Conseil d'Etat, 3 SS, du 31 mai 1989, 61949, inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 août 1984 et 16 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. René Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 21 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 1982 du ministre des anciens combattants refusant de lui reconnaître la qualité de personne contrainte au travail en pays ennemi ;
2- annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 75-725 du 6 août 1975 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Chatelier, Auditeur,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. René Y...,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour établir qu'il a été contraint au travail en pays ennemi pendant une période au moins égale à trois mois, M. Y... a produit notamment des attestations par lesquelles MM. X..., Z..., A... et B... témoignent avoir été requis par l'autorité allemande à la même date que M. Y..., envoyés en Allemagne dans le même train et avoir été contraints au travail pendant la même période que lui, du 19 septembre 1944 au 15 mars 1945, dans les mêmes lieux ; que ces témoignages, accompagnés, en ce qui concerne MM. X... et B..., d'attestations de l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre indiquant que la qualité de personne contrainte au travail en pays ennemi leur a été reconnue, satisfont aux conditions exigées par l'article 4 du décret du 6 août 1975 ; que M. Y... a, en outre, produit un certificat du maire de la commune où il résidait à l'époque des faits, corroboré par le secrétaire du maire alors en fonctions et attestant que M. Y... a été contraint de quitter le territoire national et contraint au travail en pays ennemi pendant au moins trois mois ; que, dans ces conditions, M. Y... établit remplir les conditions posées par les articles L.308 à L.310 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour la reconnaissance de la qualité de personne contrainte au travail en pays ennemi, en territoire étranger annexé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi ; qu'il est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 16 avril 1982 par laquelle le ministre des anciens combattants a refusé de lui reconnaître cette qualité, et à demander l'annulation dudit jugement et de ladite décision ;
Article 1er : Le jugement du 21 juin 1984 du tribunal administratif de Strasbourg, ensemble la décision du 16 avril 1982 du ministre des anciens combattants, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et des victimes de guerre.