décision du 30 septembre 2019, le directeur du centre hospitalier a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire, du 13 mars au 26 septembre 2019. Mme A... a ensuite déposé le 4 novembre 2019 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle qui a donné lieu à une décision implicite de rejet. Enfin par des décisions des 3 juin 2020 et 16 février 2021 Mme A... a ensuite été placée par le centre hospitalier en disponibilité d'office pour raison de santé, du 13 mars 2020 au 12 septembre 2021. Par deux jugements n° 2002550 et n° 2005275 - 2103015 du 12 juillet 2023 le tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de refus de reconnaissance de maladie professionnelle opposée à Mme A... à raison d'une composition irrégulière de la commission de réforme, annulé la décision du 3 juin 2020 à raison d'une composition irrégulière du comité médical départemental et celle du 16 février 2021 pour absence de proposition de reclassement. Il a en revanche, par un jugement n° 1909734 du 12 juillet 2023, rejeté la requête de Mme A... demandant l'annulation de la décision précitée du 30 septembre 2019. Mme A... relève appel de ce dernier jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Aucune disposition ni aucun principe n'imposant au juge administratif de procéder à la jonction de plusieurs instances pour statuer par une seule décision, ni de statuer dans un ordre déterminé sur plusieurs requêtes présentées par un même requérant. Ainsi Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué n° 1909734 serait irrégulier en ce qu'il a rejeté sa requête sans attendre d'avoir statué sur les deux requêtes demandant l'annulation des décisions du centre hospitalier statuant sur l'imputabilité au service de sa pathologie et la plaçant en disponibilité d'office. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 4. En premier lieu, il résulte tant de son intitulé que des conclusions de l'expertise du 29 mars 2019 qu'elle vise, ainsi que des termes de l'avis de la commission de réforme du 11 juillet 2019 qu'elle vise également, que la décision du directeur du centre hospitalier en date du 5 août 2019, intitulée " décision de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident de travail ", qui dans son unique article énonce que " L'état de santé de Mme A... B... est guéri avec retour à l'état antérieur le 12 mars 2019 ", a pour unique objet et effet de se prononcer sur l'imputabilité au service des congés de maladie de Mme A... postérieurement au 12 mars 2019, sans se prononcer sur la consolidation de l'état de santé de l'intéressée. Cette décision est devenue définitive faute de recours dans les délais régulièrement mentionnés dans sa notification à Mme A..., intervenue le 13 août 2019. 5. Il ressort également des pièces du dossier que la décision du 30 septembre 2019 dont Mme A... demande l'annulation se borne à placer celle-ci en congé de maladie ordinaire à compter du 13 septembre 2019 et n'a ni pour objet, ni pour effet, de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité au service de son congé de maladie à compter du 12 mars 2019, pas plus que sur la consolidation de son état de santé. En conséquence, les moyens soulevés par la requérante et tirés de ce que la décision attaquée du 30 septembre 2019 aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission de réforme régulièrement composée, et de ce que ses congés de maladie postérieurs au 12 mars 2019 seraient imputables au service, sont inopérants. 6. En second lieu, Mme A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision du 30 septembre 2019 aurait été prise par une autorité incompétente, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne. Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre, - Mme Hamon, présidente assesseure, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025. La rapporteure, P. HamonLa présidente, V. Chevalier-Aubert La greffière, C. BuotLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03348
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 9ème chambre, 28/02/2025, 492549, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une ordonnance du 5 octobre 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 342-3 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Clermont-Ferrand le jugement de la demande n° 2102854 de M. B... A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 16 décembre 2021, et celui de sa demande n° 2108741, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 24 décembre 2021. Par la première demande, M. A... a demandé à titre principal, d'annuler le titre de pension concédé par arrêté du 19 juillet 2021 en tant qu'il fixe la date du 31 août 2019 comme date d'effet de sa pension et qu'il retient, pour le calcul de cette pension, le cinquième échelon, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence du service des retraites de l'Etat, sur son recours gracieux, à titre subsidiaire, d'annuler dans son intégralité le titre de pension concédé par arrêté du 19 juillet 2021, d'enjoindre au service des retraites de l'Etat de réviser le montant de sa pension en prenant pour date d'effet de celle-ci la date du 31 juillet 2021 ou, à tout le moins, la date du 6 juillet 2021, ou, à défaut, de réexaminer la date d'effet de la pension qu'il convient de lui accorder en prenant en compte son grade de professeur certifié hors classe au 6ème échelon, de revaloriser en conséquence le montant de la pension concédée et de lui verser les arrérages échus de sa pension correspondants, assortis des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande de révision, le tout dans un délai de deux mois à compter de la date du jugement à intervenir. Par la seconde demande, M. A... a demandé à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 de la rectrice de l'académie de Grenoble en tant qu'il l'admet à la retraite pour invalidité à compter du 31 août 2019, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence de la rectrice de l'académie de Grenoble sur son recours gracieux, à titre subsidiaire, d'annuler dans leur intégralité cet arrêté et cette décision, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Grenoble ou au ministre de l'éducation nationale de le placer à la retraite pour invalidité à compter du 31 juillet 2021 ou au plus tôt à compter du 6 juillet 2021, de procéder, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, au calcul du reliquat de la pension dû et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Grenoble ou au ministre de l'éducation nationale de réexaminer sa situation et de procéder, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, à ce calcul. Par un jugement nos 2302353, 2302354 du 8 février 2024, ce tribunal a rejeté ses demandes. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 11 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Clermont-Ferrand que M. A... appartient au corps des professeurs certifiés depuis le 1er septembre 2002 et a exercé ses fonctions, en dernier lieu, au sein de l'académie de Grenoble. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 30 août 2018. Par un courrier du 26 juillet 2019, M. A... a demandé à être admis à la retraite pour invalidité. Par un arrêté du 6 juillet 2021, la rectrice de l'académie de Grenoble l'a admis à la retraite pour invalidité à compter du 31 août 2019. Un titre de pension lui a été concédé par arrêté du 19 juillet 2021. Par un jugement nos 2302353, 2302354 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les deux demandes de M. A... tendant à l'annulation, en tout ou partie, de ces deux arrêtés. Sur la compétence du Conseil d'Etat : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ". 3. D'autre part, des demandes distinctes relevant de voies de recours différentes ne sauraient présenter entre elles un lien de connexité. 4. Il en résulte, alors même que les demandes de M. A... ont été jointes par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour y statuer par une seule décision, qu'il y a lieu d'attribuer à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 8 février 2024 de ce tribunal en tant qu'il a statué sur la demande n° 2302354 contestant l'arrêté du 6 juillet 2021 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité, qui ne relève ni d'un litige en matière de pension de retraite des agents publics, ni d'un autre des litiges sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Les conclusions du requérant dirigées contre le même jugement, en tant qu'il a rejeté la demande n° 2302353 contestant le titre de pension concédé à M. A... par arrêté du 19 juillet 2021, ont, en revanche, le caractère d'un pourvoi en cassation qui relève de la compétence du Conseil d'Etat. Sur la régularité du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article L. 6 du code de justice administrative : " Les débats ont lieu en audience publique ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 6, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / (...) / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite (...) ". 6. Il ne ressort d'aucune des mentions du jugement attaqué ni que l'audience tenue par le tribunal administratif le 25 janvier 2024, au rôle de laquelle l'affaire de M. A... a été inscrite, a été publique ou qu'elle a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public en application des dispositions de l'article L. 731-1 du code de justice administrative, ni que le rapporteur public a été entendu lors de cette audience, ou qu'il en été dispensé en application de l'article R. 731-1 du même code. Ce jugement ne faisant ainsi pas la preuve que la procédure à l'issue de laquelle il a été prononcé a été régulière, M. A... est fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif, en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2302353, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement des conclusions de M. A... dirigées contre le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 2302354 est attribué à la cour administrative d'appel de Lyon. Article 2 : Le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... enregistrée sous le n° 2302353. Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 2, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... et à la ministre chargée des comptes publics. Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 28 février 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi La rapporteure : Signé : Mme Agathe Lieffroy Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne à la ministre chargée du budget et des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:492549.20250228
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 25/02/2025, 23MA01541, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Société Réseaux Voirie a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'établissement public local pour personnes âgées dépendantes Résidence L'Olivier à lui payer la somme de 542 250,68 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation d'un marché public. Par un jugement n° 1701095 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande et, faisant partiellement droit à une demande reconventionnelle de l'établissement public, a condamné la SARL Réseaux Voirie à payer à ce dernier une somme de 113 420,60 euros. Par un arrêt n° 21MA01310 du 10 mai 2023, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie de l'appel de la SARL Réseaux Voirie, a d'une part ramené le montant de la condamnation prononcée par l'article 2 du jugement n° 1701095 du 25 janvier 2021 du tribunal administratif de Nice, de 113 420,60 euros à 78 644,99 euros toutes taxes comprises, a d'autre part réformé l'article 2 de ce jugement en ce qu'il a de contraire à cette condamnation et a enfin rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence L'Olivier, représenté par Me Willm de la selarl WW et associés, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : 1°) de rectifier l'erreur matérielle entachant le point 47 de l'arrêt n° 21MA01310 rendu par la Cour le 10 mai 2023, en indiquant que la somme de 78 644,99 euros est une somme " hors taxe " et non une somme " toutes taxes comprises ". 2°) de rectifier en conséquence le " par ces motifs " de cette décision. Il soutient que : - la mention " toutes taxes comprises " qui assortit le montant de 78 644, 99 euros est affectée d'une erreur matérielle, la mention exacte qui est " hors taxes " s'imposant par l'addition de sommes également calculées " hors taxes " ; - cette erreur matérielle est de nature à avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire puisqu'elle se retrouve dans le dispositif de l'arrêt, et qu'elle repose sur la somme retenue par le tribunal aussi calculée " toutes taxes comprises ". La requête a été communiquée à la SARL Société Réseaux Voirie qui n'a pas produit d'observations. Par une lettre du 28 janvier 2025, la Cour a informé les parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du recours en rectification d'erreur matérielle, l'erreur y dénoncée ne revêtant pas un tel caractère. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Par contrat du 7 juillet 2014, l'EHPAD Résidence L'Olivier, situé à L'Escarène (Alpes-Maritimes), a attribué à la société Réseaux Voirie (SRV) le lot n° 2, relatif aux travaux de gros-œuvre, d'un marché public de travaux ayant pour objet l'extension de cette résidence. Par décision du 26 mai 2016, l'établissement a résilié ce marché aux frais et risques de cette société. La société Réseaux Voirie a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de l'EHPAD à lui payer la somme de 542 250,68 euros. Par un jugement du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande et, faisant droit aux demandes présentées à titre reconventionnel par l'établissement, a condamné la société à payer à celui-ci une somme de 113 420,60 euros " hors taxes ". Par un arrêt du 10 mai 2023, la Cour, saisie des appels de la société et de l'établissement public, a ramené le montant auquel le tribunal a condamné la première à verser au second, de la somme de 113 420, 60 à celle de 78 644,99 euros en précisant que cette dernière somme était calculée " toutes taxes comprises ". L'EHPAD Résidence L'Olivier demande à la Cour de rectifier cet arrêt en ce qu'il précise que la somme de 78 644,99 euros due par la société est fixée " toutes taxes comprises ". 2. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. / Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée. / Les dispositions des livres VI et VII sont applicables. ". Le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. 3. Par l'article 1er de son arrêt, et le point 47 qui en est le soutien nécessaire, la Cour a fixé à la somme de 78 644,99 euros " toutes taxes comprises " l'indemnité due à l'EHPAD Résidence L'Olivier au titre des soldes des comptes avec la société SRV à la suite de la résiliation du marché de travaux du 7 juillet 2014. Par cet arrêt, la Cour a ainsi réduit le montant de l'indemnité allouée par le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 janvier 2021 pour une somme de 113 420,60 euros fixée " hors taxes ". Pour établir le solde des comptes des parties au contrat résilié, la Cour a procédé à l'addition, d'une part, de la somme de 4 856, 40 euros " toutes taxes comprises " due à la société au titre du solde de la situation n° 3, et des sommes, dues à l'EHPAD, de 26 100 euros au titre des pénalités de retard, de 38 120 euros et de 7 071, 39 euros au titre des surcoûts liés à la conclusion d'un marché de substitution, et de 12 210 euros au titre des pénalités de production de documents. 4. Certes, et d'une part, il résulte directement des points 32, 42 et 43 de cet arrêt que les deux premières séries de sommes dues à l'établissement ont été calculées par la Cour " hors taxes ", alors même que cette précision ne figure pas au point récapitulatif 47. D'autre part, dès lors qu'au point 21 de son arrêt, la Cour confirme le jugement attaqué devant elle en ce qu'il fixe " hors taxes " la somme due à l'établissement au titre des pénalités de production de documents infligées à la société, en application de l'article 4.6 du cahier des clauses administratives particulières, cette somme doit s'entendre comme ayant été calculée par la Cour " hors taxes " également. 5. Mais, contrairement à ce que se borne à soutenir le requérant, la somme fixée par l'article 1er de cet arrêt de la Cour du 10 mai 2023 à 78 644, 99 euros, qui résulte ainsi de l'addition, arithmétiquement exacte, de sommes arrêtées aussi bien " toutes taxes comprises " que " hors taxes ", n'avait pas nécessairement à être présentée comme calculée " hors taxes ", alors même que le jugement qu'il réforme fixe " hors taxes " la somme de 113 420, 60 euros due par la société SRV à l'EHPAD Résidence L'Olivier. Par conséquent, en précisant que cette somme était fixée " toutes taxes comprises ", la Cour, qui s'est livrée de la sorte à une appréciation juridique de l'indemnité due à l'établissement, n'a pas commis d'erreur matérielle. Il suit de là que le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par l'EHPAD Résidence L'Olivier est irrecevable et doit être rejeté comme tel. DECIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD Résidence L'Olivier est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public local d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence L'Olivier et la société Réseaux Voirie. Délibéré après l'audience du 4 février 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2025. N° 23MA015412
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 7ème chambre, 31/12/2024, 23PA02722, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Par un jugement n° 2110757/6-3 du 20 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2023 et 27 septembre 2023, et un mémoire enregistré le 22 avril 2024, M. B..., représenté par Me Riccardi, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui attribuer les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, et de prendre en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant du jugement attaqué : - celui-ci est irrégulier dès lors qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au premier mémoire en défense présenté par le ministre ; S'agissant de l'arrêté attaqué : - il a été signé par une autorité incompétente ; - il méconnaît les dispositions des articles 2, 3 et 7 du décret du 28 mars 1967, celles de l'article 24 du décret du 12 mars 1986 et celles des articles 1er et 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - il est entaché d'une erreur de fait et de qualification juridique des faits ; - il méconnaît le droit de propriété et le principe du respect des biens garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ; - le décret n° 86-416 du 12 mars 1986 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ; - le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ; - le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ; - le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ; - la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes du 11 octobre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Desvigne-Repusseau, - les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique, - et les observations de Me Riccardi, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., capitaine de police alors affecté à la préfecture de police de Paris, a été, par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 18 janvier 2021, mis à disposition de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, organisme de l'Union européenne dénommé jusqu'en 2019 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (ci-après l'Agence Frontex), pour servir à Varsovie (Pologne) en tant que " border guard officer " durant deux ans à compter du 1er janvier 2021. Par un courrier du 25 février 2021, reçu le 8 mars suivant, l'intéressé a formé un recours administratif dirigé contre cet arrêté en tant que celui-ci ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. En raison du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'intérieur sur ce recours, celui-ci doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté le 8 mai 2021. M. B... fait appel du jugement du 20 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2021 et de la décision du 8 mai 2021 en tant que ces décisions ne lui attribuent pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". 3. Le respect du caractère contradictoire de la procédure et des dispositions citées au point précédent impose que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur, ainsi que les autres productions si elles contiennent des éléments nouveaux, soient communiqués aux parties en leur laissant un délai suffisant, au besoin en reportant à cette fin la date de l'audience, pour qu'elles puissent en prendre connaissance et éventuellement y répondre par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction. 4. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Paris que le ministre de l'intérieur a produit un mémoire en défense enregistré le lundi 27 mars 2023 au greffe de ce tribunal, communiqué le même jour au conseil de M. B... et reçu par celui-ci le mardi 28 mars 2023. La clôture de l'instruction devant intervenir trois jours francs avant l'audience du jeudi 6 avril 2023, soit le dimanche 2 avril 2023, le conseil de M. B... disposait ainsi d'un délai de cinq jours pour répondre, le cas échéant, au premier mémoire en défense présenté par le ministre. Dès lors qu'il ressort des pièces de la procédure que le conseil de M. B... n'a présenté avant la clôture de l'instruction, ni même avant l'audience, aucune demande de délai supplémentaire pour répondre à ce mémoire en défense, qu'il n'était pas présent à l'audience, alors qu'il avait reçu l'avis d'audience le 13 mars 2023, et qu'aucune note en délibéré n'a été présentée tendant à faire état d'une circonstance particulière justifiant le renvoi de l'affaire, M. B... doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant disposé d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire en défense. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. En premier lieu, M. B... soutient que l'arrêté du 18 janvier 2021 a été signé par une autorité incompétente. Toutefois, Mme C..., adjointe à la cheffe du bureau des officiers de police et signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du directeur des ressources et des compétences de la police nationale en date du 1er septembre 2020, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française le 3 septembre 2020, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur tous actes, arrêtés ou décisions relevant des attributions de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, à l'exclusion des décrets, aux fins d'exercice des permanences, le bureau des officiers de police relevant, en vertu de l'arrêté du 27 décembre 2017 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, de la sous-direction de l'administration des ressources humaines qui a pour mission, notamment, d'assurer la gestion administrative et statutaire du corps de commandement de la police nationale dont M. B... faisait partie à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté. 6. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 1er du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Le présent décret fixe les modalités de calcul des émoluments des personnels civils employés par l'Etat ou les établissements publics à caractère administratif en dépendant et en service à l'étranger (...) / (...) / Des arrêtés conjoints du ministre d'Etat chargé de la réforme administrative, du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires étrangères pris sur proposition du ministre intéressé préciseront, pour chaque ministère, les grades et emplois des personnels ainsi que les pays étrangers auxquels les dispositions du présent texte sont applicables (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Les émoluments des personnels visés à l'article 1er comprennent limitativement, sous réserve des modalités d'attribution prévues par le présent décret, les éléments suivants : / 1° Rémunération principale / (...) / L'indemnité de résidence à l'étranger (...) / (...) / 2° Avantages familiaux : / -le supplément familial / (...) / 3° Indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels / D'établissement / (...) / De déplacement / 4° Réductions diverses pour tenir compte / (...) / Des rétributions que l'agent peut percevoir d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger / (...) / Les émoluments des personnels visés à l'article 1er sont exclusifs de tout autre élément de rémunération (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Lorsque l'agent perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, ses émoluments peuvent être calculés : / Soit par application du présent décret. Dans ce cas, les émoluments sont réduits pour tenir compte des rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger / Les conditions dans lesquelles sont calculées ces réductions sont fixées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre de l'économie et des finances / Soit forfaitairement. Dans ce cas, le total formé par le montant de l'indemnité forfaitaire que l'agent perçoit au lieu et place des émoluments prévus au présent décret et celui de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'intéressé percevrait par application du présent décret s'il ne recevait aucune rémunération du gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger ". 7. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais relatifs aux déplacements effectués (...) entre la France et l'étranger : / - par les personnels civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Pour l'application des dispositions du présent décret : / 1° La résidence à l'étranger s'entend comme le lieu où l'agent est affecté pour au moins dix mois / (...) / 3° Le changement de résidence s'entend comme un mouvement lié : / - à une affectation à l'étranger pour au moins dix mois (...) ". Aux termes de l'article 20 du même décret : " L'agent changeant de résidence et régi, dans son affectation de départ et/ou de destination, par les dispositions du décret du 28 mars 1967 susvisé (...) a droit, s'il n'est pas recruté sur place ou résident au sens des dispositions de [ce décret], à la prise en charge : / - du voyage entre son ancienne et sa nouvelle résidence pour lui-même et les membres de sa famille, dans les conditions prévues au titre VI du présent décret / - des autres frais qui en résultent pour lui-même et les membres de sa famille dans les conditions prévues aux articles 24 et suivants du présent titre / (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " La couverture des frais de changement de résidence de l'agent et de sa famille autres que les frais de voyage est assurée par l'attribution d'une indemnité forfaitaire / (...) ". 8. Enfin, aux termes de l'article 1er du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 : " Le présent règlement institue un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pour assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Les autorités nationales des États membres chargées de la gestion des frontières, y compris les garde-côtes dans la mesure où ils effectuent des tâches de contrôle aux frontières, les autorités nationales chargées des retours et l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommée " Agence ") constituent le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " (...) / 2. L'Agence comprend le contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommé " contingent permanent ") visé à l'article 54, qui est doté d'une capacité allant jusqu'à 10 000 membres du personnel opérationnel (...) ". Aux termes de l'article 54 du même règlement : " 1. (...) Le contingent permanent se compose des quatre catégories suivantes de personnel opérationnel (...) : / (...) / b) catégorie 2 : personnel détaché par les États membres auprès de l'Agence pour une longue durée dans le cadre du contingent permanent, conformément à l'article 56 / (...) ". Aux termes de l'article 56 du même règlement : " 1. Les États membres contribuent au contingent permanent en détachant des membres du personnel opérationnel auprès de l'Agence en tant que membres des équipes (catégorie 2). La durée de chaque détachement est de vingt-quatre mois (...) / 2. Chaque État membre veille à fournir une contribution continue en membres du personnel opérationnel détachés en tant que membres des équipes (...). Les coûts exposés par le personnel déployé en vertu du présent article sont payés conformément aux règles adoptées en vertu de l'article 95, paragraphe 6 / (...) ". Aux termes de l'article 95 du même règlement : " (...) / 6. (...), le conseil d'administration adopte les règles relatives au détachement de membres du personnel auprès de l'Agence par les États membres conformément à l'article 56 (...). Ces règles comprennent notamment les dispositions financières relatives à ces détachements (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 10 de la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence Frontex du 11 octobre 2020, prise en application des dispositions précitées du 6 de l'article 95 du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019, que les frais d'hébergement, de transport et autres frais pertinents directement liés à l'affectation de l'agent détaché sont pris en charge par cette agence. Celle-ci prend également en charge les frais de voyage entre l'Etat membre d'origine de l'agent détaché et le lieu de son affectation au début comme à la fin de son détachement. L'Agence Frontex verse par ailleurs à l'agent détaché une indemnité journalière de séjour ainsi qu'une indemnité annuelle de déplacement privé. 9. Les dispositions de l'article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur, qui définissent la mise à disposition comme " la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir ", ne font pas obstacle à l'application des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, dont le bénéfice a été étendu aux personnels titulaires des services actifs de la police nationale par un arrêté interministériel du 21 février 2013, et du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 aux fonctionnaires en situation de mise à disposition, dès lors qu'ils relèvent de l'Etat ou d'un établissement public à caractère administratif de l'Etat et qu'ils accomplissent leur service à l'étranger. 10. Il résulte des dispositions précitées du décret du 28 mars 1967, notamment de son article 3, que, lorsqu'un agent en service à l'étranger perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, l'administration dispose de deux méthodes de calcul alternatives pour déterminer le montant des émoluments mentionnés à l'article 2 du même décret restant à sa charge. Soit elle déduit des émoluments qu'elle a déjà versés à son agent les rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, soit elle accorde à son agent, en lieu et place des émoluments, une indemnité forfaitaire dont le montant, ajouté à celui-ci de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'agent percevrait en l'absence de rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger. 11. Tout d'abord, les dispositions de l'article 10 de la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence Frontex du 11 octobre 2020 ne prévoyant pas le versement d'une indemnité similaire au supplément familial qui est au nombre des émoluments pouvant être versés à l'agent servant à l'étranger, le ministre ne pouvait légalement refuser à M. B... le bénéfice du supplément familial au motif, invoqué en appel comme en première instance, que les indemnités versées par l'Agence Frontex ne sont pas cumulables avec le supplément familial. 12. Ensuite, alors que le ministre indique, sans être contredit sur ce point, que l'Agence Frontex verse aux agents nationaux détachés auprès d'elle diverses indemnités tendant à couvrir les frais liés à leur affectation située en dehors de leur Etat d'origine, ainsi qu'il ressort des dispositions citées au point 8, M. B... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que l'Agence Frontex n'aurait pas prévu de lui verser ces indemnités, ni, dans le cas contraire, que celles-ci ne seraient pas assimilables aux indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger prévues par la réglementation française ou que, le cas échéant, leur montant serait inférieur à celui qui lui serait dû par l'administration française s'il ne devait percevoir aucune rémunération de la part de l'Agence Frontex. 13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante-cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités / (...) le bénéfice de la bonification acquise dans les conditions qui précédent est maintenu aux fonctionnaires des services actifs de la préfecture de police également soumis aux dispositions de la loi précitée du 28 septembre 1948 et dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, supérieure à cinquante-cinq ans, auxquels sont également applicables les dispositions de l'alinéa précédent / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " (...) les personnels des services actifs de police appartenant aux catégories énumérées au premier alinéa de l'article 1er (...) de la présente loi peuvent être admis à la retraite, sur leur demande, à la double condition de justifier de vingt-sept années de services effectifs ouvrant droit à la bonification précitée ou de services militaires obligatoires et de se trouver à cinq ans au plus de la limite d'âge de leur grade (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 14. Le bénéfice de la bonification spéciale de retraite, prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957, est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification spéciale de retraite pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 15. Si M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées des articles 1er et 2 de la loi du 8 avril 1957, la seule circonstance que l'arrêté attaqué n'indique pas que le temps de service accompli par le requérant durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex pourra être pris en compte au titre des services actifs ouvrant droit à la bonification spéciale de retraite prévue par ces dispositions, n'induit pas nécessairement que le ministre aurait implicitement refusé de prendre en compte ce temps de service dès lors que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition ne dispose pas d'un droit automatique au bénéfice de la bonification spéciale de retraite. Du reste, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. Par suite, ce moyen doit être écarté. 16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne (...) a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / (...) ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Aux termes de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général / (...) ". 17. Si les pensions civiles et militaires de retraite constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations et dispositions citées au point précédent, la bonification spéciale de retraite, prévue par les dispositions précitées de la loi du 8 avril 1957, en étant un accessoire, M. B... n'est toutefois pas fondé à se prévaloir des stipulations et dispositions citées au point précédent dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 15, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce en France au sein des services actifs de police. De même, s'agissant des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait titulaire d'une créance certaine dans son principe comme dans son montant ni qu'il disposerait d'une espérance légitime d'obtenir ces indemnités pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés. 18. En sixième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. 19. Il résulte de ce qui précède que, si elles ont le même intitulé et le même objet, les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger dont peuvent bénéficier les militaires et celle dont peuvent bénéficier les fonctionnaires civils résultent de dispositions distinctes et propres aux statuts et sujétions respectifs des militaires et des fonctionnaires civils. Par conséquent, M. B..., qui se prévaut, en s'appuyant sur des bulletins de solde établis pour les mois de juin et septembre 2023, de la circonstance qu'un gendarme et un adjudant de gendarmerie, détachés auprès de l'Agence Frontex et affectés par celle-ci en Serbie respectivement du 25 janvier 2023 au 31 décembre 2023 et du 25 janvier 2023 au 23 janvier 2024, ont bénéficié, en sus des frais et indemnités versés par l'Agence Frontex, des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il ne lui attribue pas ces indemnités, méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Il en va de même s'agissant de la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex dès lors que cette bonification, prévue par les dispositions citées au point 13, n'est ouverte qu'aux fonctionnaires actifs de la police nationale et qu'en outre, les bulletins de solde concernant le gendarme et l'adjudant de gendarmerie n'en font pas état. 20. En dernier lieu, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique des faits ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ces moyens doivent être écartés. 21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur n'examine pas son droit éventuel au supplément familial, ainsi qu'à l'annulation de la décision du 8 mai 2021 par laquelle le même ministre a implicitement rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'injonction : 22. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". 23. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la situation de M. B... au regard du droit au supplément familial soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2021 et la décision implicite du même ministre du 8 mai 2021 sont annulés en tant que le droit de M. B... au supplément familial n'est pas examiné. Article 2 : Le jugement n° 2110757/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 20 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la situation de M.B... au regard du droit au supplément familial et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Auvray, président de chambre, - Mme Hamon, présidente-assesseure, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024. Le rapporteur, M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président, B. AUVRAY La greffière, L. CHANA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02722
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 3ème chambre, 22/01/2025, 24LY02136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Chambéry d'annuler la décision du 16 juillet 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1907203 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble, auquel a été transmise la demande de M. A... en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 468256 du 24 juillet 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la cour L'affaire ainsi renvoyée a été enregistrée le 24 juillet 2024 sous le n° 24LY02136. Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'infirmité de M. A... a été constatée le 23 août 1993, en-dehors des délais de présomption, et ne trouve pas sa cause dans la mission poursuivie au Cambodge ; - les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 21 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 novembre 2024. Par une décision du 20 novembre 2024, la nouvelle demande d'aide juridictionnelle formée par M. A... a été rejetée. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par une ordonnance du président de la cour du 13 décembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique, - et les observations de Me Jeudi, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... était caporal-chef sous contrat dans l'armée de terre jusqu'à sa radiation des contrôles en 1997. Il a sollicité le 13 octobre 2010 une pension pour l'infirmité résultant d'une hépatite C chronique, dont il attribue l'origine aux conditions sanitaires dans lesquelles il a servi, du 4 décembre 1992 au 12 juin 1993, au Cambodge, dans le cadre de la mission Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). Par une décision du 16 juillet 2012, le ministre de la défense a rejeté cette demande de pension. Sur transmission du tribunal des pensions de Chambéry, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... contestant cette décision. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 468256 du 24 juillet 2024, le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de M. A..., a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire à la cour. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2020 et la décision du 16 juillet 2012, et d'enjoindre à l'administration de lui verser la pension due au titre des séquelles de son infection au virus de l'hépatite C à un taux qui ne saurait être inférieur à 20 % pour cette infirmité, à compter du 13 octobre 2010, à titre subsidiaire, à un taux d'au moins 10 %. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le droit à pension : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date d'ouverture du droit à pension allégué par le requérant, soit le 12 juin 1993 : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. (...)/ La présomption [ainsi] définie (...) s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. En outre, pour l'application de la condition de délai permettant de bénéficier de la présomption d'imputabilité au service, le juge des pensions doit retenir la date du constat officiel de la première manifestation d'une maladie et non la date de diagnostic de la maladie qui peut être posé au-delà du délai. 4. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment des trois rapports d'expertise judiciaire des 8 janvier 2015, 15 octobre 2016 et 18 mars 2019, que si les tests de recherche de l'hépatite C utilisés à partir de 1991, dits de deuxième génération, étaient fiables à 95 %, la recherche de l'hépatite C n'était alors systématique que dans le cadre de dons du sang. La sérologie effectuée sur M. A... le 21 janvier 1992, soit environ onze mois avant son départ, n'a pas été effectuée à l'occasion d'un don du sang, n'a pas recherché la présence de marqueurs de l'hépatite C, et n'a ainsi mis en évidence qu'une absence de contamination à l'hépatite B. Aucun élément ne permet cependant d'attester d'une absence de contamination de M. A... à l'hépatite C à cette date. En outre, si M. A... fait état des conditions sanitaires générales très dégradées de la mission à laquelle il a participé durant sept mois, et de son exposition personnelle directe au risque de contamination par sa participation active au brancardage de populations civiles blessées et dans lesquelles la forte prévalence des hépatites notamment était reconnue par la littérature médicale, il n'établit pas davantage que le risque auquel il était exposé se trouvait augmenté par des blessures aux mains, susceptibles d'être une voie de contamination par contact avec du sang contaminé. Dès lors, aucune de ces circonstances ne permet d'établir que l'infirmité dont le requérant est atteint résulterait ou ne résulterait pas de l'une des causes prévues à l'article L. 2 cité au point 2. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à son retour de mission au Cambodge, le 12 juin 1993, M. A... a subi des prélèvements sanguins dont les analyses ont mis en évidence des anomalies hématologiques établies par deux bilans, le 27 juillet 1993 par un laboratoire privé et le 3 août 1993 par l'hôpital d'instruction des armées Laveran, lesquelles ont conduit les autorités militaires à déclarer l'intéressé inapte au service outre-mer. Les investigations menées dans leur prolongement, dont une sérologie positive le 16 août 1993, ont établi un diagnostic d'infection au virus de l'hépatite C, ultérieurement identifiée de génotype 3. Contrairement à ce qu'indique le ministre des armées, l'affection au titre de laquelle M. A... demande une pension a ainsi été constatée, au regard des analyses de sang opérées qui ont révélé des anomalies, dans le délai imparti pour la constatation de la maladie et au retour d'une opération de service au sens de l'article L. 3 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, et quand bien même il n'aurait pas déposé de déclaration d'un éventuel accident de contamination par contact sanguin dans l'exercice de ses fonctions pendant sa mission, M. A... bénéficie de la présomption d'imputabilité au service prévue par le 2° de cet article. 6. Si l'administration fait état du comportement personnel à risque de l'intéressé avant son incorporation et jusqu'à son départ en mission qui l'a exposé à des risques de contamination par ce virus et de la circonstance que son profil cicatriciel correspondait à un profil d'usager de drogues statistiquement associé à de telles contaminations, elle se borne à reproduire l'ensemble des analyses précises réalisées par les trois experts successivement commis à cet effet. Ainsi, en l'absence d'autres éléments, notamment médicaux, elle n'apporte pas la preuve dont elle a la charge de nature à renverser la présomption retenue au point précédent, et n'établit pas que la contamination de M. A... relève de manière directe et certaine d'une cause étrangère au service. En ce qui concerne le taux d'invalidité : 7. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de pension de l'intéressé pour évaluer ses droits à pension militaire d'invalidité, et notamment le taux d'invalidité résultant de l'infirmité en cause, soit en l'espèce, pour l'infirmité liée à l'hépatite dont souffre M. A..., au 13 octobre 2010. 8. D'une part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable au litige : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4, les pensionnés ou postulants à pension à raison d'infirmités résultant de blessures reçues ou de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service accompli : / (...) Soit (...) au cours d'opérations ouvrant droit au bénéfice de campagne double ou en captivité, ont droit à pension si l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 % (...) ". Aux termes de l'article L. 121-6 de ce code, dans sa version actuelle : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli (...) 3° En opérations extérieures (...) ". Ces dernières dispositions, bien qu'intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés, sont susceptibles d'affecter ces droits dès lors que le législateur a entendu leur donner une telle portée. Il y a ainsi lieu de retenir que l'infirmité dont M. A... reste atteint du fait de l'hépatite C réputée contractée en service est susceptible d'ouvrir droit à une pension d'invalidité dans la mesure où celle-ci est au moins égale à 10 %. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 % (...) ". Et aux termes de son article L. 10 : " Les degrés de pourcentage d'invalidité (...) correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Enfin, selon l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable, repris à l'article L. 125-8 : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante./ A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. (...) ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 10. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expertise du 15 mars 2019, et au vu de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par l'infirmité résultant de la pathologie dont M. A... est désormais guéri, que le taux d'invalidité correspondant aux séquelles de l'infection au virus de l'hépatite C qu'il a subie doit être évalué à 10 %. Le requérant étant déjà titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à raison de séquelles de fractures des corps vertébraux dues à une blessure reçue à l'occasion de ses activités militaires, le taux d'invalidité de sa pension doit être fixé, pour la deuxième infirmité, proportionnellement à la validité restante, soit 9 %. Il s'ensuit que le taux global de l'invalidité dont M. A... reste atteint s'élève à 19 %. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et qu'il peut bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au taux de 19%. Sur les conclusions à fin d'injonction : 12. L'exécution du présent arrêt implique que la pension militaire d'invalidité de M. A... soit liquidée en tenant compte d'un taux de 19 % pour ses infirmités à compter du 13 octobre 2010, date de la demande de pension formée par l'intéressé au titre de sa seconde infirmité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. 13. Conformément à l'article 1231-6 du code civil, M. A... a droit aux intérêts au taux légal afférents aux sommes dues au titre des arrérages de pension, à compter de cette même date. Sur les frais d'expertise : 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais des expertises judiciaires ordonnées par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Savoie les 20 octobre 2014, 1er avril 2016 et 6 juillet 2018. Sur les frais liés au litige : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au bénéfice de M. A.... D E C I D E : Article 1er : Le jugement du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 16 juillet 2012 du ministre de la défense sont annulés. Article 2 : Il est attribué à M. A..., à compter du 13 octobre 2010, une pension militaire d'invalidité au taux global de 19 %. Les arrérages de la pension militaire d'invalidité seront assortis des intérêts au taux légal à compter de cette même date. Article 3 : Les frais des expertises ordonnées par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Savoie sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY02136
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 7ème chambre, 09/01/2025, 24LY01430, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 24 juin 2020 de la direction des pensions du ministère des armées refusant de lui allouer une pension militaire d'invalidité, et la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde du 11 mai 2021, refusant de faire droit à sa demande de versement d'une allocation de rechute, ainsi que d'enjoindre au ministre des armées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de reconnaître l'imputabilité au service des infirmités qui l'affectent, de lui accorder le bénéfice de la pension militaire d'invalidité et de procéder à la reconstitution de ses droits ou, à défaut, de statuer à nouveau. Par un jugement nos 2104561, 2108813 du 21 mars 2024, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. D..., représenté par Me Di-Cintio, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 ; 2°) d'annuler les décisions du 28 avril 2021 de la commission de recours de l'invalidité et du 4 novembre 2021 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui verser une pension militaire d'invalidité, à compter du 1er mars 2018, sur la base d'une invalidité de 50 % ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de reconstituer ses droits dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, dans le respect du secret médical et de l'égalité des armes durant les opérations d'expertise, d'une part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un expert neurologue ou rhumatologue pour évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation de sa pathologie lombaire, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros et, d'autre part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un collège d'experts psychiatres et rhumatologues afin d'évaluer l'invalidité consécutive à l'accident initial du 16 juillet 2009, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros ; 6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'une somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles en appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la lombosciatalgie L5-S1 qu'il subit trouve son origine dans une blessure imputable au service, la discopathie dont il souffrait avant l'accident du 16 juillet 2009 ne devant s'analyser qu'en une prédisposition et non en un état antérieur ; - le syndrome dépressif réactionnel dont il souffre est imputable au service, dès lors qu'il trouve son origine dans la perte de capacités physiques consécutives à un accident de service ainsi que dans un contexte de conflits professionnels, le " trait de personnalité " relevé par les experts ne constituant pas, par ailleurs, un état antérieur ; - le taux d'invalidité à prendre en compte est, à titre principal, de 10 %, ses infirmités résultant d'une blessure et non d'une maladie ou, à titre subsidiaire, de 30 %, ses infirmités résultant à la fois de la blessure et de la maladie ; - l'expertise réalisée à l'occasion de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité est entachée d'erreurs manifestes, ce qui justifie qu'une nouvelle expertise soit ordonnée en vue d'évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation du rachis lombaire ; - ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 portant refus de sa demande d'allocation de rechute sont recevables ; - sa demande d'allocation de rechute aurait dû être acceptée, les infirmités dont il souffre étant imputables au service. Par un mémoire enregistré le 6 décembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le décret n° 2017-624 du 11 avril 2017 relatif aux commissions de réforme de pensions militaires d'invalidité ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres ; - le code de la défense ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. C... D... est entré dans l'armée de terre le 1er décembre 1998. Le 16 juillet 2009, à la suite du déplacement de meubles lourds, il a ressenti une vive douleur au dos. Le 27 février 2012, il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour une sciatique L5-S1 droite. Cette demande a été rejetée par une décision, non contestée, du ministre des armées du 22 juillet 2013, par le motif que cette pathologie relevait d'une maladie et que le taux d'invalidité ne lui ouvrait pas droit à pension. M. D... a formulé une nouvelle demande de pension d'invalidité le 1er mars 2018, en raison de la même sciatique L5-S1 droite et d'un syndrome dépressif réactionnel. Cette demande a été rejetée par décision de la direction des pensions du ministère des armées du 24 juin 2020. L'intéressé a alors formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité, rejeté par décision du 28 avril 2021. Par ailleurs, à la suite de sa radiation des contrôles au grade de caporal-chef de 1ère classe le 30 octobre 2020, M. D... a demandé le 23 décembre 2020 l'attribution d'une allocation de rechute. Sa demande a été rejetée par le commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde par décision du 11 mai 2021. Le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressé à l'encontre de cette décision a été rejeté par la ministre des armées le 4 novembre 2021. M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 28 avril et 4 novembre 2021. Par un jugement du 21 mars 2024, dont M. D... relève appel, le tribunal a rejeté ces demandes. Sur la décision portant refus de pension militaire d'invalidité : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version en vigueur au 1er mars 2018, date de la demande de M. D... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service [...] ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. [...] La présomption définie aux 1° et 2° du présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. [...] ". 3. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. S'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que, faute pour les deux infirmités dont se plaint M. D... d'avoir été constatées lors d'une opération de guerre ou de maintien de l'ordre, la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'est pas applicable. Il lui appartient donc de démontrer qu'une relation directe existe entre l'origine de ses infirmités et le service. En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie lombaire : 6. A la suite du déplacement de meubles d'une chambre de la compagnie de commandement et de logistique le 16 juillet 2009, M. D... a ressenti une vive douleur en bas du dos, qui est persistante et augmente avec le temps. Il ressort de l'expertise réalisée en 2012 par le docteur A... à l'occasion de la première demande de pension militaire d'invalidité que huit jours après les faits, M. D... a effectué une radiologie qui a révélé une " discopathie L5-S1 ", confirmée par un bilan IRM. Cette discopathie est également mentionnée dans l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 6 février 2020. Cependant une telle pathologie, qui se caractérise par la lenteur du trouble dégénératif et ne saurait s'analyser comme une simple prédisposition, n'apparaît pas d'installation subite, n'ayant pu survenir brusquement, quelques jours seulement après le port d'une charge lourde. En l'absence de tout autre lésion constatée à l'imagerie, l'infirmité dont souffre M. D... ne peut donc qu'être regardée comme trouvant son origine déterminante dans un état pathologique préexistant, dont rien au dossier, et notamment pas les différents arrêts maladies produits, ne permet non plus de dire qu'il serait lui-même imputable au service. Dans ces circonstances, la pathologie dorsale dont est atteint M. D... n'apparaît pas consécutive à un fait de service précis mais trouve sa cause dans une maladie. 7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que sa pathologie dorsale n'est pas imputable au service. En ce qui concerne l'imputabilité au service du syndrome dépressif réactionnel : 8. Il ressort notamment du rapport d'expertise réalisé par le docteur B..., psychiatre, en date du 10 décembre 2019, que M. D... se trouve dans un état dépressif en raison de la perte de ses capacités physiques et des conséquences de cette situation sur sa vie personnelle et professionnelle, et de conflits professionnels. M. D... fait notamment état de brimades, d'une discrimination dans son évolution de carrière et de remarques racistes. Il reste que, comme il a été vu plus haut, la perte de capacité physique et l'infirmité dorsale dont souffre M. D... trouvent leur origine dans une pathologie dégénérative sans lien avéré avec le service, l'état dépressif réactionnel qu'elle a pu occasionner ne pouvant davantage être imputée au service. Par ailleurs, M. D... ne rapporte précisément aucune circonstance qui serait susceptible d'établir les conflits professionnels dont il fait état. 9. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'existence d'un éventuel état antérieur, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que le syndrome dépressif réactionnel n'est pas imputable au service. Sur la décision portant refus d'allocation de rechute : 10. Aux termes de l'article L. 4123-2-1 du code de la défense : " Les anciens militaires victimes, après leur radiation des cadres ou des contrôles, d'une rechute d'une maladie ou d'une blessure imputable aux services militaires et dans l'incapacité de reprendre leur activité professionnelle bénéficient d'une prise en charge par l'Etat de leur perte de revenu selon des modalités définies par décret. ". Aux termes de l'article D. 4123-37-1 du même code : " Les anciens militaires mentionnés à l'article L. 4123-2-1 du présent code bénéficient, selon les conditions prévues par les articles de la présente sous-section, d'une allocation visant à compenser, leur perte de revenu. La notion de rechute s'entend comme toute modification dans l'état de santé d'un ancien militaire, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure ou de la maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles des armées et imputable aux services militaires. ". 11. Il résulte de ces dispositions que les anciens militaires peuvent prétendre à bénéficier d'une allocation en cas de rechute à la condition que la blessure ou maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles qui fait l'objet d'une rechute ait été imputable au service. 12. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, les infirmités dont souffre M. D... ne sauraient être regardées comme imputables au service. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'allocation de rechute. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées. Copie en sera adressée à la ministre chargée des comptes publics. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025. La rapporteure, I. Boffy Le président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY01430 al
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/01/2025, 23MA01801, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 20 juillet 2020 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2003606 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet et 24 novembre 2023 et le 29 août 2024, M. A... demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 juin 2023 ; 2°) de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité. Il soutient que : - le tribunal n'a tenu compte que de l'argumentation du ministre, et non de la sienne qui n'apparaît pas dans son jugement, non plus des éléments des registres des constatations et des éléments médicaux qu'il avait produits ; - la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 151-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, faute d'avoir convoqué le militaire devant le médecin expert, alors qu'elle se fonde sur une expertise sommaire ; - il y a lieu de tenir compte des conclusions du médecin expert otorhinolaryngologiste, désigné par ses soins, qui a estimé que l'aggravation constante de sa surdité et la persistance des acouphènes ouvraient droit à pension, même s'il ne revenait pas à cet expert reconnu dans sa discipline de fixer un taux d'invalidité ; - les avis et expertises établis en 1998 et en 2010 sont incomplets et insuffisants en ce qui concerne les acouphènes ; - l'ensemble des conclusions médicales recueillies établissent que l'atteinte des fréquences de 4000 Hz à 6000 Hz est symptomatique du traumatisme sonore aigu dont il a été victime en 1989, alors qu'il ne présentait aucun état pathologique antérieur ; - le motif de refus, lié au caractère nécessairement régressif des hypoacousies sono-traumatiques, ne repose sur aucun fondement médical ou juridique, alors que le vieillissement n'exclut pas l'imputabilité de l'infirmité qu'il aggrave et qu'il n'a plus été soumis à des nuisances sonores intenses depuis son départ à la retraite en juillet 1999 ; - cette décision de refus se fonde uniquement sur le rapport du médecin expert qui ne tient compte que d'un rapport d'expertise du 5 mai 2010, et non de l'aggravation de sa surdité ni de la persistance des acouphènes ; - contrairement à ce qu'affirme l'administration, le rapport circonstancié mentionne à la fois un assourdissement et un sifflement continu des oreilles du militaire ; - ses infirmités l'ont contraint à se faire appareiller à ses frais avec des prothèses auditives. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2024, puis a été reportée au 2 septembre 2024 à 12 heures par une ordonnance du 21 août 2024, et enfin a été reportée au 25 septembre 2024 à 12 heures par une ordonnance du 2 septembre 2024. Par une lettre du 24 décembre 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce qu'une annulation de la décision en litige pour vice de procédure impliquerait le prononcé d'office d'une injonction de réexamen de la demande de M. A..., après examen par le médecin expert, dans un délai de deux mois. Le 3 janvier 2025, le ministre des armées a produit des observations en réponse à l'information de la Cour, indiquant que le délai dans lequel une injonction de réexamen devrait être exécutée ne pourrait être inférieur ou égal à deux mois. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., capitaine de l'armée de terre, rayé des contrôles le 19 juillet 1999, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 55 %, au titre de six infirmités. Le 12 juillet 2018, il a demandé la révision de cette pension pour tenir compte de deux infirmités nouvelles, des " hypoacousies bilatérales " d'une part, et des " acouphènes " d'autre part, qu'il impute à un accident survenu en service le 25 avril 1989. Par une décision du 20 juillet 2020, le ministre des armées a rejeté sa demande. Par une décision du 9 décembre 2020, la commission du recours de l'invalidité a rejeté le recours de M. A... contre la décision de refus du ministre des armées, au motif, d'une part, que ses précédentes demandes de pension relatives à ces infirmités avaient été rejetées par des décisions des 18 mai 1998 et 28 septembre 2010, devenues définitives, d'autre part, que les séquelles d'un traumatisme sonore ne sont pas susceptibles d'évoluer défavorablement après une période de six à douze mois, et enfin que le taux d'invalidité susceptible d'être attribué au titre des hypoacousies est trop faible et que les acouphènes n'avaient pas été décelées lors de la visite de fin du service du militaire. Par un jugement du 27 juin 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à l'annulation de la décision de rejet de son recours préalable devant la commission de recours d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre./ Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. (...) ". L'article R. 151-10 du même code dispose que : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert est mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. / L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont jointes au rapport de l'expert ". En vertu de l'article R. 151-5-1 du le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issu du décret n° 2024-1119 du 4 décembre 2024 autorisant l'expertise médicale sur pièces dans le cadre d'une demande de pension d'invalidité servie au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au vu de la nature de l'infirmité et des pièces détenues, le chef du service des pensions peut décider, sur avis du médecin responsable des expertises médicales, que l'expertise médicale sera réalisée sur pièces. 3. Il résulte des dispositions des articles R. 151-9 et R. 151-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur version applicable au litige, que la visite médicale à laquelle est soumis le candidat à pension ou à révision de pension, à l'occasion de l'examen de sa demande, consiste, à la date de la décision en litige, en un examen de l'intéressé par un médecin expert mandaté par le service des pensions, qui, à partir de cet examen médical et de l'étude de l'ensemble des pièces du dossier de l'intéressé, lequel peut lui communiquer tout certificat médical ou document relatif à sa pathologie, établit un rapport d'expertise. Le ministre des armées statue sur la demande de pension de l'intéressé au vu de ce rapport. Compte tenu de l'importance de cette expertise médicale dans l'instruction de la demande de pension du militaire, cette formalité constitue pour lui une garantie, dont la privation du bénéfice effectif, qui n'est pas un vice seulement propre à la décision de refus du ministre des armées, entache d'illégalité la décision prise par la commission de recours de l'invalidité sur le recours de l'intéressé contre la décision du ministre sur sa demande. 4. Il résulte de l'instruction, et il est d'ailleurs constant, que malgré ses demandes du 18 juin 2019 et du 11 février 2020, et les réponses d'attente qui y ont été données par le service des pensions, indiquant que sa demande de pension était en cours d'instruction et qu'un courrier lui serait adressé pour l'inviter à prendre rendez-vous avec un médecin expert, M. A... n'a pas été examiné par le médecin expert au cours d'une visite ayant précédé l'établissement de son rapport du 23 juin 2020. Il ne résulte d'aucun des éléments de l'instruction qu'au cours de la procédure d'instruction de sa demande, M. A... aurait été examiné par un autre médecin désigné par l'administration des pensions. La circonstance que, avant l'édiction des décisions du 18 mai 1998 et du 28 septembre 2010 rejetant ses précédentes demandes de pension relatives aux hypoacousies et aux acouphènes, il a été reçu en visite médicale par le médecin conseil du service des pensions ne saurait, compte tenu de son ancienneté, être regardée comme lui ayant permis de bénéficier de mesures d'effet équivalent à la visite prévue pour les besoins de sa nouvelle demande. Il en va de même de la circonstance, qui n'a d'incidence que sur le sens de la décision en litige, que compte tenu des motifs de cette décision, liés à la seule imputabilité des infirmités en cause, et identiques à ceux de l'avis du médecin expert du 23 juin 2020, l'examen médical du demandeur n'était pas utile, aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables à l'instruction de la demande de pension de M. A... ne permettant à ce médecin de mener son expertise seulement sur pièces. Il suit de là que M. A... a été privé du bénéfice effectif de la garantie que constitue l'examen par le médecin expert. Un tel vice, qui n'est pas seulement propre à la décision de refus du ministre des armées mais qui entache la régularité de la décision prise par la commission du recours de l'invalidité sur le recours préalable de M. A... contre ce refus, est de nature à en justifier l'annulation. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours d'invalidité du 9 décembre 2020 et qu'il y a lieu, pour le motif énoncé au point précédent, d'annuler ce jugement et cette décision, aucun des autres moyens de la requête n'étant mieux à même de régler le litige. Sur le prononcé d'office d'une injonction : 6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./ La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision.". 7. Le présent arrêt implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, ainsi que la Cour en a informé les parties, non pas qu'il soit fait droit à la demande de pension de M. A..., mais que le ministre des armées instruise de nouveau cette demande, en faisant procéder à son examen par le médecin expert, sauf mise en œuvre des dispositions de l'article R. 151-5-1 du code des pensions militaires et d'invalidité et des victimes de guerre, et qu'il prenne une nouvelle décision sur cette demande. Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre des armées de procéder dans ces conditions au réexamen de la demande de pension de M. A... et de prendre une nouvelle décision, dans un délai qu'il y a lieu en l'espèce de fixer à trois mois suivant la notification du présent arrêt. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2003606 rendu le 27 juin 2023 par le tribunal administratif de Toulon, et la décision du 9 décembre 2020 par laquelle la commission du recours de l'invalidité a rejeté le recours de M. A... contre la décision du ministre des armées du 20 juillet 2020 rejetant sa demande de pension sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à un nouvel examen de la demande de pension de M. A..., dans les conditions énoncées aux points 4 et 7 du présent arrêt, et de prendre sur cette demande une nouvelle décision, dans un délai de trois mois suivant la notification de cet arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025. N° 23MA018012
Cours administrative d'appel
Marseille