Cour Administrative d'Appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26/09/2011, 10NC01487, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 26 septembre 2011 |
Num | 10NC01487 |
Juridiction | Nancy |
Formation | 4ème chambre - formation à 3 |
President | M. JOB |
Rapporteur | Mme Pascale ROUSSELLE |
Commissaire | M. WIERNASZ |
Avocats | GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP |
Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010, complétée le 2 aout 2011, présentée pour M. Brahim A, demeurant ..., par la SCP Gaucher Dieudonné Nango, avocats ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902655 en date du 16 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense rejetant implicitement sa demande de réexamen de l'attribution de la carte d'ancien combattant ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) d'enjoindre au ministre de la défense de délivrer la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- le tribunal administratif a ajouté une condition d'âge qui n'est pas exigée par l'article L. 253 bis du code des pensions civiles et militaires ;
- le refus de regarder les services effectués pendant plus de quatre mois comme équivalant à des actions de feu et de combat est entaché d'erreur de droit ;
- la décision méconnait les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2011, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance du président de la 4ème chambre de la cour fixant au 28 avril 2011 à seize heures la clôture de l'instruction ;
Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) en date du 17 septembre 2010 admettant M A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Rousselle, président,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Niango, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : Les militaires des armées françaises, Les membres des forces supplétives françaises, Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. ;
Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient M. A, l'attribution de la carte du combattant ne lui a pas été refusée au motif qu'il n'avait pas atteint l'âge de dix-huit ans lors de la guerre d'Algérie mais au motif qu'il ne justifiait pas de services accomplis dans les forces supplétives de l'armée française en Algérie ; que, par suite le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que M. A fait valoir qu'au terme des dispositions précitées, une durée de quatre mois de présence en Algérie est regardée comme équivalant à la participation à des actions de feu ou de combat ; que, toutefois, cet assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant ne s'applique qu'aux personnes qui ont accompli des services militaires ou assimilés ; que si le requérant a produit un témoignage attestant qu'il aurait été employé comme interprète par la section administrative spécialisée de Biskra à l'âge de treize ans, aucun autre élément n'a permis de valider ces services ; que, par suite, c'est à bon droit que l'attribution de la carte de combattant a été refusée à M. A au titre de sa participation alléguée à la guerre d'Algérie ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;
Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce que soutient M. A et quels que soient les risques auxquels il aurait été exposé, il n'était pas placé dans une situation analogue à celle de l'assistante sociale auprès de laquelle il serait intervenu en qualité d'interprète, laquelle a accompli des services en qualité de personnel sanitaire de la section administrative spécialisée de Biskra ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Brahim A et au ministre de la défense et des anciens combattants.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 10NC01487