CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 29/01/2016, 14MA03429, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 janvier 2016
Num14MA03429
JuridictionMarseille
Formation9ème chambre - formation à 3
PresidentMme BUCCAFURRI
RapporteurMme Fleur GIOCANTI
CommissaireM. ROUX
AvocatsTOUHLALI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille :
- d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ;
- d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai d'un mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n°1308268 du 17 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2014, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1308268 du 17 mars 2014 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai d'un mois sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de deux mois sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle

Elle soutient que :
- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Un courrier du 22 janvier 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.

Il soutient que tous les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 22 décembre 2015.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 18 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Giocanti, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêté du 16 septembre 2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée Mme C..., ressortissante kazakhe, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme C... interjette appel du jugement en date du 17 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que Mme C..., de nationalité kazakhe, qui était âgée de vingt-six ans à la date de l'arrêté attaqué, est entrée sur le territoire national le 3 décembre 2011 sous couvert d'un visa Schengen d'une durée d'un mois ; qu'elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 mai 2012, confirmée le 23 juillet 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que la requérante fait valoir qu'elle séjourne habituellement sur le territoire français depuis 2011 et qu'elle s'est mariée à Marseille, le 26 avril 2013, avec un ressortissant de nationalité russe, titulaire d'une carte de résident d'une durée de validité de dix ans ; que si elle ne saurait utilement se prévaloir, de la circonstance postérieure à l'acte attaqué, que le couple attend un enfant, il ressort des pièces du dossier que son époux, qui est invalide à 80 % et qui perçoit à ce titre une pension militaire d'invalidité, souffre d'importants maux de tête et a des difficultés à se servir de sa main droite depuis un traumatisme crânien intervenu en 2000 ; qu'en outre, la requérante dispose d'une promesse d'embauche pour un poste d'assistante polyvalente au sein de la société SARL Top 20 et justifie prendre des cours de français dans différentes associations dont l'Alliance française ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, nonobstant la durée du séjour en France de l'intéressée et le caractère récent de son mariage, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle de Mme C... ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige ; qu'elle est fondée, par suite, à obtenir l'annulation tant de ce jugement que de l'arrêté en litige qui porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte:

4. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

5. Considérant que la requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2014 et l'arrêté du 16 septembre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., au préfet des Bouches-du-Rhône, au ministre de l'intérieur et à Me A...B....

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Giocanti, conseiller,


Lu en audience publique, le 29 janvier 2016 .
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N° 14MA03429