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CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 12/11/2024, 23MA01766, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 octobre 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Nice a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 1905687 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Bensa-Troin, doit être regardée comme demandant à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2022 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 2 octobre 2019 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ; Elle soutient que : - la maladie dont elle souffre est imputable à l'exercice de ses fonctions, ainsi que l'a estimé l'expert désigné par le tribunal ; - c'est à tort, en revanche que ce même expert a considéré qu'elle n'effectuait pas des gestes correspondant à la description des travaux à réaliser dans le tableau 57B pour retenir une maladie professionnelle ; - c'est la raison pour laquelle, à titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un nouvel expert. Une mise en demeure a été adressée le 10 juillet 2024 au recteur de l'académie de Nice. Un courrier du 11 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, le recteur de l'académie de Nice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure ; - les conclusions de M. François Point, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., professeure d'anglais au lycée Calmette, après qu'une épicondylite du coude droit lui a été diagnostiquée, a demandé le 3 septembre 2018 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 26 septembre 2019, la commission départementale de réforme des Alpes-Maritimes a émis un avis défavorable à cette reconnaissance. Par une décision du 2 octobre 2019, le recteur de l'académie de Nice, suivant l'avis de la commission de réforme, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement avant-dire-droit du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a prescrit une expertise. A la suite de la remise du rapport par l'expert le 18 mai 2022, par le jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, alors en vigueur au moment où la maladie affectant Mme C... a été diagnostiquée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contracté en service définis aux II, III et IV du présent article (...)/ II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service./ (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit :/ (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...)/ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme C..., le recteur s'est fondé sur la circonstance que " la relation de cause à effet n'est pas en relation directe et exclusive avec la maladie professionnelle ". Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme émis lors de sa séance du 26 septembre 2019 au terme duquel la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie en cause devait être rejetée, faisant suite aux conclusions du médecin agréé et expert, le docteur D... qui considérait que la pathologie de Mme C... ne remplissait pas les conditions du tableau 57B et qu'elle devait être prise en compte dans le cadre de la maladie ordinaire. Un nouveau praticien a été saisi à la demande de l'appelante, le docteur A..., qui a conclu également que l'affectation ne pouvait être reconnue comme maladie professionnelle, que la profession exercée par l'intéressée n'était pas pourvoyeuse de tendinopathie et que les gestes déclarés par Mme C... constituaient des gestes de la vie courante. Enfin, l'expert désigné par le tribunal, le docteur B... a conclu dans son rapport établi le 16 mai 2022 tout à la fois que la pathologie du coude droit présentée par l'intéressée ne correspondait pas à l'une de celles désignées dans le tableau 57B des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et que cette pathologie présentait un lien direct et certain avec les fonctions exercées par Mme C.... 5. Cependant, d'une part et en tout état de cause, il n'appartenait pas aux médecins de se prononcer sur l'imputabilité au service au sens des dispositions des articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et d'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle ne suppose aucun rapport d'exclusivité et n'impose pas que l'activité professionnelle soit à l'origine de l'apparition de la pathologie, dont l'imputabilité au service peut être reconnue dès lors qu'elle est significativement aggravée dans le cadre de l'activité professionnelle. Il ressort de l'avis même de l'expert, le docteur B..., que la pathologie affectant Mme C... présente un lien direct et certain avec l'exercice de ses fonctions. Au regard de cet avis, qui n'est pas sérieusement contesté par l'administration, l'imputabilité à l'activité professionnelle de la pathologie déclarée par Mme C... et affectant son coude droit doit être reconnue et la décision du 2 octobre 2019 refusant la reconnaissance de cette imputabilité doit être annulée. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2019. Sur la charge des frais d'expertise : 7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise du docteur B... qui ont été liquidés et taxés à la somme de 1 170 euros par ordonnance du 28 février 2022 de la présidente du tribunal administratif de Nice, antérieurement mis à la charge de Mme C... par le jugement annulé. D É C I D E : Article 1er : La décision du 2 octobre 2019 et le jugement du 16 mai 2023 sont annulés. Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 1 170 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au recteur de l'académie de Nice. Copie en sera adressée à l'expert, le docteur B.... Délibéré après l'audience du 28 octobre 2024, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président de chambre, - M. Renaud Thielé, président assesseur, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024. N° 23MA01766 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème chambre, 06/11/2024, 491101, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 19 janvier 2021 par laquelle le directeur du service des retraites de l'Etat a rejeté sa demande d'octroi d'une bonification au titre de sa pension de retraite et d'enjoindre au service des retraites de l'Etat de réexaminer sa demande. Par une ordonnance n° 2101582 du 4 décembre 2023, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-Xavier Bréchot, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., professeur d'enseignement technique, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2014. Par lettre du 17 décembre 2020, il a demandé au service des retraites de l'Etat de réviser sa pension afin de prendre en compte la bonification accordée aux professeurs de l'enseignement technique, sur le fondement des dispositions, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2011, du h de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Cette demande a été rejetée par une décision du 19 janvier 2021. Par une ordonnance du 4 décembre 2023, contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit procédé à une nouvelle liquidation de sa pension de retraite. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". 3. D'autre part, aux termes du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux peuvent, par ordonnance, " rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". 4. La question de savoir si une demande de révision de pension a été présentée à l'administration dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est pas relative à la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative mais à son bien-fondé. Ainsi, en rejetant comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande de révision de sa pension de retraite, motif pris de ce qu'elle avait été présentée après l'expiration du délai d'un an suivant la notification de la décision de concession de la pension, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Le h de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyait, jusqu'à son abrogation par le I de l'article 49 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, que s'ajoutait aux services effectifs " la bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique au titre du stage professionnel exigé pour avoir le droit de se présenter au concours par lequel ils ont été recrutés ". / (...) ". En vertu du II de l'article 49 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les fonctionnaires recrutés avant le 1er janvier 2011 ont conservé, pour les périodes antérieures à cette date, le bénéfice des dispositions du h de cet article L. 12 dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi. Aux termes de l'article R. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique recrutés avant le 1er janvier 2011, en application du II de l'article 49 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, est égale, dans la limite de cinq années, à la durée de l'activité professionnelle dont ils ont dû justifier pour pouvoir se présenter au concours de recrutement dans les conditions exigées par le statut particulier au titre duquel ils ont été nommés ". 8. Il résulte de l'instruction que la demande formée par M. B... tend à ce qu'il soit fait application, pour le calcul de sa pension, des dispositions combinées du h de l'article L. 12 et de l'article R. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyant une bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique. Cette demande vise à corriger une erreur de droit et non une erreur matérielle au sens des dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Présentée le 17 décembre 2020, soit plus d'un an après la notification, le 5 mai 2014, de sa pension, elle ne pouvait dès lors qu'être rejetée. 9. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de révision qui lui a été opposé. Ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. 10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 4 décembre 2023 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.ECLI:FR:CECHS:2024:491101.20241106
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 16/10/2024, 23DA01615, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Cuincy a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et la décision du 6 août 2020 par laquelle la même autorité lui a refusé l'octroi à titre provisoire d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, et d'enjoindre à la commune de Cuincy de procéder à la régularisation de sa situation, notamment financière. Par un jugement n° 2006144 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2023 et le 15 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Piret, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 et la décision du 6 août 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Cuincy de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service ou, à défaut, de saisir le comité médical afin qu'il se prononce sur son taux d'incapacité temporaire et de procéder à la régularisation financière de sa situation incluant le règlement de cent-quatre-vingt-quinze heures de récupération non prises, seize jours de congés non pris et des frais de déplacement, les sommes versées étant assorties des intérêts, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Cuincy une somme de 17 252,09 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande d'annulation de la décision du 6 août 2020 est recevable dès lors que cette décision constitue un refus de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ; - l'arrêté du 18 juin 2020 a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de réforme ne s'était pas préalablement prononcée sur le taux de son incapacité permanente ; - cet arrêté est insuffisamment motivé ; - l'administration ne pouvait rejeter sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service dès lors que le maire ne disposait pas du taux d'incapacité permanente partielle lui permettant de se prononcer sur sa demande ; - elle a droit au bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service dès lors, d'une part, qu'elle justifie d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % et, d'autre part, que sa pathologie résulte de façon directe et certaine du harcèlement moral et sexuel dont elle a été victime dans l'exercice de ses fonctions. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 6 mai 2024, qui n'a pas été communiqué, la commune de Cuincy, représentée par Me Beguin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 9 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 mai 2024. Une note en délibéré présentée pour Mme B..., par Me Piret, a été enregistrée le 9 octobre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Piret, représentant Mme B..., et de Me Beguin, représentant la commune de Cuincy. Une note en délibéré, enregistrée le 9 octobre 2024, a été présentée pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjointe territoriale principale d'animation de la commune de Cuincy (Nord), est chargée, au sein du service " éducation-jeunesse ", de l'accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) et de la coordination des temps périscolaires pour les enfants de six à douze ans. Placée en congé de longue maladie du 20 mai 2019 au 19 mai 2020 pour un syndrome anxiodépressif, elle a demandé, le 22 juin 2019, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. En dépit d'un avis favorable de la commission de réforme à cette demande, le maire de la commune de Cuincy a refusé, par un arrêté du 18 juin 2020, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B.... Par un courrier du 2 juillet 2020, l'intéressée a sollicité la communication du formulaire de déclaration d'accident ou de maladie nécessaire à la présentation d'une demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service, dont elle réclamait, dans ce même courrier, le bénéfice avec un effet rétroactif. En réponse, le maire de la commune de Cuincy lui a adressé le 6 juillet 2020 une copie du formulaire de déclaration de maladie professionnelle complété par Mme B... le 22 juin 2019, en lui rappelant que sa demande d'imputabilité a été rejetée par un arrêté du 18 juin 2020. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation de l'arrêté du 18 juin 2020 et du courrier du 6 août 2020, en sollicitant de la juridiction diverses mesures tendant à obtenir une régularisation financière de sa situation en conséquence de la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Par un jugement du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement et réitère devant la cour l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction. Sur la légalité externe de l'arrêté du 18 juin 2020 : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 211-6 du même code : " Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation (...) de faits couverts par le secret ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical (...) Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article L. 121-6 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal (...) ". 3. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives précitées que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Si le respect des règles relatives au secret médical ne peut avoir pour effet d'exonérer l'administration de l'obligation de motiver sa décision, dans des conditions de nature à permettre au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle, elle ne peut divulguer des éléments couverts par le secret médical. 4. L'arrêté contesté vise les dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application, notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et le décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime de congé maladie des fonctionnaires territoriaux. Après avoir rappelé qu'une maladie qui n'est pas inscrite au tableau des maladies professionnelles doit, pour être reconnue imputable au service, être essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et être susceptible d'entraîner une incapacité permanente de 25 %, ce même arrêté mentionne qu'aucun taux d'incapacité n'a été fixé dans les rapports d'expertise et que le comportement de Mme B... a entraîné plusieurs conflits au sein de la collectivité. Eu égard au nécessaire respect des règles relatives au secret médical, ces considérations sont suffisamment détaillées pour permettre au juge d'exercer son contrôle sur les motifs de la décision rejetant la demande d'imputabilité présentée par la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté. 5. En second lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...) / 3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies ". Aux termes de l'article 37-8 du même décret, dans sa version applicable : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Aux termes de l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale : " Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 6. Il n'est pas contesté que le syndrome anxiodépressif dont souffre Mme B... ne relève pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, tenant, d'une part, à ce que la pathologie présente un lien essentiel et direct avec l'exercice des fonctions et, d'autre part, à ce qu'elle entraîne une incapacité correspondant à un taux déterminé par la commission de réforme qui doit être au moins égal à 25 %. Il ressort des pièces du dossier que, appelée à se prononcer sur le droit de Mme B... à obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service dans les conditions prévues par le 3° de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987, la commission de réforme a émis un avis favorable, estimant ainsi nécessairement que la pathologie de la requérante est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et est susceptible d'entraîner une incapacité permanente de 25 % au moins. Le maire de la commune de Cuincy s'est prononcé au vu de cet avis, lequel ne présente qu'un caractère consultatif, et n'a donc entaché sa décision d'aucun vice de procédure. Sur la légalité interne de l'arrêté du 18 juin 2020 : 7. Pour l'application des dispositions du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 5, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. Mme B... impute son syndrome anxiodépressif, diagnostiqué en mai 2019, aux agissements de harcèlement sexuel et de harcèlement moral dont elle indique être victime. A supposer que ces agissements ne soient pas considérés comme constitutifs de harcèlement, elle soutient qu'ils se trouvent directement à l'origine de sa pathologie. 9. En premier lieu, aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable et dont les dispositions ont été reprises depuis aux articles L. 133-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : / a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements / (...) ". Il résulte de ces dispositions que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire. 10. Mme B... justifie à l'instance avoir reçu depuis le téléphone portable de son chef de service, entre les mois de juillet 2015 et avril 2017, des messages dont les termes ont été repris au point 9 du jugement attaqué et qui constituent des propos à connotation sexuelle répétés tenus dans le cadre du service sans être aucunement désirés par la requérante. Ces messages ont porté atteinte à sa dignité et créé à son encontre une situation intimidante et offensante, de sorte qu'ils constituent des agissements de harcèlement sexuel au sens des dispositions citées au point précédent. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique de Mme B... aurait réitéré ses propos après avril 2017, alors que la pathologie de la requérante a été constatée pour la première fois le 20 mai 2019, deux ans plus tard. La requérante, qui n'en fait pas état dans sa demande d'imputabilité, a été examinée par deux experts psychiatres le 16 juillet 2019 et le 14 janvier 2020 qui reprennent ses déclarations dans leurs rapports sans mentionner les agissements de harcèlement sexuel dont elle a été victime entre juillet 2015 et avril 2017. Dans ces conditions, la pathologie déclarée en mai 2019 ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec ces agissements subis deux ans plus tôt. 11. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 12. Mme B... reproche à la commune de Cuincy l'absence d'entretien d'évaluation et de notation depuis 2008, le rejet de ses demandes de formation et le refus de la nommer dans un corps de catégorie supérieure. Si aucun entretien professionnel n'a été organisé entre 2008 et 2019, en méconnaissance des dispositions applicables en la matière aux fonctionnaires territoriaux, il n'est pas contesté que l'ensemble des agents municipaux se sont trouvés dans la même situation. Il n'est pas établi que l'absence fautive d'entretien professionnel a eu des répercussions sur l'évolution de la carrière de Mme B... qui, recrutée comme agent territorial d'animation de 2ème classe en 2007, a ensuite été promue au grade d'agent d'animation principal, ou sur son régime indemnitaire. Si l'administration n'a pas donné de suite favorable à sa demande de formation, présentée à plusieurs reprises, en vue de l'obtention du diplôme d'Etat professionnel jeunesse, éducation populaire et sport, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que cette formation, d'un coût de 7 500 euros, constituerait un droit pour les agents. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la formation litigieuse aurait répondu aux besoins de la commune de Cuincy. La circonstance que, en dépit de ses demandes, Mme B... n'a pas été nommée dans le corps de catégorie B des animateurs ne révèle pas de situation discriminatoire à son endroit, alors que le service était constitué d'agents de catégorie C à l'exception du chef de service et du responsable du service scolaire, lorsque la requérante a été placée en congé de maladie. Si deux collègues de Mme B... ont été nommées dans des emplois d'animateur à la fin de l'année 2020, il ressort du compte-rendu du comité technique du 15 décembre 2020 que ces nominations sont justifiées par une réorganisation des services. 13. Mme B... soutient faire l'objet d'un harcèlement moral de la part de son chef de service et de plusieurs agents municipaux, qui se sont ligués contre elle et ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail ayant conduit à son arrêt pour maladie. Elle produit plusieurs attestations faisant état des absences répétées et de la désinvolture du chef de service, ainsi que de son comportement hautain et méprisant, notamment à l'égard du personnel féminin, et plusieurs messages de son supérieur hiérarchique la rappelant à l'ordre dans des termes peu aimables. Pour justifier de ses qualités professionnelles, la requérante, qui indique n'avoir jamais fait l'objet de recadrages ou de sanctions disciplinaires, produit de nombreuses attestations émanant de parents d'élèves louant son professionnalisme et d'anciens collègues décrivant la requérante comme très investie dans ses missions, ainsi qu'un rapport d'inspection établi en juin 2015 attestant de ses capacités, de la pertinence et de l'aspect novateur de sa pratique. Toutefois, la commune de Cuincy produit en défense de nombreuses attestations établies par la plupart de ses collègues du service éducation-jeunesse qui dénoncent son caractère directif, sa tendance à se positionner au-delà de ce qu'exige son niveau de responsabilité, son habitude à critiquer ouvertement et à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles sont accomplies les missions du service, et son comportement incorrect à l'égard de ses collègues, qui font état de propos désobligeants, dévalorisants ou calomnieux, certaines attestations témoignant de son plaisir " à menacer, à rabaisser, à manipuler ". Le comportement de Mme B... dans l'exercice de ses fonctions a encore été relevé dans le cadre d'un partenariat intercommunal, au cours duquel sa posture considérée comme inadaptée et agressive a conduit à des récriminations de la part de la commune partenaire, quel que soit par ailleurs le bien fondé des critiques formulées par la requérante. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme B... s'est à plusieurs reprises adressée à l'ensemble du service au moyen de la messagerie électronique, sans avoir consulté au préalable son supérieur hiérarchique, conduisant celui-ci à lui reprocher de façon récurrente de ne pas respecter la hiérarchie. Les collègues de Mme B... font état de ses demandes contradictoires ou peu explicites, de ses retards et de son habitude de mettre en cause ses collègues, qui perturbent l'activité du service et sont à l'origine d'une détérioration de l'ambiance professionnelle. Ce comportement a pu avoir des effets néfastes sur la santé et l'environnement de travail de ses collègues, certains témoignages indiquant qu'elle entretient une relation toxique au sein du service. Les menaces de mort dont Mme B... soutient avoir été l'objet de la part d'une des agentes du service en mai 2018 sont vivement contestées par la collègue ainsi mise en cause. Les témoignages établis par des tiers revêtent une faible valeur probante dès lors que les menaces alléguées ont été tenues au téléphone, entre Mme B... et sa collègue. Le courriel envoyé par la requérante et la déclaration de main courante du 15 décembre 2018, qui ne mentionnent pas de menaces de mort, révèlent seulement une altercation survenue entre les deux protagonistes dans le cadre professionnel fortement dégradé tel qu'il a été décrit plus haut. Les insultes reçues par Mme B... de la part d'une autre collègue du service, d'ailleurs reconnues par celle-ci excédée par le comportement de la requérante, sont révélatrices de cette ambiance délétère et non d'une volonté de la harceler. 14. Enfin, la requérante soutient avoir été mise à l'écart du service pour ne pas avoir été consultée sur certaines problématiques qu'elle avait l'habitude de prendre en charge. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses fonctions nécessitaient qu'elle participe aux réunions portant sur les sujets dont elle indique avoir été écartée. 15. Il résulte de ce qui précède, eu égard au comportement de Mme B... dans le cadre professionnel, que les faits qu'elle impute à son employeur ne font pas présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral ou sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral. 16. En troisième lieu, dans leurs rapports des 17 novembre 2019 et 17 février 2020, les deux experts psychiatres relatent les faits rapportés par Mme B..., diagnostiquent son syndrome anxiodépressif et, après avoir relevé l'absence de tout antécédent sur ce point, en déduisent que la pathologie de la requérante présente un lien direct avec le service. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette pathologie est survenue dans un climat professionnel très conflictuel dont la requérante, par son comportement, est à l'origine. Il en résulte, alors même qu'elle ne présente aucun antécédent, que le syndrome anxiodépressif dont souffre Mme B... résulte d'un fait personnel conduisant à détacher la survenance de la maladie du service au sens des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. 17. En dernier lieu, il n'est pas contesté que, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de la requérante, le maire de la commune de Cuincy s'est fondé, d'une part, sur l'absence de taux d'incapacité permanente déterminé par les experts médicaux et la commission de réforme, et, d'autre part, sur les importantes difficultés comportementales de la requérante à l'origine de la dégradation des conditions de travail dont elle se plaint. Si Mme B... conteste le premier motif de refus au motif que le maire ne pouvait légalement fonder la décision contestée sur l'absence de taux d'incapacité permanente, il ressort des pièces du dossier que, retenant seulement l'autre motif, il aurait pris la même décision à son égard. Dès lors, le moyen tiré du caractère illégal du motif relatif à l'absence de taux d'incapacité ne peut qu'être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cuincy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme dont la commune demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Cuincy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Cuincy. Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 octobre 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01615
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 04/10/2024, 23MA01156, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le maire de Salernes a retiré l'arrêté du 9 juin 2020 la plaçant provisoirement en congé d'invalidité temporaire imputable au service, d'annuler la décision du 25 septembre 2020 du maire de Salernes portant rejet de son recours administratif, d'enjoindre à la commune de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité temporaire et d'ordonner le cas échéant une expertise médicale. Par un jugement n° 2003141 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai 2023 et 17 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Alvarez, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 mars 2023 en tant qu'il a, à son article 1er, rejeté sa requête ; 2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 et la décision du 25 septembre 2020 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Salernes de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité temporaire ; 4°) d'ordonner le cas échéant une expertise médicale afin de déterminer si l'incapacité temporaire de Mme A... justifie un placement en congé pour invalidité temporaire ; 5°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté du 7 juillet 2020, l'avis de la commission de réforme et la décision portant rejet de son recours gracieux sont entachés d'une insuffisance de motivation ; - sa déclaration d'accident du travail n'est pas tardive, l'altercation avec la maire qui a eu lieu le 16 mars 2018 étant un élément déclencheur d'une maladie imputable au service ; - cet arrêté ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; sa pathologie psychique doit être reconnue comme étant une maladie d'origine professionnelle ; l'entretien qu'elle a eu avec la maire le 16 mars 2018 doit être regardé comme un accident de service ; les conclusions de l'expertise sur laquelle s'est fondée la commission départementale de réforme sont contestables ; - en cas de doute sur l'existence d'un lien entre son affection et son activité professionnelle, une expertise médicale devrait être ordonnée. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 juin 2023 et 4 septembre 2023, la commune de Salernes, représentée par Me Campolo, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la déclaration d'accident de service a été adressée tardivement à l'administration ; - les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ; - la demande d'expertise est irrecevable et n'est pas justifiée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjointe administrative principale de première classe exerçant ses fonctions au sein de la commune de Salernes, a fait l'objet d'un arrêt de travail délivré le 16 mars 2018 jusqu'au 15 avril 2018, suite à une altercation survenue avec la maire de la commune. Dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur l'imputabilité au service de son état de santé, Mme A... a été placée en congé d'invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire, par arrêté du 9 juin 2020. Suite à l'avis défavorable rendu par la commission de réforme, le maire a décidé, par un arrêté du 7 juillet 2020, de retirer son arrêté du 9 juin 2020. Mme A... relève appel du jugement du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a, à son article 1er, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 7 juillet 2020 et de la décision du 25 septembre 2020 par laquelle le maire de Salernes a rejeté son recours administratif. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la légalité externe : 2. L'arrêté du maire de Salernes attaqué, qui vise les textes applicables, notamment le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux et l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, la déclaration d'accident de service de Mme A... ainsi que l'avis défavorable de la commission de réforme du 1er juillet 2020, mentionne que l'instruction de la déclaration d'accident de service est désormais achevée et conduit au rejet de la demande de Mme A... et qu'il y a lieu, en conséquence, de procéder au retrait de l'arrêté ayant placé l'agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service, à titre provisoire. Dès lors, l'arrêté précise les motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité territoriale a fondé sa décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit, par suite, être écarté. 3. L'avis du 1er juillet 2020 de la commission de réforme précise l'objet de sa saisine portant sur l'"imputabilité au service de l'accident du 16/03/2018 ", se fonde expressément sur le rapport d'expertise du Docteur C... et explicite de manière suffisamment précise les raisons pour lesquels un avis défavorable est émis, en indiquant notamment que l'échange survenu entre Mme A... et son supérieur hiérarchique n'est pas de nature " à justifier un arrêt de travail au titre du congé pour invalidité temporaire imputable au service " et constitue un " recadrage parfois nécessaire dans le déroulement de carrière d'un agent ", en ajoutant que " le comportement de l'agent est à l'origine de cette situation ". Ainsi, l'avis comporte, de manière suffisante, les motifs qui le fondent et permettait à Mme A... de les comprendre et de les discuter utilement, quand bien même il n'apporte pas de détail sur le comportement reproché à l'agent. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis de la commission de réforme doit, par suite, être écarté. 4. Les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet d'un recours gracieux serait entachée ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une requête tendant à l'annulation de l'acte qui a fait l'objet de ce recours gracieux et de la décision rendue sur ce recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision portant rejet du recours gracieux de Mme A... doit être écarté comme inopérant. En ce qui concerne la légalité interne : 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". 6. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a eu une altercation avec la maire de la commune, alors qu'elle était en service, le 16 mars 2018, et s'est rendue chez son médecin qui l'a placée le même jour en arrêt de travail pour un " burn out ". Dans ces conditions, la situation de Mme A... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non celles énoncées aux II et IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui ne sont pas applicables aux situations constituées avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale pris pour son application. 7. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 8. Mme A... soutient avoir subi, le 16 mars 2018, sur le lieu et le temps du service, une agression verbale de la part de la maire de Salernes, à l'origine d'un syndrome dépressif et d'un stress post traumatique. Elle a détaillé cette altercation dans sa déclaration d'accident de service, en mentionnant " Agression verbale : violence verbale de ma hiérarchie, propos injurieux, rabaissant. Colère injustifiée envers ma personne d'une brutalité extraordinaire, en présence de mes collègues de travail et une personne extérieure à la mairie. Cet accident intervient dans une ambiance de travail délétère ". Toutefois, hormis sa seule déclaration, et celle d'une collègue de travail, ayant seulement vu " une silhouette de dos, devant le bureau de Mme A... " puis la maire sortir de ce bureau " très énervée, en vociférant ", aucun élément, notamment aucun témoignage, ne vient corroborer la nature et la portée des propos alors échangés, en dépit des témoins présents, et notamment pas les certificats de son psychiatre ou de sa psychothérapeute, qui se bornent à rapporter ses déclarations. L'évènement violent et soudain allégué, qui est contesté par la commune, ne peut ainsi être tenu pour établi. Par ailleurs et à supposer même qu'un tel évènement puisse être regardé comme établi, la commune de Salernes fait valoir que l'entretien qu'a eu la maire de Salernes avec Mme A... avait pour objet d'évoquer avec l'agent son attitude vis à vis de la maire, qui avait adressé des courriels répétés à celle-ci dont certains sur sa messagerie personnelle. L'intéressée admet elle-même que la teneur du dernier message envoyé sur cette messagerie privée, qui a donné lieu à l'entretien litigieux, était maladroite. Il ressort ainsi de ces éléments que cet entretien, qui avait pour objet de rappeler à l'agent ses obligations professionnelles et en particulier le respect dû à sa hiérarchie, a pour cause le comportement de l'agent. Par voie de conséquence, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été victime d'un accident imputable au service. 9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 10. Antérieurement à l'entrée en vigueur, évoquée au point 6, des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandaient le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau. Mme A... ne peut, par suite, utilement se prévaloir de ces dispositions. 11. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a présenté une déclaration d'accident de service et non de maladie professionnelle pour l'incident précité du 16 mars 2018. Cette déclaration, qui mentionne uniquement, au titre des faits en cause, l'altercation verbale évoquée au point 8, ne saurait ainsi, eu égard à cet objet et aux éléments qu'elle comporte, être regardée comme une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. En tout état de cause, si la requérante produit un certificat médical de son psychiatre du 27 février 2020 attestant d'un " trouble de stress post traumatique " qui serait consécutif à cette altercation, la requérante n'établit pas l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et l'exercice de ses fonctions. En particulier, elle ne justifie pas que ses troubles d'origine psychologique seraient la conséquence de conditions de travail dégradées depuis 2014 ainsi qu'elle l'allègue. A cet égard, les éléments dont elle se prévaut, tels qu'une altercation avec un autre agent en mars 2014, dont les faits, tels qu'ils sont présentés par la requérante, sont contestés par la commune au vu des témoignages produits, un refus opposé en 2015 à sa participation pour l'organisation des élections départementales pris selon elle au motif de son activité syndicale, un courriel du maire adressé à Mme A... en 2016 sollicitant des explications sur l'envoi d'un message à une personne extérieure, la nomination en 2017 d'un agent en qualité de responsable du service Etat civil, élection, urbanisme et accueil ou deux demandes d'entretien avec la maire non satisfaites en 2018, ne permettent pas d'établir un lien direct entre sa maladie et son activité professionnelle. Le certificat médical précité de son psychiatre, l'attestation de suivi psychothérapeutique établie par ce même médecin et l'expertise psychiatrique faite à sa demande le 4 octobre 2022, peu circonstanciée, ne sauraient suffire à établir que l'altercation litigieuse, dont le caractère violent n'est au demeurant pas établi eu égard aux éléments exposés au point 8, et qui avait pour cause le comportement personnel de l'agent, serait l'élément déclencheur d'une pathologie présente depuis plusieurs années, en lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou des conditions de travail propres à susciter son développement. 12. Il résulte de ce qui précède que le maire de la commune de Salernes était fondé, suite à l'avis défavorable rendu par la commission de réforme le 1er juillet 2020, à prendre l'arrêté contesté retirant l'arrêté du 9 juin 2020 qui avait placé provisoirement Mme A... en congé d'invalidité temporaire imputable au service. 13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, d'une part, de se prononcer sur le moyen tiré de la tardiveté de la déclaration d'accident de service de la requérante, d'autre part, d'ordonner une expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées à fin d'injonction doivent par voie de conséquence être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Salernes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par la commune de Salernes et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Salernes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Salernes. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024. N° 23MA011562
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 21/10/2024, 23PA03455, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 3 août 2020 de la ministre des armées rejetant ses demandes tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités pensionnées, infirmités nouvelles et majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne, de lui attribuer la majoration de pension à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et d'ordonner une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service. Par un jugement n° 2111055/5-4 du 2 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Haushalter, demande à la cour d'annuler ce jugement et de faire droit à sa demande. Il soutient que : - pour lui refuser l'attribution de la majoration de pension pour assistance d'une tierce personne, la commission de recours de l'invalidité s'est fondée sur un certificat médical incomplet et sur un avis de la commission consultative médicale erroné ; - eu égard aux blessures en service mentionnées dans son état des services et dans son livret médical, au certificat médical établi le 21 juin 2019 à l'appui de sa demande de pension pour infirmités nouvelles et au rapport de l'expertise réglementaire du 3 mars 2020, la commission de recours de l'invalidité ne pouvait s'en tenir à l'avis du médecin et de la commission consultative médicale pour rejeter sa demande sans demander un complément d'expertise. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vrignon-Villalba, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., né le 12 août 1941, entré en service le 16 septembre 1960 et radié des contrôles le 13 juin 1987, a été affecté notamment au centre d'entraînement des réservistes parachutistes au titre du centre d'instruction des nageurs de combat à Ajaccio du 1er mars 1965 au 30 juin 1974 et au centre d'entraînement des réservistes parachutistes du 17 août 1981 au 3 février 1985. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée le 27 décembre 2010 à compter du 24 novembre 2009 au taux global de 100 % + 3°, d'une part, pour les séquelles d'une chorio-rétinite bilatérale au taux de 100 % et, d'autre part, pour les séquelles d'un traumatisme du genou gauche au taux de 25 %. Le 19 novembre 2018, il a présenté une première demande de révision de sa pension pour aggravation de la chorio-rétinite bilatérale et majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne. Le 6 août 2019, il a présenté une seconde demande de révision de sa pension pour aggravation des séquelles du traumatisme du genou gauche et infirmités nouvelles résultant d'une gonarthrose droite et de lombalgies avec fessalgie gauche. Par une décision du 3 août 2020, la ministre des armées a rejeté ses demandes. Le 1er décembre 2020, M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle porte sur la majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et sur les infirmités nouvelles. Par une décision du 17 mars 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté ce recours. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2021, à ce que lui soit attribué la majoration de pension à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et à ce que soit ordonnée, avant dire droit, une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service. Sur les infirmités nouvelles : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; / 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ;/ 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'à compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. ". L'article L. 121-2-1 du même code dispose : " (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux précités lorsque le militaire ou ses ayants cause établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions. ". 3. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 4. Il ressort du rapport d'expertise du 3 mars 2020 du docteur D..., chirurgien orthopédiste désigné dans le cadre de la deuxième demande de révision présentée par M. A..., qu'à la date de cette demande, le 6 août 2019, celui-ci était atteint d'une gonarthrose droite et d'une discopathie protrusive étagée à l'origine de lombalgies avec fessalgie gauche. Le taux d'invalidité correspondant aux infirmités en résultant peut être fixé, respectivement, à 20 % et à 15 %. M. A..., qui se prévaut de l'état de ses services, de son livret médical, du certificat médical établi le 21 juin 2019 à l'appui de sa demande de pension pour infirmités nouvelles et du rapport d'expertise du 3 mars 2020, fait valoir qu'il a effectué de nombreux sauts en parachute et plongées sous-marines et qu'il a subi de nombreuses blessures en service entre 1963 et 1973. Il soutient que la commission des recours de l'invalidité ne pouvait conclure au défaut d'imputabilité de ces infirmités sans demander un complément d'expertise médicale et demande qu'une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste soit ordonnée aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service. 5. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que ni la gonarthrose droite ni la discopathie dont M. A... souffre n'ont été constatées par suite d'un accident de service ou d'une maladie contractée en service. Il n'est par ailleurs pas allégué que ces pathologies figurent sur les tableaux de maladies professionnelles de la sécurité sociale, visées au 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, M. A... ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service. 6. D'autre part, il résulte également de l'instruction, notamment de l'avis rendu le 5 mai 2020 par le médecin conseil expert des pensions militaires d'invalidité, que les blessures reçues par M. A... et constatées en service, en particulier les entorses de la cheville droite subies en 1963, 1968, 1970 et 1971 et le traumatisme coccygien subi en 1971, n'avaient pas pour siège le genou droit ou la région lombaire et ne peuvent être regardées comme ayant causé cette gonarthrose droite et cette discopathie. Le médecin conseil estime par ailleurs, s'agissant de la gonarthrose droite, que " les dégâts traumatiques du genou gauche sont un facteur favorisant, mais ni déclenchant, ni aggravant " et, s'agissant de la lombalgie avec fessalgie, que " les discopathies avec canal secondaire étroit ne peuvent [pas] être rattachées [...] aux infirmités pensionnées ". Alors que ni le certificat médical du 21 juin 2019, non circonstancié sur ce point, ni le rapport d'expertise du 3 mars 2020, qui ne se prononce pas sur l'imputabilité des infirmités qui y sont décrites, ne sont de nature à établir l'imputabilité au service de ces pathologies, M. A... ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause cette appréciation et de justifier qu'une expertise soit ordonnée sur ce point. Sur la majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne : 7. Aux termes de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. / (...) ". Aux termes de l'article R. 133-1 du même code : " Le droit à la majoration de pension mentionnée à l'article L. 133-1 est examiné par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, soit au moment où il est statué sur le degré d'invalidité dont l'intéressé est atteint, soit à la demande de l'intéressé. / Il est révisable tous les trois ans, après examens médicaux, même lorsque la pension a un caractère définitif, si l'incapacité à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels de la vie n'a pas été reconnue définitive ". 8. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie courante, elles imposent toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. D'autre part, si le bénéfice de ces dispositions en faveur des invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels à la vie ne peut être accordé que si la nécessité de l'aide constante d'une tierce personne est la conséquence directe et exclusive d'affections imputables au service, la nécessité d'une telle assistance peut résulter de l'ensemble des infirmités pensionnées, et pas seulement de l'une d'entre elles. 9. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale réalisée le 13 février 2020 par le professeur B..., médecin ophtalmologiste désigné dans le cadre de la première demande de révision présentée par M. A..., que celui-ci peut quitter son lit seul, se coucher seul, satisfaire seul ses besoins naturels, faire sa toilette seul, se vêtir seul totalement, se dévêtir seul totalement, manger et boire seul, marcher seul sans l'aide d'un tiers mais ne peut pas utiliser seul un moyen de transport individuel ou un moyen de transport collectif. Il en conclut que même si c'est de façon " précaire ", M. A... " est encore en possibilité d'accomplir les actes essentiels de la vie ". M. A... fait valoir qu'il ressort du rapport du professeur D... qu'il doit faire face à des manifestations imprévisibles au titre des séquelles de traumatisme du genou gauche, qui engendrent une " instabilité avec dérobement " et que cette constatation aurait également dû être prise en compte pour apprécier la nécessité d'une aide constante. Toutefois, d'une part, il résulte des dossiers de demande que M. A... n'a sollicité la majoration pour tierce personne qu'au titre de l'infirmité " séquelles d'une chorio-rétinite bilatérale ". De même, le certificat médical du 19 mars 2020 produit au dossier de l'instance par M. A... pour justifier la nécessité de la présence d'une tierce personne ne mentionne que son " état ophtalmologique ". D'autre part, les doléances de M. A... recueillies par le professeur D..., relatives à ses difficultés à marcher, ne contredisent pas les constatations opérées par le professeur B.... En tout état de cause, il résulte de l'expertise du docteur D... que les difficultés invoquées par M. A... résultent essentiellement des infirmités nouvelles dont il a été dit au point 6 qu'elles ne sont pas imputables au service, en particulier, s'agissant de la " sensation de jambes faibles à la marche (...) l'obligeant à se tenir à un appui ", de la discopathie protusive étagée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a droit au bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente de chambre, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024. La rapporteure, C. Vrignon-VillalbaLa présidente, A. Menasseyre Le greffier, P. Tisserand La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03455
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 8 avril 2019, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2006242 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2023 et 27 juin 2024, M. C..., représenté par Me Ittah, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2023 ; 2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 29 avril 2020 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens. Il soutient que : - les éléments médicaux qu'il fournit sont de nature à contredire les avis sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour le placer en disponibilité, en invalidité et à la retraite ; - l'autorité administrative n'a pas respecté le champ d'application des dispositions statutaires en ne lui proposant ni un congé de longue maladie, ni un reclassement, ni une adaptation de poste ; - si le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme interdépartementale du 4 juillet 2019 concluant à son inaptitude totale et définitive, y a siégé un médecin, qui avait rendu, le 16 février 2016, un rapport d'expertise concluant à l'absence d'inaptitude aux fonctions alors que, le 10 juillet 2017, il concluait finalement à une inaptitude totale et définitive à sa fonction statutaire, adoptant ainsi une position contraire à ses premières conclusions de 2016, sans qu'il ne soit justifié de la divergence de ces conclusions ; on peut s'interroger sur son impartialité ; - l'autorité administrative ne prouve pas lui avoir proposé de reclassement ad hoc, voire même d'avoir étudié cette possibilité ; - en agissant au mépris du principe du contradictoire et d'un avis médical contraire, l'autorité administrative a manqué à ses obligations légales et réglementaires. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - à titre principal : . conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la requête est irrecevable, faute pour M. C... de produire une copie de l'arrêté du 29 avril 2020 ; . le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité en ce que la demande de première instance doit être regardée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; - à titre subsidiaire : . le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 est inopérant ; . le moyen tiré de l'exception d'illégalité des arrêtés ayant prononcé et maintenu sa disponibilité d'office que M. C... semble invoquer est irrecevable ; . les autres moyens de la requête ne sont pas fondés. Un courrier du 5 juin 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 5 août 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Brigadier-chef en poste à la direction zonale de la police aux frontières (PAF) Sud de Marseille, M. C... a été placé en congé de maladie ordinaire du 12 août 2015 au 6 mars 2016, puis du 8 avril 2016 au 7 avril 2017. Par un courrier du 2 août 2016, il a demandé à être placé en congé de longue maladie. Toutefois, le comité médical interdépartemental a rendu, par deux fois, des avis défavorables les 18 octobre 2016 et le 14 mars 2017, le déclarant également, tout d'abord, inapte à la reprise, puis, par son second avis, inapte de manière absolue et définitive à toute fonction. Par un courrier du 18 avril 2017, M. C... a formé un recours auprès du comité médical supérieur. Parallèlement, la commission de réforme interdépartementale, chargée d'étudier son dossier de mise à la retraite pour invalidité, a reporté son avis dans l'attente de celui du comité médical supérieur, saisi par l'intéressé le 18 avril 2017. Par des arrêtés pris les 9 mai et 3 octobre 2017, M. C... a été placé pour la première fois en disponibilité d'office du 8 avril 2017 au 7 avril 2018, puis prolongé du 8 octobre au 7 avril 2018. Par des arrêtés du 26 septembre 2018, il a été maintenu dans cette position, pour six mois, à compter du 8 avril 2018. Par un avis du 4 juillet 2019, la commission de réforme interdépartementale l'a finalement déclaré inapte définitivement à ses fonctions statutaires et à tout reclassement. Après avoir recueilli l'avis conforme du service des retraites de l'Etat daté du 24 avril 2020, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, par un arrêté du 29 avril 2020, radié des cadres M. C... et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 8 avril 2019. M. C... relève appel du jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté du 29 avril 2020. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, dans la première partie de sa requête intitulée " Faits ", M. C... critique les décisions par lesquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a mis en disponibilité d'office et l'a prolongé dans cette position. Il se plaint, en outre, de ce que, dans l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 dans le cadre de laquelle il a demandé l'annulation de ces décisions, le principe du contradictoire aurait été méconnu par les premiers juges. A la page 9 de cette même requête, l'appelant ajoute que " si l'administration peut décider la mise en disponibilité d'office pour raison de santé, elle doit néanmoins respecter un certain nombre d'obligations afférentes, principalement eu égard le respect du principe du contradictoire et la volonté non-équivoque de reclassement du fonctionnaire ". A supposer que, par ces développements, l'appelant ait entendu soulever des moyens, ceux-ci sont inopérants au regard de l'objet du jugement attaqué et du seul arrêté contesté dans la présente instance. Pour ce motif, ces moyens ne peuvent qu'être écartés. 3. En deuxième lieu, en se bornant à affirmer qu'en agissant au mépris du principe du contradictoire et de l'avis médical contraire, l'administration a manqué à ses obligations légales et réglementaires, M. C... n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, l'appelant ne peut utilement contester l'impartialité de l'un des médecins qui a siégé lors de la séance de la commission de réforme interdépartementale réunie le 4 juillet 2019 en se bornant à soutenir que ce dernier aurait alors changé d'avis sur son inaptitude totale et définitive par rapport à de précédentes conclusions qu'il avait été amené à livrer. Il suit de là que ce moyen doit être écarté. 5. En quatrième lieu, l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Selon l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". 6. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reconnu inapte de façon totale et définitive aux fonctions de policier ainsi qu'à l'exercice de toutes fonctions dans l'administration, par un expert-psychiatre, le docteur B..., qui l'a examiné à deux reprises, les 20 septembre 2016 et 16 février 2017, par le comité médical interdépartemental le 14 mars 2017 ainsi que, par le comité médical supérieur et la commission de réforme, dans leurs avis respectifs des 6 novembre 2018 et 4 juillet 2019. Si M. C... affirme avoir continué à travailler " au sein de divers services publics " et qu'il produit à cet égard une fiche médicale du 3 juin 2019, qui l'a déclaré apte à un emploi d'adjoint administratif au sein des services de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, ni cette fiche, ni les autres documents médicaux dont se prévaut l'appelant pour établir l'amélioration de son état de santé et son aptitude à exercer une activité, ne sont suffisamment circonstanciés pour être de nature à remettre en cause ces avis unanimes. Par suite, et ainsi que l'a relevé à raison le tribunal administratif de Marseille, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud aurait commis une erreur d'appréciation au regard de son état de santé. Ce moyen doit être écarté. 7. En cinquième et dernier lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement. 8. M. C... ayant été reconnu inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration avait manqué à ses obligations en matière d'adaptation du poste de travail et de reclassement doit être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sur les dépens : 10. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. C... tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. 2 No 23MA02947 fm
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/10/2024, 23NT01652, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne et qu'elle prend insuffisamment en compte ses services hors d'Europe. Par un jugement n°2103465 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2023, le 24 août 2024 et le 6 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Michel, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 12 mai 2021 en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de sa pension de retraite prenne effet au 14 janvier 2018 ou au 14 janvier 2019 au plus tard et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres, lorsque cette rétroactivité est justifiée par la nécessité de placer l'agent dans une situation administrative régulière ou par la nécessité de remédier à une irrégularité : * or, son placement en congé de longue maladie est entaché d'illégalité, dès lors qu'il n'est pas intervenu à sa demande ; * la procédure ayant conduit à son placement en congé de longue maladie n'a pas été respectée, faute pour l'administration d'avoir consulté au préalable le comité médical et d'avoir été expertisé par un médecin agréé ; * il ne pouvait être placé en congé de longue maladie dès lors qu'il n'était pas susceptible de reprendre ses fonctions ; - son placement tardif à la retraite pour invalidité est illégal, en l'absence de toute initiative de la part de son employeur, il a été contraint d'attendre le mois de septembre 2019 pour solliciter lui-même sa mise à la retraite pour invalidité ; - les services médicaux militaires ont constaté son inaptitude définitive dès le mois de mars 2018 ; - à supposer que sa pathologie ne puisse être regardée comme stabilisée à cette date, sa mise à la retraite aurait dû intervenir à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de sa mise en congé de maladie ordinaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir à titre principal que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - l'arrêté du 14 mars 1986 modifié, relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ingénieur civil divisionnaire de la défense, a contracté, au début de l'année 2018, une maladie non imputable au service. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2020 par un arrêté de pension du 31 mai 2021, révisé le 2 août 2021 afin de modifier la bonification pour services civils effectués hors d'Europe, le 4 octobre 2021 pour prendre en compte de la majoration pour assistance d'une tierce personne, puis le 11 octobre 2021 pour une nouvelle modification de la bonification pour services civil effectués hors d'Europe. M. A... a demandé l'annulation de son arrêté de pension, en tant qu'il fixe son admission à la retraite au 14 avril 2020, en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des bonifications pour services civils hors d'Europe et qu'il fixe au 14 avril 2020 la date d'attribution de la majoration pour assistance d'une tierce personne. Par un jugement du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. A... demande l'annulation de ce jugement ainsi que l'annulation de la décision du 12 mai 2021 de la ministre des armées, en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020. Sur l'exception d'incompétence de la cour opposée par l'Etat : 2. Le présent litige ne porte pas sur une contestation du bulletin de pension de M. A... mais sur la décision de l'administration d'admettre ce dernier à la retraite. Le contentieux porté devant la cour ne vise pas à contester les modalités de liquidation de la pension de M. A..., mais tend à contester la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de l'intéressé. Par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de M. A... : 3. D'une part, aux termes de l'article R.36 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité. ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 28 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa version applicable à l'espèce : " Pour l'application des dispositions de l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractères définis à l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. Sur cette liste doivent figurer les affections qui peuvent ouvrir droit au congé de longue durée prévu ci-après. Toutefois, le bénéfice d'un congé de longue maladie demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste prévue à l'alinéa précédent peut être accordé après l'avis du comité médical compétent. ". 5. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté du 14 mars 1986 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale que le Syndrome de Guillain Barré dont souffre M. A... n'est pas inscrit sur la liste indicative des maladies qui peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un courriel du 2 novembre 2022 du secrétariat du comité médical du Finistère adressé à M. A..., que, contrairement à ce que soutient le ministre qui ne produit pas le procès-verbal de l'avis du comité médical du Finistère dont il se prévaut, que ce même comité n'a pas, lors de sa séance du 26 avril 2018, émis d'avis concernant le bénéfice d'un congé de longue maladie pouvant être octroyé au requérant et que l'admission à congé de longue maladie à compter du 14 janvier 2018 pour une période de six mois, prolongée de trois mois, n'a pas fait l'objet d'une saisine du comité médical du Finistère. La circonstance que le comité médical départemental du Finistère a ensuite été saisi régulièrement pour le renouvellement du congé de longue maladie de l'intéressé, à compter du 14 octobre 2018, est sans incidence sur l'illégalité du placement initial de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018. L'avis du comité médical contribuant à la garantie que la décision prise le sera de façon éclairée, quand bien même cet avis n'est que consultatif, le placement de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 est illégal et c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'était pas possible de placer M. A... à la retraite à une date antérieure à sa radiation des cadres, compte tenu de cette illégalité. Le requérant est donc fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes. 6. Il résulte de ce qui précède que le placement à la retraite de M. A..., antérieurement à sa radiation des cadres, est nécessaire pour redresser l'illégalité résultant de son placement irrégulier en congé de longue maladie. Par suite, la décision ministérielle du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite, doit être annulée. Il résulte de l'instruction que M. A... a été placé, pour le motif exposé au point précédent, dans une situation administrative irrégulière dès le 15 janvier 2018. Il est donc fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018 pour remédier à cette situation. En ce qui concerne la majoration pour tierce personne : 7. Aux termes de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne prévue à l'article L. 30 bis est accordée sur sa demande et quelle que soit la date à laquelle la pension lui a été concédée, à tout titulaire d'une pension civile d'invalidité qui justifie remplir les conditions fixées audit article. (...) ". 8. Il résulte de l'instruction que M. A... a présenté une demande de majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne le 20 décembre 2019. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018, et qu'à la date de sa demande de majoration, il pouvait bénéficier d'une pension de retraite, en fixant comme date d'attribution de la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne, le 14 avril 2020, date à laquelle la pension de retraite pour invalidité lui a été accordée, le ministre a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite. En outre, M. A... remplissait au 15 janvier 2018 la condition de handicap rendant nécessaire l'assistance d'une tierce personne. C'est donc à tort que le tribunal a estimé que l'administration ne pouvait légalement faire droit à la demande de majoration formulée par M. A..., dès lors qu'à la date de sa demande, il n'était pas titulaire d'une pension de retraite. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes, ainsi que de la décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il convient également d'enjoindre au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, est annulée en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne. Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il est également enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne avec effet à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01652
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 03/10/2024, 22VE00948, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans : - à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision du 26 juillet 2018 prise par cette même autorité le plaçant en congé de longue durée pour maladie du 10 juillet 2018 au 9 janvier 2019 inclus, en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son affection, ainsi que la décision du 12 mai 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension militaire d'invalidité ; - d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître le lien au service de son affection et de le rétablir dans l'ensemble de ses droits, dans un délai d'un mois et sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard ; - à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral, matériel et corporel subi du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et du défaut d'attribution de la pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1901407 du 22 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril 2022 et 31 janvier 2023, M. A... D..., représenté par Me Maumont, avocate, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 4 juin 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son affection et de le placer en congé de longue maladie en lien avec le service, avec toute conséquence de droits et intérêts, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et est insuffisamment motivé ; - l'imputabilité au service de sa maladie est établie ; l'infarctus à l'origine de son état anxio-dépressif a en effet pour origine une anxiété liée à une succession d'évènements survenus avant 2012, tels des mauvais traitements et une mutation pour cause de restructuration en 2009 ; le compte-rendu d'expertise du Dr B... du 28 octobre 2019 indique que l'accident cardiovasculaire dont il a été victime en juillet 2013 est dû au service, de même que le certificat du Dr C..., et il est patent qu'à compter de sa mission à Djibouti, il a dû prendre des anxiolytiques dont la prescription s'est prolongée sur plusieurs années. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Florent, - et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... D..., militaire sous contrat au sein de l'armée de l'air, entré en service le 3 mars 1998, relève appel du jugement du 22 février 2022 en tant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre et pour lequel il bénéficie d'un congé de longue durée depuis le 10 juillet 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. D'une part, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de citer précisément l'ensemble des pièces du dossier ayant servi à forger sa conviction, a suffisamment précisé, aux points 4 à 6 de sa décision, les motifs pour lesquels il a considéré que l'état anxio-dépressif de M. D... ne pouvait être regardé comme présentant un lien direct avec ses fonctions ou ses conditions de travail. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté. 3. D'autre part, si le requérant soutient que les juges de première instance ont commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et ne peuvent qu'en affecter le bien-fondé. Ils doivent, par suite, être écartés. Sur la légalité de la décision attaquée : 4. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 de ce code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service. ". 5. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. M. D... fait valoir qu'il a connu des difficultés professionnelles au cours de sa carrière, en particulier des mauvais traitements de la part de son supérieur hiérarchique durant sa période d'affectation à Djibouti entre 2011 et 2013, ayant généré chez lui un syndrome anxio-dépressif, qui a lui-même causé l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 7 juillet 2013, à l'âge de trente-quatre ans, et que les importantes séquelles de cet accident cardiaque, venues s'ajouter à de nouvelles difficultés professionnelles, ont encore accentué son affection psychologique, laquelle doit en conséquence être regardée comme imputable au service. 7. Au soutien de ses allégations, M. D... produit son dossier de suivi médical professionnel, lequel fait état, le 11 mars 2012, d'une anxiété réactionnelle et de troubles du sommeil en raison de difficultés avec son supérieur hiérarchique (" mauvais traitements ", " sarcasmes "), une attestation de collègue datée du 30 octobre 2020 indiquant que M. D... avait fait part de son mal-être et de ses rapports conflictuels avec sa hiérarchie à la suite de son affectation à Djibouti avant d'être orienté vers le service médical de la base aérienne, un certificat médical du médecin du personnel naviguant en date du 14 août 2013 indiquant comme facteurs de risques de l'intéressé essentiellement un tabagisme en cours de sevrage et une anxiété, une expertise médicale du 28 octobre 2019 mentionnant une " nécrose localisée sur coronaires saines " et estimant possible de relier cet accident cardiaque au fait de service et enfin, une attestation de collègue datée du 2 novembre 2020 indiquant que M. D... a connu des difficultés croissantes pour poursuivre sa carrière comme agent d'opération, l'intéressé s'étant vu refuser l'accès au corps des sous-officiers par le recrutement " passerelle tardive " en raison de son inaptitude médicale avant que l'administration décide de ne pas renouveler son contrat et refuse la prise en charge financière de sa reconversion. 8. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites, notamment pas du recueil médical établi par le médecin militaire en fonction à Djibouti à l'époque des faits, ni du certificat médical daté du 28 mars 2022 de son psychothérapeute, lequel se borne à faire état, sans constatation personnelle, d'allégations du requérant sur des faits de service remontant à une dizaine d'années, que les troubles anxieux constatés en mars 2012 ayant conduit à la prescription d'anxiolytiques durant dix jours se seraient poursuivis jusqu'à une époque contemporaine à celle de la survenance de l'infarctus, alors au demeurant que cet accident cardiaque s'est produit au cours d'une permission. Les pièces médicales du 14 août 2013 et 28 octobre 2019 sont par ailleurs insuffisamment circonstanciées pour établir que l'accident cardiaque du requérant présente un lien direct avec un trouble anxieux lui-même imputable au service. En outre, ce dernier certificat relève que l'infarctus subi par le requérant courant juillet 2013 a provoqué au plan psychologique chez l'intéressé un retentissement majeur sur sa vie personnelle, familiale et professionnelle et les ordonnances produites prescrivant des anxiolytiques puis des antidépresseurs à M. D... sont toutes postérieures à l'accident cardiaque. Enfin, le requérant ne produit aucun élément, hormis l'attestation du 2 novembre 2020, permettant d'établir les difficultés professionnelles alléguées postérieurement à son accident cardiaque, le requérant ayant repris ses fonctions durant près de quatre ans avant d'être placé en congé de maladie pour syndrome anxio-dépressif. 9. Dans ces circonstances, l'état anxio-dépressif qui a fondé la mise en congé de longue durée de M. D... ne peut être regardé comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail. 10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente, M. Camenen, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024. La rapporteure, J. FLORENTLa présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 22VE00948
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de LYON, 3ème chambre, 09/10/2024, 23LY00503, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 septembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Chambéry a refusé de retirer l'arrêté du 15 mai 2020 prononçant son admission à la retraite à compter du 1er octobre 2020. Par un jugement n° 2006579 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 9 février 2023, M. B... A..., représenté par Me Adamo-Rossi, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Chambéry du 7 septembre 2020 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 7 septembre 2020, qui lui refusait un avantage, devait être motivée en vertu du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que l'autorité communale était tenue de procéder au retrait de l'arrêté du 15 mai 2020, entaché d'illégalité ; en effet, sa demande d'admission à la retraite a été déposée sous la contrainte, et, alors que la décision ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie a été annulée avec effet rétroactif, les dispositions relatives à l'admission à la retraite pour invalidité ont été méconnues. Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2024, la commune de Chambéry, représentée par la SELARL Cabinet Philippe Petit et Associés, agissant par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 avril 2024. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jean-Yves Tallec, président ; - les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ; - et les observations de Me Garaudet, représentant la commune de Chambéry. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ingénieur territorial principal placé en congé de maladie depuis le 21 septembre 2015, a présenté le 6 mai 2020 une demande d'admission à la retraite à compter du 1er octobre 2020. Par un arrêté du 15 mai 2020, le maire de la commune de Chambéry a fait droit à cette demande sous réserve de l'avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le 5 juin suivant, ladite caisse a concédé une pension à l'intéressé. Toutefois, le tribunal administratif de Grenoble ayant annulé, par un jugement du 30 juin 2020, la décision du maire de la commune du 6 juin 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, M. A..., par un courrier du 22 juillet 2020, a sollicité le retrait de l'arrêté l'admettant à la retraite. Par une décision du 7 septembre 2020, le maire de la commune de Chambéry a refusé de procéder à ce retrait. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) " 3. La décision litigieuse, qui rejette la demande de retrait de l'arrêté du maire de la commune de Chambéry admettant M. A... à la retraite, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de ces dispositions, ni d'aucun autre principe ou disposition. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit dès lors être écarté comme inopérant. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration est tenue de procéder, selon le cas, à l'abrogation ou au retrait d'une décision créatrice de droits si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait peut intervenir dans le délai de quatre mois suivant l'édiction de la décision ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". 5. D'une part, si M. A... se prévaut de ce que, par le jugement du 30 juin 2020 cité au point 1, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du maire de la commune de Chambéry ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffrait, son placement rétroactif en congé de maladie imputable au service ne faisait pas obstacle à son admission à la retraite à l'âge révolu, ainsi qu'il l'avait lui-même demandée. Sur ce point, aucun des éléments versés au dossier ne permet d'établir que, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... aurait été contraint par l'autorité communale de déposer sa demande d'admission à la retraite. 6. D'autre part, M. A..., qui n'a pas sollicité son admission à la retraite pour invalidité, ne peut utilement se prévaloir des règles régissant l'admission à la retraite pour ce motif, rappelées au point 4. 7. L'arrêté du 15 mai 2020 n'étant pas entaché d'illégalité, le maire de la commune de Chambéry n'était pas tenu de procéder à son retrait, et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration ne peut en conséquence qu'être écarté. 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2020. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chambéry, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la commune de Chambéry présentée sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Chambéry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Chambéry. Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, - Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, - Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 octobre 2024. Le président rapporteur, Jean-Yves TallecLa présidente assesseure, Emilie Felmy La greffière, Michèle Daval La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00503
Cours administrative d'appel
Lyon
Conseil d'État, 6ème chambre, 18/10/2024, 463148, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'annuler la décision du 27 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 18/04 du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a annulé la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2017 et reconnu à M. A... un droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions militaires de Poitiers, saisie par le ministre des armées, a ordonné une expertise médicale. Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête du ministre des armées. Par un arrêt n° 19BX04095 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 24 septembre 2018 du tribunal des pensions de la Vienne et rejeté les conclusions d'appel de M. A.... Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 13 avril et 13 juillet 2022, M. A... demande au Conseil d'État : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre des armées ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes, - les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé le 27 juillet 1982 dans le 8ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine et a été rayé des cadres le 5 novembre 1982 pour inaptitude aux troupes aéroportées. Il a sollicité le 19 juin 1991 l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de lombalgies chroniques consécutives à un spondylolisthésis en L5-S1. Cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 1er juin 1992 au motif que l'infirmité était antérieure à l'incorporation et que l'aggravation de cette infirmité à l'occasion du service, évaluée à 10 %, n'atteignait pas le taux de 30 % indemnisable. Par un jugement du 6 décembre 1994, devenu définitif, le tribunal des pensions des Deux-Sèvres, après avoir relevé un taux global d'invalidité de 30 % dont 10 % relatifs à l'état antérieur et 20 % résultant d'une aggravation au cours du service, a rejeté la demande d'annulation formée par M. A... contre cette décision au motif que le taux d'aggravation était inférieur à 30%. Par une demande du 27 octobre 2014, M. A... a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Lombosciatalgies chroniques bilatérales : arthrodèse L3-L5, dysesthésies et hypoesthésie du membre inférieur gauche, raideur lombaire. Achilléen gauche aboli, marche talons-pointes impossible. Lasègue bilatéral ". Par une décision du 27 janvier 2017, le ministre de la défense a rejeté cette demande au motif que l'invalidité, évaluée globalement au taux de 40 %, résultait, à hauteur de 10 %, d'une infirmité antérieure au service et, à hauteur de 10 %, de " l'arthrodèse L3-L5 " postérieure au service, de sorte que les séquelles de la maladie contractée durant le service entraînaient un degré d'invalidité de 20 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 %. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions de la Vienne a annulé la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2017 et reconnu à M. A... un droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %. La ministre des armées a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a ordonné avant-dire droit une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 2 décembre 2019. Par un arrêt du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, compétente en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 a annulé le jugement du 24 septembre 2018 et rejeté les conclusions d'appel de M. A.... 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de pension du 27 octobre 2014 : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". 3. Pour écarter le moyen présenté devant elle par M. A... et tiré de ce que sa pathologie ne constituait pas l'aggravation d'une infirmité étrangère au service, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 6 décembre 1994 du tribunal des pensions des Deux-Sèvres, lequel avait, selon la cour, retenu d'une part, que cette infirmité avait pour origine une maladie, d'autre part, que l'invalidité en résultant était imputable, à hauteur de 10 %, à un état antérieur. 4. Si M. A... soutient que la cour a méconnu la portée du jugement du 6 décembre 1994 dès lors que celui-ci ne se serait pas prononcé sur l'imputabilité au service ni par voie de conséquence, sur son état antérieur, il résulte toutefois de ce jugement que le tribunal des pensions des Deux-Sèvres a admis l'existence d'un état antérieur en s'appuyant sur la contre-expertise du docteur C... du 19 juin 1991 qui concluait à un taux global d'invalidité de 30 % dont 10 % relatifs à l'état antérieur. La question de l'imputabilité au service que le tribunal n'a pas jugé nécessaire de trancher ne concernait pas l'état antérieur mais l'aggravation de cet état dès lors que le taux de 20 % qui lui était affecté n'ouvrait en tout état de cause pas de droit à pension. Par suite, en jugeant comme elle l'a fait, la cour n'a pas méconnu le sens et la portée du jugement du 6 décembre 1994. Le moyen ne peut donc qu'être écarté, tout comme le moyen d'erreur de droit soulevé par voie de conséquence. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes-rapporteure. Rendu le 18 octobre 2024. Le président : Signé : M. Cyril Roger-Lacan La rapporteure : Signé : Mme Stéphanie Vera La secrétaire : Signé : Mme Angélique RajaonariveloECLI:FR:CECHS:2024:463148.20241018
Conseil d'Etat