Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 29 décembre 1989, 77465, publié au recueil Lebon
Vu la requête sommaire, enregistrée le 7 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et les mémoires complémentaires enregisrés les 9 mai 1986, 20 mai 1986 et 30 mai 1986, présentés pour M. Francesco X..., demeurant Via Riccardo Y... 71, 91100 Trapani, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 mars 1986, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 juillet 1983 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder la croix de commandeur de la Légion d'honneur,
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 44 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, issues de l'article unique de la loi du 2 août 1957 modifiant la loi du 2 janvier 1932 et accordant une promotion supplémentaire de la Légion d'honneur à certains grands mutilés de guerre, et reprises à l'article L. 345, deuxième alinéa du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Les grands mutilés titulaires pour blessures qualifiées blessures de guerre d'une invalidité définitive de 100 % bénéficiant des dispositions des articles L. 16 et L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui obtiennent, par suite de l'aggravation de leurs blessures, le droit à l'assistance de plus d'une tierce personne, peuvent, sur leur demande, être promus exceptionnellement au grade supérieur à celui qu'ils détiennent dans la Légion d'honneur" ; que, M. X... ayant sollicité sa promotion exceptionnelle au grade supérieur dans la Légion d'honneur au titre des dispositions précitées de l'article R. 44 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, sa demande a été rejetée par une décision du 29 juillet 1983 du ministre de la défense ; que M. X... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 juillet 1983 ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision de refus du 29 juillet 1983 qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article R. 43, deuxième alinéa du code de la Légion d'honneur et la médaille militaire, issues de l'article 2, deuxième alinéa de la loi du 2 janvier 1932, et reprises à l'article L. 345, alinéa dernier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, aux termes desquelles : "En aucun cas, les militaires et assimilés qui ont bénéficié ou bénéficient des dispositions des lois du 30 mai 1923, modifiée par celle du 30 mars 1928, du 26 décembre 1923, du 23 mars 1928 ou de l'article L. 344 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne peuvent, par application conjuguée de ces textes, obtenir plus de trois récompenses (médaille militaire ou distinction dans la Légion d'honneur)" ;
Mais considérant que la possibilité ouverte par l'article unique de la loi du 2 août 1957, devenu l'article R. 44 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, à certains grands mutilés (atteints d'une invalidité particulièrement grave) de bénéficier d'une promotion exceptionnelle au grade supérieur à celui qu'ils détiennent dans la Légion d'honneur ne saurait être tenue en échec par la règle de limitation à trois récompenses édictée par les dispositions précitées de l'article 2, deuxième alinéa de la loi du 2 janvier 1932, devenu l'article R. 43, deuxième alinéa du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à soutenir qu'en se fondant, pour rejeter la demande de promotion exceptionnelle qu'il avait présentée au titre de l'article R. 44, sur les dispositions précitées de l'article R. 43, le ministre de la défense a entaché sa décision du 29 juillet 1983 d'erreur de droit et que cette décision doit être annulée, ainsi que le jugement attaqué qui a refusé d'en prononcer l'annulation ;
Article 1er : Le jugement du 12 mars 1986 du tribunal administratif de Paris et la décision du 29 juillet 1983 du ministre de la défense sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de la défense.