Conseil d'Etat, 10 / 9 SSR, du 15 mars 2000, 188899, inédit au recueil Lebon
Vu 1°), sous le n° 188899, la requête enregistrée le 8 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Rachel X..., demeurant au lieu-dit "l'Ondriaccia", à Piedicorte-di-Gaggio (20251) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 1995 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande d'annulation d'un ordre de paiement de 600 F émis à son profit le 3 mai 1993 par le directeur interdépartemental des anciens combattants d'Ile de France pour l'indemnisation des pertes de biens ayant résulté de l'arrestation et de la déportation de son père en 1942 ;
- statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia ainsi que l'ordre de paiement du 3 mai 1993 ;
Vu 2°), sous le n° 189740, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 décembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Rachel X..., demeurant au lieu-dit "l'Ondriaccia", à Piedicorte-di-Gaggio (20251) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 novembre 1995 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande d'annulation d'un ordre de paiement de 600 F émis à son profit le 3 mai 1993 par le directeur interdépartemental des anciens combattants d'Ile de France pour l'indemnisation des pertes de biens ayant résulté de l'arrestation et de la déportation de son père en1942 ;
- statuant au fond, d'annuler le jugement susmentionné du tribunal administratif de Bastia ainsi que l'ordre de paiement du 3 mai 1993 ;
- d'ordonner au ministre chargé des anciens combattants de statuer à nouveau sur la demande d'indemnisation intégrale présentée par Mme X... et ce, dans un délai de deux mois à compter de la décision du Conseil d'Etat, en application de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, notamment ses articles L. 340 et L. 293 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 complétée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Laure Denis,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme Rachel X...,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de Mme X..., enregistrées sous les numéros 188899 et 189740, ont le même objet ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 340 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, issu de l'article 10 de la loi du 9 septembre 1948 : "Les pertes de biens de toute nature résultant directement de l'arrestation et de la déportation, dont la preuve est dûment établie, sont intégralement indemnisées ( ...)" ; qu'en vertu de l'article L. 293 du même code : "Les dispositions des articles L. 286 à L. 291, L. 336, L. 384 et L. 385 sont applicables aux étrangers résidant en France avant le 1er septembre 1939 et internés ou déportés dans les conditions prévues par ces articles" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu faire bénéficier les étrangers résidant en France avant le 1er septembre 1939 de l'indemnisation intégrale prévue par l'article L. 340 ; que, dès lors, en se fondant sur ces dispositions pour juger que Mme X..., qui n'a d'autres droits en la matière que ceux qu'elle tient de sa qualité d'ayant cause de son père décédé, ne pouvait recevoir l'indemnisation prévue par l'article L. 340 au titre de la perte des biens ayant résulté de la déportation en 1942 de son père qui n'avait pas la nationalité française, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant que si Mme X... soutient que l'article L. 293 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre méconnaît les dispositions combinées de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de la convention, ce moyen qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond et qui n'est pas d'ordre public n'est pas recevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, lequel est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne au ministre chargé des anciens combattants de statuer à nouveau sur la demande d'indemnisation intégrale présentée par Mme X... :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme X..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Article 1er : Les requêtes n°s 188899 et 189740 de Mme X... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Rachel X... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.