Conseil d'Etat, 3 SS, du 10 juillet 1992, 89139, inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 juillet 1987, présentée par M. Jean Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision ministérielle du 6 mars 1984, lui refusant la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
2°) annule ladite décision ministérielle du 6 mars 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. Jean Y...,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, que l'article 2 de la loi du 7 août 1957 a validé comme services militaires "les services accomplis dans l'armée et dans la gendarmerie allemande par les Français qui y ont été incorporés de force entre le 25 juin 1940 et le 8 mai 1945, en raison de leur origine alsacienne ou lorraine" ; que, d'autre part, la notion "d'armée allemande" au sens de la disposition susrappelée recouvre non seulement les formations ayant fait organiquement partie de la Wehrmacht mais aussi les formations paramilitaires qui ont été, sous commandement militaire, engagées dans des combats ;
Considérant, toutefois, que si l'organisation TODT, dans laquelle M. Jean Y... a été enrôlé de force en janvier 1942, a été reconnue comme l'une des formations paramilitaires ci-dessus évoquées, et si l'intéressé a pu soutenir sans être contredit qu'il avait, au cours du temps qu'il a passé dans l'organisation TODT, été contraint au port de l'uniforme, soumis aux lois militaires du temps de guerre, et qu'il lui avait été remis un fusil, un casque et des munitions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la formation dans laquelle il se trouvait ait été engagée dans des combats, sous commandement militaire ; que M. Y..., qui ne pouvait être regardé comme incorporé directement dans l'armée allemande, n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants lui refusant la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre.