Cour Administrative d'Appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04/10/2012, 11NC02012, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 04 octobre 2012 |
Num | 11NC02012 |
Juridiction | Nancy |
Formation | 1ère chambre - formation à 3 |
President | M. VINCENT |
Rapporteur | M. Joseph POMMIER |
Commissaire | Mme GHISU-DEPARIS |
Avocats | RIBETON |
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 décembre 2011 et le 23 février 2012, présentés pour M. Alfred A, demeurant ..., par Me Ribeton, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901661 en date du 19 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 23 février 2009, par laquelle le ministre chargé de la défense a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la décision, en date du 23 février 2009, par laquelle le ministre chargé de la défense a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
3°) de lui accorder la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
Il soutient que :
- ayant servi dans l'armée de l'air comme engagé volontaire par devancement d'appel et ayant quitté Oran pour rejoindre Meknès où il se trouvait avant le 1er août 1960, il répond aux conditions prévues par l'article 1er du décret du 20 avril 1988 pour se voir accorder la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
- son livret militaire ne correspond pas à la réalité, dans la mesure où il n'a jamais traversé la frontière entre l'Algérie et le Maroc et où il n'a pas embarqué de Casablanca, mais de Meknès, pour Toulouse ;
Vu le mémoire de production, enregistré le 2 mars 2012, présenté par M. A ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2012, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, pour se voir accorder la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ", l'article 1er du décret du 20 avril 1988 prévoit que deux conditions doivent être réunies, d'une part, avoir contracté un engagement pour participer à une unité combattante et, d'autre part, avoir été présent en Afrique du Nord pendant les périodes mentionnées par ledit décret ; qu'il n'est pas établi que le requérant, qui a seulement servi en Afrique du Nord en qualité d'appelé, ait souscrit un engagement pour participer à une unité combattante au conflit ; que s'il se prévaut de l'instruction du 27 septembre 1995 permettant l'octroi de cette distinction aux militaires du contingent qui, notamment, ont demandé le bénéfice d'un appel avancé, aucune mention d'engagement par devancement d'appel ne figure dans son dossier ; qu'en tout état de cause, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le requérant n'était pas présent sur le territoire marocain durant la période retenue par le décret du 20 avril 1988 ; que M. A, s'il prétend avoir été présent sur le sol marocain avant le 1er août 1960, n'affirme pas y avoir été présent entre le 1er juin 1953 et le 2 mars 1956, période retenue par le décret du 20 avril 1988 ; que c'est ainsi à bon droit que le Tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 mars 2012, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants et tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 avril 2012, présenté pour M. A et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, et en outre par le moyen que, du fait de son devancement d'appel, l'obligation de présence sur le sol marocain retenue par le décret du 20 avril 1988 ne lui est pas opposable ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 juin 2012, présenté par le ministre de la défense et des aniciens combattants, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 88-390 du 20 avril 1988 fixant les conditions d'attribution de la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2012 :
- le rapport de M. Pommier, président,
- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 20 avril 1988 fixant les conditions d'attribution de la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord : " Peuvent prétendre, sur leur demande, à la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord : / - les militaires des armées françaises ; / - les membres des formations supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date, qui, titulaires de la carte du combattant au titre des opérations menées en Afrique du Nord et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, ont contracté un engagement pour participer dans une unité combattante aux opérations : / - en Algérie, du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962 ; / - au Maroc, du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 ; / - en Tunisie, du 1er janvier 1952 au 20 mars 1956 " ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision en date du 23 février 2009, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. A tendant à l'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " au motif que cette distinction peut être attribuée, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret n° 88-390 du 20 avril 1988, aux personnels qui, titulaires de la carte du combattant au titre des opérations menées en Afrique du Nord et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, ont contracté un engagement pour participer dans une unité combattante au conflit, mais que l'examen de son dossier fait apparaître qu'il a servi en Algérie en qualité d'appelé ; que, toutefois, dans un mémoire enregistré le 5 février 2010 au greffe du Tribunal administratif, régulièrement communiqué à M. A, le ministre de la défense a énoncé des motifs de refus tirés, d'une part, de ce que l'intéressé a servi au Maroc postérieurement à la période retenue par le décret du 20 avril 1988 précité et, d'autre part, de ce que le bataillon de l'air 1/708 de Meknès n'est pas répertorié au bulletin officiel des armées n° 369 au titre des unités combattantes ;
3. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a été appelé à l'activité le 11 août 1960, ce service comptant à partir du 1er août 1960, a embarqué à Marseille le 15 août 1960, débarqué à Oran le 17 août 1960, et a été affecté à la base école (BE) 708 à Meknès au Maroc, où il est arrivé le 18 août 1960, et ce jusqu'au 27 février 1961, date à laquelle il a été affecté à Toulouse ; que M. A ayant ainsi servi au Maroc postérieurement à la période du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 retenue à l'article 1er du décret du 20 avril 1988 susvisé, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il ne remplissait pas toutes les conditions réglementairement prévues pour bénéficier de la croix de combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ; que M. A ne peut utilement se prévaloir de l'instruction n° 35900/DEF/CAB/SDBC/DECO relative à l'attribution de la croix du combattant volontaire avec barrettes, dépourvue de caractère impératif, et qui, au demeurant, reprend les dispositions de l'article 1er précité du décret susvisé du 20 avril 1988 quant à la condition de présence au Maroc du 1er juin 1953 au 2 mars 1956, sans instituer de dérogation, contrairement à ce que soutient l'intéressé ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la même décision aurait été prise si ce seul motif avait été retenu pour fonder la décision attaquée ; qu'aucune garantie procédurale n'a été méconnue par cette substitution ; que, par suite, les premiers juges ont à bon droit estimé qu'il y avait lieu de procéder à la substitution de motifs sollicitée par le ministre de la défense ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les circonstances que M. A n'aurait pas franchi la frontière terrestre algéro-marocaine mais aurait été convoyé par avion d'Oran à Meknès et qu'il ne serait pas parti de Casablanca vers Toulouse mais de Meknès vers Toulouse, contrairement aux indications portées sur son livret militaire sont, à les supposer établies, sans incidence sur la légalité de la décision de refus litigieuse ;
7. Considérant, en troisième lieu, que M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 253 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ces dispositions étant relatives aux conditions d'attribution de la carte du combattant, et non de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 octobre 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 23 février 2009, par laquelle le ministre chargé de la défense a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de la défense.
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N° 11NC02012