Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 05/03/2009, 295068
Date de décision | 05 mars 2009 |
Num | 295068 |
Juridiction | |
Formation | 9ème et 10ème sous-sections réunies |
President | M. Daël |
Rapporteur | Mme Cécile Raquin |
Avocats | SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; ODENT |
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 12 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 1998 du ministre de la défense, notifiée le 15 février 1999 par la Caisse des dépôts et consignations, refusant de lui accorder la majoration de l'allocation du fonds de prévoyance militaire, d'autre part, à l'annulation de ladite décision et à ce qu'il soit enjoint à la Caisse des dépôts et consignations de lui verser ladite allocation majorée ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser l'allocation litigieuse ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 73-934 du 25 septembre 1973 ;
Vu le décret n° 95-317 du 22 mars 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Raquin, Auditeur,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A et de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;
Considérant que M. A, capitaine de vaisseau, a été victime le 22 juin 1993 d'un accident de décompression au cours d'une plongée d'entraînement ; qu'il a bénéficié à compter du 5 octobre 1993 d'une pension militaire d'invalidité, au taux de 100 %, accordée à titre provisoire puis à titre définitif ; que le 13 novembre 1997, il a été rayé des contrôles pour invalidité et placé en position de retraite ; que, sur sa demande, il a bénéficié de l'allocation du fonds de prévoyance militaire prévue par le décret du 27 septembre 1973 relatif au fonds de prévoyance militaire ; que toutefois, par décision du 21 décembre 1998, notifiée par courrier de la Caisse des dépôts et consignations en date du 15 février 1999, le ministre de la défense a refusé de lui accorder la majoration de cette allocation instituée par le décret du 22 mars 1995 modifiant l'article 2 du décret du 27 septembre 1973 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus ;
Considérant qu'en vertu de l'article R. 311-1 3° du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (3e alinéa) de la Constitution et de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ; que, M. A, officier, a été nommé par décret du Président de la République en application des dispositions de l'article 2 de cette ordonnance et qu'en outre, les allocations versées par le fonds de prévoyance militaire sont un avantage qui se rattache au statut des militaires des armées de terre, de mer et de l'air ; que, par suite, en ne relevant pas d'office que le tribunal administratif de Bordeaux était incompétent pour connaître de la requête de M. A, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que l'arrêt du 2 mai 2006 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 12 mars 2001 du tribunal administratif de Bordeaux doivent être annulés ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement sur la requête présentée par M. A ;
Considérant qu'aux termes du V de l'article 2 du décret du 27 septembre 1973, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l'article 2 du décret du 22 mars 1995 : Lorsque l'infirmité imputable à l'un des risques exceptionnels spécifiques au métier de militaire énumérés à l'article 2-1 du présent décret entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive, il est versé à l'intéressé : 1°) une allocation principale... 2°) un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 60 pour cent, dont le montant est égal, par enfant à charge, à deux fois la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 585 ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 22 mars 1995 : Les allocations visées à l'article 2 ci-dessus sont attribuées au titre des infirmités survenues après la publication du présent décret ; qu'il résulte de ces dispositions que la date à prendre en compte pour déterminer si le complément d'allocation en litige peut être accordé est celle de la survenance de l'infirmité en cause, et non celle de son fait générateur ou de son aggravation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les infirmités dont est atteint M. A, qui ont entraîné sa mise à la retraite, sont survenues le jour même de l'accident de service intervenu le 22 juin 1993 et ont donné lieu à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée à titre temporaire par arrêté du 14 juin 1994, soit antérieurement à la publication du décret du 22 mars 1995 ; que, par suite, malgré les circonstances que l'une de ses infirmités s'est aggravée et que son état de santé n'a été regardé comme consolidé que le 27 juin 1996, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 22 mars 1995 font obstacle à ce que le complément d'allocation sollicité par M. A lui soit accordé ; qu'il suit de là que c'est par une exacte application de ces dispositions que le ministre de la défense a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de la défense du 21 décembre 1998 ; que ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 mai 2006 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2001 sont annulés.
Article 2 : La requête de M. A est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques A, à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de la défense.