Conseil d'Etat, 5 SS, du 28 octobre 1987, 82665, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 octobre 1987
Num82665
Juridiction
Formation5 SS
RapporteurChallan-Belval
CommissaireStirn

Vu la requête présentée par M. Ben Mohamed TAYEB, demeurant ... , ladite requête parvenue le 13 octobre 1986 au greffe du tribunal administratif de Poitiers où elle a été adressée par erreur et qui l'a transmise au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat où elle a été enregistrée le 16 octobre 1986, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- annule le jugement du 12 septembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 16 octobre 1985, refusant de lui accorder une pension militaire de retraite,
°2- annule ladite décision,
°3- le renvoie devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de la pension à laquelle il prétend,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi du 14 avril 1924, portant réforme du régime des pensions civiles et des pensions militaires ;
Vu le décret °n 62-319 du 20 mars 1962 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Challan-Belval, Auditeur,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme non recevable, au motif qu'elle a été enregistrée plus de quatre mois après la notification de la décision attaquée, une demande de M. X..., habitant au Maroc qu'il a interprétée comme étant dirigée contre une décision du 16 octobre 1985 du ministre de la défense ; que cette demande ayant été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 1985, ne pouvait être tardive quelle que soit la date de notification de la décision du 16 octobre 1985 ; que si, il est vrai, cette décision se bornait à confirmer de précédentes décisions de rejet ayant le même objet, la date de notification de ces décisions antérieures ne ressort pas des pièces du dossier ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande comme non recevable ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer directement sur les conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de la demande de M. X... tendant à la révision du montant de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée :
Considérant qu'en application de l'article 49 du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre, les contestations relatives à l'attribution des pensions militaires d'invalidité sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions dont relève le domicile de l'intéressé et qu'aux termes de l'article 54 bis du décret du 30 juillet 1963 modifié par le décret du 29 août 1984 : "Le Conseil d'Etat est cmpétent, nonobstant les règles de répartition de compétence au sein de la juridiction administrative, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance..." ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 49 du code des pensions militaires d'invalidité que les conclusions de la demande de M. X... tendant à la révision de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée ressortissent à la compétence d'un tribunal départemental des pensions, mais qu'à défaut de tout moyen de droit à l'appui de ces conclusions, celles-ci sont entachées d'une irrecevabilité manifeste ; que le tribunal administratif en ayant été saisi le 2 décembre 1985 et le requérant étant réputé avoir reçu, au plus tard à cette date, notification de la décision qui refusait de faire droit à sa demande de révision de pension, cette irrecevabilité n'est plus susceptible d'être couverte en cours d'instance ; que, dès lors, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de rejeter lesdites conclusions ;
Sur les conclusions de la demande de M. X... tendant à l'attribution d'une pension de retraite :
Considérant qu'à la date de sa radiation des contrôles de l'armée française intervenue le 16 juin 1942, M. Ben Mohamed TAYEB, de nationalité algérienne, n'avait accompli que 7 ans, 1 mois et 28 jours de services militaires, durée inférieure à celle de 15 ans exigée à l'article 44 de la loi du 14 avril 1924 qui lui est applicable et ne pouvait dès lors prétendre à ce titre à une pension proportionnelle de retraite ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé ait été rayé des cadres pour infirmités attribuables à un service accompli en opération de guerre ; qu'il ne peut donc bénéficier de la pension prévue à l'article 47 de ladite loi ; qu'enfin, en raison de la date à laquelle il a été rayé des contrôles, il n'entre pas, en tout état de cause dans le champ d'application des dispositions du décret du 20 mars 1962 accordant une pension proportionnelle de retraite aux militaires réunissant 11 ans de services et figurant sur les contrôles de l'armée française le 23 mars 1962 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Ben Mohamed TAYEB n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions par lesquelles le ministre de la défense a rejeté sa demande de concession d'une pension de retraite ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif dePoitiers, en date du 12 septembre 1986, est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. Ben Mohamed TAYEB devant le tribunal administratif de Poitiers sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ben Mohamed TAYEB, au secrétaire d'Etat aux anciens combattants, au ministre de la défense et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.