Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 11 juillet 1997, 95PA02931, inédit au recueil Lebon
(1ère Chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 24 juillet 1995, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 118-94 du 17 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de St-Denis de la Réunion a annulé la révocation sans droit à pension de M. X... ; subsidiairement de réformer ce jugement et de ne l'annuler qu'en tant qu'il porte sur l'annulation de la révocation ;
2 ) de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU le décret n 84-961 du 25 octobre 1984 ;
VU le décret n 85-986 du 16 septembre 1985 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1997 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE demande l'annulation du jugement en date du 17 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé sa décision du 28 décembre 1993 prononçant la révocation, sans droit à pension, de M. X... ;
Considérant que l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée dispose que : "Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : ( ...) Quatrième groupe : ... - la révocation" ; que l'article 59 du code des pensions civiles et militaires prévoit que : "Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est également suspendu à l'égard de tout bénéficiaire du présent code qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office : pour avoir été reconnu coupable de détournement soit de deniers de l'Etat, des départements, des communes ou établissements publics, soit de dépôts de fonds particuliers versés à sa caisse ou de matières reçues et dont il doit compte, ou convaincu de malversations relatives à son service, ou pour s'être démis de ses fonctions à prix d'argent ou à des conditions équivalant à une rémunération en argent ou s'être rendu complice d'une telle démission."
Considérant qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 16 décembre 1993 que ce dernier s'est prononcé, d'une part, sur la révocation de M. X..., et d'autre part, sur l'application de l'article L.59 du code des pensions civiles et militaires ; que la décision attaquée fait référence également à l'article L.59 précité ; qu'ainsi la décision attaquée doit être regardée comme ayant emporté, d'une part, la révocation de l'intéressé, d'autre part, la suspension des droits à pension de celui-ci ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE est fondé à soutenir qu'en prononçant l'annulation de son arrêté du 28 décembre 1993 au motif que la sanction de révocation, sans droit à pension, n'est pas prévue par les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a commis une erreur de droit ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel de Paris, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
En ce qui concerne la révocation :
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les noms des membres du conseil de discipline soient communiqués à l'intéressé, ni qu'ils figurent sur la décision prise après avis du conseil de discipline ;
Considérant que la circonstance que le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline ait été rédigé après la décision de révoquer M. X... est sans incidence sur la légalité de cette dernière qui a bien été prise après avis du conseil de discipline ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. X... a, préalablement à la saisine du conseil de discipline, reçu communication de son dossier administratif, lequel comportait l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés ; d'autre part, que le rapport établi en juillet 1992 par deux inspecteurs généraux de l'administration de l'éducation nationale ne contenait la mention d'aucun fait, ni d'aucun élément de l'affaire, qui ne figurait pas dans le dossier administratif dont M. X... avait reçu communication ; qu'il résulte de ce qui précède que l'absence dans ledit dossier administratif du rapport susmentionné ne saurait avoir entaché d'irrégularité la formalité de la communication du dossier ;
Considérant enfin que les conditions dans lesquelles a été notifié l'arrêté du 28 décembre 1993 sont sans influence sur la légalité ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, ... l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ... Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ..." ; que ces dispositions n'ont pas pour objet d'enfermer dans un délai l'exercice de l'action disciplinaire mais seulement de limiter les conséquences d'une suspension ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que sa révocation serait illégale, par le fait que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE l'aurait prise après le délai précité de quatre mois ;
Considérant, en deuxième lieu, que la révocation de M. X... est motivée par le fait que celui-ci a permis à une entreprise de déménagement moyennant le versement d'une somme d'argent de se tenir informée des mutations de personnels, ainsi que sur des insuffisances de gestion dans l'exercice de ses fonctions ; qu'ainsi l'administration ne s'est pas fondée sur une qualification pénale de ces faits et n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, que les faits susrappelés sont établis et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que compte tenu de leur gravité et du niveau de responsabilité de M. X... la sanction de révocation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir et de procédure allégué n'est pas établi ;
En ce qui concerne la suspension du droit à pension :
Considérant que les faits reprochés à M. X... concernant ses relations avec l'entreprise de déménagement ne peuvent être assimilés ni à une malversation ni à une démission de fonctions à prix d'argent au sens des dispositions précitées de l'article L.59 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par suite, la décision attaquée du 28 décembre 1993 doit être annulée en tant qu'elle comporte suspension du droit à pension ;
Article 1er : Le jugement n 118-94 en date du 17 mai 1995 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la révocation de M. X....
Article 2 : L'arrêté du 18 décembre 1993 du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est annulé en tant qu'il comporte suspension du droit à pension de retraite de M. X....
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. X... et le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L'INSERTIONPROFESSIONNELLE sont rejetés.