Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 13 juin 1990, 89NT00661, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 juin 1990
Num89NT00661
JuridictionNantes
Formation2E CHAMBRE
PresidentM. Jego
RapporteurM. Dupouy
CommissaireM. Cadenat

Vu l'ordonnance en date du 13 janvier 1989 par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par Mme Jacqueline Bouillot veuve Rondet et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juin 1987 sous le n° 88 119 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Jacqueline Y... veuve Z..., demeurant ..., par Me Guinard, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00661 ;
Mme Bouillot demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 avril 1987 en tant que par ledit jugement du Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du 22 avril 1985 lui accordant une pension de réversion sur le fondement des articles L 28 et L 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et de la décision du ministre de l'intérieur, notifiée par lettre du 5 avril 1985, confirmant l'arrêté du 22 avril 1985 et lui refusant l'attribution d'une pension de réversion au taux de 100 % en application des dispositions de l'article 6 ter de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 modifiée ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision et de la renvoyer devant le ministre de l'intérieur pour qu'il soit procédé à la liquidation de la pension à laquelle elle a droit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 modifiée instituant un régime particulier de retraite en faveur des personnels actifs de police ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 23 mai 1990 :
- le rapport de M. Dupouy, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Jacques Guinard, avocat de Mme Jacqueline Y..., et les observations du représentant du ministre délégué chargé du budget ;
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant qu'à la suite du décès de M. Marcel Rondet, brigadier de la police nationale, survenu à l'occasion d'une opération de dépannage d'un véhicule accidenté sur la voie publique, une pension de réversion au taux de 50 % a été accordée à sa veuve, Mme Jacqueline Bouillot, par arrêté ministériel du 22 avril 1985, sur le fondement des articles L 28 et L 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que Mme Bouillot soutient qu'elle aurait dû bénéficier des dispositions de l'article 6 ter de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 modifiée instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si l'expédition du jugement attaqué notifiée à la requérante ne comportait pas l'intégralité des visas du jugement, cette circonstance n'est pas en elle-même de nature à entacher d'irrégularité ce jugement, dès lors qu'il ressort de l'examen de la minute dudit jugement que celui-ci visait et analysait les mémoires échangés entre les parties ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant, d'une part, que la commission de réforme prévue à l'article L 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite est appelée à donner seulement un avis consultatif ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le ministre chargé des pensions ne s'est pas conformé à l'avis donné par la commission de réforme du département d'Ille-et-Vilaine est inopérant ;
Considérant, d'autre part, que les motifs pour lesquels l'administration a refusé à Mme Bouillot le bénéfice des dispositions de l'article 6 ter de la loi du 8 avril 1957 précitée ont été expressément énoncés dans la lettre du secrétaire général pour l'administration de la police du département d'Ille-et-Vilaine en date du 25 mai 1985 par laquelle lui était notifié l'arrêté du 22 avril 1985 ; qu'à la suite de la demande de Mme Bouillot en date du 27 juin 1985 tendant à la révision de sa pension, les motifs de rejet de sa demande ont été précisés dans la lettre du même Secrétaire Général en date du 5 août 1985 ; que, dès lors, et même si la motivation ne figure pas dans le corps même de l'arrêté attaqué, Mme Bouillot n'est pas fondée à soutenir que ledit arrêté, à supposer qu'il figure au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, est entaché d'un défaut de motivation ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 ter de la loi précitée, tel qu'il résulte de l'article 28-I de la loi du 30 décembre 1982, "le total des pensions et des rentes viagères d'invalidité attribuables au conjoint et aux orphelins du fonctionnaire de police tué au cours d'une opération de police est porté au montant cumulé de la pension et de la rente viagère d'invalidité dont le fonctionnaire aurait pu bénéficier" ; qu'il résulte de ces dispositions éclairées par les travaux auxquels a donné lieu leur adoption par le Parlement que le législateur a entendu instaurer une protection sociale spécifique à l'égard des conjoints des fonctionnaires de police décédés au cours d'opérations mettant directement leur vie en péril et justifiant la mise en oeuvre des prérogatives liées à leur qualité d'agent de la force publique ;

Considérant que la mission de dépannage au cours de laquelle M. Rondet est décédé par suite d'une électrocution ne revêtait pas le caractère d'une opération de police au sens de l'article 6 ter de la loi précitée, quels qu'aient pu être les dangers encourus par la victime ; que, dès lors, c'est à bon droit que les ministres ont refusé à sa veuve le bénéfice d'une pension de réversion au taux de 100 % ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Bouillot n'est pas fondée à soutenir, à supposer même que la requête soit recevable, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a refusé de lui reconnaître le bénéfice de la pension de réversion prévue par l'article 6 ter de la loi du 8 avril 1957 ;
Article 1 - La requête présentée par Mme Bouillot veuve Rondet est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à Mme Y... veuve Rondet, au ministre de l'intérieur et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.