CAA de MARSEILLE, 2ème chambre - formation à 3, 13/02/2014, 11MA03492, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 février 2014
Num11MA03492
JuridictionMarseille
Formation2ème chambre - formation à 3
PresidentM. DUCHON-DORIS
RapporteurMme Anne MENASSEYRE
CommissaireMme CHAMOT
AvocatsDE LA GRANGE

Vu I°), sous le n° 11MA03492, la requête, enregistrée le 30 août 2011, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me A... ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement n° 0806451, 0903823 du 22 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir condamné l'Etat à lui verser une rente annuelle de 16 380 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne, une somme de 97 430 euros en réparation de ses pertes de revenus et de l'incidence professionnelle du dommage corporel et une somme de 238 500 euros au titre de ses préjudices à caractère personnel et mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la condamnation de l'hôpital Laveran à l'indemniser d'une partie des préjudices, chiffrés dans le dernier état de ses écritures à la somme de 1 430 867,93 euros, consécutifs à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie au sein de cet établissement le 14 septembre 2005 ;

2°) de préciser que la rente devra être indexée sur l'indice INSEE de la consommation, de porter à 202 590,25 euros la réparation de l'incidence professionnelle du dommage corporel et à 467 300 euros la réparation de ses préjudices personnels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2011, présenté par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas déduit des montants alloués à l'intéressée au titre de son préjudice patrimonial et extra patrimonial les sommes allouées au titre de sa pension militaire d'invalidité ;

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Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2012, présenté pour Mme B..., qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2012, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;


Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2013, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2013, présenté pour Mme B..., qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2013, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui conclut à la confirmation du jugement qui l'a mis hors de cause et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2013, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2013, portant communication de pièces, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;


Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2013, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens et indique que le montant des paiements effectués au titre de la pension militaire d'invalidité s'élève à la somme de 35 547,58 euros ;

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Vu les observations enregistrées le 14 janvier 2014, présentées par la caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui indique avoir été désintéressée du montant des prestations servies par le ministre de la défense ;


Vu II°), sous le n° 11MA03717, le recours, enregistré le 22 septembre 2011, du ministre de la défense ; le ministre de la défense demande à la Cour de réformer le jugement n° 0806451, 0903823 du 22 juillet 2011 du tribunal administratif de Marseille en déduisant, à hauteur du montant de la pension militaire d'invalidité accordée, les sommes allouées à Mme B...au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ;

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Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2013, présenté pour Mme B..., qui conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que cette somme s'impute sur la réparation de l'incidence professionnelle du dommage, qui ne saurait être inférieure à 100 085 41 euros, la réparation de son déficit fonctionnel partiel ne pouvant, pour sa part, être inférieure à 234 000 euros ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2013, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), qui conclut à la confirmation du jugement qui l'a mis hors de cause et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2013, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2013, portant communication de pièces, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;


Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2013, présenté par le ministre de la défense, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens et indique que le montant des paiements effectués au titre de la pension militaire d'invalidité s'élève à la somme de 35 547,58 euros ;

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Vu les observations enregistrées le 14 janvier 2014, présentées par la caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui indique avoir été désintéressée du montant des prestations servies par le ministre de la défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 29 janvier 2013 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me A..., pour MlleB... ;



1. Considérant que les requêtes n° 11MA03492, présentée pour Mme B..., et n° 11MA03717, présentée par le ministre de la défense, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeB..., qui exerçait depuis février 2001 les fonctions de brancardière à l'hôpital d'instruction des armées Laveran, établissement placé sous l'autorité du ministre de la défense, sous couvert de différents actes d'engagement et, en dernier lieu, d'un acte d'engagement pour deux ans et cinq mois signé en septembre 2004, a été opérée dans cet établissement le 14 septembre 2005 d'une malformation osseuse des deux pieds ; que cette intervention a entraîné des complications que Mme B...impute à sa prise en charge au sein de cet hôpital ; que, sous le n° 11MA03492, Mme B...relève appel du jugement du 22 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser une rente annuelle de 16 380 euros au titre de frais d'assistance par une tierce personne, une somme de 97 430 euros au titre de la réparation de ses préjudices patrimoniaux et une somme de 238 500 euros au titre de la réparation de ses préjudices personnels, en tant qu'il ne répare pas, selon elle, suffisamment ses préjudices ; que, sous le n° 11MA03717, le ministre de la défense relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas pris en compte, pour la détermination des condamnations mises à sa charge, la pension militaire d'invalidité perçue par MmeB... ;


Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 1425-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est, à l'exception de ceux concernant son recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (...) " ; que la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le décret du 7 mai 2001 s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle statutaire, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux ; que contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges la circonstance qu'un militaire a été rayé des cadres n'est pas, par elle-même, de nature à le dispenser de cette démarche ;

4. Considérant toutefois que ce dispositif concerne les seuls litiges relatifs à la situation personnelle statuaire des militaires ; que les litiges sans lien avec des actes relatifs à la situation personnelle d'un militaire n'ont en revanche pas à être soumis au préalable à la commission des recours ; qu'en l'espèce, Mme B...a recherché devant les premiers juges la responsabilité de l'Etat au regard des règles du code de la santé publique à raison d'une faute dans les soins et l'information préalable qui lui ont été dispensés à l'hôpital militaire Laveran dans lequel aucune disposition de son statut ne lui imposait de se faire soigner ni ne l'y incitait ; que les soins dispensés dans ce cadre sont sans lien avec la mission de satisfaction des besoins des armées assignée au réseau hospitalier militaire, lequel, ouvert à tous les assurés sociaux, concourt au service public hospitalier selon des règles codifiées aux articles R. 6147-112 et suivants du code de la santé publique ; que le rejet de sa réclamation préalable tendant à la réparation de préjudices consécutifs à des soins administrés dans ce contexte n'est pas au nombre des actes relatifs à sa situation personnelle et ne porte pas directement sur des droits liés à son ancienne qualité de militaire ; que ce litige n'avait donc pas à faire l'objet du recours préalable obligatoire prévu par les dispositions susmentionnées ;


Sur la responsabilité :

5. Considérant que le tribunal a estimé que les problèmes neurologiques dont souffre Mme B...à la suite de l'intervention chirurgicale du 14 septembre 2005 étaient en relation directe et certaine avec les modalités d'utilisation, non conformes aux données acquises de la science et fautives, des garrots au niveau des mollets lors de cette intervention ; que le principe de la responsabilité de l'Etat, qui a été retenue à bon droit, n'est plus en litige dans le cadre de l'instance d'appel ; que c'est également à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'Etat était entièrement responsable des conséquences dommageables de la faute, dès lors qu'il peut être regardé comme certain que ces dommages ne seraient pas survenus si la prise en charge de Mme B...avait été exempte de faute ; que l'ONIAM est par suite fondé à soutenir qu'aucune condamnation ne saurait être mise à sa charge ;


6. Considérant qu'il résulte des pièces versées pour la première fois en appel que Mme B... s'est vu concéder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité dont la date d'ouverture a été arrêtée au 21 décembre 2006 ; que cette pension, désormais majorée de l'allocation grand invalide, a été révisée à deux reprises et correspond désormais à un taux de 85 % ; qu'il résulte des pièces versées aux débats, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'une somme de 35 547,58 euros a été versée à Mme B...à ce titre, pour la période du 21 décembre 2006 au 30 juin 2013 ;


7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) " ;


8. Considérant qu'eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne ;


9. Considérant qu'en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ; que, cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices ; qu'en outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale ; que lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif ; qu'ainsi le ministre de la défense est fondé à demander que la Cour se conforme aux règles rappelées ci-dessus pour déterminer le montant des sommes qui doivent être mises à sa charge ;

Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à Mme B...a pour objet de réparer :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

10. Considérant qu'il ressort des bulletins de salaires versés aux débats par l'intéressée que son salaire net moyen s'est élevé sur les huit premiers mois de l'année 2005 à la somme de 1 282,61 euros, soit un salaire net annuel de 15 391,29 euros ; que, pour la période du 21 au 31 décembre 2006, au cours de laquelle il est constant que Mme B...n'a pas perçu d'allocation de retour à l'emploi, la perte de revenus de l'intéressée doit être évaluée au tiers de son revenu mensuel, soit à la somme de 427,54 euros ; qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment de l'attestation de l'organisme qui lui versait une allocation pour perte d'emploi, corroborée par un avis d'impositions que ses revenus se sont élevés, en 2007, à la somme de 6 753 euros ; qu'il résulte de l'instruction qu'en 2008, Mme B...a perçu des indemnités pour perte d'emploi et des allocations de retour à l'emploi pour un montant de 10 354,84 euros et une allocation adulte handicapé de 1 222,97 euros soit des revenus de 11 577,81 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, postérieurement au mois de janvier 2009, Mme B...ait eu d'autres sources de revenus que l'allocation d'adulte handicapé ; qu'eu égard aux montants mensuels de cette allocation, ses revenus se sont établis en 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et pour les deux premiers mois de l'année 2014 aux sommes de 7 865,26 euros, 8 375,84 euros, 8 748,38 euros, 9 137,12 euros, 9 373,44 euros, 1 580,36 euros ; que ses pertes de revenus s'établissent ainsi à 8 638,29 euros en 2007, 3 813,48 euros en 2008, 7 526,03 euros en 2009, 7 015,45 euros en 2010, 6 642,91 euros en 2011, 6 254,17 euros en 2012, 6 017,85 euros en 2013 et 984,86 euros en 2014, soit un total pour la période de 47 320,58 euros ; que les premiers juges ont, pour l'avenir, indiqué que cette perte de revenus ne présentait pas de caractère certain dès lors que Mme B...conservait, selon l'expert, la possibilité, même limitée, de travailler et envisageait une formation professionnelle lui permettant d'exercer un travail à domicile ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...soit dans l'impossibilité de percevoir, à l'avenir d'autre source de revenu que l'allocation pour adulte handicapé qu'elle perçoit actuellement ; qu'il y a ainsi lieu d'arrêter l'évaluation de ses pertes de revenus à la somme de 47 320,58 euros ;


En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

11. Considérant que si Mme B...évalue ce poste de préjudice par référence à des pertes de revenu, ledit poste n'a pas vocation à indemniser la perte de revenus liée à son invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, en raison notamment de sa dévalorisation sur le marché du travail et de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de devoir abandonner sa profession ; que les premiers juges ont évalué ce chef de préjudice à la somme de 80 000 euros que Mme B...estime insuffisante ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que Mme B...exerçait un emploi de brancardier depuis quatre ans à la date de l'opération litigieuse, sous couvert d'un contrat qui venait à expiration en février 2007 ; que si elle disposait de chances sérieuses de voir ce contrat reconduit, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...ait perdu toute chance de retrouver un emploi sédentaire à des conditions salariales comparables ; que si elle invoque les difficultés de déplacement auxquelles elle se trouve confronté, il ne résulte pas de l'instruction que tout déplacement, notamment au moyen d'un véhicule adapté à son handicap, soit hors de portée et que Mme B..., aujourd'hui âgée de 32 ans qui souffre d'une paralysie sciatique poplitée externe et partielle interne bilatérale, mais dont les facultés intellectuelles, cognitives et de communication ne sont nullement affectées ne puisse, à l'issue, le cas échéant, d'une formation adaptée, envisager quelque activité professionnelle que ce soit ; que dans ce contexte, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce que soutient l'intéressée, retenu une évaluation insuffisante de l'incidence professionnelle du dommage corporel en l'arrêtant à la somme de 80 000 euros ; que, pour la détermination du préjudice que la pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de 80 000 euros retenue par les premiers juges ;


En ce qui concerne le déficit fonctionnel :

12. Considérant que les douleurs permanentes, les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, en raison d'une période d'incapacité temporaire totale de vingt jours, d'une période d'incapacité temporaire partielle fixée à 75 % du 5 octobre 2006 au 31 août 2007, d'une période d'incapacité temporaire partielle fixée à 60 % entre le 1er juillet 2007 et le 16 juillet 2008, date où son état a été consolidé, du fait qu'elle conserve après consolidation du dommage un déficit fonctionnel permanent fixé à 60 %, correspondent à un préjudice réparable de 220 000 euros ;


En ce qui concerne le capital représentatif de la pension servie à MmeB... :

13. Considérant qu'il a été indiqué au point 6 qu'une somme de 35 547,58 euros avait été servie à Mme B...pour la période du 21 décembre 2006 au 30 juin 2013 ; que pour la période comprise entre le 1er juillet 2013 et la date de lecture du présent arrêt, cette somme s'établit, compte tenu du montant mensuel de la pension, de 567,24 euros, à 4 537,92 euros ; qu'il y a lieu, pour procéder à la comparaison évoquée au point 9, de convertir le montant annuel, de 6 806,88 euros, de la pension que Mme B...perçoit désormais, en un capital ; que si le ministre retient à cette fin un coefficient de 26,554 issu du barème de capitalisation publié par la gazette du Palais en 2004, il y a lieu, pour procéder à cette conversion, de lui préférer le barème annexé à l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application de l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale, fixant les modalités de calcul de l'évaluation forfaitaire des pensions d'invalidité prévue au premier alinéa de l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale, modifié par l'arrêté du 29 janvier 2013, qui correspond davantage à l'objet du présent litige ; que la date de consolidation de l'état de santé de Mme B...a été arrêtée au 16 juillet 2008, alors qu'elle était âgée de 26 ans ; que, compte tenu de l'âge de 26 ans atteint par Mme B...à la date de sa consolidation, d'une pension annuelle de 6 806,88 euros, d'un coefficient de capitalisation de 21,896 reposant sur la table de mortalité 2000-2002 pour les femmes publiée par l'institut national de la statistique et des études économiques et un taux d'intérêt de 2,97 %, tel qu'il ressort de l'arrêté du 29 janvier 2013, le montant capitalisé de cette pension s'élève à la somme de 149 043,44 euros ; qu'ainsi le capital représentatif de la pension servie à Mme B...s'établit à la somme de 189 128,94 euros ;

14. Considérant que le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer s'établit à la somme de 347 320,58 euros, correspondant à 47 320,58 euros au titre des pertes de revenus, 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle du dommage corporel et 220 000 euros au titre du déficit fonctionnel ; que le capital représentatif de la pension servie à Mme B...s'établit à la somme de 189 128,94 euros ; que ce chiffre étant inférieur à celui du montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, Mme B...est en droit de prétendre, pour ces préjudices, à une indemnité complémentaire de 158 191,64 euros ;


Sur les préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à Mme B...n'a pas pour objet de réparer :

En ce qui concerne les frais afférents à l'assistance par une tierce personne ;

15. Considérant que la pension servie à Mme B...n'est pas assortie de majorations au titre de l'assistance d'une tierce personne et ne peut être regardée comme ayant pour objet de réparer ce chef de préjudice ; que les premiers juges ont indiqué que son état nécessitait l'assistance d'une tierce personne, à raison de trois heures par jour et condamné l'Etat à payer à ce titre une rente annuelle de 16 380 euros, dont ni le principe ni le montant ne sont contestés par l'Etat ; qu'aucune disposition législative n'interdit au juge, qui est tenu d'assurer une indemnisation intégrale du préjudice quelles que soient les circonstances économiques, d'indexer les rentes qu'il accorde ; qu'en l'espèce la rente allouée doit être revalorisée non par application de l'indice INSEE de la consommation, mais par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, eu égard à l'objet de cette disposition ; que cette revalorisation doit prendre effet à l'échéance du premier terme de la rente ;


En ce qui concerne les souffrances éprouvées avant la consolidation :

16. Considérant que les premiers juges ont, à juste titre, estimé que les douleurs éprouvées par Mme B...avant la consolidation, évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7 seraient justement réparées par l'allocation d'une somme de 3 500 euros ;


En ce qui concerne le préjudice esthétique :

17. Considérant que les premiers juges ont relevé que Mme B...demeurait atteinte d'un préjudice esthétique, évalué par l'expert à 5 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'en fixant sa réparation à la somme de 15 000 euros, les premiers juges en ont fait une appréciation qui n'est pas insuffisante ;


En ce qui concerne le préjudice sexuel :

18. Considérant que l'expert a relevé : " il existe un préjudice lié aux difficultés de vie sociale et relationnelle ce qui s'étend bien sûr au domaine sentimental et par voie de conséquence à la vie sexuelle. Difficultés qui ne sont pas quantifiables mais qui sont évidentes et majeures " ; qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, du préjudice sexuel qui résulte pour Mme B...de sa prise en charge dommageable par le centre hospitalier Laveran en l'évaluant à la somme de 8 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice d'agrément :

19. Considérant que les premiers juges ont indiqué que si Mme B...alléguait avoir subi un préjudice d'agrément distinct des troubles dans ses conditions d'existence, elle ne justifiait pas de la pratique régulière et assidue d'une activité dont elle serait désormais privée du fait de son état actuel ; que l'intéressée produit en appel quatre attestations émanant de relations faisant état de la raréfaction de leurs sorties en commun et, pour deux d'entre elles, du fait qu'elles ont cessé de pratiquer le footing en forêt avec MmeB... ; que ce chef de préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros ;

En ce qui concerne le préjudice d'établissement :

20. Considérant que Mme B...était âgée de 24 ans au moment des faits ; qu'elle indique être célibataire ; que l'expert a fait état des difficultés relationnelles auxquelles son handicap exposait MmeB... ; que ces difficultés sont de nature à affecter durablement ses possibilités de rencontres et par conséquent ses possibilités d'envisager une vie familiale ; que ce chef de préjudice doit être réparé par le versement d'une somme de 15 000 euros ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des préjudices que la pension militaire d'invalidité attribuée à Mme B...n'a pas pour objet de réparer s'établit à la somme de 42 000 euros, à laquelle il faut ajouter la rente allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne, indexée selon les modalités indiquées au point 15 ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est en droit de prétendre, au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité qu'elle perçoit a pour objet de réparer, à une indemnité complémentaire de 158 191,64 euros ; qu'au titre des préjudices que cette pension n'a pas pour objet de réparer, elle est en droit de prétendre à la somme de 42 000 euros et à la rente allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne, indexée selon les modalités évoquées ci-dessus ; qu'après prise en compte de la pension militaire d'invalidité, c'est donc, outre la rente indexée, une somme de 200 191,64 euros qui doit être mise à la charge de l'Etat ; que le ministre de la défense est fondé à demander la réformation du jugement en ce sens, Mme B...étant, pour sa part, fondée à demander que la rente prononcée par les premiers juges soit indexée et à demander une réparation plus complète de certains de ses chefs de préjudice ; que le surplus de ses conclusions doit, en revanche, être rejeté ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :


Article 1er : La rente annuelle de 16 380 (seize mille trois cent quatre-vingts) euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne que l'Etat a été condamné à verser à Mme B... par l'article 2 du jugement du 22 juillet 2011 sera revalorisée, à l'échéance de son premier terme, par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 2 : La somme de 335 930 (trois cent trente cinq mille neuf cent trente) euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme B... par l'article 2 du jugement du 22 juillet 2011 est ramenée à 200 191,64 euros (deux cent mille cent quatre-vingt-onze euros et soixante-quatre centimes).

Article 3 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, au ministre de la défense et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.
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N° 11MA03492, 11MA03717 2