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CAA de LYON, 7ème chambre, 11/01/2024, 22LY02474, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 mars 2021 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a admise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 19 septembre 2018. Par un jugement n° 2103308 du 8 juin 2022, le tribunal a annulé cet arrêté en ce qu'il prend effet à une date antérieure à celle de sa notification, enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, la situation de Mme B... pendant la période du 19 septembre 2018 à la date de notification de l'arrêté du 3 mars 2021 et mis à la charge de l'État une somme de 1 400 euros à verser à l'AARPI Alternatives Avocats, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2022 et le 21 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Brun, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ; 2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2021 en tant qu'il prend effet à compter de sa notification ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordé, le versement à son bénéfice de la même somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - après l'annulation de l'arrêté du 18 février 2019, le ministre aurait dû saisir de nouveau la commission de réforme, ce qui constitue une garantie ; le ministre devait, du fait de l'annulation, reprendre entièrement la procédure avant de l'admettre à la retraite pour invalidité imputable au service ; le précédent avis était trop ancien, ainsi qu'en atteste le fait qu'elle a ensuite exercé un emploi dans le secteur privé ; - la commission de réforme, qui n'avait pas été saisie par le ministre de cette question, ne s'est pas prononcée sur l'imputabilité au service de son invalidité ; - l'avis du 9 novembre 2018 de la commission de réforme, qui n'est pas motivé et n'a pas été adopté au vu d'une procédure contradictoire, est irrégulier ; - en méconnaissance de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, son employeur ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'adapter son poste de travail et aucun reclassement ne lui a été proposé au sein de son administration d'origine ou en dehors de celle-ci ; faute pour le ministre d'avoir procédé à sa réintégration après l'annulation du premier arrêté, les obligations résultant de la loi n'ont pas été respectées ; elle n'a pas bénéficié de la préparation au reclassement, telle que prévue par l'article 2 du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ; - son invalidité est, au moins en partie, imputable au service. Par un mémoire enregistré le 28 mars 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code rural ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2010-90 du 22 janvier 2010 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Brun, pour Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. A la suite d'un jugement du 18 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de motivation, l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le ministre de l'agriculture a admis d'office Mme B..., adjointe administrative principale de 2ème classe du ministère de l'agriculture affectée à l'Institut français du cheval (IFCE), à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 19 septembre 2018 au titre d'une invalidité non imputable au service, le ministre a, le 3 mars 2021, pris un nouvel arrêté ayant le même objet. Par un jugement du 8 juin 2022, le tribunal a annulé cet arrêté en ce qu'il prend effet à une date antérieure à celle de sa notification, enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, la situation de Mme B... pendant la période du 19 septembre 2018 à la date de notification de l'arrêté et mis à la charge de l'État les frais d'instance. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement prononcé l'annulation de l'arrêté et doit ainsi être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2021 en tant qu'il prend effet à compter de sa notification. Sur la légalité de l'arrêté de mise à la retraite d'office : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État alors en vigueur : " Lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions, le poste de travail auquel il est affecté est adapté à son état de santé. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ce fonctionnaire peut être reclassé dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois en priorité dans son administration d'origine ou, à défaut, dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps ou cadres d'emplois d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert à l'intéressé, quelle que soit la position dans laquelle il se trouve, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps ou cadres d'emplois (...). Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. (...) / Le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, à une période de préparation au reclassement, avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif. / Le fonctionnaire à l'égard duquel une procédure tendant à reconnaître son inaptitude à l'exercice de ses fonctions a été engagée a droit à la période de préparation au reclassement mentionnée à l'alinéa précédent. " L'article 2 du décret du 30 novembre 1984 relatif au reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son corps, l'administration, après avis du comité médical, propose à l'intéressé une période de préparation au reclassement en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / La période de préparation au reclassement débute à compter de la réception de l'avis du comité médical si l'agent est en fonction ou à compter de sa reprise de fonctions si l'agent est en congé de maladie lors de la réception de l'avis du comité médical. ". 3. Malgré les termes de la demande de IFCE et de l'avis rendu par les experts du comité médical départemental le 22 juin 2018, il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion du 9 novembre 2018, qui a indiqué que l'intéressée était inapte à l'exercice de ses fonctions, que la commission de réforme aurait estimé que l'intéressée était inapte de manière définitive à l'exercice de toute fonction. Dans ces conditions, le ministre ne pouvait régulièrement prononcer la mise à la retraite d'office de Mme B..., dont le poste avait fait l'objet de plusieurs tentatives d'adaptation infructueuses, sans lui proposer une période de préparation au reclassement en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 rappelée ci-dessus, en vue d'un éventuel reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois en priorité dans son administration d'origine ou, à défaut, dans une administration ou un établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ainsi, malgré les démarches entreprises par l'IFCE avec l'envoi par voie électronique les 6 et 20 août 2018 d'une demande adressée aux délégations générale et territoriales de cet institut pour savoir si elles étaient en mesure d'offrir à l'intéressée un poste, Mme B... a été privée en l'espèce d'une garantie. 4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a seulement annulé l'arrêté du 3 mars 2021 en tant qu'il prend effet à une date antérieure à sa notification. Sur les conclusions à fins d'injonction : 5. Le présent arrêt, qui annule totalement l'arrêté attaqué, implique nécessairement que l'administration réexamine la situation de Mme B... et lui propose une période de préparation au reclassement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de prendre cette mesure d'exécution, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à ce titre d'une somme de 1 500 euros à Me Brun, avocate de la requérante, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté du 3 mars 2021 est annulé en tant qu'il prend effet à compter de sa notification. Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de réexaminer la situation de Mme B... et de lui proposer une période de préparation au reclassement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'article 4 du jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé. Article 4 : L'État versera à Me Brun la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à l'Institut français du cheval et de l'équitation. Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; M. Chassagne, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024. La rapporteure, A. Duguit-LarcherLe président, V.-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02474 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/01/2024, 22NT02300, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Rennes, alors compétent, d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé ". Par un jugement n° 1905624 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 février 2021. Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2021, M. D... a également demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement n° 1905624 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 20 juillet 2022, M. D..., représenté par Me Bluteau, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 10 mars 2017 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la pension militaire d'invalidité sollicitée au taux de 10 % avec intérêts de retard au taux légal et capitalisation de ces intérêts ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1971. Il soutient que : - les pathologies qu'il a contractées alors qu'il se trouvait en opérations extérieures au B... sont imputables au service ; depuis 1978, ses symptômes gastriques n'ont cessé ; la colopathie fonctionnelle qui lui a été diagnostiquée en 2015 présente un lien direct et certain avec l'amibiase contractée au B... ; - aucun expert n'a formellement exclu le lien entre la colopathie fonctionnelle et l'amibiase et ont chiffré son taux d'invalidité à 10 % ; - il n'est pas démontré que d'autres facteurs déterminants expliqueraient cette pathologie. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de M. Pons, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né en 1959, s'est engagé dans l'armée française le 3 janvier 1977. Alors qu'il se trouvait en opération extérieure au B..., il a contracté, au cours de l'année 1978, une amibiase puis une hépatite épidermique. Ces deux pathologies ont été reconnues imputables au service. Au vu des résultats des examens médicaux réalisés au début de l'année 2015, M. D... a sollicité, le 9 septembre 2015, une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé ". Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 10 mars 2017. M. D... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Rennes. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi, a ordonné, avant-dire droit, une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 février 2021. Par un jugement du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2017 : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de la pension litigieuse : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". 3. Il résulte des dispositions rappelées au point 2 que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. En premier lieu, s'il est constant qu'il a contracté une amibiase au cours de l'année 1978 dans le cadre de son service, l'infirmité pour laquelle M. D..., qui a été rayé des contrôles le 3 janvier 1992, sollicite une pension militaire d'invalidité, à savoir une " colopathie fonctionnelle avec selles liquides séro-sanglante et état général conservé " diagnostiquée en 2015, n'a pas été constatée avant le soixantième jour suivant son retour dans ses foyers. Par suite, le requérant ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par ailleurs, une colopathie fonctionnelle ne pouvant être assimilée à une affection à évolution lente, telle que celles liées à une exposition aux poussières d'amiante, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il incombe à l'administration d'établir l'existence d'autres facteurs déterminants qui seraient à l'origine de sa pathologie, et qu'à défaut, il devrait être regardé comme apportant la preuve d'une probabilité suffisante de nature à justifier l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. 5. En second lieu, M. D... se plaint de problèmes gastriques qu'il impute à l'amibiase contractée au B... en 1978. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une coloscopie réalisée le 15 avril 2015, seule une " discrète diverticulose sigmoïdienne sans signe inflammatoire " a été découverte. Le médecin qui a pratiqué cet examen a toutefois précisé que cette anomalie mineure n'expliquait pas les symptômes décrits par l'intéressé, lesquels pouvaient résulter d'une " colopathie post-amibienne ". Dans le cadre de la demande de pension militaire d'invalidité litigieuse, une expertise médicale, réalisée le 6 juin 2016, a été confiée à un gastroentérologue. Ce dernier a confirmé l'existence chez M. D... d'une colopathie fonctionnelle sans en déterminer l'origine. Il a indiqué que le lien entre cette pathologie et l'amibiase contractée en 1978 était difficile à établir mais ne pouvait être formellement exclu. Le 29 juin suivant, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a émis un avis dont les conclusions restent sujettes à interprétation, et ne permettent pas en conséquence, de contredire les conclusions de cet expert. D'ailleurs, sur la base de ces éléments, ni la commission consultative médicale, qui a rappelé " l'absence de suivi médical pendant près de 30 ans " pour cette affection gastrique, ni la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, lors de sa séance du 9 mars 2017, ne se sont prononcées en faveur de l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à M. D... pour l'infirmité litigieuse. Le rapport d'expertise du 5 février 2021 du professeur C... rappelle qu'aucun compte-rendu médical concernant ce patient ne signale de trouble digestif avant 2015. Il ajoutait que M. D... présentait une triple pathologie digestive fréquente chez les personnes en surpoids même s'il n'était pas possible d'exclure formellement tout lien entre les symptômes présentés par l'intéressé et la dysenterie amibienne dont il a souffert en 1978. Le livret médical produit par le requérant se borne à mentionner une " dyspepsie avec coliques " à la date du 24 juin 1982. Par suite, en l'absence d'éléments médicaux de nature à attester de la continuité des problèmes gastriques présentées par M. D... depuis 1978, l'intéressé ne peut être regardé, comme établissant, ainsi qu'il lui en incombe, que la colopathie fonctionnelle dont il souffre présente un lien direct, et certain avec son activité militaire et qu'en rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité le ministre aurait entaché d'illégalité sa décision. 6. Il résulte de ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. En l'absence de faute établie par l'intéressé, et en tout état de cause, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées. Sur le surplus des conclusions : 7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre dse armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02300
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 7ème chambre, 19/01/2024, 469095, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité à la suite d'un accident de trajet survenu le 4 avril 2012, et, d'autre part, d'enjoindre à la ministre de lui accorder le bénéfice de cette allocation par référence à l'invalidité permanente partielle de 70 % résultant de l'accident. Par un jugement n° 1902945 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par une ordonnance n° 21BX02308 du 22 novembre 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi enregistré au greffe de cette cour le 29 mai 2021, présenté par Mme B.... Par ce pourvoi, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., agent civil en poste dans un hôpital d'instruction des armées, a été victime le 4 avril 2012, alors qu'elle regagnait son domicile, d'un accident de la circulation qui a été reconnu imputable au service par décision du ministre de la défense du 1er février 2013. Par une décision du 2 juin 2015, Mme B... s'est vu reconnaître un taux d'invalidité permanente de 70 % au titre des séquelles de cet accident de trajet, avec une date de consolidation fixée au 10 septembre 2014, et a bénéficié de la prise en charge de ses arrêts de travail au titre de la législation sur les accidents de service. Par décision du 29 mars 2019, la ministre des armées a toutefois informé Mme B... du refus du service des retraites de l'Etat de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre des séquelles de l'accident de service, au motif que l'affection à l'origine de cet accident était étrangère au service. Par un jugement du 29 mars 2021, contre lequel Mme B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". 3. Est réputé constituer un accident de trajet et, par suite, revêtir le caractère d'accident survenu dans l'exercice des fonctions de l'agent public qui en est victime, tout accident qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Constitue un accident de service, pour l'application de la réglementation relative à l'allocation temporaire d'invalidité, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des expertises médicales, que si Mme B... manifestait quelques signes d'aphasie avant l'accident de trajet dont elle a été victime le 4 avril 2012, les troubles neurologiques qu'elle a développés postérieurement à cet accident sont en lien direct avec l'accident. Il suit de là qu'en jugeant que les conséquences neurologiques de celui-ci ne pouvaient être regardées comme imputables au service pour en déduire que l'administration était fondée à refuser de faire droit à la demande d'allocation temporaire d'invalidité de Mme B..., le tribunal administratif de Bordeaux a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Bordeaux. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B..., au ministre des armées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.ECLI:FR:CECHS:2024:469095.20240119
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 08/12/2023, 22MA01959, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, par une requête, enregistrée sous le n° 1901643, d'annuler la décision du 25 juin 2019 par laquelle le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a refusé sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service et la décision rejetant implicitement son recours gracieux. Mme A... a également demandé au tribunal administratif de Bastia, par une requête enregistrée sous le n° 2001189, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 par lequel le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a refusé de reconnaître l'imputabilité de son congé maladie à un accident de service et d'enjoindre au maire de la rétablir dans ses droits. Par un jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Muscatelli, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Bastia ; 2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; 3°) d'annuler la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux ; 4°) d'enjoindre à la commune de lui octroyer un congé pour invalidité temporaire imputable au service et de la rétablir dans ses droits dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne la légalité de la décision du 25 juin 2019 : - elle est entachée d'incompétence négative, le maire n'ayant fait que reprendre l'avis de la commission de réforme de 2018 ; - elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que si la commission de réforme a rendu un avis en avril 2018, elle ne s'est pas prononcée sur l'accident de service et devait être saisie une nouvelle fois ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'une erreur de droit ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2020 : - les délais de traitement de son dossier ont été anormalement longs ; - il est entaché d'une incompétence négative, le maire ayant uniquement repris les termes de la commission ; - il est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un vice de procédure, en raison du caractère incomplet du dossier médical qui lui a été communiqué et qui, en tout état de cause, était différent de celui transmis à la commission de réforme ; - il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Le 16 mars 2023, la commune de Prunelli-di-Fiumorbo a été mise en demeure de produire des observations en défense dans un délai d'un mois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. Un mémoire présenté pour Mme A... par Me Michel a été enregistré le 7 novembre 2023, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Chenal-Peter, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., attachée territoriale, exerçait depuis le 1er juillet 2016 les fonctions de secrétaire générale de mairie au sein de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo. A la suite d'une altercation avec le maire ayant eu lieu le 11 mai 2017, elle a été placée en congé de maladie puis a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet incident du 11 mai 2017 qui a été refusée une première fois par un arrêté du maire de cette commune en date du 11 septembre 2018. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1801272, 1801274 du 7 juillet 2020, qui a également enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de réexaminer la demande de Mme A.... Par un second arrêté, en date du 1er septembre 2020, le maire a rejeté une nouvelle fois sa demande. Par un courrier du 19 avril 2019, l'intéressée avait également sollicité l'octroi d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, qui lui a été refusé par une décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo à l'encontre de laquelle la requérante a formé un recours gracieux le 9 août 2019 qui a été implicitement rejeté. Mme A... relève appel du jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois dernières décisions. 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 3. Selon l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) VI. -Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique territoriale, que depuis l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue, par le VI de cet article 21 bis. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, soit le 13 avril 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme A..., dont l'état dépressif a été diagnostiqué le 1er mai 2017, soit avant le 13 avril 2019 et dont la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 3 août 2017, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. 6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. Par ailleurs, l'existence d'un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. 7. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 19 janvier 2022, la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Bastia a déclaré le maire de Prunelli-di-Fiumorbo coupable des faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme A..., pour une période allant du 1er septembre 2016 au 3 juillet 2017 et condamné le maire à une peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant trois mois à titre de peine principale. La cour de cassation, dans un arrêt du 15 novembre 2022, a confirmé la culpabilité du maire. Il ressort de la constatation matérielle des faits mentionnés dans l'arrêt de la cour d'appel, que dès le mois d'octobre 2016, Mme A... n'a plus disposé de l'accès au bureau du maire, ni à ceux de la comptabilité et des ressources humaines, que des missions lui ont été retirées, ainsi que, progressivement, ses outils de travail. En outre, le 11 mai 2017, un mouvement d'arrêt de travail généralisé de l'ensemble des agents de la commune avait été organisé, avec l'accord du maire, et de l'avocat de la commune, dans le but de démontrer à Mme A... qu'il existait un grand nombre de difficultés, dans l'ensemble des services, depuis qu'elle occupait les fonctions de directrice générale des services, qui seraient liées à un manque de disponibilité de sa part. Il n'est pas contesté que Mme A... a été reçue ce même jour dans le bureau du maire, qui lui a indiqué que les agents ne voulaient plus travailler avec elle. Des pièces médicales attestent que ce jour-là, l'intéressée a présenté un état anxio-dépressif, avec tremblement et tachycardie, et qu'elle souffre désormais d'un syndrome dépressif récurrent avec de fortes charges anxieuses et une importante souffrance psychique, en lien avec le harcèlement professionnel dont elle a fait l'objet. Par ailleurs, l'ensemble de ces faits sont corroborés par les certificats médicaux concordants de deux médecins psychiatres, en date des 27 avril 2018 et 17 avril 2019, qui affirment que l'intéressée a subi un choc psychologique, une humeur dépressive avec des idées suicidaires à la suite de deux évènements marquants, qui se sont déroulés le 11 mai et 3 juillet 2017. Dans ces conditions, il ressort de l'ensemble de ces considérations que le 11 mai 2017, le maire de Prunelli-di-Fiumorbo a eu un comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, cet entretien doit être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, au sens des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, alors même que l'intéressée aurait souffert d'un état anxio-dépressif préexistant. Par conséquent, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, le maire de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Prunelli-di-Fiumorbo du 1er septembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité de son congé maladie à un accident de service, ainsi que de la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et du rejet implicite de son recours gracieux. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". 10. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 11 mai 2017 dont Mme A... a été victime, et de reconstituer ses droits en tenant compte de la nouvelle situation juridique dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification de cet arrêt. Sur les frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 12. Dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Prunelli-di-Fiumorbo la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1901643, 2001189 du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Bastia est annulé. Article 2 : L'arrêté du 1er septembre 2020 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo refusant de reconnaître l'imputabilité du congé maladie de Mme A... à un accident de service, la décision du 25 juin 2019 du maire de Prunelli-di-Fiumorbo et la décision rejetant implicitement son recours gracieux sont annulés. Article 3 : Il est enjoint au maire de Prunelli-di-Fiumorbo de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident de service dont a été victime Mme A... le 11 mai 2017, et de reconstituer ses droits en tenant compte de la nouvelle situation juridique, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Prunelli-di-Fiumorbo versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Prunelli-di-Fiumorbo. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2023. N° 22MA01959 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 08/12/2023, 22MA01545, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a, par une première requête enregistrée sous le n° 2003193, demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle la société Orange aurait rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle en date du 6 novembre 2019 et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par une seconde requête enregistrée sous le n° 2101073, d'annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle la société Orange a explicitement rejeté sa demande, d'enjoindre à la société Orange de prendre en charge ses arrêts de travail depuis le 12 avril 2018 au titre de la maladie imputable au service et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003193, 2101073 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 mai 2022 et 2 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Heulin, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 3°) d'enjoindre à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge à ce titre ses arrêts de travail depuis le 12 avril 2018 ; 4°) de mettre à la charge de la société Orange le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été victime d'un harcèlement moral ; - le lien entre l'exercice de l'activité professionnelle et sa maladie est établi par plusieurs certificats médicaux. Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2023, la société Orange, représentée par Me Aversano, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête de Mme B... ; 2°) de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Dutard substituant Me Heulin pour Mme B... et de Me Aversano pour la société Orange. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée par France Telecom, devenue la société Orange, à compter du 4 octobre 1983. Placée en congé de maladie depuis le 12 avril 2018, elle a présenté, le 6 novembre 2019, une demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. La commission de réforme a émis, le 10 décembre 2020, un avis défavorable à sa demande. Par une décision du 15 décembre 2020, la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par Mme B.... Par un jugement n° 2003193, 2101073 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de Mme B... tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision implicite de rejet qui serait née sur sa demande et, d'autre part, à l'annulation de la décision explicite du 15 décembre 2020. Mme B... doit être regardée comme interjetant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 15 décembre 2020. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les dispositions applicables : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". 3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / IV. -Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat./ (...) VI. -Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 4. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret susvisé du 21 février 2019. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 5. Dès lors que les droits des agents en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, la situation de Mme B..., dont l'état dépressif a été diagnostiqué le 12 avril 2018, soit avant le 24 février 2019, est régie par les conditions de fond prévues avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives au nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En ce qui concerne l'appréciation du caractère imputable au service : 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Mme B... fait valoir que sa maladie a été causée par le harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, lequel se serait manifesté par un retrait de nombreuses affaires en cours, un refus de formation, une absence de réponse à des courriers électroniques, un retrait d'une demi-journée de congé, des pressions hiérarchiques récurrentes, le rejet de sa candidature à un poste de chargée d'études en juillet 2016, le fait que son bureau était situé dans un open space, qu'elle n'a pas bénéficié d'un ordinateur portable, que lui été infligée une sanction disciplinaire injustifiée, qu'elle a été victime de pressions pour reprendre son travail à temps plein et qu'elle a été mutée le 24 octobre 2017 sans aucun accompagnement sur son nouveau poste. 8. Mme B... n'apporte, en premier lieu, aucun élément permettant de présumer la véracité de ses allégations afférentes à une absence de réponse aux courriers électroniques, un retrait d'une demi-journée de congé ainsi que des pressions hiérarchiques récurrentes. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si, en effet, un certain nombre d'affaires lui ont été retirées en 2016, cette circonstance se justifiait par la volonté d'alléger sa charge de travail à la suite d'un congé de maladie. En troisième lieu, s'il est constant que la formation " Fibre D2 " a été refusée à l'intéressée au motif, légitime, tiré de ce qu'il était préférable qu'elle approfondisse son domaine de compétence " cuivre de bout en bout " avant d'entreprendre une formation dans un nouveau domaine, il est constant que quatre autres formations, relatives au demeurant au bien-être au travail, ont été acceptées par son employeur. En quatrième lieu, s'il est constant que sa candidature au poste de chargée d'études déploiement et vie de réseau a été refusée en juillet 2016, il ne ressort nullement des pièces du dossier que ce refus aurait été motivé par d'autres raisons que celles tenant à l'intérêt du service et au mérite respectif des valeurs professionnelles des différents candidats à ce poste. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... n'a, alors qu'elle en avait fait la demande en janvier 2017, pas bénéficié immédiatement d'un ordinateur portable, cette circonstance s'explique par une rupture de stock du matériel. En sixième lieu, si Mme B... fait valoir que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de 15 jours avec sursis qui lui a été infligée le 25 septembre 2018 était infondée, la Cour a, par une ordonnance n° 20MA03251 en date du 4 mars 2021, devenue définitive, jugé que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée, à savoir le fait d'avoir prononcé des propos injurieux à l'égard d'un collègue, était établie. En septième lieu, les décisions prises par la société Orange, à la suite des avis favorables à une reprise à temps plein du comité médical en date des 14 mars 2019 et 4 juillet 2019, ne peuvent être regardées comme étant constitutives d'une pression exercée sur Mme B.... En huitième lieu, s'il est constant que Mme B... a été mutée le 24 octobre 2017 sur un poste de chargée d'affaires dépose environnementale, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a, dans le cadre de cette mutation, qui était justifiée par l'intérêt du service, bénéficié d'un accompagnement. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que la localisation dans un open space était commune à de nombreux agents et que l'intéressée ne s'en est jamais plainte auparavant. Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme B... n'établit pas que le contexte professionnel dans lequel elle exerçait ses fonctions était pathogène. Si la requérante produit également à cet égard des certificats médicaux établis par son médecin généraliste et par son médecin psychiatre les 21 mai 2019 et 4 novembre 2019 qui relatent une situation de stress professionnel, lesdits certificats ont été établis sur la base des dires de l'intéressée. Par ailleurs, le médecin du travail, qui a établi deux fiches d'aptitude au travail les 11 août 2016 et 4 octobre 2016, n'a pas fait état d'un lien entre le contexte professionnel de l'intéressée et sa maladie mais a simplement préconisé la mise en place par la société Orange de conditions favorables à la reprise d'activité. Enfin, ainsi qu'il a été dit précédemment, la commission de réforme a, par un avis en date du 10 décembre 2020, estimé que la pathologie ne présentait pas de lien direct avec l'activité professionnelle. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'établit pas que sa maladie présenterait un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de celle-ci. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 15 décembre 2020 ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction. Sur les frais d'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange en application desdites dispositions. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la société Orange. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2023. N° 22MA01545 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/12/2023, 22PA00724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris par une requête transmise au tribunal administratif de Melun par une ordonnance n° 1901802 du 1er février 2019, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande du 21 février 2018 tendant au versement de la solde de captivité, de la prime de démobilisation et du pécule qui n'ont pas été versés à son père, M. C... B..., de son vivant, et d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser la somme de 30 000 euros. Par un jugement n° 1901002 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2022, 18 mars 2022, 31 mai 2022 et 24 mai 2023, M. B..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable du 21 février 2018 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de la solde de captivité, de la prime de démobilisation, et du pécule, dont son père décédé a été privé ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement n'a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - la créance dont il se prévaut n'est pas prescrite ; - le point de départ de la prescription doit être fixé au 30 novembre 2014, date à laquelle le Président de la République a reconnu que les arriérés de solde et d'indemnités n'avaient pas été versés ; - le cours de la prescription a en tout état de cause été interrompu par les demandes que son père avait présentées en 1953 et en 1954, qui ont également eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ; - les règles de prescription appliquées par le tribunal administratif méconnaissent les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit à un recours effectif ; - les règles de prescription appliquées ne respectent pas les principes constitutionnels d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; - l'Etat aurait dû diligenter, en application de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une enquête avant d'opposer la prescription quadriennale ; - la déclaration du Président de la République du 30 novembre 2014 a fait naître une obligation naturelle, qui s'est transformée en obligation civile. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 4 mai et 27 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Par une ordonnance du 04 octobre 2023, l'instruction a été rouverte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ; - la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi du 29 janvier 1831 modifiée par le décret du 30 octobre 1935 et la loi n° 45-0195 du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946 ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la circulaire du ministre de la Guerre du 4 décembre 1944 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est le fils de M. C... B..., né en 1920 au Sénégal et aujourd'hui décédé. Ce dernier, engagé au 7ème, puis au 27ème régiment de tirailleur sénégalais à partir de 1938, a servi la France pendant la seconde guerre mondiale et a été fait prisonnier et retenu au Fronstalag de Rennes jusqu'à la Libération. Il a fait partie du contingent embarqué à Morlaix, à bord du " Circassia ", le 5 novembre 1944, et arrivé à Dakar le 21 novembre suivant. N'ayant pas perçu à son arrivée au Sénégal sa solde de captivité et sa prime de démobilisation, M. C... B... a refusé de rejoindre son foyer et s'est rendu dans le camp de Thiaroye. Il a survécu aux évènements qui se sont produits dans ce camp, le 1er décembre 1944. M. A... B..., en sa qualité d'ayant-droit, a, par une lettre du 21 février 2018 adressée à la ministre des armées, sollicité le bénéfice de la solde de captivité, de la prime de démobilisation et du pécule que son père aurait selon lui dû percevoir, pour un montant total qu'il a par la suite chiffré à 30 000 euros. Il ne lui a pas été expressément répondu. Par un jugement du 16 décembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Melun, saisi dans les mêmes termes que la lettre du 21 février 2018, a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément à ces dispositions. Le moyen doit donc être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue de l'article 148 de la loi du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946, applicable à la créance : " Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics, sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe et de cinq années pour les créanciers domiciliés hors du territoire européen ". Aux termes de l'article 10 de la même loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue du décret-loi du 30 octobre 1935, la prescription n'est pas applicable " aux créances dont l'ordonnancement et le paiement n'auraient pu être effectués dans les délais déterminés par le fait de l'administration ou par suite de recours devant une juridiction ". 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 avait institué un régime de déchéance quadriennale dans le cadre duquel la prescription de créances détenues sur l'administration était acquise à l'issue d'un délai de quatre ans qui courait à compter de l'exercice auquel elles se rattachaient. En revanche, aucune des dispositions de ce texte ne prévoyait que la prescription ne courrait pas contre le créancier qui pouvait être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. 5. Il résulte de l'instruction, notamment de la circulaire n° 6350 du 4 décembre 1944 adressée par le ministre de la guerre aux troupes coloniales, qu'une solde de captivité et une prime de démobilisation devaient être versées aux militaires originaires de l'Empire, ex-prisonniers de guerre. Ces créances étaient donc rattachables à l'exercice budgétaire correspondant à l'année 1944. Par conséquent, leur prescription était acquise, au plus tard le 31 décembre 1948, à l'issue du délai de cinq ans courant à compter de l'ouverture de l'exercice correspondant à l'année 1944, le créancier étant domicilié hors du territoire européen. La circonstance que le père de M. B... a sollicité le versement de sa solde de captivité le 14 avril 1953, puis le 24 novembre 1954, après l'expiration du délai de prescription, est sans incidence. Ainsi, M. B..., qui sollicite le versement de la solde de captivité et de la prime de démobilisation dues à son père, toutes deux prescrites du vivant de ce dernier, et non la réparation d'un préjudice qui lui serait propre, n'est pas fondé à soutenir que la prescription n'aurait couru qu'à compter du 30 novembre 2014, date à laquelle le Président de la République a reconnu que les arriérés de solde et d'indemnités n'avaient pas été versés, et que sa créance n'était pas atteinte par la prescription le 21 février 2018, lorsqu'il en a sollicité le paiement. 6. En deuxième lieu, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle... ". 7. Les dispositions, citées au point 3, ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions dirigées contre elles, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais qu'elles fixent. Celles-ci ne peuvent donc pas être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, garanti par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. 8. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à invoquer les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont découlent les principes d'égalité des armes, de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi, et de sécurité juridique. Le moyen doit donc être écarté. 9. En troisième lieu, dès lors que le délai de cinq ans, à partir de l'ouverture de l'exercice de rattachement de la créance, institué à peine de prescription par les dispositions citées au point 3, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. C... B... la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli. 10. En quatrième lieu, M. B... ne saurait invoquer utilement les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de toute personne à la vie, ni se plaindre de l'absence d'enquête sur les évènements de Thiaroye, pour contester la prescription de la créance correspondant à la solde de captivité et à la prime de démobilisation dues à son père. 11. En cinquième lieu, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur la conformité d'une disposition législative à une norme de valeur constitutionnelle. Le moyen que M. B... tire de la non-conformité de l'article 9 de la loi du 19 janvier 1831 à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, doit donc être écarté. 12. En sixième lieu, M. B... ne saurait en tout état de cause invoquer utilement l'obligation naturelle qui résulterait de la déclaration du Président de la République du 30 novembre 2014 concernant les évènements qui se sont produits le 1er décembre 1944 dans le camp de Thiaroye, pour contester la prescription de la créance correspondant à la solde de captivité et à la prime de démobilisation dues à son père. 13. En dernier lieu, si le requérant fait état de l'existence d'une créance au titre du pécule qui n'aurait pas non plus été versé à son père, il n'apporte à cet égard aucun élément permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé de la demande. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pages, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, J-C. NIOLLET La greffière, Z. SAADAOUI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00724
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 11/12/2023, 22PA05528, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Par jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2022 et 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour : 1°) avant dire droit d'ordonner une expertise ayant notamment pour objet de l'examiner, de décrire son état physique et les lésions dont il souffre, ainsi que son état de santé psychologique, d'établir si l'infirmité dont il souffre est imputable au service, d'évaluer ses préjudices et de les chiffrer ; 2°) d'annuler le jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 3°) d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'EPFP a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge ; 4°) à titre principal, d'enjoindre à l'EPFP de le relever de la prescription quadriennale et de lui accorder le bénéfice de l'allocation sollicitée ; 5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'EPFP de réexaminer sa situation ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ; - elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 4123-5 et D. 4123-6 du code de la défense et de l'article 6 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2023, l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) représenté par son directeur conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête d'appel et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la requête est irrecevable en l'absence de moyen dirigé contre le jugement et que les moyens soulevés par M. A... concernant l'insuffisance de motivation, la prescription quadriennale et son relevé ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Abecassis, avocat de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre à la retraite, a été blessé en service au genou droit en 1990 et à la main droite en 1994 lors d'un maniement d'explosifs. Ces deux infirmités lui ont ouvert droit au bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 75 %. Il a été placé en congé de longue durée pour état dépressif de 2006 à 2011 avant d'être finalement radié des contrôles le 28 juin 2011. Par une demande reçue le 25 mai 2011, il a sollicité le bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Par décision du 21 septembre 2021, le directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui a refusé l'octroi de cette allocation et de son complément. Par un jugement du 26 octobre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la légalité de la décision du 21 septembre 2021 du directeur général de l'EPFP : 2. En premier lieu, M. A... invoque les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen complet de sa situation. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers. 3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. (...) ". Aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires (...) sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser (...) des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique. " Enfin, aux termes de l'article D. 4123-6 du même code : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé : / 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : (...) / 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l'article D. 4123-4. / Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'intéressé. / Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers (...) des établissements publics, par délibérations prises respectivement par (...) les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée ". 5. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 26 février 2011, M. A... a été radié des contrôles d'office pour réforme définitive de l'armée active et admis à faire valoir ses droits à pension de retraite à compter du 28 juin 2011. Or, en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, il disposait d'un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle ses droits à pension de retraite ont été acquis soit à compter du 1er janvier 2012 pour demander le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Il s'ensuit que le 25 mai 2021, date de sa demande, le délai de quatre années lui permettant de solliciter le versement de cette allocation et de ce complément était prescrit. Dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration d'informer M. A..., à l'occasion de sa radiation des contrôles, de l'existence de l'allocation de prévoyance et du complément d'allocation, il ne peut être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968. De même, si M. A... soutient que, du fait de son syndrome dépressif, il n'était pas en mesure d'effectuer des démarches administratives jusqu'en août 2019, il n'apporte, au soutien de cette affirmation, aucune précision ni aucune pièce qui serait de nature à établir qu'il se serait effectivement trouvé dans l'incapacité d'agir, soit par lui-même soit par l'intermédiaire de son représentant légal. Enfin, si en application de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968, l'autorité administrative peut procéder au relèvement de la prescription quadriennale, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières et notamment la situation de M. A..., qui ne saurait demander au juge administratif de prononcer lui-même un tel relèvement, auraient justifié un tel relèvement par l'organe compétent de l'établissement public. Par suite, c'est à bon droit que l'EPFP a opposé à M. A... la prescription de sa créance. 6. Au surplus, et en toute hypothèse, si M. A... a sollicité le bénéfice du complément de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge en se prévalant de la blessure à la main dont il a été victime le 2 juin 1994, laquelle a été reconnue comme étant imputable au service, cette dernière n'est pas à l'origine de sa radiation des contrôles laquelle est consécutive à l'expiration de ses droits à congé de longue durée pour " symptomatologie dépressive " telle qu'elle ressort du certificat médical du 5 mai 2008. Ainsi, en tout état de cause, il ne remplissait pas les conditions lui ouvrant droit au bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire et à son complément dès lors que l'infirmité ayant conduit à sa radiation des contrôles n'a pas été reconnue comme imputable au service. 7. Il s'ensuit que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'EPFP et d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EPFP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que l'EPFP demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'EPFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023. La rapporteure, A. COLLET La présidente, A. MENASSEYRE La greffière, N. COUTY La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05528
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/12/2023, 22MA02800, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et de fixer à 15 %, à compter du 16 juin 2015, le taux d'invalidité au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche. Par un jugement n° 1901511 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 novembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2018 ; 3°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 16 juin 2015 au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche ; 4°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, à compter de la même date, pour gonalgies droites ; 5°) de juger qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'imputabilité au service de l'infirmité de coxalgies droites compte tenu du taux d'invalidité attribué à celle-ci ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens. Il soutient que : - il rapporte la preuve de l'existence d'un fait précis de service, survenu le 30 juillet 1987, à l'origine directe des infirmités en cause, par la production de trois attestations convergentes d'officiers corroborées par les mentions de son livret médical et un certificat de visite ; - sont donc imputables au service les séquelles de fracture de la cheville gauche, au taux d'invalidité de 15 % et par voie de conséquence, les gonalgies droites. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 octobre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2023, à 12 heures, puis par une ordonnance du 23 octobre 2023, a été reportée au 14 novembre 2023, à 12 heures. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé dans l'armée de terre le 1er mars 1964 et radié des contrôles le 23 novembre 1999, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, au taux global de 65 %, dont il a demandé les 18 juin et 16 novembre 2015 la révision pour trois infirmités nouvelles : séquelles d'une fracture de la cheville gauche, raideurs articulaires du genou droit, et raideurs articulaires de la hanche droite. Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Compte tenu de son argumentation présentée devant la Cour, M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension au titre des infirmités liées aux séquelles de fracture de la cheville gauche et aux raideurs du genou droit. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour séquelles de fracture de la cheville gauche : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date des demandes de révision de pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". 3. En outre, aux termes de l'article L. 2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 de ce code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. Les principes exposés au point précédent n'interdisent pas au juge des pensions de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former sa conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. 6. Pour solliciter la révision de sa pension militaire d'invalidité, M. B... affirme avoir été victime, le 30 juillet 1987, alors qu'il était affecté à la 11ème compagnie du 3ème régiment militaire de marine (RIMA), au camp d'entraînement de Meucon, et qu'il effectuait avec son unité un exercice programmé de parcours naturel, d'une chute lui ayant causé une fracture du péroné gauche et une entorse de la cheville du même membre. S'il est constant que, malgré les recherches engagées à la demande de M. B... en 2015 et en 2021 par la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives du ministère des armées, un tel incident n'a donné lieu ni à un rapport circonstancié, ni à une inscription, contemporaine de cette circonstance, sur le registre des constatations et des blessures, le livret médical militaire de l'intéressé porte quant à lui la mention, confirmée par le certificat de visite du même jour, d'une fracture du péroné gauche le 30 juillet 1987, des arrêts de travail qui lui ont été consécutifs, et du retour au service du militaire à compter du 23 septembre 1987. Il résulte en outre de trois attestations concordantes et assorties de précisions suffisamment circonstanciées, établies le 21 mai 2018 par le général de brigade, ayant commandé le 3ème RIMA de 1985 à 1987, le 24 avril 2018 par le colonel ayant commandé à cette époque la 11ème compagnie, et le 26 avril 2015 par un adjudant-chef affecté dans la même unité que M. B..., que celui-ci, dont les déclarations sont de la sorte corroborées, a fait une chute lors d'une course pédestre le 30 juillet 1987 lui ayant causé une fracture du péroné gauche et ayant justifié son admission en infirmerie. Compte tenu de l'ensemble des pièces ainsi versées au dossier par M. B..., et bien que les attestations produites, dont le contenu est confirmé par les mentions du livret médical militaire de l'intéressé datées des mois de décembre 1998 et d'octobre 1999, soient nettement postérieures par rapport à l'incident auquel il impute l'infirmité à pensionner, celui-ci doit être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine d'une fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville gauche, constitutive d'une blessure. 7. Néanmoins, s'il ressort d'une prescription médicale du 26 mai 1988 que M. B... a bénéficié à cette date d'une quinzaine de séances de rééducation et des mentions de son livret médical qu'il a souffert en décembre 1998 de douleurs persistantes au péroné gauche, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait reçu des soins continus, en lien avec sa fracture survenue en 1987, jusqu'à la date à laquelle il a fait état, pour la première fois, de séquelles de cette fracture pour solliciter la révision de sa pension les 18 juin et 16 novembre 2015. Par ailleurs, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017, ni le certificat du médecin traitant de M. B... ne se prononcent précisément sur la filiation médicale qui existerait entre cet incident et son syndrome douloureux avec gêne fonctionnelle, consistant en un léger handicap à la marche et une diminution à la flexion. Ainsi M. B... ne rapporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe en l'absence de présomption légale, de l'existence d'un lien, direct, certain et exclusif entre le fait précis de service du 30 juillet 1987 et l'affection qu'il invoque. Il n'est donc pas fondé à solliciter à ce titre la révision de sa pension. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour raideurs du genou droit : 8. Dans la mesure où M. B... prétend que les raideurs du genou droit dont il souffre sont la conséquence directe des séquelles de la fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville, et où il ne prouve pas l'imputabilité au service de cette seconde infirmité ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas fondé à soutenir que la première serait elle-même imputable au service. En tout état de cause, ni le certificat de son médecin traitant du 18 mai 2015, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017 ne précisent la nature et les causes de la filiation médicale qui existerait entre ces deux affections. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Eon et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023. N° 22MA028002
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 05/12/2023, 22PA03580, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision du maire de l'Haÿ-les-Roses du 6 décembre 2017 rejetant sa demande indemnitaire préalable, et à la condamnation de la commune l'Haÿ-les-Roses à lui verser la somme de 150 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement avant dire droit n° 1800955 du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la demande de Mme D... à fin d'annulation de la décision du maire de l'Haÿ-les-Roses, et celles tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune. En outre, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme D..., le tribunal a ordonné une expertise en vue d'apprécier l'état de santé de Mme D... avant et après les accidents de service survenus les 8 février et 19 juillet 2011, de fixer la date de consolidation de son état de santé ou, si ce dernier n'est pas encore consolidé, d'indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et d'évaluer les préjudices qui peuvent l'être en l'état, d'évaluer les préjudices extrapatrimoniaux de Mme D... en distinguant les préjudices temporaires et permanents, et de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer le juge du fond saisi du litige. Le rapport de l'expert, le docteur A... C..., médecin psychiatre, désigné par une ordonnance du président du tribunal du 7 octobre 2020, a été enregistré au greffe du Tribunal administratif de Melun le 13 octobre 2021. Par un jugement n°1800955 du 2 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de L'Haÿ-les-Roses à verser à Mme D... une indemnité d'un montant total de 19 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017, les intérêts échus à la date du 7 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, a mis les frais d'expertise, à hauteur de 4 673,76 euros toutes taxes comprises, à la charge de la commune de L'Haÿ-les-Roses, de même qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Boukheloua, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun qui a pour partie rejeté les conclusions de sa demande ; 2°) de majorer la condamnation de la commune de L'Haÿ-les-Roses d'une somme de 35 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la demande indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la commune de L'Haÿ-les-Roses la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car il n'a pas statué sur l'ensemble de ses conclusions et de ses moyens, d'autre part, car il a "minimisé" son préjudice moral, enfin parce qu'il est insuffisamment motivé ; - son affectation au cimetière communal, eu égard à son état psychologique, a généré un important préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de la somme de 35 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, la commune de L'Haÿ-les-Roses, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès ; - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique ; - et les observations de Me Potterie pour la commune de l'Haÿ-les-Roses. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., adjointe administrative de 1ère classe titulaire, a été recrutée par la commune de l'Haÿ-les-Roses à compter du 25 août 2000 et titularisée le 17 septembre 2001. A la suite de son placement en congé de longue maladie de 2007 à 2011, elle a été affectée en qualité de secrétaire administrative au service " parcs et jardins " et a alerté, dès le 3 février 2011, sur les risques encourus pour sa santé dans ce service en raison de son état asthmatique. Le 8 février suivant, elle a été victime d'une crise d'asthme, qui a fait l'objet d'une déclaration d'accident de service, et a été reconnue imputable au service le 24 juin 2013. Par la suite, Mme D... a été affectée en tant que secrétaire administrative au cimetière communal à compter de sa reprise de fonctions, le 27 juin 2011, et y a, le 19 juillet 2011, attenté à ses jours. Cet accident a également été reconnu imputable au service par la commune de l'Haÿ-les-Roses, le 10 juillet 2013. Le 3 novembre 2017, Mme D... a formulé une demande indemnitaire préalable auprès du maire de l'Haÿ-les-Roses afin d'obtenir réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estimait avoir subis, ce qui lui a été refusé le 6 décembre 2017. 2. Par jugement avant dire droit du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la demande de Mme D..., à fin d'annulation de la décision du maire du 6 décembre 2017 et celles tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune. En outre, il a, d'une part, reconnu la responsabilité sans faute de la collectivité au titre des deux accidents de service qu'a subis Mme D... les 8 février et 19 juillet 2011 et, d'autre part, ordonné, avant de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de Mme D..., une expertise en vue de déterminer l'état de santé de Mme D... avant et après les accidents de services survenus les 8 février et 19 juillet 2011, de fixer la date de consolidation de son état de santé ou, si ce dernier n'est pas encore consolidé, d'indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et d'évaluer les préjudices qui peuvent l'être en l'état, d'évaluer les préjudices extrapatrimoniaux de l'intéressée en distinguant les préjudices temporaires et permanents et de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles d'éclairer le juge du fond saisi du litige. L'intéressée a été examinée le 6 mai 2021 par le docteur A... C..., médecin psychiatre expert, désigné le 7 octobre 2020, qui a déposé son rapport le 13 octobre 2021. 3. Par un jugement du 2 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a condamné la commune de L'Haÿ-les-Roses à verser à Mme D... une indemnité d'un montant total de 19 000 euros, assortie des intérêts capitalisés. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a pour partie rejeté les conclusions de sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont statué sur l'ensemble de ses conclusions et ont répondu, avec une motivation suffisante, à l'ensemble de ses moyens, en particulier au point 13 du jugement attaqué à ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral résultant de son affectation au cimetière communal. Le bien-fondé de ce jugement est sans incidence sur sa régularité. Les moyens tirés de l'irrégularité de ce jugement doivent donc être écartés. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 6. A le supposer établi, le préjudice moral allégué par Mme D..., résulte, non des accidents de service mentionnés ci-dessus, mais de son affectation au cimetière communal. Ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à juste titre, il ne présente pas de lien direct avec ces accidents de service. Les conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent donc être rejetées. 7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a pour partie rejeté les conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée. 8. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de L'Haÿ-les-Roses. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de L'Haÿ-les-Roses au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de L'Haÿ-les-Roses. Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Niollet, président-assesseur, - M. Pagès, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023. Le rapporteur, D. PAGES Le président, J-C. NIOLLET La greffière, Z. SAADAOUI La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03580
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/12/2023, 22MA01484, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le ministre des années a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la révision de la pension qui lui a été concédée pour un syndrome subjectif post-commotionnel et de fixer son taux d'invalidité afférent à 80 %, et, d'autre part, de reconnaître de nouvelles infirmités tenant à une hypoacousie bilatérale et à une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, et de fixer ses taux d'invalidité afférents, respectivement à 20 et 45 % et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale. Par un jugement n° 1901505 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 22 mai 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021 ; 2°) d'annuler cette décision du ministre des armées du 16 juillet 2018 ; 3°) dire et juger qu'il a droit à pension, à compter du 27 juillet 2016, pour : . un syndrome subjectif post-commotionnel, au taux de 80 % ; . une hypoacousie bilatérale, au taux de 20 % ; . et une baisse bilatérale de l'acuité visuelle, au taux de 45 % ; 4°) subsidiairement, d'ordonner des expertises médicales pour déterminer le taux de la " première infirmité ", au 27 juillet 2016, et le lien médical entre celle-ci et les troubles auditifs et visuels ; 5°) de laisser les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que : - l'analyse des premiers juges, qui ont fait une inexacte appréciation des pièces du dossier, apparaît erronée ; - le ministre des armées a dénaturé les éléments de ce dossier et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 31 mars 2023, a été reportée au 2 mai 2023, à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 mars 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Né le 13 avril 1941, M. B... a été appelé à l'activité militaire légale le 8 mars 1961. Il a servi en Algérie jusqu'au 5 décembre 1962 et a été rayé des contrôles le 9 décembre suivant. Durant cette période, et plus précisément, dans la nuit du 13 septembre 1961, M. B... est tombé de son lit superposable et sa chute lui a causé un traumatisme crânien, sans lésion osseuse mais avec perte de connaissance ainsi qu'une plaie à l'arcade sourcilière gauche. M. B... a été initialement titulaire d'une pension d'invalidité au taux de 55 %, concédée par un arrêté du 25 mai 1999, pour syndrome subjectif post-commotionnel, avec céphalées, vertiges, malaises, insomnies, troubles du caractère, du comportement et de l'humeur, et avec anxiété et crises d'angoisse, ayant pour origine cette chute dont il a été victime le 13 septembre 1961. Mais, eu égard à une aggravation de cette pathologie et en exécution d'un arrêt rendu par la cour régionale des pensions militaires de la Corse le 21 janvier 2008, M. B... s'est vu concéder, par un arrêté du 29 septembre 2008, avec entrée en jouissance à compter du 31 juillet 2002, une pension militaire d'invalidité au taux porté à 70 % pour cette même pathologie. Par un courrier reçu par l'administration le 27 juillet 2016, M. B... a sollicité la révision de cette pension militaire d'invalidité alléguant une nouvelle aggravation de cette pathologie et demandant la reconnaissance de deux autres infirmités : des troubles de la vue et de l'audition. Par une décision du 16 juillet 2018, le ministre des armées a refusé de faire droit à ces demandes. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité pensionnée : 2. Selon l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Ces dispositions ne sont applicables, d'une part, qu'en cas d'aggravation de l'une des infirmités au titre desquelles la pension a été concédée, d'autre part, que si l'aggravation constatée est elle-même imputable au service. 3. A l'appui de sa demande de révision de sa pension d'invalidité, et s'agissant du syndrome subjectif post-commotionnel, M. B... se prévaut principalement devant la Cour, comme il le faisait au demeurant devant le tribunal administratif de Bastia, du rapport d'expertise établi le 16 juin 2017 par le docteur F... G..., psychiatre, lequel y préconise de porter son taux d'invalidité à 80 %. Il ressort toutefois de la lecture de ce bref rapport que le docteur G... parvient à cette conclusion après une simple description des maux dont souffre M. B... et du traitement qui lui est administré, sans opérer de comparaison avec son état antérieur et le protocole médicamenteux qu'il suivait jusqu'alors. Or, il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges au point 6 de leur jugement attaqué du 13 juillet 2021, les maux dont souffre l'appelant sont les mêmes que ceux dont il se plaignait précédemment, y compris ses troubles de mémoire qui, contrairement à ce qu'il soutient, étaient déjà relatés dans un rapport d'expertise dressé le 13 avril 2005 et il n'apparaît pas que son traitement médicamenteux psychotropique aurait évolué. Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré, à la date de la demande de révision de sa pension présentée par M. B..., une aggravation de son infirmité relative au syndrome subjectif post-commotionnel. En ce qui concerne les infirmités nouvelles : 4. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur, que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle. 5. Alors que comme l'ont, là encore, relevé à juste titre au point 8 de leur jugement attaqué, les premiers juges, M. B... n'a sollicité, pour la première fois, la prise en compte au titre de ses droits à pension des troubles visuels et auditifs dont il se plaint qu'à l'occasion de sa demande de révision de 2016, et que, ainsi que l'a observé la commission consultative médicale, dans son avis du 14 juin 2018, ces troubles peuvent être liés à son âge, il ne résulte pas de l'instruction et des pièces versées aux débats, y compris des rapports du docteur A... E..., ophtalmologiste, et du docteur C... D..., oto-rhino-laryngologiste, qui ne sont pas suffisamment étayés sur ce point, que ces troubles seraient en relation médicale non seulement directe et certaine mais déterminante avec l'infirmité déjà pensionnée au titre du " syndrome subjectif post-commotionnel ". Dans ces conditions, M. B..., qui n'apporte dès lors pas la preuve du lien de causalité qui lui incombe, n'est pas fondé à soutenir qu'il souffrirait de nouvelles infirmités de nature à lui ouvrir droit à une concession de pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sur les dépens : 7. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... tendant à ce que les entiers dépens soient laissés à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023. 2 No 22MA01484
Cours administrative d'appel
Marseille