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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 15/07/2025, 23TL03015, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé contre la décision de la ministre des armées du 18 février 2021 refusant de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", de fixer le taux d'invalidité relatif à cette infirmité au taux de 12% et d'ouvrir ses droits à pension militaire d'invalidité à ce titre à compter de la date de sa demande de pension et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n°2106512 du 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 18 février 2021 du ministre des armées refusant de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", a fixé les droits à pension de M. B... au titre de cette infirmité à 12% à compter du 14 août 2019 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2023 et le 21 février 2025, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement rendu le 24 octobre 2023 en ce qu'il a retenu un taux d'invalidité de 12% pour l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative " ; 2°) de dire que le taux d'invalidité relatif à cette infirmité est inférieur à 10% ; 3°) de confirmer la décision la commission de recours de l'invalidité du 22 septembre 2021. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit et induit des difficultés d'exécution ; - le tribunal s'est mépris sur la finalité de la pension militaire d'invalidité au point 5 du jugement ; - les douleurs ne font pas partie des troubles fonctionnels que recouvre une infirmité ; - le taux d'invalidité, pour cette infirmité, au regard d'une gêne fonctionnelle minime, doit être fixé à moins de 10%. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 18 mars 2025, M. A... B..., représenté par Me Petitgirard, conclut au rejet de la requête et, demande, par la voie de l'appel incident, de condamner le ministre des armées à liquider sa pension militaire d'invalidité au taux de 15% et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate, en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Il fait valoir que : - les moyens soulevés ne sont pas fondés ; - contrairement à ce qui est allégué, la pension militaire d'invalidité doit indemniser non seulement les pertes de revenus et l'incidence professionnelle mais également le déficit fonctionnel ; - les douleurs ont été prises en compte, à juste titre, au titre de ses troubles fonctionnels et de l'atteinte à son état général ; - la pension d'invalidité, au regard du taux de 12% retenu par l'expert désigné par la sous-direction des pensions, doit être liquidée au taux de 15%. Par une ordonnance du 24 février 2025, la date de clôture d'instruction a été reportée au 25 mars 2025. M. B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal de l'armée de terre, radié des contrôles le 8 octobre 2020, a subi un accident le 9 octobre 2018 et a présenté, le 24 juillet 2019, une demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " douleur sterno-claviculaire droite " qui a été enregistrée le 14 août 2019. Par une décision du 18 février 2021, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité est inférieur au minimum indemnisable de 10% pour l'ouverture du droit à pension. Le 31 mai 2021, M. B... a présenté un recours administratif préalable contre cette décision. Le 22 septembre 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. Par un jugement, rendu le 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité et a fixé à 12% le pourcentage de pension d'invalidité de M. B... au titre de l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative ", à compter du 14 août 2019. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. B... sollicite l'attribution d'une pension d'invalidité au taux de 15%. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit ni de l'erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué. Il ne peut davantage utilement invoquer, pour contester la régularité de ce jugement, les difficultés d'exécution qu'il induit. Sur l'appel principal : 3. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. En ce qui concerne les motifs d'annulation : 4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ". 5. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. 6. Pour annuler la décision du 22 septembre 2021 de la commission de recours de l'invalidité, les premiers juges ont estimé, d'une part, qu'en refusant de prendre en considération, dans l'évaluation du taux d'invalidité de l'infirmité, les douleurs chroniques de M. B..., l'administration avait entaché sa décision d'une erreur de droit et, d'autre part, qu'en retenant un taux d'invalidité inférieur à 10%, elle avait commis une erreur d'appréciation. 7. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général ". 8. D'une part, eu égard à la réparation forfaitaire à laquelle les militaires peuvent prétendre au titre des préjudices mentionnés au point 5 incluant les douleurs permanentes, qui participent de la gêne fonctionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que les douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite de M. B... n'avaient pas à être prises en compte pour déterminer le montant de la pension. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". 10. Si le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 18 janvier 2021, a retenu une " discrète limitation de la mobilité " et une " légère raideur de l'épaule droite " et a évalué le taux d'invalidité à un pourcentage inférieur à 10%, au regard des " géodes dégénératives de l'épiphyse claviculaire droite sans lésion fracturaire " révélées par l'imagerie par résonance magnétique, réalisée le 24 décembre 2018, il résulte toutefois de l'instruction et notamment de l'expertise médicale, ordonnée par la sous-direction des pensions, dont les conclusions ont été remises, le 28 décembre 2020, que l'infirmité, en lien direct avec l'accident de service, concerne l'épaule droite, qui est douloureuse avec perte de mobilité en antépulsion de 20 degrés, un peu en abduction et rotation, et devant donner lieu à un taux définitif d'invalidité de 12%, selon le guide-barème des invalidités, pour " raideur articulaire sur épaule dominante portant sur la propulsion et sur l'abduction ". Cet avis médical est, par ailleurs, corroboré par les avis de deux médecins de l'antenne médicale de Pamiers (Ariège) et de l'hôpital des armées Robert Picqué de Villenave d'Ornon (Gironde), émis les 22 janvier et 12 décembre 2019, relevant que M. B... présente une douleur sterno-claviculaire persistante et chronique apparaissant de manière itérative sur des mouvements anodins ou météorologiques. En outre, le 20 septembre 2020, la commission de réforme des militaires a conclu à l'absence d'aptitude physique de M. B... à l'exercice des fonctions afférentes aux emplois de son grade, ce qui a conduit à sa radiation des cadres. Dans ces conditions, le ministre des armées ne saurait sérieusement soutenir que le taux d'invalidité relatif à cette infirmité doit être fixé à un taux inférieur à 10 %. 11. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 22 septembre 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Sur l'appel incident : 12. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Selon l'article L. 125-3 de ce code : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5. Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...). " Le guide barème des invalidités prévoit un taux d'invalidité compris entre 10 et 30% lorsque ces raideurs de l'épaule concernent la propulsion et l'abduction. 13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le taux d'invalidité de M. B... doit, au regard notamment de l'expertise ordonnée par la sous-direction des pensions, être fixé à 12%. En conséquence, l'intimé est fondé, dans le cadre de ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident, à demander, conformément au principe figurant à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, cité au point précédent, l'ouverture d'une pension d'invalidité à hauteur de 15% à compter du 14 août 2019, date de l'enregistrement de sa demande et à solliciter la liquidation des droits à pension correspondants. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a fixé à 12% son taux d'invalidité. Sur les frais liés au litige : 15. M. B... ayant obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Petitgirard, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à son profit au titre des frais liés au litige. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : M. B... a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 15% au titre de l'infirmité " douleurs chroniques de l'articulation sterno-claviculaire droite sur arthropathie dégénérative " à compter du 14 août 2019. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Petitgirard en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées, à M. A... B... et à Me Petitgirard. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL03015 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/07/2025, 495253
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 23 septembre 2021 du directeur départemental de la mer de la Corse-du-Sud lui refusant le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à l'administration de lui attribuer cette allocation. Par un jugement n° 2101404 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., attachée principale en poste à la direction départementale des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud, a été victime d'un syndrome d'épuisement professionnel reconnu imputable au service au rang des maladies professionnelles non désignées sur un tableau des maladies professionnelles. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud ayant rejeté sa demande tendant à l'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité et implicitement rejeté son recours gracieux contre ce refus. 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, alors applicable, désormais codifié à l'article L. 824-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". 3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : (...) / c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, devenu, lors de l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, le septième alinéa de cet article : " Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé ". Aux termes de l'article R. 461-8 du même code : " Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 4. D'autre part, il résulte également des termes des septième et huitième alinéas de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 que les agents souffrant d'une maladie reconnue d'origine professionnelle en application du b) ou du c) du même article ne peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité " que dans la mesure où l'affection contractée serait susceptible, s'ils relevaient du régime général de sécurité sociale, de leur ouvrir droit à une rente en application du livre IV du code de la sécurité sociale et de ses textes d'application. / La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée (...), dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation (...) de l'état de santé de l'intéressé ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux maladies d'origine professionnelle en vertu de l'article L. 461-1 du même code : " Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 434-2 : " Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente (...) ". Aux termes de l'article R. 434-1 de ce code : " Le taux d'incapacité prévu aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 434-1 et au deuxième alinéa de l'article L. 434-2 est fixé à 10 % ". 5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 4 que le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, au titre d'une invalidité résultant d'une maladie reconnue imputable au service ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale et ayant entraîné, au moment de cette reconnaissance, un taux d'incapacité permanente de 25 %, est subordonné au constat, après consolidation de l'état de santé de l'intéressé, d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 10%. 6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la commission départementale de réforme a, lors de sa séance du 30 avril 2015, émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service, au titre des maladies professionnelles non désignées sur un tableau des maladies professionnelles, de la pathologie dont souffrait Mme A..., après que le taux d'incapacité permanente affectant l'intéressée eut été évalué par le médecin expert mandaté par la direction départementale des territoires et de la mer à au moins 25 %. D'autre part, il ressort des pièces de ce même dossier que, lors de sa séance du 29 juin 2017, la commission de réforme, saisie dans le cadre de la demande d'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité, a constaté que la consolidation de l'état de santé de l'intéressée était intervenue le 7 septembre 2016 et qu'à cette date, son incapacité permanente partielle était de 10%. Dès lors, en jugeant que le taux de 10 % d'incapacité permanente partielle entraîné par cette maladie, constaté lors de la consolidation de son état de santé, n'était pas de nature à lui ouvrir droit à l'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité au motif qu'il était inférieur à 25 %, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 8. Il résulte de l'instruction que la pathologie dont souffre Mme A..., qui n'est pas désignée sur un tableau des maladies professionnelles, a été déclarée en lien avec le service et a initialement entraîné un taux d'incapacité de 25 %, ce qui a conduit à la reconnaître comme maladie professionnelle. L'incapacité permanente partielle constatée au moment de la consolidation de son état de santé, le 7 septembre 2016, étant de 10 %, Mme A... pouvait prétendre à une allocation temporaire d'invalidité à compter de cette date. Elle est donc fondée à demander l'annulation de la décision du 23 septembre 2021 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud refusant de lui reconnaître ce droit ainsi que de la décision par laquelle son recours gracieux a été implicitement rejeté, qui étaient fondées sur le seul motif que le taux d'incapacité permanente partielle constaté au moment de la consolidation de son état de santé était inférieur à 25%. 9. Il suit de là qu'en l'absence d'autre motif de refus invoqué par l'administration, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, d'accorder à Mme A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 7 septembre 2016, date de constatation officielle de la consolidation de son état de santé, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 26 avril 2024 du tribunal administratif de Bastia est annulé. Article 2 : La décision du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud du 23 septembre 2021 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme A... sont annulées. Article 3 : Il est enjoint à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, d'accorder à Mme A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 7 septembre 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Copie en sera adressée au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.ECLI:FR:CECHR:2025:495253.20250717
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/07/2025, 24NT02633, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours qu'il a formé contre la décision de la ministre des armées lui refusant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'acouphènes gauches permanents ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 2107635 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité du 28 avril 2021 et enjoint au ministre des armées de prendre une nouvelle décision en retenant un taux d'invalidité, au titre des acouphènes gauches permanents, de 20 %. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 août 2024 et le 19 décembre 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2024 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes. Il soutient que : - M. A... n'a pas apporté la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre les acouphènes bilatéraux permanents dont il se prévaut et ses fonctions militaires ; - les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Parent, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise médicale. Il demande, en outre, la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que le tribunal a reconnu l'imputabilité de ses acouphènes à son accident de service et retenu un taux d'invalidité, au titre de cette infirmité, de 20 % ; - il n'est pas établi que le signataire de la fiche descriptive des infirmités et celui de la décision de la commission de recours de l'invalidité aient bénéficié d'une délégation de signature ; - la décision de la commission de recours de l'invalidité est insuffisamment motivée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bougrine, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a servi dans l'armée de terre entre 1989 et 2022. Bénéficiaire d'une pension militaire d'invalidité au titre d'infirmités lombaires, il s'est prévalu, dans des demandes présentées les 26 et 27 juin 2018, de trois infirmités nouvelles. Par un arrêté du 7 décembre 2020 et une fiche descriptive des infirmités du 15 décembre 2020, le ministre des armées a accepté de pensionner l'infirmité résultant des séquelles d'une luxation de l'épaule gauche. Il a, en revanche, rejeté la demande de M. A... relatives, d'une part, à une hypoacousie bilatérale et, d'autre part, à des acouphènes permanents de l'oreille gauche. M. A... a, s'agissant de ces seuls acouphènes, formé un recours préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité, laquelle l'a rejeté par une décision du 28 avril 2021. Le ministre des armées relève appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 28 avril 2021 et jugé que les acouphènes permanents de l'oreille gauche ouvraient droit à pension à raison d'un taux d'invalidité de 20 %. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la constatation de l'infirmité, résultant d'acouphènes, invoquée par M. A... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Il résulte de l'instruction que, le 19 juin 1992, M. A... a subi, à l'occasion d'un entrainement consistant à franchir un fossé d'eau dans un caisson, un accident barotraumatique, à l'issue duquel il s'est plaint, selon les termes du rapport du chef de corps du 6 juillet 1992, " des oreilles et d'un défaut d'audition ". Le 21 mars 2006, M. A... a fait état, auprès d'un médecin militaire, d'" acouphènes intermittents, sans plus de gêne ". Pour les besoins de l'instruction de la demande de pension, une expertise médicale a été confiée à un oto-rhino-laryngologue (ORL). Ce dernier a estimé, dans son rapport du 15 octobre 2020, que cette infirmité, dont il a évalué le taux d'invalidité à 20 %, était " en relation directe et certaine avec le barotraumatisme du 19/06/1992 ". L'expert précise qu'il a sollicité l'avis d'un autre ORL. La commission de recours de l'invalidité a néanmoins, estimé, en s'appuyant sur l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 9 novembre 2020, que la preuve de l'imputabilité des acouphènes à l'accident du 19 juin 1992 n'était pas apportée dès lors que " le livret médical de M. A..., qui ne mentionnait pas l'existence d'un acouphène à la date du barotraumatisme du 19 juin 1992, ni a fortiori de prise en charge médicale, faisait état de son apparition quatorze ans après le barotraumatisme de 1992 ". L'avis du 9 novembre 2020 relève, en outre, que postérieurement à cet accident, le profil médical de M. A... établi le 2 mars 1993 a retenu pour l'item " Oreille et audition ", le coefficient 1 (O=1), soit le plus élevé. Toutefois, il ne résulte d'aucun élément versé à l'instruction que l'apparition d'acouphènes consécutive à un barotraumatisme serait insusceptible de se manifester plusieurs années plus tard. Il n'est pas davantage établi que le classement O=1 serait incompatible avec la constatation de lésion ou de gêne alors, au demeurant, que, d'une part, une hypoacousie a été observée dès l'incorporation M. A... et que, d'autre part, ce dernier ne s'est plaint d'acouphènes qu'en 2006. Enfin, l'étude médicale, produite par le ministre, relative aux traumatismes sonores aigus et dont il ressort que les acouphènes résultant de tels traumatismes sont quasiment constants et souvent de timbres aigus, ne saurait suffire, alors même que M. A... s'est, dans un premier temps, plaint d'acouphènes seulement intermittents, à infirmer l'analyse de l'expert. Surtout, cette étude définit les traumatismes sonores aigus qu'elle traite comme des lésions secondaires à une exposition excessive à des bruits traumatisants et ne concerne pas les barotraumatismes. Il résulte ainsi de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise du 15 octobre 2020, que la preuve de l'imputabilité des acouphènes permanents de l'oreille gauche dont souffre M. A... à l'accident subi le 19 juin 1992 doit être regardée comme apportée. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin, eu égard aux éléments versés à l'instruction rappelés au point 4, d'ordonner une expertise médicale, que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité et lui a enjoint d'octroyer à M. A... une pension au taux de 20 % au titre des acouphènes gauches permanents. Sur les frais liés au litige : 6. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : l'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président assesseur, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025. La rapporteure, K. BOUGRINELe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24NT02633
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 18/07/2025, 476311
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Essonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 mars 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement n° 1908052 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 21VE03126 du 31 mai 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme B.... Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... B..., adjointe gestionnaire au lycée Alexandre-Denis à Cerny, en Essonne, a été victime le 12 mars 2018, dans son bureau, d'un infarctus du myocarde. Par une décision du 16 mai 2019, la directrice académique des services départementaux de l'éducation nationale de l'Essonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision, ainsi que la décision implicite, née le 11 septembre 2019, rejetant le recours gracieux formé par Mme B..., et a enjoint à la directrice académique des services départementaux de l'éducation nationale de l'Essonne de procéder au réexamen de la demande de Mme B.... Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a annulé ce jugement et rejeté sa demande. Sur le cadre juridique applicable : 2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version antérieure à sa modification par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 3. D'autre part, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portants droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". Les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique de l'Etat, le 24 février 2019, lendemain de la publication du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique d'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour l'application de ces dispositions à cette fonction publique. 4. Pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, qu'elles soient antérieures ou postérieures à l'intervention de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée ci-dessus, constitue un accident tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il résulte des mêmes dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est victime d'un tel accident, cet accident, avant comme après l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 19 janvier 2017, est, quelle qu'en soit la cause, présumé imputable au service s'il est survenu dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. Il en va en particulier ainsi pour un accident cardio-neurovasculaire, l'état de santé antérieur du fonctionnaire n'étant alors de nature à constituer une circonstance particulière que s'il est la cause exclusive de l'accident. Sur le pourvoi de Mme B... : 5. Pour faire droit à l'appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cour a jugé qu'un infarctus du myocarde survenu pendant l'exercice des fonctions ne pouvait être reconnu imputable au service que s'il présentait un lien direct, certain et déterminant avec l'exécution du service et qu'en l'espèce, un tel lien n'était pas établi dès lors que l'état de santé antérieur de Mme B... présentait des facteurs de risque et qu'elle n'avait produit aucun effort physique violent et inhabituel au moment de l'évènement. En statuant ainsi, alors que l'accident s'est produit dans le temps et le lieu du service et qu'il lui appartenait par conséquent de rechercher si l'état de santé antérieur de l'intéressée était la cause exclusive de cet accident, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent. 6. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 31 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 18 juillet 2025. Le président : Signé : M. Rémy Schwartz La rapporteure : Signé : Mme Nicole da Costa La secrétaire : Signé : Mme Elsa SarrazinECLI:FR:CECHR:2025:476311.20250718
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 6ème chambre, 15/07/2025, 23PA02324, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, et la décision du 29 mars 2021 par laquelle le ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports, et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont rejeté son recours gracieux contre cette décision et ont refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité. Par un jugement n° 2111529/6-1 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 novembre 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Maujeul, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 2023 en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 mars 2021 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen selon lequel la décision du 29 mars 2021 a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017, qui a admis l'imputabilité au service de l'agression dont elle a été victime ; - il ne comporte pas les signatures exigées aux articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ; - la décision du 29 mars 2021 est entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'elle n'a pas eu accès à son dossier administratif ; - elle a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017 ; - elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 ; - elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la Cour de transmettre la requête de Mme A... au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. Elle soutient que le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort sur la demande de Mme A..., et que son jugement n'est pas susceptible d'appel. Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., bibliothécaire à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC), a été placée en arrêt de travail à la suite d'une altercation survenue sur son lieu de travail le 16 décembre 2016. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par une décision du recteur de l'académie de Paris du 9 octobre 2017. Mme A..., qui a repris le travail à mi-temps thérapeutique le 8 janvier 2018, a, avant d'être admise à la retraite pour invalidité le 1er septembre 2020, sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. Elle a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande, ainsi que la décision du 29 mars 2021 par laquelle les ministres de l'éducation, de la jeunesse et des sports, et de l'enseignement supérieur et de la recherche ont refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 novembre 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande Elle fait appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 mars 2021. 2. L'article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions (...) ". 3. D'une part, en vertu de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité, demandée par un fonctionnaire ou un agent public avant la liquidation de sa pension est, au sens de ces dispositions, un jugement tranchant un litige en matière de pensions qui, comme tel, est insusceptible d'appel. 5. D'autre part, la demande d'un fonctionnaire tendant à l'annulation de la décision lui refusant, sur le fondement de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'octroi d'une rente viagère d'invalidité relève pareillement des litiges en matière de pensions au sens du 7°) de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. 6. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A..., tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2021 refusant de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité et une rente viagère d'invalidité, doit être transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, A. LOUNIS La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA02324
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 6ème chambre, 15/07/2025, 23PA02195, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 avril 2021 par laquelle le ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports a refusé de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement n° 2112023/6-1 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023, M. A..., représentée par Me Callon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 2023 ; 2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports du 26 avril 2021 mentionnée ci-dessus ; 3°) d'enjoindre au ministre de lui accorder l'allocation temporaire d'invalidité sollicitée, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée a illégalement retiré la décision du recteur de l'académie de Paris du 4 décembre 2018 reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 6 novembre 2017 ; - elle a été prise en méconnaissance de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - elle repose sur une erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2025. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la Cour pour connaitre de la requête de M. A..., qui doit être transmise au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du même code, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité tranchant un litige en matière de pensions au sens de l'article R. 811-1 de ce code, et n'étant pas susceptible d'appel. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., professeur certifié de mathématiques, a été victime le 6 novembre 2017 d'un infarctus du myocarde alors qu'il dispensait un cours devant des élèves. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par une décision du recteur de l'académie de Paris du 4 décembre 2018. M. A... a par la suite sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. Il fait appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports du 26 avril 2021, lui refusant cette allocation. 2. L'article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions (...) ". 3. En vertu de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, un jugement relatif à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité, demandée par un fonctionnaire ou un agent public avant la liquidation de sa pension est, au sens de ces dispositions, un jugement tranchant un litige en matière de pensions qui, comme tel, est insusceptible d'appel. 5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A..., tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2021 refusant de lui accorder une allocation temporaire d'invalidité, doit être transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris. Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLa présidente, J. BONIFACJ La greffière, A. LOUNIS La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA02195
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'Etat, 8ème sous-section jugeant seule, du 24 mars 2004, 246439, inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 25 avril 2002 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions et transmis au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean-Marie X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 11 janvier 2002 par lequel la cour régionale des pensions d'Agen a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 23 janvier 2001 du tribunal départemental des pensions du Lot-et-Garonne qui a rejeté sa demande de bénéficier d'une pension militaire d'invalidité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ; Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a bien fait valoir dans sa requête et dans son mémoire complémentaire les motifs de fait et de droit à l'appui de son pourvoi ; que, par suite, le fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense, tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, ne saurait être accueillie ; Sur les conclusions de la requête de M. X, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête : Considérant qu'aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité ; sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 pour cent, ... 2°) au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 30 pour cent... ; Considérant que M. X, gendarme rayé des contrôles le 21 décembre 1999, a sollicité une pension d'invalidité pour cervalgies chroniques ; que sa demande a été rejetée au motif que l'infirmité invoquée entraînait un degré d'invalidité de 25 % inférieur au minimum indemnisable de 30 % en cas de maladie ; Considérant que pour refuser à l'intéressé droit à pension, la cour régionale des pensions d'Agen a relevé que c'est en rattrapant, les bras levés, les planches d'un échafaudage sur lequel il travaillait que M. X a ressenti une vive douleur au niveau du cou ; que c'est donc un simple effort physique qui est à l'origine de l'infirmité ; que la cour a estimé que ce fait, dont il est établi qu'il était à l'origine des troubles allégués, ne constituait pas une blessure ayant pour cause un traumatisme occasionné par une action extérieure ; qu'en jugeant, aux termes de ces constatations, qui faisaient apparaître l'existence de l'action brutale d'un fait extérieur, que M. X ne pouvait prétendre obtenir une pension au titre d'infirmité résultant d'une blessure, la cour a inexactement qualifié les faits ; que, par suite, M. Xest fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la cour régionale des pensions de Toulouse afin qu'il soit statué sur la demande de M. X ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Agen en date du 11 janvier 2002 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Toulouse. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie X et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 24/03/2004, 246364, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2002 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions des pensions et transmise au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Luc A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 6 novembre 2001 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 17 septembre 1998 du tribunal départemental des pensions de la Dordogne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 20 juin 1994 refusant la révision de sa pension pour aggravation des infirmités pensionnées et infirmités nouvelles ; 2°) d'ordonner une nouvelle expertise ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de la défense : Considérant qu'en jugeant que le rapport d'expertise rédigé à la demande des premiers juges comportait des indications contradictoires et était contredit par le rapport de l'expert qu'elle avait désigné, la cour s'est livrée, sans les dénaturer à une appréciation souveraine des faits de la cause et des pièces du dossier, qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Considérant que la demande de M. A tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise n'est pas recevable devant le juge de cassation, une telle mesure relevant exclusivement des pouvoirs du juge du fond ;D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 24/03/2004, 246435, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 12 avril 2002 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions et transmis au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Fatima A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 avril 1999 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 16 février 1996 du tribunal départemental des pensions de la Gironde qui a rejeté sa demande de bénéficier d'une pension de veuve ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a reçu notification de l'arrêt attaqué le 11 juillet 1999 ; que sa requête contre cet arrêt a été enregistrée le 13 mars 2002 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions ; que, dès lors, cette requête est tardive et n'est, par suite, pas recevable ;D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de Mme A est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatima A et au ministre de la défense.
Conseil d'Etat
Conseil d'Etat, 3ème sous-section jugeant seule, du 23 mai 2003, 246407, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE, enregistré le 7 février 2002 au secrétariat de la Commission spéciale de cassation des pensions ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 12 avril 2000 de la cour régionale des pensions de Toulouse qui a reconnu à Mme Jacqueline X, épouse Dessaux, droit à pension pour séquelles de lombalgies avec sciatalgie gauche, séquelles de cures chirurgicales, hernie discale L4, L5, L5-S1 et séquelles d'arthrodèse L5-S1 au taux de 30 % ; 2°) de régler l'affaire au fond ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Gatineau, avocat de Mme Jacqueline X, - les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de la guerre que s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur de pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un lien direct et certain entre un fait ou des circonstances particuliers de service et les troubles qu'il invoque ; qu'aux termes de l'article L. 4 du même code : (...)/ Il est concédé une pension : (...) 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) et de l'article L. 26 : Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ; Considérant que pour reconnaître à Mme X droit à pension pour une discopathie L5-S1, la cour régionale, après avoir estimé que les témoignages de trois supérieurs hiérarchiques établissent la réalité des deux chutes invoquées par Mme X, survenues en service, l'une le 16 janvier 1984, au cours d'une marche de nuit dans la forêt de Fontainebleau, l'autre dans un escalier de service quelques mois plus tard s'est fondée sur les conclusions de l'expert relevant l'action successive des deux traumatismes dans la genèse de la discopathie avec hernie discale et lésion du nerf sciatique gauche ; que la cour, qui a suffisamment motivé sa décision, a porté sur les faits et documents qui lui étaient soumis une appréciation souveraine et exempte de dénaturation ; que la circonstance que la chute du 16 janvier 1984 ne résulterait pas d'une blessure au sens du 1° de l'article L. 4 précité, ne peut être utilement invoquée par le MINISTRE DE LA DEFENSE dès lors que le taux global, non contesté, de l'affection a été fixé par la cour à 30 % et atteint ainsi le minimum indemnisable pour une affection résultant de maladies associées à des blessures ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la cour ne peut également qu'être écarté ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 12 avril 2000 de la cour régionale des pensions militaires de Toulouse ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à Mme X la somme de 3 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté. Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme Jacqueline X.
Conseil d'Etat