Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 6 octobre 1992, 90PA00049 90PA00050, mentionné aux tables du recueil Lebon
VU I) sous le n° 90PA00049, la requête présentée par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, enregistrée au greffe de la cour le 16 janvier 1990 ; le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 8807183/6 du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 2 avril 1987 rejetant la demande de cumul de pensions présentée par M. X..., et a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé à son profit à la liquidation de deux pensions ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
VU II) sous le n° 90PA00050, la requête présentée par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS enregistrée au greffe de la cour le 17 janvier 1990 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8807183/6 du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 2 avril 1987, rejetant la demande de cumul de pensions présentée par M. X... et a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé à son profit à la liquidation de deux pensions ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1992 :
- le rapport de Mme BOSQUET, conseiller ;
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, et du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. X..., ouvrier de l'Etat au ministère des transports depuis le 16 juillet 1946, a démissionné de ses fonctions à compter du 1er mai 1967 ; que le bénéfice d'une pension à jouissance différée au 15 novembre 1986 lui a été accordé sur le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ; que l'intéressé, nommé le 1er octobre 1969 agent non spécialiste au ministère de l'éducation nationale et titularisé dans ces fonctions le 1er octobre 1970, a été admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité non imputable au service, le 25 septembre 1984 ; que les requêtes susvisées tendent à l'annulation du jugement en date du 24 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a reconnu à M. X... le droit au bénéfice de deux pensions de retraite et a annulé la décision du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 2 avril 1987 refusant de reconnaître ce droit ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes :
Considérant que, d'une part, l'article 29 du titre VIII, relatif notamment à la reprise de service, du décret du 24 septembre 1965 concernant le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat dispose : "Sont applicables aux bénéficiaires du présent décret les dispositions des articles ... L.77 du code des pensions civiles et militaires de retraite" ; qu'aux termes de l'article L.77 dudit code : "Les titulaires de pensions civiles attribuées en vertu du présent code, nommés à un nouvel emploi de l'Etat ou d'une des collectivités dont les agents sont tributaires de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales acquièrent, au titre dudit emploi, des droits à une pension unique rémunérant la totalité de la carrière. La pension dont ils bénéficiaient alors est annulée." ; que, d'autre part, l'article 31 du même décret précise : "Les ouvriers de l'Etat tributaires du présent décret sont soumis, en matière de cumul de pensions avec des rémunérations d'activité ou d'autres pensions, ou de cumuls d'accessoires de pensions, aux dispositions applicables aux agents de l'Etat tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite" ; qu'au nombre de ces dispositions figure l'article L.87 dudit code, lequel dispose en son alinéa 2 : "Le cumul de deux ou plusieurs pensions acquises dans des emplois successifs est autorisé" ;
Considérant que les dispositions de l'article L.77 précité s'appliquent aux titulaires de pensions, sans qu'il y ait lieu, pour l'application de ce texte, d'opérer une distinction selon que la jouissance de la pension est immédiate ou différée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M. X..., qui était titulaire d'une pension depuis 1967, n'en avait pas encore la jouissance à la date où il a occupé un nouvel emploi dans les cadres de l'éducation nationale, pour décider que l'intéressé n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L.77 du code précité ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 29 et 31 du décret du 24 septembre 1965 que les ouvriers des établissements industriels de l'Etat sont soumis, en ce qui concerne les reprises de service et les cumuls de pension, aux règles édictées par le code des pensions civiles et militaires de retraite et notamment à l'article L.77 de ce code dont les dispositions interdisent le cumul de pensions afférentes à des emplois occupés successivement au service de l'Etat ; que dès lors, nonobstant le principe de cumul édicté par l'article L.87 alinéa 2 précité, le requérant ne peut utilement exciper, pour prétendre au bénéfice de deux pensions distinctes, de sa qualité d'ancien ouvrier de l'Etat ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L.76 du code précité, étant relatives au seul cas où deux emplois de l'Etat sont occupés simultanément, sont sans application dans la présente espèce ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'ayant rempli des fonctions distinctes, sa pension doit être établie sur la base du traitement afférent à l'emploi dont la rémunération est la plus élevée ;
Considérant, enfin, que le requérant, qui a été titularisé dans un nouvel emploi le 1er octobre 1970 après avoir démissionné de ses premières fonctions à compter du 1er mai 1967, ne peut utilement invoquer le caractère prétendument rétroactif de l'application qui lui aurait été faite des dispositions de l'article L.77 précité, introduites par la loi du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS et le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS en date du 2 avril 1987 rejetant la demande de cumul de pensions présentée par M. X..., et renvoyé l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation à son profit de deux pensions ;
Article 1er : Le jugement n° 8807183/6 en date du 24 octobre 1989 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.