Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 2 juin 2000, 98NT02804, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 juin 2000
Num98NT02804
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurM. CHAMARD
CommissaireMme COËNT-BOCHARD

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 décembre 1998, présentée par M. Thadée X..., demeurant 332 Louvaine Dr, Buffalo, NY 14223-2323 (Etats-Unis) ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 98-37 du 20 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants du 9 octobre 1997 rejetant sa demande d'attribution du titre d'interné politique ;
2 ) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susvisée ;
3 ) de lui attribuer le titre d'interné politique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu l'acte dit loi du 27 septembre 1940 et l'ordonnance n 45-2596 du 2 novembre 1945 additionnelle à l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2000 :
- le rapport de M. CHAMARD, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions en annulation de la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants du 9 octobre 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.288 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Le titre d'interné politique est attribué à : ( ...) ; - 2 Tout français ou ressortissant français qui a subi, avant le 16 juin 1940, en France ou dans les pays d'outre-mer, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, une mesure administrative ou judiciaire privative de liberté et qui a été maintenu interné au-delà de la durée de sa peine par l'ennemi ou par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français, en raison du danger qu'aurait présenté pour l'ennemi la libération de ladite personne, du fait de son activité antérieure" ; qu'aux termes de l'article L.293 du même code : "Les dispositions des articles L.286 à L.291 ( ...) sont applicables aux étrangers résidant en France avant le 1er septembre 1939 et internés ou déportés dans les conditions prévues par ces articles" ;
Considérant qu'il est constant qu'à compter d'une date antérieure au 16 juin 1940 et jusqu'au mois d'octobre 1941, M. Thadée X..., né en France en 1930 et alors de nationalité polonaise, a été contraint de séjourner avec sa mère et ses frères et s urs, ainsi qu'avec d'autres compatriotes, dans des camps situés à Argelès sur Mer puis à Rivesaltes ; que, par une décision du 9 octobre 1997, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a rejeté la demande d'attribution du titre d'interné politique présentée par M. X... au motif que les camps concernés devaient être regardés comme centres d'hébergement pour travailleurs en surnombre dans l'économie nationale ; qu'une telle qualification des camps susmentionnés résulte de l'article 1er de la loi du 27 septembre 1940, dont les effets ont été validés par l'ordonnance du 2 novembre 1945, et qui dispose, notamment : "Les étrangers de sexe masculin âgés de plus de dix-huit ans et de moins de cinquante-cinq ans pourront, aussi longtemps que les circonstances l'exigeront, être rassemblés dans des groupements d'étrangers s'ils sont en surnombre dans l'économie française et si, ayant cherché refuge en France, ils se trouvent dans l'impossibilité de regagner leur pays d'origine ..." ;
Considérant que, d'une part, M. X..., ne répondait pas aux critères définis par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 27 septembre 1940 pour qualifier les travailleurs étrangers en surnombre dans l'économie nationale ; que, d'autre part, compte tenu, notamment, des conditions matérielles de vie particulièrement pénibles dans les camps d'Argelès sur Mer et de Rivesaltes, la privation de liberté individuelle de l'intéressé a constitué un internement au sens des dispositions susrappelées de l'article L.288 du code des pensions militaires et des victimes de la guerre ; que, dès lors, la décision attaquée est entachée à la fois d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en annulation de la décision litigieuse du secrétaire d'Etat aux anciens combattants du 9 octobre 1997 ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :

Considérant qu'il n'entre pas dans les attributions du juge administratif de se substituer à l'administration compétente pour attribuer, à un demandeur, le titre d'interné politique ; que, dès lors, les conclusions à cette fin formulées par M. X... sont irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 20 octobre 1998, ensemble la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants du 9 octobre 1997, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Thadée X... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thadée X... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.