Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 17 mai 1999, 123952, publié au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 11 mars 1991 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Marie X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 décembre 1987 par laquelle le ministre de l'éducation nationale lui a refusé le bénéfice d'une pension civile de retraite de réversion du chef de la disparition de son épouse, survenue le 20 février 1986 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne et notamment son article 119, dans sa rédaction alors applicable ;
Vu la directive du Conseil n° 79/7 du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécuritésociale et notamment son article 7 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires des retraire annexé à la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 et notamment son article L. 57 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires et notamment son article 6 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. Jean-Marie X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions" ; que selon l'article L. 57 du même code dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 26 décembre 1964 : "Lorsqu'un bénéficiaire du présent code, titulaire d'une pension ou d'une rente viagère d'invalidité, a disparu de son domicile et que plus d'un an s'est écoulé sans qu'il ait réclamé les arrérages de sa pension ou de sa rente viagère d'invalidité, sa femme et les enfants âgés de moins de 21 ans qu'il a laissés peuvent obtenir à titre provisoire, la liquidation des droits à pension qui leur seraient ouverts en cas de décès. La même règle peut être suivie à l'égard des orphelins lorsque la mère, bénéficiaire d'une pension (...) a disparu depuis plus d'un an (...). La pension provisoire est supprimée lorsque le décès est officiellement établi ou que l'absence a été déclarée par jugement passé en force de chose jugée et une pension définitive est alors attribuée aux ayants cause" ;
Considérant que l'article 55 de la loi du 14 avril 1924, d'où est issu l'article L. 57 précité, permettait la liquidation provisoire de la pension au bénéfice de l'épouse et des enfants mineurs d'un fonctionnaire disparu dans tous les cas où des droits à pension leur étaient ouverts en cas de décès de ce fonctionnaire ; qu'en reprenant ces dispositions à l'article 45 de la loi du 20 septembre 1948 sans en modifier la rédaction, alors qu'il instituait, par l'article 36 de la même loi ultérieurement repris à l'article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite annexé à la loi du 26 décembre 1964, des pensions de réversion au profit des veufs de femmes fonctionnaires, le législateur n'a pas entendu priver ces derniers du bénéfice de la liquidation provisoire de leurs droits à pension en cas de disparition de leur épouse, dans l'attente de l'octroi d'une pension définitive ; qu'ainsi, l'article L. 57 doit être regardé comme s'appliquant à tous les ayants cause d'un bénéficiaire du code des pensions quel que soit leur sexe ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... pouvait prétendre, en cas de décès de son épouse, fonctionnaire retraitée, ou de son absence déclarée par un jugement passé en force de chose jugée, à une pension de réversion ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en sa qualité de conjoint d'une fonctionnaire disparue, il avait droit à la liquidation provisoire de la pension à laquelle il pouvait prétendre en cas de décès de son épouse ; qu'il est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 décembre 1987 du ministre de l'éducation nationale lui refusant cette liquidation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 décembre 1990, ensemble la décision du ministre de l'éducation nationale du 29 décembre 1987, sont annulés.
Article : La présente décision sera notifiée à MM. Y... et Gildas X..., à Mme Claudine X..., au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.