Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 28 avril 1993, 111978, mentionné aux tables du recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA RESISTANCE, dont le siège est ... ; l'association demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 19 octobre 1989 modifiant le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-366 du 28 février 1959 ;
Vu la loi n° 89-295 du 10 mai 1989 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Schneider, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA RESISTANCE et de Me Vincent, avocat du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 mai 1989 : "Toute personne voulant faire reconnaître ses droits à la qualité de combattant volontaire de la Résistance ... qui n'avait pas présenté une demande dans les délais impartis et qui ne remplit pas les conditions nécessaires pour bénéficier de la réouverture des délais prévus par l'article 1er du décret n° 75-725 du 6 août 1975 ... peut présenter une demande à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi" ; que l'ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA RESISTANCE demande l'annulation du décret du 19 octobre 1989 pris pour l'application de cette disposition et de la circulaire du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et des victimes de guerre du 29 janvier 1990 relative à l'instruction des demandes de carte de combattant volontaire de la résistance ;
Sur la légalité du décret du 19 octobre 1989 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi fixe les règles concernant les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens" ; qu'au nombre de ces règles figurent notamment celles qui sont relatives aux droits que les citoyens tiennent de l'Etat en contrepartie de telles sujétions ; qu'en particulier, il n'appartient qu'au législateur, en vertu des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les règles relatives à la reconnaissance du titre de combattant volontaire de la Résistance ; qu'il suit de là que l'obligation faite, par le dernier alinéa de l'article L. 264 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à l'autorité compétente pour reconnaître ledit titre aux personnes auxquelles s'applique cet article, de recuillir l'avis favorable de la commission nationale mentionnée à l'article L. 270 du même code préalablement à sa décision touche à l'une des règles que l'article 34 place dans le domaine de la loi ; qu'ainsi le décret du 28 février 1959 n'aurait pu légalement abroger l'article L. 264 susmentionné en tant qu'il impose cette formalité ; que par suite l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué, en tant qu'il dispose que les demandes des personnes qui sollicitent la reconnaissance du titre de combattant volontaire de la Résistance en application de la loi du 10 mai 1989 sont examinées "selon la procédure visée à l'article R. 255", lequel rappelle l'obligation de recueillir l'avis favorable de la commission nationale, violerait ledit article L. 264 ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 263 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la qualité de combattant volontaire de la résistance peut être reconnue à toute personne qui a appartenu pendant trois mois au moins avant le 6 juin 1944 à l'une des organisations de la Résistance qu'il énumère, et dont les services sont homologués par l'autorité militaire et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 264 du même code, conformément auquel sont examinées, en vertu de l'article 1er du décret attaqué, les demandes présentées en application de l'article 1er précité de la loi du 10 mai 1989 ... "la qualité de combattant volontaire de la Résistance peut être reconnue dans les conditions qui sont fixées" ... aux articles R. 254 et suivants ... "aux personnes qui, bien que n'ayant pas appartenu aux organisations ci-dessus, rapportent la preuve qu'elles ont accompli habituellement des actes caractérisés de résistance pendant trois mois avant le 6 juin 1944" ; que le gouvernement, qui tenait de l'article L. 264 précité le pouvoir de définir les conditions dans lesquelles la preuve de l'accomplissement d'actes de résistance peut être rapportée et notamment, en vue de préserver la valeur du titre, les conditions auxquelles doivent satisfaire les témoignages produits a pu, sans créer de discrimination illégale et sans violer ni l'article L. 264 ni la loi du 10 mai 1989, alors même qu'une partie des anciens membres de la Résistance intérieure française n'auraient pu, en l'absence de statut, obtenir l'homologation de leurs services, modifier, par l'article 2 du décret attaqué, le 5° de l'article R. 266 qui définit les règles auxquelles sont soumises les demandes présentées sur le fondement dudit article L. 264, pour y disposer que ces demandes doivent être accompagnées d'au moins deux témoignages émanant de titulaires de la carte de combattant volontaire de la Résistance dont l'un l'ayant obtenue sur le fondement de services homologués et l'autre sur le témoignage de personnes elles-mêmes titulaires de services homologués ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur la légalité de la circulaire du 29 janvier 1990 :
Considérant que la circulaire attaquée ne crée de discrimination illégale ni entre demandeurs ni entre titulaires de la carte de combattant volontaire de la résistance ;
Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret du 28 février 1959, les demandes de reconnaissance de la qualité de combattant volontaire de la Résistance sont soumises à la commission départementale des combattants volontaires de la Résistance ; que le paragraphe 2 du III de la circulaire attaquée par lequel le secrétaire d'Etat précise à ses services que c'est à eux-mêmes et non à la commission départementale qu'il appartient de contrôler "la recevabilité" des demandes a pour seul objet de leur indiquer qu'il leur incombe d'effectuer un tri des dossiers matériellement incomplets et n'a pas pour effet de leur donner compétence pour rejeter des demandes ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 264 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les conditions auxquelles l'article L. 263 subordonne la reconnaissance de la qualité de combattant volontaire de la Résistance ne sont pas ... "imposées ... 2° Aux membres de la Résistance qui, avant le 6 juin 1944, s'étant mis à la disposition d'une formation à laquelle a été reconnue la qualité d'unité combattante, ont effectivement combattu pendant trois mois" ; que le tableau figurant à l'annexe 6 de la circulaire attaquée n'a pour effet ni d'interdire aux personnes qui se prévalent de cette disposition de se voir reconnaître la qualité de combattant volontaire de la Résistance ni de leur imposer d'être titulaires de services homologués mais se borne à rappeller que ces personnes doivent s'être mises à la disposition d'une unité combattante avant le 6 juin 1944 ;
Considérant que la circulaire attaquée étant dépourvue de valeur réglementaire l'association requérante n'est pas recevable à en demander l'annulation ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA RESISTANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS COMBATTANTS DE LA RESISTANCE et au ministre des anciens combattants et victimes de guerre.