Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, du 20 octobre 1992, 91BX00372, mentionné aux tables du recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement les 24 mai et 4 septembre 1991, présentés pour M. Joseph X..., demeurant ... par la S.C.P. WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
M. X... demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 5 juillet 1990 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 1989 du ministre de la défense, lui refusant la réparation du préjudice subi du fait de l'erreur commise par l'administration dans le calcul de sa pension militaire d'invalidité ;
2° - d'annuler ladite décision du 12 janvier 1989 ;
3° - de condamner l'Etat à lui verser la somme de 391.777,10 francs augmentée des intérêts de droit, eux-mêmes capitalisés et une indemnité mensuelle de 1.350 francs ;
Vu les autres pièces du dossier, et notamment la décision du bureau d'aide judiciaire du 13 mars 1991, rejetant la demande d'aide judiciaire du requérant ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 1992 :
- le rapport de M. TRIBALLIER , conseiller,
et les conclusions de M. CATUS , Commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué :
Sur la responsabilité :
Considérant que pour demander la condamnation de l'Etat en raison du préjudice qu'il a subi du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé d'obtenir un complément de pension militaire d'invalidité, M. X... se fonde sur la faute commise par l'administration, qui lui a refusé une pension d'invalidité pour syndrôme dépressif, au vu de documents comportant des énonciations inexactes, circonstance reconnue, dans sa décision du 6 mai 1988, par la commission spéciale de cassation adjointe temporairement au Conseil d'Etat, sans constituer l'un des cas de révision limitativement prévus à l'article L.78 2° du code des pensions militaire d'invalidité ;
Considérant, que si la photocopie d'un extrait en date du 10 juillet 1950, du registre médical d'incorporation du 8ème régiment des chasseurs d'Afrique, fait apparaître que le soldat X... était atteint, lors de son incorporation d'un "déséquilibre neurovégétatif", le requérant produit, pour sa part, un extrait photocopié dudit registre, dont la dernière annotation est en date du 4 septembre 1948 et certifié conforme par le bureau central d'archives militaires, mentionnant expressément, par la rubrique "RAS", qu'il était indemne de toute affection lors de son arrivée dans le corps le 16 mai 1946 ; que pour apprécier l'imputabilité au service de l'affection litigieuse, la commission de réforme de la Place de Lyon n'a eu connaissance que de l'extrait comportant ladite erreur matérielle ; qu'ainsi la décision de refus de la pension sollicitée a été prise au vu de documents erronés ;
Considérant, dans ces conditions, que les mentions ajoutées par l'autorité militaire, dans la seconde version du registre d'incorporation, ont privé M. X..., sinon de la preuve de l'imputabilité au service de l'affection dont s'agit, du moins d'une forte présomption de fait en faveur de l'imputabilité au service de cette invalidité, au regard des articles 1er et suivants du code des pensions militaires d'invalidité ; que, ces agissements constituent une faute de service de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. X... ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du procès verbal de la commission de réforme qu'à la date du 25 août 1950, le degré d'invalidité à retenir pour la "dystonie neurovégétative accentuée" dont était affecté M. X... n'était, indépendamment de son autre invalidité, que de 10 %, alors qu'il a évalué son préjudice en se fondant sur un taux uniforme de 15 % pour l'invalidité en litige ; que par suite, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une équitable appréciation de la réparation due par l'Etat à M. X... en fixant le montant de cette indemnité à 250.000 F, tous intérêts compris et capitalisés à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation, ensemble, de la décision du 12 janvier 1989 du chef de service des pensions des armées et du jugement du 5 juillet 1990 du Tribunal administratif de Montpellier lui refusant la réparation du préjudice subi du fait de l'erreur commise par l'administration et à solliciter, du chef de l'invalidité litigieuse, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant limité à 250.000 F ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 juillet 1990 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... une indemnité de 250.000 F tous intérêts compris et capitalisés à la date du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.