Conseil d'État, 4ème SSJS, 17/04/2015, 380710, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 avril 2015
Num380710
Juridiction
Formation4ème SSJS
RapporteurM. Benjamin de Maillard
CommissaireMme Gaëlle Dumortier

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal des pensions du Gard d'annuler la décision du ministre de la défense du 26 octobre 1994 lui refusant le bénéfice de la pension prévue par les dispositions de l'article 57 du code des pensions militaires d'invalidité des victimes de la guerre.

Par un jugement du 16 décembre 1997, le tribunal des pensions du Gard a fixé le taux d'invalidité de M. B...à 20 pour cent et l'a renvoyé devant l'administration pour que ses droits soient appréciés.

Par un jugement du 7 septembre 2009, le tribunal des pensions du Vaucluse, saisi par M. B...d'une demande d'octroi de cette même pension, a renvoyé l'intéressé devant l'administration pour exécution du jugement du tribunal des pensions du Gard du 16 décembre 1997.

Par un arrêt du 24 mars 2014, la cour régionale des pensions de Nîmes a confirmé le jugement du 7 septembre 2009.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi, enregistré le 28 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal des pensions du Vaucluse.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond que M.B..., fils d'un militaire de carrière grand invalide de guerre décédé le 16 juillet 1992, a sollicité auprès du ministre de la défense le bénéfice d'une pension d'orphelin majeur infirme au titre des dispositions de l'article 57 du code des pensions militaires d'invalidité des victimes de la guerre ; que cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 26 octobre 1994 ; que, saisi par M. B...d'un recours contre cette décision, le tribunal des pensions du Gard a, par jugement du 16 décembre 1997, fixé à 20 pour cent le taux d'invalidité de M. B...et l'a renvoyé devant l'administration pour que ses droits soient appréciés ; que, par un courrier du 9 juin 1998, le ministre de la défense a informé le demandeur du refus de faire droit à sa demande de pension ; que, saisi par M. B...d'un recours contre cette décision, le tribunal des pensions du Vaucluse a, par un jugement du 7 septembre 2009, renvoyé l'intéressé devant l'administration pour faire valoir ses droits ; que, par un arrêt du 24 mars 2014, la cour régionale des pensions de Nîmes a confirmé ce jugement ; que le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le courrier du 9 juin 1998 du ministre de la défense ne se bornait pas à fournir à M. B...une simple information dès lors qu'il lui opposait, après le réexamen de sa demande faisant suite au jugement du tribunal des pensions du Gard du 16 décembre 1997, un refus de faire droit à sa demande d'octroi d'une pension d'orphelin infirme majeur prévue par les dispositions de l'article 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, dès lors, ce courrier revêtait un caractère décisoire ; qu'en jugeant, après avoir relevé que l'administration aurait dû définir sa position par une véritable décision, que cette lettre ne revêtait qu'un caractère informatif, la cour régionale des pensions de Nîmes a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les orphelins, les enfants adoptifs et les enfants de conjoints survivants, bénéficiaires du présent code, atteints d'une infirmité incurable ne leur permettant pas de gagner un salaire dont le montant est fixé par décret, conservent, soit après l'âge de vingt et un ans, soit après l'âge de dix-huit ans, le bénéfice de la pension dont ils sont titulaires ou de la majoration à laquelle ils ont droit, sauf dans le cas où ils pourraient être hospitalisés aux frais de l'Etat. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'ouverture du droit à l'avantage qu'elles prévoient est subordonnée à la condition que le demandeur, appartenant à l'une des catégories énumérées, soit atteint, à la date à laquelle, selon le cas, il est devenu majeur, ou à dix-huit ans révolus, d'une infirmité présentant le double caractère d'être incurable et de mettre l'intéressé dans l'impossibilité de gagner sa vie ; que le taux d'invalidité ne constitue pas en lui-même un critère permettant d'apprécier l'ouverture de ce droit à pension ; que, par suite, le jugement du 16 décembre 1997, qui faute d'appel est devenu définitif, par lequel le tribunal des pensions du Gard a fixé le taux d'invalidité du demandeur à 20 pour cent et renvoyé ce dernier " devant l'autorité compétente pour ses droits être appréciés " doit être regardé comme se bornant à renvoyer le demandeur devant l'administration pour un nouvel examen de son dossier, sans se prononcer sur son droit à pension ; que, par sa décision du 9 juin 1998, le ministre de la défense a, après avoir procédé à un réexamen du dossier de M. B..., de nouveau refusé de faire droit à sa demande d'octroi d'une pension d'orphelin infirme majeur ; qu'il résulte de ce qui précède, que le jugement du 16 décembre 1997 n'ayant pas statué en faveur de l'attribution à M. B...de droit à pension au titre de l'article 57 précité, ce jugement a été exécuté par la décision du ministre du 9 juin 1998 ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal des pensions du Vaucluse s'est fondé sur ce que l'administration n'avait pas exécuté le jugement du tribunal des pensions du 16 décembre 1997 pour renvoyer le requérant devant l'administration pour faire valoir ses droits ; que, au surplus, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que, par son jugement du 16 décembre 1997 le tribunal des pensions du Gard a retenu que les infirmités de M. B...ne le mettent pas dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle, d'autre part, que, à l'exception des séquelles d'une phlébite à la jambe gauche, elles étaient survenues postérieurement à ses 21 ans ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal des pensions du Vaucluse du 7 septembre 2009 doit être annulé et que la demande présentée par M. B... devant ce tribunal doit être rejetée ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Nîmes du 24 mars 2014 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal des pensions du Vaucluse du 7 septembre 2009 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal des pensions du Vaucluse est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. A...B....


ECLI:FR:CESJS:2015:380710.20150417