Conseil d'État, 8ème SSJS, 29/06/2015, 387025, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 9 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 7 novembre 2014 de la cour régionale des pensions de Rennes rejetant son appel contre le jugement du 12 décembre 2013 par lequel le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande de paiement d'une pension militaire d'invalidité en raison d'un adénome carcinome bronchique diagnostiqué en 2009 qu'il impute au service, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2, L. 3, L. 25 et R. 60 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et notamment ses articles L. 2, L. 3, L. 25 et R. 60 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Blondel, avocat de M. A...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant, en premier lieu, que M. A...soutient que les dispositions de l'article R. 60 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en tant qu'elles ne prévoient pas au bénéfice des militaires, en cas de différend sur l'imputabilité au service d'une affection, l'équivalent de la saisine obligatoire par le juge du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles prévue à l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ; que ces dispositions ne sont pas de nature législative ; que, dès lors, la question que soulève le requérant n'est pas au nombre de celles qui peuvent être transmises au Conseil constitutionnel en application de l'article 61-1 de la Constitution ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) " ; que l'article L. 25 de ce code précise que : " Toute décision comportant attribution de pension doit être motivée et faire ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2 ou lorsque la pension est attribuée par présomption le droit de l'intéressé à cette présomption et l'absence de preuve contraire. / Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. / La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours. " ;
4. Considérant que, pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2, L. 3 et L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, M. A...soutient que ces dispositions, applicables aux militaires, conduisent à une rupture d'égalité entre les personnes auxquelles elles s'appliquent et les personnes auxquelles s'appliquent, pour la reconnaissance des maladies professionnelles, les dispositions du code de la sécurité sociale, dès lors qu'elles ne prévoient pas, en cas de différend portant sur l'imputabilité au service de l'affection, l'équivalent de la saisine obligatoire par le juge du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles prévue à l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il soutient qu'en méconnaissant le principe d'égalité, ces dispositions méconnaissent également les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et les droits à la protection de la santé et à la sécurité matérielle prévus à l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dès lors qu'il serait plus difficile aux militaires qu'aux personnes auxquelles s'appliquent, pour la reconnaissance des maladies professionnelles, les dispositions du code de la sécurité sociale d'apporter la preuve de l'imputabilité au service de leur affection en l'absence d'avis équivalent à celui du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;
5. Considérant, toutefois, que les dispositions précitées n'ont ni pour objet ni pour effet d'organiser la procédure contentieuse applicable devant les juridictions des pensions ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement faire valoir qu'elles méconnaitraient les principes qu'il invoque au motif que les juridictions des pensions militaires ne sont pas tenues de procéder à une consultation équivalente à celle du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles prévue à l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ; qu'au demeurant la circonstance que les dispositions en cause retiennent des conditions et des modalités de reconnaissance de l'imputabilité au service des maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service qui diffèrent de celles fixées par le code de la sécurité sociale pour les personnes régies par ce code n'est pas de nature, au regard de l'objet de ces dispositions, à caractériser une atteinte au principe d'égalité ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.