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CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 06/02/2024, 22MA02841, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités dénommées " troubles de la miction sur prostate calcifiée", " troubles digestifs ", " cicatrice d'appendicectomie " et " hernie inguinale droite ". Par un jugement n° 18/00098 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a, d'une part, annulé la décision du 1er février 2018 en tant qu'elle refuse une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " cicatrice d'appendicectomie ", a, d'autre part, fait droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... à ce titre, à compter du 19 janvier 2010, suivant le taux d'invalidité de 10 %, et a enfin sursis à statuer sur le surplus de sa demande, pour la désignation d'un expert médical. Par un arrêt n° 19MA04953 rendu le 20 décembre 2022, la Cour a annulé ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de pension de M. B... pour des séquelles de cicatrice d'appendicectomie et a rejeté cette demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de ces séquelles, ainsi que cette demande de pension présentée à ce titre. Par un jugement n° 2004090 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de la demande de M. B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2022 et le 16 mars 2023, M. B..., représenté par Me Poncelet, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2004090 rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal administratif de Marseille ; 2°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité, au taux d'invalidité de 40 % pour les infirmités de " troubles de la miction de type pollakiurie sur prostate calcifiée ", " troubles digestifs de type nausées avec IMC 17,5 ", " cicatrice d'appendicectomie " et " hernie inguinale droite ". Il soutient que l'ensemble des infirmités dont il demande l'indemnisation, apparues à la suite de l'appendicectomie réalisée le 28 juillet 1960, et lui procurant des douleurs importantes depuis lors, sont imputables au service, en l'absence de toute cause extérieure. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 juin 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023, à 12 heures, puis reportée au 5 septembre 2023 à 12 heures, par une ordonnance du 12 juillet 2023. Par une décision du 27 janvier 2023, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a demandé le 19 janvier 2010 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre de quatre infirmités : " troubles de la miction de type pollakiurie sur prostate calcifiée ", " troubles digestifs de type nausées avec IMC 17,5 ", " cicatrice d'appendicectomie " et " hernie inguinale droite ". Par une décision du 1er février 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande, au motif, s'agissant des deux premières infirmités, qu'elles ne sont pas imputables au service, et s'agissant de la quatrième, qu'aucune infirmité n'a pu être constatée. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension au titre des séquelles d'une cicatrice d'appendicectomie, a jugé que M. B... avait droit à une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, à compter du 19 janvier 2010, au taux de 10 % et, pour le surplus de sa demande, a sursis à statuer dans l'attente d'un rapport d'expertise portant sur les autres infirmités invoquées. Le 11 juillet 2019, l'expert judiciaire a rendu son rapport. Mais par un arrêt du 20 décembre 2022, la Cour a annulé ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de pension de M. B... pour des séquelles de cicatrice d'appendicectomie et a rejeté cette demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de ces séquelles, ainsi que cette demande de pension présentée à ce titre. Par un jugement du 11 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle rejette le surplus de sa demande de pension. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L.4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension: / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". 3. D'une part, il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport d'expertise judiciaire du 11 juillet 2019, qui corrobore à cet égard les avis du médecin accrédité auprès du consulat général de France à Alger du 8 juin 2014, que les troubles de la miction sur prostate calcifiée et les troubles digestifs de type nausées ne sont pas dus à l'appendicectomie que M. B... a dû subir le 28 juillet 1960, soit au cours de son service, mais sont liés, s'agissant du premier trouble, à son âge, et s'agissant du second, à une colopathie fonctionnelle. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ne résulte pas des pièces médicales produites, qui ne comportent aucun constat de ces infirmités, contemporain des faits allégués, et montrent seulement qu'il a présenté à la suite de cette opération un syndrome asthénique avec cénestopathie et anoréxie, que ces deux infirmités seraient apparues immédiatement après cette intervention, ni du reste qu'elles seraient symptomatiques des douleurs consécutives à une telle intervention. Par suite, en l'absence de tout fait précis ou conditions particulières de service à l'origine des troubles ainsi invoqués, M. B..., qui ne peut ainsi valablement invoquer une présomption et imputabilité ni faire valoir l'absence de tout autre cause que le service pour expliquer la survenance de ces infirmités, n'est pas fondé à solliciter, à ce titre, une pension militaire d'invalidité. 4. D'autre part, il résulte de l'instruction que si M. B... se plaint de douleurs apparues au niveau de la fosse iliaque, à la suite d'une opération chirurgicale d'une hernie inguinale pratiquée en 1971, et d'une kélotomie en 1980, et s'il souligne que ces douleurs se sont " réveillées " au cours d'un port de charges, ni le rapport d'expertise judiciaire du 11 juillet 2019, ni l'avis du médecin accrédité auprès du consulat général de France à Alger du 8 juin 2014, ni aucune autre pièce du dossier ne mettent au jour de telles souffrances à l'examen simple, à la palpation ou après effort physique, ni de gêne fonctionnelle. En l'absence de toute infirmité, M. B... ne peut donc prétendre, à ce titre, au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. 5. Enfin, le tribunal n'ayant pas statué, par le jugement attaqué, sur la demande de pension de M. B... relative aux séquelles de cicatrice d'appendicectomie, laquelle a été rejetée par l'arrêt de la Cour du 20 décembre 2022, devenu irrévocable, ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait droit à sa demande de pension prise dans cette mesure ne peuvent qu'être rejetées. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Poncelet et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024. N° 22MA028412
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02048, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une ordonnance n° 456607 du 15 octobre 2021, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Nantes la requête, enregistrée le 13 septembre 2021, présentée par M. A... tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " bronchites récidivantes ". Par une ordonnance n° 2111838 du 14 juin 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, régularisée le 14 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Kimboo, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision n° 697/ARM/CRI du 13 juin 2021 ; 3°) d'ordonner une expertise médicale permettant de fixer son taux d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'ordonnance attaquée est entachée d'un vice de procédure ; le tribunal aurait en effet dû l'inviter à régulariser la procédure ; - la décision du 7 juillet 2022 est insuffisamment motivée en ce qu'elle a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise qui s'est tenue le 30 juin 2020 ; - en l'absence d'expertise, l'administration ne pouvait rejeter sa demande ; il n'a pas été mis en mesure de justifier son refus d'implantation d'un pacemaker ; - cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la dyspnée dont il souffre est en lien avec la bradycardie non soignée et reconnue imputable au service ; l'expertise médicale ne permet pas de démontrer que les troubles cardiaques dont il souffre ne constitueraient pas avec l'âge une atteinte à son état général. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 par une ordonnance du 10 octobre 2023. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2022. Vu les autres pièces du dossier, à l'exception de celles produites le 8 décembre 2023, après la clôture de l'instruction, par M. A... lui-même. Vu : - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Pons, rapporteur public, - et les observations de Me Kimboo, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1.M. A..., né en Algérie, s'est engagé dans l'armée Française le 25 février 1959 pour combattre au côté des harkis, avant de rejoindre la France en 1962. Il a été rayé des contrôles le 20 octobre 1962. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 75 % concédée par un arrêté du 13 janvier 1987 pour les infirmités suivantes : " séquelles de trachome bilatéral " : 32,5 %, " bronchites récidivantes " : 30 % + 5, " séquelles de blessure du coude gauche " : 10 % + 10 et " séquelles de blessure talon gauche " : 10 % + 15. Le 15 mai 2019, l'intéressé a sollicité une révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " bronchites récidivantes ". Par une décision du 23 octobre 2020, le ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Nantes. Cette instance enregistrée sous le n°2011397 est toujours pendante devant le tribunal. Le 6 avril 2021, M. A... a également déposé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours de l'invalidité contre cette même décision du 23 octobre 2020. Ce recours a été rejeté par une décision explicite du 7 juillet 2021. Le 13 septembre 2021, l'intéressé a contesté cette décision devant le Conseil d'Etat, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Nantes, territorialement compétent en premier ressort. Par une ordonnance du 14 juin 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa requête sur le fondement du 7° de l'article R 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle n'était pas assortie de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. M. A... relève appel de cette ordonnance. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a contesté la décision du ministre des armées du 23 octobre 2020 devant le tribunal administratif de Nantes, sa requête enregistrée au greffe du Conseil d'Etat le 13 septembre 2021, puis transmise au tribunal administratif de Nantes, tendait à l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 rendu par la commission de recours de l'invalidité, laquelle mentionnait les voies et délais de recours. Par suite, ces deux recours étaient dirigés contre des décisions distinctes. Si le second recours introduit par l'intéressé, sans l'assistance d'un conseil, ne permettait pas au juge d'en apprécier la portée compte tenu de sa très sommaire motivation, aucune disposition n'imposaient aux premiers juges d'inviter le requérant à développer ses moyens et arguments. Seul ce dernier avait la possibilité de compléter sa requête de sa propre initiative avant l'expiration du délai de recours. Il est constant qu'à la date du 14 juin 2022, M. A..., qui n'avait pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans cette instance, n'avait pas produit de nouveau mémoire avant l'expiration du délai de recours. A cette date, son recours ne pouvait plus être régularisé. Par suite, c'est à juste titre que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. 4. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02048
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7ème chambre, 01/02/2024, 23LY01186, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif obligatoire contre la décision du 15 novembre 2019 par laquelle la sous-direction des pensions a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2104248 du 18 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son infirmité au genou gauche s'est aggravée et que son infirmité au genou droit justifie l'octroi d'un taux d'invalidité supérieur à 10 % ; - il n'a pas été examiné par le médecin expert. Par un mémoire enregistré le 8 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, le requérant se borne à reprendre ses écritures de première instance et à titre subsidiaire qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s'associe aux conclusions du ministre des armées. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2023. Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né en 1941, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une blessure reçue au genou gauche à l'occasion du service le 20 mars 1962, avec séquelles de méniscectomie interne et gonalgies permanentes aggravées par la station debout prolongée. Par un arrêté du 21 décembre 2009 une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux 45 %. Le 15 mars 2016, M. B... a sollicité la révision de cette pension pour aggravation de son infirmité pensionnée et pour une nouvelle infirmité touchant le genou droit. Cette demande a été rejetée par le ministre de la défense par une décision du 15 novembre 2019 confirmée par la commission de recours de l'invalidité le 3 septembre 2020. Par un jugement du 18 novembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. " Aux termes de l'article L. 121-4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. /Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Aux termes de l'article D. 125-4 de ce même code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code. / (...). ". 3. Il résulte de ces dispositions que l'aggravation ne peut être prise en compte que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable à la maladie ou la blessure constitutive de l'infirmité pour laquelle la pension a été accordée. L'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre l'octroi de la pension (ou date de la dernière demande de révision) et la date de dépôt de la demande de révision. Sur la révision du taux d'invalidité concernant l'infirmité du genou gauche : 4. Le guide-barème des invalidités figurant en annexe 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit en particulier que pour le genou, dans les cas d'extension limitée, le taux d'invalidité est de 10 à 30 % pour une flexion entre 135 et 170°, de 30 à 50 pour une flexion entre 90 et 135° et de 50 à 60 % pour une flexion de moins de 90°. 5. M. B... précise qu'il lui avait été indiqué devant le tribunal des pensions militaires à l'occasion de sa révision que son taux pourrait atteindre 50 à 60 % si une prothèse lui était posée. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 4 septembre 2018, que M. B... qui s'est fait poser une prothèse en 2012 a une flexion de 140° et que les signes fonctionnels sont dans un état stationnaire par rapport à l'expertise médicale du 14 novembre 2013. Sa boiterie est toujours présente mais l'amyotrophie quadriciptale constatée en 2013 a disparu et la flexion du genou s'est améliorée passant de 105° à 140°. Ces constats, dont rien ne permet de dire qu'ils n'auraient pas été effectués lors d'une auscultation de l'intéressé le 4 septembre 2018, ont été validés par le médecin expert des pensions militaires dans son avis du 23 août 2019. Les pièces médicales qu'il a produites, en particulier deux certificats médicaux de son rhumatologue, dont un est postérieur à la décision en litige, ne suffisent pas à établir que ces symptômes, qui se manifestent notamment par une boiterie, un périmètre de marche restreint et une flexion limitée du genou, se seraient aggravés depuis la précédente demande de révision. Dans ce contexte, le maintien à 45 % du taux d'infirmité de son genou gauche n'apparaît pas injustifié. Sur la nouvelle infirmité du genou droit : 6. M. B... se prévaut d'une nouvelle infirmité affectant son genou droit. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché le refus de lui accorder une pension militaire d'invalidité à ce titre par adoption des motifs des premiers juges. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N° 23LY01186 2 lc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 7ème chambre, 01/02/2024, 23LY00397, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 31 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la ministre des armées avait rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée. Par un jugement n° 2103984 du 2 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 1er février 2023, M. C..., représenté par Me Cautenet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ; 2°) d'enjoindre au ministre des armées de faire droit à sa demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée, à compter de la notification du jugement à intervenir. Il soutient que : - le jugement est irrégulier ; - la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que le pourcentage d'invalidité résultant de l'aggravation de son infirmité pensionnée est supérieur de dix points par rapport au pourcentage antérieur. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé. Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s'associe aux conclusions du ministre des armées. Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel). Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Cautenet, pour M. C... ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 5 mai 1958, a servi dans l'armée française du 1er juillet 1975 au 1er juillet 1990, date de sa radiation des contrôles. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité accordée en dernier lieu au taux de 40 % le 10 mai 2004 à la suite d'une blessure reçue à l'occasion du service le 16 août 1977, avec effet au 10 juin 2003. Il a demandé le 3 mai 2019 que le taux retenu pour l'infirmité affectant son poignet gauche soit majoré. Par une décision du 28 septembre 2020, le ministère des armées a refusé de réviser sa pension. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 31 mars 2021 de la commission de recours de l'invalidité rejetant son recours préalable obligatoire. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. C... fait valoir que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation s'agissant de leurs conclusions sur l'aggravation de l'état d'infirmité du requérant, un tel moyen ne met pas en cause l'irrégularité du jugement mais son bien-fondé. Aucune irrégularité ne saurait donc être retenue à cet égard. Sur le fond du litige : 3. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. " Aux termes de l'article L. 121-4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. /Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. " Aux termes de l'article D. 125-4 de ce même code : " Le taux d'invalidité mentionné à l'article L. 125-1 est déterminé par le guide-barème des invalidités annexé au présent code. / (...). ". 4. Le guide-barème des invalidités figurant en annexe 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit en particulier, pour les sujets droitiers, des taux d'invalidité allant de 30 à 40 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en extension et supination, suivant le degré de mobilité des doigts, de 35 à 45 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et pronation, suivant le degré de mobilité des doigts, de 40 à 50 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et supination, avec doigts mobiles, et de 45 % en cas d'ankylose complète du poignet gauche en flexion et supination, avec doigts ankylosés, c'est-à-dire en cas de perte de l'usage de la main. 5. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de l'expertise médicale du 16 juin 2020 du docteur B..., que sur le poignet gauche il a notamment une pronation de 90°, et une supination limitée à 30°ainsi qu'une mobilité des doigts correcte alors qu'il n'y a plus de syndrome du canal carpien. Si le docteur B... en conclut que le taux d'incapacité permanente partielle doit passer de 40 à 50 %, il apparaît que, contrairement aux indications du guide barème, qui subordonnent le bénéficie d'un taux supérieur à 40 % à une ankylose complète du poignet gauche, l'intéressé a conservé pour ce membre une capacité de mouvement. Par conséquent, l'aggravation de l'infirmité " séquelles fonctionnelles et clinique de fracture du semi lunaire gauche avec ostéonnécrose aseptique " dont souffre M. C... est insusceptible de justifier une augmentation de taux ouvrant droit à une révision de pension. Dans ces conditions, et ainsi que l'a d'ailleurs considéré le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, M. C... n'est pas fondé à réclamer une majoration de sa pension militaire au titre de cette infirmité. 6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024. La rapporteure, C. DjebiriLe président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, N 23LY00397 2 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 23/01/2024, 22MA00818, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme G... B..., son époux, M. C... A... et, sa mère, Mme D... B..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la commune d'Aix-en-Provence à leur verser respectivement les sommes de 244 538,10 euros, 15 000 euros et 15 000 euros, au titre des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'état de santé de Mme G... B... et de la gestion de sa situation administrative, et, d'autre part, de mettre à la charge de cette commune une somme de 4 500 euros à verser à Mme G... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003254 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à Mme G... B... une somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mars 2022, et les 8 février et 11 février 2023, Mme G... B... et M. C... A..., représentés par Me Faure-Tronche, demandent à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 ; 2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à verser à Mme B... : - au titre de sa responsabilité pour faute : . la somme de 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; . la somme de 6 000 euros, en réparation de son préjudice matériel ; . la somme de 9 000 euros, en réparation de son préjudice matériel lié à la perte de revenus ; . la somme de 90 000 euros, en réparation de son préjudice lié à la perte de chance ; - au titre de la responsabilité sans faute : . la somme de 50 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; . la somme de 5 038,10 euros, en réparation de son préjudice matériel ; . la somme de 69 500 euros, en réparation de son préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence ; 3°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à verser à M. A... la somme à parfaire de 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral ; 4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 4 500 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : Sur la critique du jugement attaqué : - le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en considérant que dès lors que le préjudice moral de Mme B... était réparé sur le fondement de la responsabilité pour faute, il ne pouvait l'être sur le fondement de la responsabilité sans faute ; - le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a considéré que les préjudices de Mme B... n'étaient pas suffisamment justifiés et en lui allouant seulement la somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ; - une nouvelle erreur manifeste d'appréciation commise par le tribunal administratif de Marseille s'évince du fait que, pour dénier à Mme B..., le droit à être remboursée de ses frais médicaux, il n'a pas tenu compte de son changement de statut ; - une telle erreur s'évince encore de la dénégation du lien de causalité entre l'état de santé de Mme B..., qui est imputable au service, et l'impératif vital pour elle de ne pas se retrouver au sein du milieu professionnel ayant généré directement cet état ; Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence : - sur la réticence fautive et abusive de la commune d'Aix-en-Provence à reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B... : . l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence et ils demandent la confirmation du jugement attaqué sur ce point ; . ils sollicitent la réformation de ce même jugement quant au quantum de l'évaluation du préjudice moral de Mme B... et de l'absence d'indemnisation de leurs autres préjudices ; - sur la faute tenant au manquement par la commune d'Aix-en-Provence à son obligation de résultat en termes de sécurité et à ses conditions de travail : . la commune d'Aix-en-Provence ne lui a pas garanti des conditions de travail sereines et, ce faisant, elle a manqué à cette obligation à l'égard de Mme B... ; en refusant de l'indemniser pour cette faute, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de droit ; . le préjudice de Mme B... lié à sa perte de chance d'accéder au grade d'ingénieur en chef et de bénéficier ainsi d'un traitement et d'un régime de retraite plus favorables s'établit à la somme de 90 000 euros ; . la survenance de l'affection subie par Mme B... est imputable aux conditions de travail et relève un manquement grave de la commune ; elle ne constitue pas un moyen nouveau mais qui justifie l'évocation de la responsabilité sans faute ; Sur la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence : - victime d'une maladie professionnelle reconnue imputable au service le 22 février 2018, par une décision définitive, Mme B... est éligible, même en l'absence de faute de la commune d'Aix-en-Provence, à l'indemnisation des chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à son intégrité physique ; le jugement attaqué doit donc être confirmé sur ce point ; - Mme B... est bien fondée à solliciter une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, et tenant au préjudice moral, à la perte de chance et aux troubles dans les conditions d'existence : . le jugement du tribunal administratif de Marseille est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a rejeté la demande de réparation du préjudice moral formulée par Mme B... au motif que ce dernier n'était pas distinct de celui qu'elle arguait dans le cadre de la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence ; Mme B... a droit, au titre de sa responsabilité sans faute, à la réparation de son préjudice moral à hauteur de 50 000 euros ; . Mme B... a également droit à la réparation de son préjudice matériel et elle est fondée, à ce titre, à solliciter la somme de 500,22 euros, en ce qui concerne le reste à charge des honoraires médicaux, et celle de 4 537,88 euros, en ce qui concerne les frais supportés directement pour la prise en charge médicale ; dans cette mesure, le jugement attaqué est encore entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; . s'agissant des troubles dans les conditions d'existence de Mme B..., le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; Mme B... a droit au versement de la somme de 30 000 euros, au titre du préjudice moral subi du fait de l'éloignement de son domicile familial, de la somme de 36 000 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais engendrés par une double domiciliation, et de la somme de 3 500 euros, au titre des frais liés à la recherche d'un emploi ; - Mme B... est enfin bien fondée à solliciter une indemnité, au titre de son époux et de sa mère, victimes par ricochet ; en refusant, l'indemnisation de ces postes de préjudices, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet 2022 et 7 mars 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - à titre liminaire, la Cour relèvera que Mme B... et M. A... ne soulèvent que des moyens relatifs au bien-fondé du jugement attaqué du 12 janvier 2022 et qu'elle n'est, en conséquence, plus fondée à attaquer sa régularité ; - les prétentions indemnitaires de Mme B... et de M. A... ne sont pas fondées ; - sur les nouvelles conclusions présentées en appel : . si Mme B... et M. A... invoquent pour la première fois en appel, l'existence de la faute qu'elle aurait commise en ne satisfaisant pas à son obligation de résultat de sécurité, elle invoque en réalité l'existence d'une faute qui tiendrait à l'illégalité de la décision d'affectation et aux conditions de son affectation ; or, par le jugement nos 1503595, 1504552 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a conclu à la légalité de la décision portant changement d'affectation du 13 avril 2015 et, dès lors, en l'absence de faute, sa responsabilité ne saurait être engagée à ce titre ; . si, par extraordinaire, la Cour retenait l'existence d'une telle faute, elle devra rejeter l'indemnisation de la prétendue perte de chance ; - Mme B... ne reprenant pas les conclusions tendant à obtenir une réparation pour sa mère qui est décédée depuis le jugement de première instance, celles-ci sont réputées être abandonnées. La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire. Par une ordonnance du 27 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Mme B.... Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., par Me Faure-Tronche, a été enregistrée le 9 janvier 2024. Considérant ce qui suit : 1. Titulaire du grade d'ingénieur territorial principal, Mme B... a été recrutée au sein des services de la commune d'Aix-en-Provence, le 1er février 2009, en qualité de directrice de l'urbanisme. A compter du 13 avril 2015, alors qu'elle venait d'être affectée, le 10 avril 2015, sur un poste de chargée de mission de la coordination des instructeurs du droit des sols des communes du Pays d'Aix, Mme B... a fait l'objet d'arrêts de travail pour état dépressif réactionnel. Par une décision du 1er juin et un arrêté du 5 novembre 2015, la maire d'Aix-en-Provence a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet état dépressif réactionnel et l'a placée, par un arrêté du 20 novembre 2015, en congé de maladie ordinaire à compter du 13 avril 2015. Toutefois, en exécution du jugement nos 1505129, 1600057, 1600470 du 6 février 2018, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 1er juin 2015 et ces arrêtés des 5 et 20 novembre 2015, la maire d'Aix-en-Provence a, par un arrêté du 22 février 2018, placé Mme B... en congé de maladie professionnelle à compter du 13 avril 2015. Par une lettre du 5 décembre 2019, Mme B... a présenté une réclamation indemnitaire préalable sollicitant la réparation des préjudices qu'elle-même mais aussi son époux, M. C... A..., et sa mère, Mme D... B..., estimaient avoir subis en raison de cette situation. Sans réponse de la maire d'Aix-en-Provence, Mmes B... et M. A... ont saisi le tribunal administratif de Marseille, lequel, par un jugement du 12 janvier 2022, a, après avoir reconnu la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence du fait de l'illégalité entachant la décision du 1er juin 2015 et les arrêtés des 5 et 20 novembre 2015, mais aussi sa responsabilité sans faute, condamné cette commune à verser à Mme G... B... une somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, avant de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires présentées par les requérants. Dans la présente instance, Mme G... B... et M. A..., Mme D... B... étant depuis lors décédée, relèvent appel de ce jugement du 12 janvier 2022 en tant qu'il ne fait ainsi que partiellement droit aux conclusions indemnitaires présentées par Mme G... B... et qu'il rejette celles formulées par M. A.... A ce titre, ils sollicitent donc de la Cour l'annulation des articles 1er et 3 de cette décision juridictionnelle. Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence pour manquement à son obligation d'assurer la sécurité de Mme B... et de protéger sa santé : 2. Aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, reprises à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux agents publics durant leur travail. " L'article 2-1 du décret susvisé du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique précise que : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. " 3. Les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 3 du décret du 28 mai 1982. 4. Il ressort de la lecture de ses écritures de première instance que Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence, à réparer le préjudice lié à sa perte de chance d'être nommée dans le grade d'ingénieur en chef, au titre de sa responsabilité résultant de l'illégalité fautive entachant la décision de la maire d'Aix-en-Provence du 1er juin 2015 ainsi que ses deux arrêtés des 5 et 20 novembre 2015. Par leur jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que cette perte de chance, qui était au demeurant éventuelle, n'était, en tout état de cause, pas liée à cette faute, pour en conclure qu'en l'absence de lien de causalité direct et certain, la demande afférente de Mme B... ne pouvait qu'être rejetée. Pour la première fois devant la Cour, Mme B... recherche à être indemnisée de ce même chef de préjudice en invoquant la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence, cette fois-ci, pour méconnaissance de son obligation d'assurer la sécurité de ses agents et de protéger leur santé. A ce titre, l'appelante soutient que, dans un contexte vexatoire et d'humiliation, la dégradation de ses conditions de travail a eu de graves incidences sur son état de santé. Toutefois, par les pièces qu'elle produit, et alors que le cabinet Algoé, chargé, par la commune d'Aix-en-Provence, de l'audit de la direction de l'urbanisme dont Mme B... avait la responsabilité, a identifié une " fonction Management défaillante " qui a justifié, que, dans l'intérêt du service, lequel a été reconnu par le jugement nos 1503595, 1504552, devenu définitif, du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018, Mme B... soit mutée sur un autre poste, cette dernière ne démontre ni la réalité de ce préjudice, ni qu'à le supposer même établi, il soit en lien direct avec cette faute nouvellement alléguée. Par ailleurs, par les pièces écrites qu'elle produit, l'appelante n'apporte pas d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre. Au demeurant, par ce même jugement nos 1503595, 1504552 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a jugé que Mme B... n'établissait pas un tel harcèlement moral. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par Mme B... doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité dans cette même mesure. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'indemnisation de Mme B... : 5. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. S'agissant de la réparation de ses préjudices au titre de la responsabilité pour faute de la commune d'Aix-en-Provence : 6. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, sans que son jugement attaqué soit contesté sur ce point devant la Cour, compte tenu de l'exposé des faits ci-dessus opéré au point 1 ci-dessus du présent arrêt, Mme B... et M. A... sont fondés à soutenir qu'en refusant, jusqu'au 22 février 2018, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., la maire d'Aix-en-Provence a commis une faute de nature à engager la responsabilité de sa commune. 7. En premier lieu, et au titre des préjudices résultant de cette illégalité fautive dont Mme B... recherche l'indemnisation, cette dernière sollicite, tout d'abord, le versement par la commune d'Aix-en-Provence d'une somme de 9 000 euros, en réparation de la perte de rémunération qu'elle estime avoir subie en raison de la décision initiale de la maire d'Aix-en-Provence de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et du versement consécutif d'un demi-traitement. Toutefois, ce préjudice n'est pas davantage précisé devant la Cour que devant le tribunal administratif de Marseille. Le préjudice qu'elle allègue n'est ainsi pas établi d'autant que, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges dans leur jugement attaqué du 12 janvier 2022, l'appelante s'est vue rétroactivement octroyer un plein traitement, à compter du 13 avril 2015, par l'arrêté de la maire d'Aix-en-Provence du 22 février 2018 qui a été pris en exécution du jugement nos 1505129, 1600057, 1600470 du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018. 8. En deuxième lieu, Mme B... sollicite l'indemnisation de frais de conseil et d'assistance qu'elle a engagés tant devant la commission de réforme que devant le tribunal administratif de Marseille afin de faire reconnaître sa maladie comme étant imputable au service. A ce titre, elle produit, pour la première fois devant la Cour, plusieurs factures d'avocat pour un montant total de 5 692,07 euros toutes taxes comprises (TTC). Il n'est pas contesté par la commune intimée que Mme B... a eu recours à un conseil pour l'assister au cours de la procédure devant la commission de réforme. Celle-ci s'est réunie à trois reprises pour se prononcer sur sa situation : les 24 septembre et 15 décembre 2015, et le 7 juin 2016. Parmi les factures versées aux débats devant la Cour, seules celle d'un montant de 917,80 euros toutes taxes comprises (TTC) dressée, le 29 août 2016, pour les besoins de la préparation et de l'assistance à la réunion de cette commission de réforme du 7 juin 2016 ainsi que la partie de celle établie, le 17 décembre 2015, dans le cadre de sa réunion du 15 décembre 2015, soit les frais de déplacement d'un montant de 83,70 euros hors taxe et ceux relatifs à l'" assistance devant la commission de réforme " d'un montant de 700 euros hors taxe, peuvent donner lieu à une indemnisation au titre de la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence dès lors qu'il est constant qu'elles ont présenté un caractère d'utilité dans le litige opposant l'appelante à l'intimée afin que la première fasse reconnaître à la seconde l'imputabilité au service de sa pathologie. Il en sera fait une exacte appréciation en allouant à Mme B... la somme de 1 858,24 euros TTC. En revanche, le reste de cette facture du 17 décembre 2015 et l'autre facture produite, datée du 27 juillet 2015, ont trait aux nombreuses instances engagées devant le tribunal administratif de Marseille par Mme B... et ne concernent pas seulement celle initiée pour faire reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre. Or, les frais d'avocat relatifs à l'engagement d'une instance contentieuse ont vocation à être remboursés au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'en l'espèce, et sur le fondement de ces dernières dispositions, la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B..., par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2018, une somme de 1 200 euros et, comme l'ont, là encore, retenu à juste titre les premiers juges, l'appelante ne justifie pas avoir exposé de frais spécifiques à raison de son recours contentieux non couverts par la somme qui lui a été ainsi allouée. 9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, telles qu'éclairées par les observations présentées à la barre par Mme B... lors de l'audience publique, qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par cette dernière et de ses troubles dans ses conditions d'existence du fait de la faute commise par la maire d'Aix-en-Provence, en portant la somme de 3 500 euros allouée par les premiers juges à 6 000 euros. S'agissant de la réparation de ses préjudices au titre de la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence : 10. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Marseille au point 10 de son jugement attaqué, sans que celui-ci soit discuté en cause d'appel, son état dépressif ayant été finalement reconnu par la maire d'Aix-en-Provence comme étant imputable au service, Mme B... est fondée à prétendre, au titre de la responsabilité sans faute, à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux liés aux pertes de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels liés à l'affection dont elle est atteinte du fait de sa maladie. 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la commune d'Aix-en-Provence s'est engagée à rembourser à Mme B... les honoraires et les frais médicaux en lien avec sa maladie reconnue comme étant imputable au service. En effet, il est expressément prévu, à l'article 2 de l'arrêté de la maire d'Aix-en-Provence du 22 février 2018, que " [l]es honoraires médicaux et les frais directement entraînés par la maladie professionnelle sont pris en charge par la collectivité sur présentation des justificatifs ". Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant, elle ne démontre pas avoir adressé de tels justificatifs aux services de la commune intimée, ni ne justifie des sommes exactes qui auraient été effectivement laissées à sa charge, l'appelante n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle allègue à cet égard. 12. En deuxième lieu, Mme B... sollicite l'indemnisation de ses troubles dans les conditions d'existence pour un montant total de 69 500 euros qu'elle décline en le versement de la somme de 30 000 euros, au titre du préjudice moral qu'elle aurait subi du fait de l'éloignement de son domicile familial consécutivement à sa mutation auprès des services de la commune de Carcassonne, de la somme de 36 000 euros au titre de son préjudice matériel lié aux frais engendrés par sa double domiciliation, et de la somme de 3 500 euros, au titre des frais liés à la recherche d'un emploi. Mais, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, Mme B... n'établit pas, par ces seules allégations, que ces préjudices présenteraient un lien direct et certain avec sa pathologie et ne peuvent, dès lors, être réparés à ce titre. 13. En troisième et dernier lieu, s'il résulte de l'instruction qu'elle a développé un syndrome dépressif, Mme B... ne donne, dans ses écritures, aucune précision utile sur le degré de gravité et sur les manifestations de sa maladie, sur son suivi médicamenteux ou encore sur les difficultés que son état de santé a pu causer dans sa vie courante. Ces précisions ne ressortent pas davantage des pièces médicales versées aux débats avant la clôture de l'instruction, dont le certificat du docteur E... du 20 mai 2015, le rapport d'expertise dressé par le docteur F... le 24 juin 2015 ou encore celui du docteur H... daté du 14 mars 2016. Par suite, si, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, Mme B... a subi, du fait de sa maladie professionnelle dont la commune d'Aix-en-Provence doit assurer la réparation au titre tant de sa responsabilité pour faute du fait de l'illégalité fautive des décisions de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette même maladie que de sa responsabilité sans faute pour risque, un préjudice moral, par son argumentation et les pièces qu'elle verse à leur soutien, l'appelante ne justifie pas davantage devant la Cour que devant le tribunal administratif de Marseille, d'un préjudice moral, au titre de cette responsabilité sans faute, distinct de celui déjà indemnisé plus haut au point 9 du présent arrêt. En ce qui concerne l'indemnisation de M. A... : 14. D'une part, par leur jugement attaqué du 12 janvier 2022, les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., époux de Mme B..., en estimant que si ce dernier estimait avoir subi un préjudice moral, " par ricochet ", en raison de l'éloignement de son épouse du domicile familial, celle-ci ayant intégré les services de la commune de Carcassonne, ce préjudice, qui est ainsi lié à la mutation obtenu par cette dernière, à sa demande, ne présente pas de lien de causalité direct avec son état de santé. En l'absence devant la Cour de toute justification ou argumentation nouvelle, il y a lieu d'adopter ces motifs opposés à bon droit par les premiers juges aux prétentions de M. A..., au point 14 du jugement attaqué. 15. D'autre part, M. A... soutient, pour la première fois devant la Cour, avoir subi un préjudice moral en raison de la pathologie de son épouse. Toutefois, il ne donne pas davantage que son épouse d'éléments sur le degré de gravité de l'état de santé de cette dernière et de précisions quant aux répercussions de cet état de santé sur leur vie courante. Ainsi, M. A... n'assortit pas des justifications utiles ses prétentions, lesquelles, dans ces conditions, ne peuvent qu'être rejetées. 16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. A... sont seulement fondés à demander que l'indemnité que la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B... soit portée de 3 500 à 7 858,24 euros et donc à la réformation, dans cette même mesure, du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022. Sur les frais liés au litige : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens. 19. En revanche, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros à verser à Mme B.... D E C I D E : Article 1er : L'indemnité de 3 500 euros que la commune d'Aix-en-Provence a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement n° 2003254 du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 est portée à la somme de 7 858,24 euros. Article 2 : L'article 1er de ce jugement n° 2003254 du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. C... A..., à la commune d'Aix-en-Provence et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. 2 No 22MA00818
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 16/01/2024, 22BX01811, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire du Château-d'Oléron a mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services à compter du 20 janvier 2020 et, d'autre part, l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le maire du Château-d'Oléron a retiré l'arrêté du 21 janvier 2020 la plaçant provisoirement en congé pour invalidité temporaire imputable au service, et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 2000696/2001870 du 3 mai 2022, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 juillet 2022, 25 novembre 2022, 15 septembre 2023 et 5 décembre 2023, Mme A... B..., représentée par la SCP KPL, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2000696/2001870 du 3 mai 2022 ; 2°) d'annuler les arrêtés en litiges des 14 janvier et 11 février 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune du Château-d'Oléron de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé, avec toutes les conséquences de droit sur sa rémunération et le remboursement des frais associés, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) d'enjoindre à la commune du Château-d'Oléron de la réintégrer dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) d'ordonner, avant-dire droit, une expertise médicale ; 6°) de mettre à la charge de la commune du Château-d'Oléron une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - le jugement ne comporte pas les signatures des magistrats membres de la formation de jugement et du greffier d'audience ; - le jugement est insuffisamment motivé ; En ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 14 janvier 2020 mettant fin à son détachement : - elle n'était pas tenue de soumettre sa contestation de l'arrêté à une médiation préalable dès lors que celle-ci ne concerne que les seules décisions énumérées à l'article 1er du décret n° 2018-101 du 16 février 2018, parmi lesquelles ne figure pas la décision attaquée ; - sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 a été présentée dans le délai de recours contentieux ; - sa demande d'annulation n'était pas insuffisamment motivée dès lors qu'elle comportait l'exposé de moyens de droit. Au fond, en ce qui concerne la décision mettant fin à son détachement sur l'emploi de directeur général des services de la commune : - cette décision est insuffisamment motivée car elle n'expose pas les raisons pour lesquelles elle a été prise ; - contrairement ce qu'ont estimé les premiers juges, il existait une possibilité de la reclasser au sein de la commune ; l'obligation de reclassement, prévue par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, a ainsi été méconnue ; - la décision en litige, qui n'est aucunement justifiée par l'intérêt du service, constitue une sanction disciplinaire déguisée. Au fond, en ce qui concerne la décision refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il existe bien un lien de causalité entre sa pathologie et ses conditions de travail, qui avait été reconnu par les médecins qui l'ont examinée et notamment par l'expert mandaté par la commune, et la commission de réforme ; - la commune a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa demande qu'elle n'a pas examinée avec toute l'attention requise, manifestant au contraire très tôt sa volonté de s'opposer à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ; l'enquête administrative diligentée n'est pas probante ; elle ne présente pas d'état antérieur expliquant sa pathologie dès lors que les certificats médicaux produits montrent que celle-ci n'a pas de rapport avec les affections qu'elle a connues dans le passé et qui sont guéries ; elle a été victime d'un épuisement professionnel dû à une surcharge de travail ; la commune n'a opposé aucun élément aux conclusions concordantes des médecins qui ont estimé que son état de santé était bien imputable à ses conditions de travail. Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2022, 12 décembre 2022 et 23 novembre 2023, la commune du Château-d'Oléron, représentée par la SELARL OMF Avocats, agissant par Me Maître-Faurie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 sont irrecevables dès lors qu'elles ne reposent sur aucun exposé des moyens de droit, que Mme B... aurait dû soumettre son différend à une médiation avec la commune qui a signé une convention instituant une médiation préalable obligatoire, que le tribunal a été saisi après l'expiration du délai de recours contentieux ; au fond, elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Mme B... et de Me Maître-Faurie pour la commune du Château-d'Oléron. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., attachée territoriale principale hors classe, a été détachée dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services de la commune du Château-d'Oléron à compter du 1er février 2013. En juin 2018, elle a été placée en congé de longue maladie en raison d'un " burn-out " professionnel avec épuisement et état dépressif. Le 22 mai 2019, Mme B... a adressé au maire du Château d'Oléron une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par un arrêté du 21 janvier 2020, le maire du Château d'Oléron a placé provisoirement Mme B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service. En dépit de l'avis de la commission de réforme du 31 janvier 2020 favorable à la demande de Mme B..., le maire du Château d'Oléron a pris un nouvel arrêté du 11 février 2020 retirant son précédent arrêté du 21 janvier 2020 et refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Enfin, le maire du Château-d'Oléron a mis fin au détachement de Mme B... dans l'emploi de directrice générale des services de la commune par un arrêté du 14 janvier 2020. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 14 janvier et 11 février 2020. Elle relève appel du jugement rendu le 3 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les (...) les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance et communiqué aux parties a été signée conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'ampliation du jugement, qui a été notifiée à l'appelante, ne comporte pas de signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. 3. En second lieu, au point 8 de son jugement, le tribunal a, s'agissant de la décision du 11 févier 2020, exposé de manière circonstanciée les motifs pour lesquels il a estimé que la maladie de Mme B... n'était pas imputable au service. S'agissant de la décision du 14 janvier 2020, le tribunal a, au point 17 de sa décision, répondu d'une manière suffisamment motivée au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement prévue par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le cas où l'autorité territoriale met fin au détachement d'un agent occupant un emploi fonctionnel. 4. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Poitiers n'est pas entaché des irrégularités alléguées. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la légalité de la décision du 14 janvier 2020 mettant fin au détachement de Mme B... : 5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 4° (...) abrogent une décision créatrice de droits (...) ". L'arrêté en litige, qui vise l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, fait état de l'indisponibilité physique pour maladie de Mme B... en rappelant que celle-ci exerçait les fonctions de directrice générale des services de la commune, et met fin à son détachement sur cet emploi en invoquant l'intérêt du service. Cet arrêté satisfait à l'obligation de motivation prévue par les dispositions précitées. 6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. Ces dispositions s'appliquent aux emplois : - de directeur général des services (...) ". 7. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire territorial sur un emploi fonctionnel mentionné à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, à l'initiative de la collectivité au sein de laquelle il est détaché sur un tel emploi, que cette fin de fonctions intervienne avant le terme normal du détachement ou résulte du non-renouvellement de celui-ci, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine en application de l'article 67 de la même loi. Si sa collectivité ou son établissement d'origine n'est pas en mesure, à la date à laquelle la fin du détachement prend effet, de le réaffecter sur un tel emploi, le fonctionnaire est en droit, dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, de demander à la collectivité ou à l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel de bénéficier d'un reclassement, d'un congé spécial ou d'une indemnité de licenciement. 8. Mme B... n'a jamais été titularisée dans les effectifs de la commune du Chateau d'Oléron au sein desquels elle a travaillé comme agent détaché jusqu'au 14 janvier 2020, date de l'arrêté en litige mettant fin à ce détachement. Il ressort des pièces du dossier que, avant d'être détachée sur l'emploi de directrice générale des services de cette commune, Mme B... était employée par le conseil départemental de la Charente-Maritime. Aucun élément au dossier ne permet d'estimer que le département de la Charente-Maritime, la collectivité d'origine de Mme B..., n'était pas en mesure de proposer à cette dernière un poste équivalent à son grade lorsqu'il a été mis fin au détachement. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le maire du Château-d'Oléron ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, prendre l'arrêté en litige du 14 janvier 2020 sans lui proposer un reclassement. Le moyen ainsi soulevé doit être écarté. 9. En troisième et dernier lieu, il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 pour des motifs tirés de l'intérêt du service. Eu égard à l'importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le directeur général des services d'une commune de s'être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la part de l'autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier qu'il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions. Il en est de même lorsque l'état de santé de l'agent n'est plus compatible avec l'exercice normal de ses fonctions de directeur général des services. 10. Il est constant qu'au 14 janvier 2020, date de l'arrêté en litige, Mme B... n'avait toujours pas repris ses fonctions au sein de la commune du Château-d'Oléron depuis son placement en congé de longue maladie le 14 juin 2018. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier que le maire lui a adressé le 22 mai 2019, que Mme B... n'a pas donné suite aux propositions d'entretien formulées pour évoquer sa situation professionnelle ainsi que les difficultés rencontrées par les services de la commune du fait de son absence prolongée. Ces difficultés avaient en outre été accentuées par les problèmes de santé rencontrés par l'adjoint de Mme B... et par la fin, prévue en septembre 2019, de l'intérim assuré en son absence par un autre collaborateur. Dans ces conditions, en estimant que l'indisponibilité pour raisons de santé de Mme B... n'était plus compatible avec l'exercice normal de ses fonctions et que l'intérêt du service justifiait qu'il soit mis fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directrice générale des services, le maire du Château-d'Oléron n'a entaché sa décision ni d'inexactitude matérielle des faits, ni d'une erreur manifeste d'appréciation et n'a aucunement entendu sanctionner l'intéressée de manière déguisée. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020. En ce qui concerne la décision du 11 février 2020 portant refus de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... : 12. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive (...) à une maladie contractée en service (...). Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires. (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique. 13. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que le syndrome de " burn-out " professionnel avec épuisement et état dépressif de Mme B... a été diagnostiqué en 2018, et qu'un congé de longue maladie a été octroyé à cette dernière à compter du 14 juin 2018. Ainsi, à la date à laquelle la maladie de Mme B... a été diagnostiquée, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas encore applicables. Par suite, en rejetant la demande de Mme B... au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions énoncées à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, le maire du Château-d'Oléron a commis une erreur de droit. 14. Toutefois, dans ses écritures devant la Cour, Mme B... a elle-même fait valoir que sa situation était régie par le droit antérieur à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, à savoir l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. 15. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est apprécié par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 16. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 17. Il ressort des pièces du dossier que, dans son rapport d'expertise du 3 décembre 2019, le médecin-expert mandaté par la commune pour examiner Mme B... a estimé que cette dernière souffrait d'un syndrome dépressif majeur qui s'est déclenché à la suite d'une " altercation violente " avec un collègue de travail. Toutefois, ni ce rapport ni les autres éléments du dossier ne précisent les circonstances exactes dans lesquelles se serait déroulée l'altercation évoquée et le rapport qu'elle entretiendrait avec le syndrome d'épuisement dont est atteint Mme B.... Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., dont la manière de servir a fait l'objet d'appréciations élogieuses de la part de sa hiérarchie, ainsi qu'en attestent ses comptes-rendus d'entretiens professionnels, aurait fait part de difficultés particulières dans l'accomplissement de ses missions liées à une surcharge de travail ou des difficultés d'ordre relationnel, notamment avec le maire. Elle n'a, en particulier, consigné aucune remarque de ce type dans la rubrique " observations éventuelles de l'agent " figurant sur ses fiches d'évaluation entre 2013 et 2017. Si le médecin de prévention a indiqué, dans son rapport du 30 juillet 2019, que Mme B... lui avait, depuis son placement en congé de longue maladie, signalé sa surcharge de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière aurait demandé à consulter ce médecin pour ce motif lorsqu'elle exerçait ses fonctions au sein de la commune entre 2013 et 2018. A cet égard, et comme l'ont relevé les premiers juges, Mme B..., qui accomplissait d'ailleurs ses activités à temps partiel depuis mai 2015, pouvait s'appuyer sur une équipe de dix agents comprenant notamment un directeur général adjoint des services, un agent chargé de la gestion des ressources humaines et un agent s'occupant des marchés publics et du suivi des chantiers. Quant aux attestations d'employés de la commune versées au dossier, elles soulignent l'engagement professionnel de Mme B... mais ne permettent pas, eu égard à leur teneur, de retenir l'existence d'une surcharge de travail ou de relations professionnelles dégradées qui auraient été à l'origine de la maladie contractée par l'intéressée. Si l'auteur du rapport d'expertise médicale du 3 décembre 2019 s'est déclaré favorable à la demande de Mme B..., il a néanmoins été établi sur la base des déclarations de cette dernière. Quant à l'avis de la commission de réforme du 30 janvier 2020, également favorable à la demande de Mme B..., il présentait un simple caractère consultatif qui ne liait pas le maire. Dans ces circonstances, et quand bien même il n'existe pas de lien entre la maladie de Mme B... et ses pathologies antérieures déclarées guéries par les médecins, le maire du Château-d'Oléron n'a pas, en rejetant la demande dont il était saisi, méconnu les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 18. Enfin, la décision attaquée du 11 février 2020 trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qui peuvent être substituées à celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver Mme B... d'aucune garantie et que le maire du Château-d'Oléron dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. 19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni de se prononcer sur l'exception de prescription opposée par la commune à la demande de Mme B..., que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 février 2020. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sur les conclusions à fin d'injonction : 21. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que la commune du Château-d'Oléron, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'appelante la somme demandée par l'intimée au titre de ces mêmes frais. DECIDE Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Château-d'Oléron au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Château-d'Oléron. Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX01811 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 23/01/2024, 21TL04516, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Sainte-Eulalie a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont il souffre à l'épaule droite, d'enjoindre au maire de Sainte-Eulalie de prendre un arrêté de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte, ou, à titre subsidiaire, de procéder à la désignation d'un médecin-expert avec pour mission de se prononcer sur le lien pouvant exister entre le service et la tendinopathie des épaules dont il souffre. Par un jugement n° 1906219 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA04516, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04516, et des mémoires enregistrés les 10 mars 2022, 4 juillet 2022 et 26 septembre 2022, M. E... A..., représenté par la SELARL Lysis Avocats, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Sainte-Eulalie a refusé de reconnaître en tant que maladie professionnelle la pathologie dont il souffre à l'épaule droite ; 3°) d'enjoindre au maire de Sainte-Eulalie de prendre un arrêté de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte, ou de procéder à la désignation d'un médecin-expert avec pour mission de se prononcer sur le lien pouvant exister entre le service et la tendinopathie des épaules dont il souffre et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Eulalie la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, si exposés. Il soutient que : - l'arrêté du 20 septembre 2019 ayant été abrogé mais non retiré, il y a lieu de statuer sur sa demande d'annulation de cet arrêté qui a conservé sa portée juridique jusqu'au 17 décembre 2019 ; - le maire de Sainte-Eulalie a méconnu l'étendue de sa compétence en n'indiquant pas les raisons pour lesquelles il refusait de s'approprier l'avis de la commission de réforme sans en critiquer la motivation ; - l'arrêté a été pris en méconnaissance de la présomption d'imputabilité de sa maladie inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles ; - il est entaché d'erreur d'appréciation : contrairement à ce qui était mentionné dans sa fiche de poste, il a effectué de gros travaux qui sont à l'origine de sa maladie professionnelle et n'a bénéficié d'aucun allègement de service malgré les préconisations du médecin de prévention ; les médecins ont procédé à leurs expertises sur la base d'informations erronées concernant la réalité de ses fonctions ; l'apparition des douleurs n'est pas survenue quinze mois après son arrêt de travail débutant en 2015, mais des années auparavant alors qu'il travaillait pour la commune. Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier 2022, 13 juin 2022, 29 août 2022 et 24 octobre 2022, le dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Sainte-Eulalie, représentée par Me Brunet-Richou de la SCP Camille Avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable en ce que les demandes de M. A... sont devenues sans objet et qu'il n'a plus intérêt à agir en raison de l'abrogation de l'arrêté contesté ; - il n'y a plus lieu d'ordonner une nouvelle expertise dès lors que la commission de réforme s'est de nouveau prononcée le 10 mars 2020, l'absence de lien entre le service et la tendinopathie des épaules est désormais acquise ; - aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Bequain de Coninck, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., technicien territorial de la commune de Saint-Eulalie (Aude) depuis le 1er mai 1993, qui a été placé en congé de longue maladie à compter du 12 octobre 2015, a sollicité le 11 octobre 2017 la reconnaissance professionnelle de la tendinopathie chronique du supra épineux droit dont il souffre depuis septembre 2016. Par arrêté du 20 septembre 2019, le maire de Sainte-Eulalie a refusé de faire droit à sa demande. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. 3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, le maire de Sainte-Eulalie a abrogé l'arrêté du 20 septembre 2019. Cette abrogation n'a pu avoir pour effet de priver d'objet le recours formé par M. A... à l'encontre de cet arrêté dès lors qu'il a reçu un commencement d'exécution jusqu'à la date de son abrogation le 17 décembre 2019. La circonstance que, par un avis rendu le 10 mars 2020, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de M. A... en raison de l'inaptitude totale à l'exercice de ses fonctions et de toutes fonctions est dépourvue d'incidence quant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre. Par suite, le moyen soulevé en défense tiré de ce que le jugement serait irrégulier au motif qu'il aurait omis de prononcer un non-lieu à statuer doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'ensemble des textes applicables et fait état des éléments propres à la situation administrative et médicale de M. A..., notamment de l'avis émis par le comité médical le 16 avril 2019, des deux expertises médicales rendues les 29 août 2018 et 9 juillet 2019 concluant à la prise en charge en maladie ordinaire et non professionnelle des pathologies dont il souffre, ainsi que de l'avis rendu par la commission de réforme le 10 septembre 2019 portant " avis favorable pour la maladie professionnelle n°57A du 12 octobre 2015 au 11 décembre 2019, l'état de santé de l'agent n'est pas consolidé ". Il ressort des termes de cet arrêté que le maire, qui n'a pas suivi l'avis émis par la commission de réforme et n'était pas tenu de le faire, a cependant fait mention des conclusions défavorables rendues par les deux experts désignés. Il a ainsi suffisamment motivé l'arrêté attaqué et n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la maladie qui a justifié la demande de M. A... a été diagnostiquée le 14 septembre 2016, date mentionnée dans le certificat médical de déclaration d'une maladie professionnelle établi par son médecin généraliste le 11 octobre 2017, soit avant l'entrée en vigueur, le 21 janvier 2017, des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 aux termes desquelles : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau ". Par suite, et dès lors que les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée, la demande de M. A... est entièrement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 énoncées au point 6. Il s'ensuit également que l'appelant ne peut utilement soutenir qu'il bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service de sa pathologie résultant de l'application de la loi. 6. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / ...2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui se plaignait de douleurs à l'épaule gauche depuis 2015, a présenté une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche qui a été diagnostiquée le 14 septembre 2016, et une rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite objectivée par arthroscanner, diagnostiquée le 19 janvier 2017. Ces pathologies survenues alors qu'il était en congé de maladie de manière continue depuis le 18 mai 2015, ont nécessité une intervention chirurgicale le 12 septembre 2017 pour l'épaule gauche et le 12 décembre 2018 pour l'épaule droite. Selon les deux experts spécialisés en rhumatologie qui ont été appelés à se prononcer sur le lien existant entre la maladie de M. A... et le service, celui-ci n'est pas établi au motif, d'une part, que le requérant était placé en congé de maladie depuis près de 15 mois au moment de l'apparition des douleurs à son épaule droite, et, d'autre part, que son emploi avait été adapté avec la limitation du port de charges et des mouvements d'élévation des épaules, à la suite de l'accident qu'il avait subi en 2003 qui avait entraîné la luxation de son épaule gauche. Ainsi, le docteur D... relève que sur le compte-rendu opératoire de l'épaule gauche, il n'a été retrouvé aucune lésion de la coiffe des rotateurs, concluant qu'il s'agissait d'une atteinte ancienne et post traumatique de cette épaule avec lésion du bourrelet et instabilité, ajoutant que le requérant ne s'est plaint de douleurs de son épaule droite que par la suite, alors qu'il était en congé de longue maladie depuis octobre 2015. Ainsi que l'expose M. A..., l'accident domestique dont il a été victime en chutant d'une échelle a eu lieu le 6 mars 1999 et non en 2003. Toutefois, cette erreur matérielle contenue dans les deux rapports d'expertise est sans incidence sur les conclusions rendues. Il ressort du certificat médical du 9 mars 1999 du département de chirurgie orthopédique et traumatologique de la clinique Montréal de Carcassonne que cet accident a nécessité son hospitalisation le même jour en raison d'une luxation antéro-interne de l'épaule gauche qui a fait l'objet d'une réduction sous anesthésie générale, suivie d'une immobilisation par bandage pendant trois semaines. Il ne ressort cependant d'aucune pièce que cet accident aurait nécessité l'aménagement du poste de travail de M. A... avant le 10 novembre 2004, après qu'une radiographie de l'épaule droite effectuée le 28 août 2004 en raison de douleurs ressenties n'ait révélé aucune anomalie ostéo-articulaire majeure ainsi qu'une absence de calcification spontanément visible à hauteur des muscles de la coiffe des rotateurs, mais un petit remaniement de l'articulation acromio-claviculaire. Selon la fiche de visite établie le 10 novembre 2004, le médecin de prévention préconisait de limiter les travaux avec surélévation du bras au-dessus de l'horizontale ainsi que le port et la manutention de charges lourdes pendant une durée de trois mois, demandant une nouvelle visite à cette échéance. Si le requérant soutient que son poste de travail n'a pas fait l'objet des adaptations préconisées, celles-ci étaient cependant limitées à une durée de trois mois, alors qu'il ressort des fiches de visite produites par la commune, établies les 13 octobre 2005, 5 octobre 2008, 8 octobre 2010, 12 août 2011, 11 mars 2013 et à une date non lisible en 2009, que M. A... a été déclaré apte sans observations particulières. Le requérant soutient ensuite qu'étant en charge de tâches polyvalentes depuis son entrée en fonctions dans la commune de Sainte-Eulalie, il a réalisé de gros travaux qui sont à l'origine de sa maladie professionnelle, étant ainsi chargé de la mise en place des réseaux humides et secs, de travaux de maçonnerie et de peinture, de l'entretien des espaces verts incluant l'élagage et l'abattage des arbres. Toutefois, si M. A... a produit pour la première fois en appel de nombreuses pièces concernant les travaux dont il avait la charge, celles-ci ne permettent pas d'établir qu'il était effectivement en charge de travaux excédant le champ de petits travaux d'entretien des bâtiments, de voirie et de l'entretien des espaces verts. Ainsi, l'attestation établie par M. C..., travailleur indépendant, certifiant sans autres précisions utiles le 9 novembre 2021 avoir bâti le hangar communal de 250 m² avec le requérant, est remise en cause par l'attestation établie par un agent communal le 30 novembre 2021 selon laquelle il a travaillé seul à la construction d'une partie du hangar concernant le soubassement, ajoutant que la dalle a ensuite été coulée avec l'aide des trois employés communaux et qu'aucun employé n'a participé aux travaux de construction des murs du hangar, ainsi que par la facture produite par la commune. La circonstance qu'il ait commandé à plusieurs reprises la location de nacelles pour la commune et récupéré auprès de la société B... du goudron de type " enrobé à froid " ainsi que du gravier pour divers travaux de voirie ou de garnissage tout au long de sa carrière, ne permet pas d'établir qu'il aurait effectué de gros travaux n'entrant pas dans le cadre des fonctions qui lui étaient dévolues et susceptibles d'entraîner les pathologies des épaules dont il est atteint. De même, ni la production des bulletins municipaux faisant état de travaux réalisés par les employés communaux, comportant des photographies sur lesquelles il apparaît avec d'autres employés, ni la production des agendas rédigés par ses seuls soins jusqu'en 2008 faisant mention des tâches réalisées, ne permettent d'établir un lien de causalité direct entre sa pathologie et des conditions de travail de nature à susciter le développement de celle-ci. Si selon le certificat médical établi le 19 septembre 2022 par le médecin traitant déclarant suivre le requérant depuis octobre 2011, celui-ci l'aurait consulté à plusieurs reprises pour douleurs et gêne fonctionnelle de l'épaule droite et a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail jusqu'en octobre 2015, il ressort des pièces produites que M. A... n'a été placé en congé de maladie qu'à compter du 18 mai 2015, pour un motif qui n'est pas précisé par les parties. Enfin, les certificats médicaux établis les 18 novembre 2019 par ce médecin traitant et le 16 janvier 2020 par un praticien hospitalier, selon lesquels les pathologies des épaules dont souffre le requérant sont susceptibles d'être reconnues comme maladie professionnelle au titre des affections périarticulaires provoquées par certains gestes ou postures de travail, les deux experts désignés ont estimé que ces pathologies relevaient de la maladie ordinaire au regard notamment de leur date d'apparition. Dans ces conditions, alors même que la commission de réforme a émis, le 10 septembre 2019, un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, le maire de Sainte-Eulalie n'a entaché la décision contestée d'aucune erreur d'appréciation. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et d'ordonner l'expertise qu'il sollicite à titre subsidiaire dès lors qu'elle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Eulalie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Eulalie et non compris dans les dépens. 12. Le litige n'ayant donné lieu à aucun dépens, au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions des parties relatives à l'attribution de leur charge doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sainte-Eulalie sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la commune de Sainte-Eulalie. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL04516 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02040, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " insuffisance hypophysaire " et " syndrome subjectif post traumatique dans un contexte de blast ". Par un jugement n° 1905904 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2022, 21 mars 2023 et 2 mai 2023, M. D..., représenté par Me Uzan-Kauffmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 15 mars 2019 ; 3°) d'ordonner une expertise judiciaire confiée d'une part à un neurologue, d'autre part à un endocrinologue, aux fins de déterminer le taux d'invalidité des deux infirmités dont il est atteint ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Il soutient que : - le tribunal administratif a statué ultra petita en rejetant au fond sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée avant-dire droit ; - il présentait à la date de sa demande un certain nombre de symptômes liés à des troubles hypophysaires nécessitant une expertise médicale ; que la circonstance que le traitement médicamenteux qu'il suit réduise ou supprime ces symptômes est sans incidence sur ses droits à pension ; - il est atteint d'un " syndrome subjectif des traumatisés crâniens " ou " manifestations post-commotionnels cérébrales graves " se traduisant par d'importants troubles neurosensoriels et une atteinte des fonctions supérieures, lui ouvrant droit au statut de grands mutilés et à une pension militaire d'invalidité au taux de 40 % ; ces symptômes doivent être examinés dans leur ensemble et non de façon isolée, de sorte que le seuil de 10 % indemnisable et la circonstance qu'il bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour certains de ses troubles ne peuvent lui être opposés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 17 avril le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Le mémoire produit le 25 mai 2023 par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., premier-maître dans la marine nationale né en 1971, a été victime, le 17 janvier 2015, de blessures graves à la suite de l'explosion d'un véhicule " suicide " alors qu'il se trouvait en opération extérieure au A.... Par une décision du 1er juillet 2015, certaines des séquelles qu'il conserve de cet accident ont été qualifiées de " blessures de guerre ". Une pension militaire d'invalidité lui a été accordée à compter du 14 septembre 2015 au taux global de 55 % au titre des infirmités suivantes : " état de stress post-traumatique [ESPT]: reviviscences avec cauchemars, syndrome anxiodépressif, troubles du caractère, anhédonie, hypervigilance, apragmatisme, repli sur soi, baisse de libido " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement ". Ce taux a été majoré par un arrêté du 12 octobre 2020. Le 12 avril 2017, l'intéressé a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour deux nouvelles infirmités : " insuffisance hypophysaire " et " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast ". Par une décision du 15 mars 2019 sa demande a été rejetée. M. D..., qui a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité, alors compétent, le 18 septembre 2019, soit avant l'expiration du délai de recours prévu à l'article R 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur l'infirmité " insuffisance hypophysaire " : 2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Par ailleurs l'article L. 151-6 du même code dispose que : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ou, lorsque la pension est attribuée par présomption, le droit de l'intéressé à cette présomption. / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. " 3. Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'insuffisance surrénale sans mélanodermie " se caractérise par l'asthénie, la fatigabilité musculaire, l'hypotension artérielle susceptible d'augmentation par la moindre toxi-infection. Elle diminue considérablement la résistance du malade et doit entraîner une invalidité par palier ". Il est également indiqué que cette insuffisance peut justifier une pension calculée sur la base d'un taux d'invalidité compris entre 20 et 100 %. 4. Il résulte de l'instruction que le 17 mars 2017, le docteure C..., du service d'endocrinologie du centre hospitalier de G..., a confirmé que, depuis le mois de novembre 2016, M. D... présentait un déficit corticotrope et un déficit somatotrope partiel. Elle ajoute que ce patient avait contracté une méningite virale au cours du mois de décembre 2016 et qu'il conservait une fatigabilité physique et psychique en dépit du fait que l'examen d'imagerie médicale qu'il avait subi ne révélait aucune anormalité. Elle relevait cependant que selon son dernier bilan biologique, la cortisolémie en base restait basse. Le 14 septembre 2017, le docteur F..., qui a examiné M. D... en qualité d'expert, a constaté que l'intéressé suivait un traitement médicamenteux par hydrocortisone, qu'il pouvait majorer en cas de stress notamment. Ce médecin indiquait que le patient, pensionné par ailleurs pour un état de stress post-traumatique se plaignait notamment de céphalées, de troubles visuels, digestifs et de troubles du sommeil. Les examens et analyses pratiqués étaient cependant qualifiés de " normaux ". Cet expert rappelait que l'insuffisance hypophysaire corticotrope ne donne en effet pas d'autres symptômes qu'une asthénie et que la substitution thérapeutique administrée à M. D... suffisait à le supplémenter. Il soulignait toutefois, en conclusions, que le diagnostic d'insuffisance ante hypophysaire corticotrope n'était pas suffisamment établi et qu'il méritait " un complément d'investigations endocrinologiques ". Il ajoutait que compte tenu du " doute diagnostique ", un taux d'invalidité ne pouvait être proposé. Le 14 juin 2018, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a, quant à lui, rappelé que l'origine du déficit en hormone hypophysaire présenté par cet ancien militaire avait une origine indéterminée et que la relation médicale avec le blast qu'il avait subi en 2015 au A... n'était pas certaine. Il ajoutait que, compte tenu du traitement substitutif suivi par M. D..., ce dernier ne présente aucun symptôme et que son taux d'invalidité était inférieur aux 10 % susceptible d'ouvrir droit pour l'intéressé à une nouvelle pension militaire d'invalidité. 5. Il ressort de l'ensemble des éléments médicaux rappelés au point 4 que M. D... souffre depuis la fin de l'année 2016 d'une insuffisance hypophysaire nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux. Le requérant se plaint d'une grande fatigue et d'une fragilité l'exposant à des infections lui occasionnant une gêne fonctionnelle et une dégradation de son état général. Il est toutefois constant qu'aucune expertise médicale ne s'est prononcée ni sur l'origine de cette pathologie et son lien éventuel avec l'accident dont il a été victime alors qu'il se trouvait en mission au A..., ni sur le taux d'invalidité en résultant pour l'intéressé. Par suite, le requérant est fondé à solliciter, avant dire droit, la désignation d'un médecin expert afin que celui-ci se prononce sur ces différents points. La seule circonstance que le traitement administré à ce patient réduise totalement ou même fortement ses symptômes ne fait pas obstacle à ce que cette nouvelle infirmité soit pensionnée si le taux d'invalidité en résultant atteint au moins 10 %, seuil ouvrant droit pour l'intéressé à une nouvelle pension militaire d'invalidité. Sur l'infirmité " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast ": 6. Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le syndrome subjectif post traumatique proprement dit [se caractérise par des] céphalées ou sensations céphaliques très variées - étourdissements et impression d'instabilité, parfois de caractère vertigineux - troubles visuels et auditifs. Il s'y rattache souvent des symptômes évoquant plus précisément un pôle psychologique tels que : asthénie physique et psychique, troubles sexuels, insomnie, troubles de la concentration intellectuelle, aspects dépressifs souvent marqués, plaintes hypocondriaques, modifications du caractère (irritabilité, agressivité), labilité émotionnelle, éléments de dépersonnalisation avec angoisse. " 7. Il résulte de l'instruction que le 24 juin 2015, la médecin en chef du service ORL de l'hôpital interarmées de B... a constaté que M. D... se plaignait d'acouphènes permanents, avec des céphalées liées notamment à l'hyperacousie douloureuse dont il souffre. Ce médecin fait état de séquelles neurosensorielles à type d'hypoacousie, acouphènes et hyperacousie douloureuse très invalidante. Dans un compte-rendu du 13 septembre 2016, elle évoque un syndrome post commotionnel, en ajoutant qu'il est bien évident qu'un corps soumis à une explosion de cette puissance et projeté dans l'espace occasionne des dégâts non négligeables au niveau cérébral. Le rapport circonstancié rédigé le 18 novembre 2015 par le médecin chef du centre hospitalier interarmées de B... indique que l'intéressé présente plusieurs lésions évolutives parfois d'apparition tardive, pouvant être considérées comme secondaire au blast et notamment une baisse de l'audition, des vertiges, des troubles visuels dans un contexte de choc psychologique traumatisant. Les différents certificats médicaux produits par le requérant attestent qu'il se plaint depuis plusieurs années de troubles attentionnels, mnésiques, d'une fatigabilité et de migraines et qu'au mois de décembre 2016 il a souffert d'une méningite virale. Dans le cadre de l'expertise réalisées le 2 octobre 2017, l'experte neurologue, rappelle les doléances de M. D..., parmi lesquelles elle mentionne des troubles visuels, des vertiges, des sensations de baisse de force, mais indique que si " la symptomatologie est compatible en première hypothèse avec un syndrome subjectif post-traumatique ", ces différents symptômes ont déjà été pris en compte et indemnisés au titre de l'infirmité " ESPT " pensionnée sur la base d'un taux d'invalidité de 40 %, porté ensuite à 50 %. Dans son avis du 14 juin 2018, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité reprend cette conclusion en ajoutant que " les céphalées ne font pas parti du tableau clinique étant pourtant le symptôme majeur du syndrome subjectif ". Il en déduit que cette infirmité est " inexistante ". S'il n'est pas contesté que M. D... est déjà pensionné au titre des infirmités : " état de stress post-traumatique " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement ", l'intéressé n'a cessé de se plaindre de maux de tête et évoque par ailleurs plusieurs autres symptômes susceptibles de confirmer l'existence d'une pathologie distincte de celles déjà prises en compte pour le calcul de sa pension militaire d'invalidité. Il s'ensuit, que l'intéressé est fondé à solliciter que soit ordonnée, avant dire-droit, une nouvelle expertise, aux fins de déterminer s'il souffre d'un " syndrome subjectif post traumatique " distinct de l'ESPT et des acouphènes qu'il présente, si son accident de 2015 est à l'origine de cette pathologie, et de déterminer le taux d'invalidité qui en résulte. 8. Compte tenu du lien possible entre ces deux nouvelles pathologies et l'accident dont M. D... a été victime alors qu'il était en opération extérieure au A..., l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'expertise. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur la requête visée ci-dessus, d'ordonner une expertise médicale dans les conditions mentionnées ci-dessous. DÉCIDE : Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties. Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il pourra solliciter la désignation d'un sapiteur et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Article 3 : L'expert aura pour mission de : - prendre connaissance du dossier administratif et médical complet de M. D..., en ce qui concerne les deux pathologies en litige, se faire communiquer tout document utile auprès de tout tiers détenteur et entendre tout sachant ; - d'examiner l'intéressé, décrire son état de santé actuel ; - déterminer l'origine des symptômes susceptibles de se rattacher, d'une part, à une " insuffisance hypophysaire " et, d'autre part, à un " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de Blast " et leurs possibles relations avec l'accident dont M. D... a été victime le 17 janvier 2015 ; - dire si ces symptômes relèvent des infirmités " état de stress post-traumatique : reviviscences avec cauchemars, syndrome anxiodépressif, troubles du caractère, anhédonie, hypervigilance, apragmatisme, repli sur soi, baisse de libido " et " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement " déjà pensionnées ou s'ils constituent deux nouvelles infirmités distinctes susceptibles d'ouvrir droit à une nouvelle pension militaire d'invalidité ; - évaluer le taux d'invalidité de M. D... imputable à chacune de ces deux infirmités ; - de façon générale, donner tous autres éléments d'information nécessaires. Article 4 : Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour en deux exemplaires et l'expert en notifiera des copies aux parties, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord des parties. Article 5 : L'experts appréciera, l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport. Article 6 : Les frais et honoraires d'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02040
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 23/01/2024, 21TL04947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 3 mai 2016, d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service, la commission de réforme ainsi que de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2001774 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, sous le n°21MA04947 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04947, M. A..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision implicite en date du 4 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 8 janvier 2019 ; 3°) d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute, la commission de réforme ; 4°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité par son refus d'annuler la décision implicite en litige, participant ainsi à la non reconnaissance d'un droit, et en s'abstenant de vérifier le respect de l'obligation procédurale de consulter la commission de réforme ; il a commis une erreur de droit en se fondant sur le décret du 14 mars 1986 qui n'est pas applicable à sa situation et en lui opposant des conditions de forme alors que sa demande n'était enfermée dans aucune forme ou délai ; il a commis une erreur d'appréciation en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service de sa maladie ; - la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ; - elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de consultation de la commission de réforme et est intervenue en méconnaissance de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 ; - elle méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2022, et un dépôt de pièces, enregistré le 16 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par la SELARL D4 Avocats Associés, agissant par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce que qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir, à titre principal, que le jugement attaqué est bien fondé et, à titre subsidiaire, que la décision attaquée n'est entachée d'aucun vice. Par une ordonnance du 7 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2022. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Dumont, représentant le département des Pyrénées-Orientales. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique de deuxième classe, initialement affecté en qualité d'agent d'entretien au palais des rois de Majorque à Perpignan avant d'être victime d'un accident de service en date du 18 septembre 2014 et placé en arrêt de travail à partir du 17 décembre 2014 pour dépression réactionnelle à une situation difficile au travail, a adressé le 25 octobre 2019 au département des Pyrénées-Orientales, son employeur, une demande de reconnaissance de l'affection dont il a souffert comme imputable au service à compter du 17 décembre 2014. Par un jugement du 8 juin 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58./Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite./ Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales./ (...) ". L'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors applicable, disposait : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, créé par le décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Ce formulaire est transmis par l'autorité territoriale à l'agent qui en fait la demande, dans un délai de quarante-huit heures suivant celle-ci et, le cas échéant, par voie dématérialisée, si la demande le précise ; 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant. ". Aux termes de l'article 37-3 du même décret : " I.- La déclaration d'accident de service ou de trajet est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident./ Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale./ II.- La déclaration de maladie professionnelle prévue à l'article 37-2 est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de deux ans suivant la date de la première constatation médicale de la maladie ou, le cas échéant, de la date à laquelle le fonctionnaire est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle./(...) IV.- Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire entre dans le champ de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou s'il justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes. ". L'article 15 du décret n°2019-301 du 10 avril 2019 relatif aux dispositions transitoires et finales dispose : " Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret./ Les délais mentionnés à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. ". 4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 25 octobre 2019, réceptionnée par le département le 4 novembre suivant, M. A... a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, une demande d'imputabilité au service de la pathologie dont il a souffert sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Il a notamment joint à sa lettre les arrêts de travail qui ont été prescrits, des certificats médicaux, rapport et expertise médicale. S'il est constant que cette demande ne respectait pas les formes prévues par les dispositions précitées de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987, qui imposaient à l'agent d'adresser une déclaration de maladie professionnelle comprenant notamment un formulaire précisant les circonstances de la maladie, la présentation dudit formulaire n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la demande et le département ne fait pas valoir que celle-ci aurait été incomplète. Si le département fait cependant valoir en défense que la demande de l'agent, présentée après l'expiration du délai prévu au II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 était tardive, il résulte de l'article 15 du décret du 10 avril 2019 susmentionné que ce délai n'a commencé à courir qu'à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication dudit décret dès lors que la maladie de l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. Ainsi, à la date de réception de la demande, le délai de déclaration de maladie professionnelle prévu par les dispositions précitées du II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 n'était pas échu. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales avait pu légalement rejeter sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au seul motif qu'elle ne répondait pas aux conditions de forme requises. 6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier. 7. Aux termes de l'article 37-6 du décret précité du 30 juillet 1987, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...)3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies. ". 8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant d'une maladie ne relevant pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et en l'absence d'un défaut d'imputabilité manifeste, l'autorité territoriale, qui n'est pas fondée à soutenir, pour les raisons mentionnées au point 4 qu'elle se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande présentée par M. A..., devait consulter la commission de réforme si elle n'entendait pas faire droit à la demande présentée. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que l'absence de saisine de la commission de réforme l'a privé d'une garantie et que la décision implicite de rejet contestée est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt implique que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales procède à l'examen de la demande de M. A... et qu'elle saisisse, le cas échéant, pour avis le conseil médical, qui remplace désormais la commission de réforme aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 dans sa version applicable depuis le 14 mars 2022, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le département des Pyrénées-Orientales au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juin 2021, ensemble la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande en date du 25 octobre 2019 d'imputabilité au service de la maladie de M. A... sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à l'examen la demande de M. A... et de saisir, le cas échéant, pour avis le conseil médical. Article 3 : Le département des Pyrénées-Orientales versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 21TL04947
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de LYON, 7ème chambre, 11/01/2024, 20LY00643, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 165 000 euros en réparation des préjudices causés par un accident survenu en service le 12 juin 2010. Par un jugement n° 1800069 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par un arrêt du 16 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande de M. C..., annulé le jugement du 12 décembre 2019 et ordonné avant dire-droit une expertise aux fins de préciser son état de santé avant le 12 juin 2010, de décrire les lésions qu'il impute à l'accident du 12 juin 2010, d'émettre un avis sur leur relation avec un fait imputable à l'État, avec son état initial ou avec d'autres causes, d'apprécier si les conditions de service dans lesquelles il a continué de servir après le 12 juin 2010 ont contribué à aggraver ces lésions, de fixer la date de consolidation de l'état de son santé et d'évaluer les éventuels préjudices découlant d'un manquement de l'État. Par une ordonnance du 5 janvier 2022, le président de la cour a nommé M. D... B... en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été enregistré le 6 juin 2023. Les parties, auxquelles le rapport d'expertise a été communiqué, n'ont pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 12 octobre 2023, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 535,50 euros HT. Par une ordonnance du 16 novembre 2023, l'instruction a été close avec effet immédiat. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. C..., engagé dans la Marine nationale, a ressenti, le 12 juin 2010, au cours d'un exercice de tir, une douleur dans l'oreille gauche. En 2014, alors qu'il était sur le point de souscrire un nouveau contrat dans l'armée de l'Air, les examens médicaux pratiqués ont décelé un déficit auditif important le rendant inapte à la poursuite de sa carrière militaire. M. C... a été déclaré inapte au service le 25 février 2015. Par un arrêté du 7 avril 2015, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée. M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'il a subis à la suite de cet accident. Par un jugement du 12 décembre 2019, le tribunal, statuant au vu d'un rapport d'expertise rendu le 21 juillet 2015, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 16 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, à la demande de M. C... qui a ramené ses prétentions en appel de 165 000 euros à la somme de 83 744,84 euros, a annulé ce jugement au motif qu'il existait un doute sur l'impartialité de l'expert et ordonné avant dire-droit une nouvelle expertise. Le rapport de l'expert nommé par la cour a été déposé le 6 juin 2023. Sur la responsabilité : 2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 3. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. 4. Si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'État, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. M. C... demande à la cour de condamner l'État à l'indemniser des préjudices qu'il a subis en lui versant la somme de 83 744,84 euros à raison de son accident et de l'attitude fautive de l'Etat à la suite de cet accident. Cette somme correspond, à hauteur de 75 744,84 euros, à la différence entre, d'une part, le préjudice qu'il estime avoir subi, évalué à 147 800 euros au titre de la perte de revenus, de l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et de son déficit fonctionnel et, d'autre part, le capital représentatif de sa pension d'un montant de 72 055,16 euros. M. C... peut prétendre à l'indemnisation de cette somme, conformément à ce qui vient d'être indiqué aux points 3 et 4, sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'État, dans le cas où l'accident ou l'aggravation de la pathologie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Pour le surplus, soit 8 000 euros, cette somme correspond à ses souffrances avant consolidation et au préjudice esthétique. M. C... peut prétendre à l'indemnisation de cette somme sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'État, laquelle est d'ordre public, s'il a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer. 6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise rendu le 6 juin 2023, que M. C... était atteint, avant l'exercice de tirs à blanc en rafale effectué le 12 juin 2010, d'une discrète hypoacousie de perception de l'oreille gauche. A la suite de l'exercice de tirs, il a présenté des acouphènes ainsi qu'une baisse d'audition de l'oreille gauche qui ont été soignés par un traitement sous perfusion pendant cinq jours à l'issue desquels ces symptômes avaient disparu. Le jour de l'expertise, les examens audiométriques ont permis de constater une hypoacousie de perception bilatérale plus marquée à gauche qu'à droite. L'expert a conclu à une surdité fluctuante, c'est-à-dire une surdité de perception par lésion cochléaire caractérisée par des variations fluctuantes des seuils auditifs, qui ne pouvait pas avoir été causée par le traumatisme sonore survenu le 12 juin 2010, mais pouvait résulter d'une maladie parasitaire, d'une malformation cochléaire, de fistules auto-immunes et péri-lymphatiques ou de la maladie de Ménière. Dans ces conditions, les différents préjudices dont M. C... demande réparation, qui sont liés à cette surdité, n'apparaissant imputables ni au traumatisme sonore qu'il a subi, ni à la façon dont l'administration a traité les suites de cet accident de service, il n'est pas fondé, alors même qu'il a obtenu le bénéfice d'une pension d'invalidité à raison de cet accident, et notamment des acouphènes en ayant résulté, à demander la condamnation pour faute ou sans faute de l'État à lui verser une somme complémentaire en réparation des préjudices qu'il dit avoir subis. 7. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. C... tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il a subis doit être rejetée. Sur les frais d'expertise : 8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". 9. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés à la somme de 1 535,50 euros HT, pour moitié à la charge définitive de M. C... et pour moitié à la charge de l'État. Sur les frais d'instance : 10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. C... soit mise à la charge l'État. DÉCIDE : Article 1er : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés par l'ordonnance du président de la cour du 12 octobre 2023 à hauteur de 1 535,50 euros HT euros, sont mis à la charge pour moitié de M. C... et pour moitié de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre des armées et à M. D... B.... Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024. La rapporteure, A. Duguit-LarcherLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY00643 kc
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