CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/03/2016, 15LY01794, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 mars 2016
Num15LY01794
JuridictionLyon
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. BOUCHER
RapporteurMme Nathalie PEUVREL
CommissaireM. CLEMENT
AvocatsSELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

M. G...I..., Mme B...K..., épouseI..., en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, C...et H...I..., ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à leur verser, en indemnisation des préjudices subis tant par M. I...du fait de l'accident de service dont il a été victime le 29 mars 2010, que par les membres de sa famille, une indemnité de 2 327 897,20 euros à parfaire, après déduction de la provision allouée en référé, en réparation des préjudices indemnisables sous forme de capital, outre intérêts de droit à compter du 12 décembre 2011 capitalisés et une rente viagère mensuelle de 17 478,35 euros, couvrant l'assistance d'une tierce personne, à revaloriser. Ils ont également demandé que la commune soit condamnée à verser une somme de 350 491,07 euros à Mme I...et une somme de 70 000 euros chacun à C...et H...I..., après déduction de la provision allouée en référé, en indemnisation de leurs préjudices personnels.


Par un jugement n° 1106634 du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Saint-Gervais-les-Bains à :
- verser à M.I..., d'une part, une somme de 1 799 379,49 euros, sous déduction de la provision de 300 000 euros allouée le 26 octobre 2012 après réformation en appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2012 et jusqu'au 26 octobre 2012 sur la somme de 100 000 euros et à compter du 14 juin 2012 sur la somme de 1 499 379,49 euros, et capitalisation des intérêts courant sur cette dernière somme à compter du 24 septembre 2014, et d'autre part, une rente trimestrielle de 46 884 euros à compter du 1er avril 2015, à revaloriser par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
- verser à Mme I...une somme de 57 478,31 euros, sous déduction de la provision de 5 666,67 euros allouée le 26 octobre 2012 après réformation en appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2012 et jusqu'au 26 octobre 2012 sur la somme de 3 666,67 euros et à compter du 14 juin 2012 sur la somme de 51 811,64 euros, et capitalisation des intérêts courant sur cette dernière somme à compter du 24 septembre 2014 ;
- verser à M. et MmeI..., au titre du préjudice subi par leurs enfants mineurs C...etH..., une somme de 25 000 euros chacun, sous déduction des provisions de 5 666,66 euros allouées à ce titre le 26 octobre 2012 après réformation en appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2012 et jusqu'au 26 octobre 2012 sur la somme de 4 666,66 euros et à compter du 14 juin 2012 sur la somme de 19 333,34 euros, et capitalisation des intérêts courant sur cette dernière somme à compter du 24 septembre 2014.

Le tribunal administratif de Grenoble a par ailleurs mis définitivement à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains les frais et honoraires des deux expertises, taxés et liquidés respectivement aux sommes de 1 800 euros et de 9 307,03 euros par ordonnances du président du tribunal administratif de Grenoble du 28 avril 2014, ainsi que des frais d'ergothérapeute, d'un montant de 2 200 euros.

Il a enfin rejeté les conclusions de la commune de Saint-Gervais-les-Bains tendant à ce que la société par actions simplifiée (SAS) Apave Sud-Europe soit condamnée à la garantir de la moitié des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.


Procédure devant la Cour :


I) Par une requête, enregistrée le 28 mai 2015 sous le n° 15LY01794, la commune de Saint-Gervais-les-Bains, représentée par la SELAS Adamas Affaires publiques, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2015 ;
2°) de l'exonérer partiellement de sa responsabilité, à hauteur de 50 %, en raison des fautes de la victime ;
3°) de condamner la société par actions simplifiée (SAS) Apave Sud-Europe à la relever et à la garantir à hauteur de 50 % de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation due à M. et Mme I...et à leurs ayants-droits ;
5°) de mettre à la charge de M. et Mme I...le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- M.I..., qui était le chef de l'équipe chargée de l'opération, a fait preuve d'imprudence ; il aurait dû s'assurer auprès des deux agents concernés, titulaires du certificat d'utilisation de la nacelle, que l'ensemble des consignes de sécurité étaient respectées ; les agents en question n'ont pas vérifié le bon fonctionnement du système de sécurité de l'engin ; M. I... ne pouvait ignorer qu'il n'aurait pas dû se trouver dans la nacelle, n'étant pas lui-même formé pour le travail en hauteur ; la table d'abaque, qui se trouve sur le tableau de commande des manoeuvres, n'a pas été respectée ; si les consignes d'utilisation de la nacelle étaient rédigées en italien, un rappel des consignes de sécurité rédigé en français figurait sur la nacelle elle-même ; la négligence de M. I...a contribué à provoquer l'accident ; il a procédé à la première sortie du camion nacelle après la date à laquelle la vérification de son fonctionnement aurait dû être faite par la SAS Apave Sud-Europe alors que cette vérification aurait évité l'accident ;
- si elle a eu un comportement fautif en n'ayant pas fait procéder aux vérifications réglementaires du matériel de la nacelle et en n'ayant pas veillé à ce que les consignes de sécurité soient respectées par ses agents, M. I...s'est mis en danger en ne portant pas les éléments de sécurité requis, à savoir un casque et un baudrier alors que ces équipements de protection individuelle étaient à sa disposition ; il lui appartenait d'interroger ses agents sur les équipements de sécurité nécessaires ; il ne pouvait ignorer l'obligation de les porter ;
- M. I...a eu une attitude inappropriée en quittant la nacelle pour s'accrocher au tronc de l'arbre en cours d'élagage alors que son collègue resté dans la nacelle n'a été que très légèrement blessé ; les consignes de sécurité imposent d'être attaché dans la nacelle et d'y rester en cas d'accident ; la gravité de ses blessures résulte de son fait et non du basculement de la nacelle ;
- les fautes qu'elle a commises n'ont pas, à elles-seules, provoqué le préjudice subi par M.I... ; sa part de responsabilité dans la survenance de l'accident doit être ramenée à 50 % ;
- le rejet de sa demande d'appel en garantie contre la SAS Apave Sud-Europe par les juges de première instance est infondé ; conformément aux dispositions de l'article 23 a) de l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage, un avenant a été signé avec cette société, lequel porte précisément sur les vérifications périodiques des équipements mécaniques concernés, dont la nacelle, et fixe à six mois la périodicité de vérification ; selon l'avenant au contrat signé le 2 mars 2006, elle n'avait pas besoin de solliciter cette vérification périodique ; tant dans le contrat initial que dans cet avenant, il n'est prévu aucune demande de sa part s'agissant des vérifications semestrielles ; le tribunal aurait dû tenir compte du fait que les conditions spécifiques du contrat priment sur les conditions générales, qui seules subordonnent les interventions de la société à une demande, et dont il n'aurait pas dû faire application ; elle a pris toutes les dispositions juridiques qui s'imposaient pour respecter la réglementation de sécurité du matériel en question ; c'est en raison de la négligence de la société que la vérification n'a pas eu lieu et qu'en conséquence, à la date de l'accident, le défaut de fonctionnement du système de sécurité n'avait pas été détecté ; l'accident n'aurait pas eu lieu si la société avait respecté les termes de son contrat et opéré une visite de vérification en février 2010 ; elle doit, dès lors, être relevée et garantie par la SAS Apave Sud-Europe de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 50 % ;
- s'agissant des préjudices patrimoniaux professionnels : M. I...ayant lui-même décidé de mettre fin à son activité professionnelle et demandé la liquidation de sa pension de retraite, les conséquences, éventuellement financières, de cette décision ne peuvent être imputées à son employeur, qui avait procédé à l'aménagement d'un poste de travail pour lui permettre de reprendre ses fonctions ; il a d'ailleurs repris une activité professionnelle à titre libéral, de conseil en espaces verts, qui se rapproche de l'activité qu'il aurait pu conserver au sein de la commune ; au regard de ces éléments et de ce que M. I...perçoit une pension de retraite, une pension d'invalidité et une allocation pour tierce personne, ce dernier ne peut prétendre à aucune indemnisation supplémentaire au titre de son préjudice professionnel ;
- s'agissant des frais de relogement : en premier lieu, si la jurisprudence permet d'indemniser totalement le préjudice de la victime, elle ne permet pas d'augmenter la valeur de son patrimoine à cette occasion ; les missions de l'expert étaient clairement orientées pour une solution d'habitat individuel alors même que d'autres pistes moins coûteuses auraient dû être envisagées, tel qu'un appartement aménagé en rez-de-jardin ; l'impossibilité d'adapter la maison de M. I...n'est pas justifiée ; en admettant même que les 71 m² supplémentaires prévus pour une construction neuve reviennent à 2 500 euros le m², le surcoût qu'elle devrait prendre en charge ne dépasserait pas 117 500 euros, auxquels s'ajoutent le coût de la maîtrise d'oeuvre et divers frais, soit 82 000 euros, c'est-à-dire un total de 199 500 euros ; le coût retenu par l'expert de 2 740 euros par m² est sans rapport avec la réalité du lieu et ne tient pas compte de la qualité du patrimoine actuel de M.I... ; ses calculs sont inadéquats pour l'indemnisation du préjudice de M. I...car ils tendent à l'augmentation de la valeur de son patrimoine ; la solution consistant en une démolition puis une construction neuve correspondrait à une indemnité de 197 000 euros, compte tenu des coûts de construction et de vente, à laquelle s'ajoutent 82 000 euros de frais de maîtrise d'oeuvre et de taxes d'urbanisme, soit au total 279 000 euros ; l'expert a retenu un prix de vente de 408 000 euros alors qu'il résulte de l'instruction que M. I...a vendu sa maison au prix de 370 814 euros ; si M. I...est en droit d'obtenir une indemnité au titre de l'aménagement de son logement, il n'a aucun droit à une indemnisation correspondant à la construction d'une maison neuve présentant une surface complémentaire de 71 m² par rapport à la maison préexistante ; la condamnation prononcée par le tribunal administratif au titre des frais de relogement devrait être ramenée de 699 979,85 euros à 279 000 euros au maximum ;
- s'agissant des frais pour l'intervention d'une tierce personne : M. I...bénéficie dans le cadre du forfait de pension d'un supplément pour tierce personne à hauteur de 26 085,26 euros ; la rente mensuelle de 17 478,35 euros allouée par le tribunal est considérablement exagérée ; aucune indemnisation ne saurait être accordée à ce titre ;
- s'agissant des préjudices personnels, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne devrait pas être supérieure à 200 000 euros ;
- s'agissant des préjudices des ayants-droits, l'évaluation du juge des référés, à savoir 17 000 euros pour Mme I...et chacun des enfants mineurs, devrait être reprise.


Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2015, M. et MmeI..., représentés par MeF..., demandent à la Cour, en leur nom propre et au nom de leurs deux enfants mineurs :
1°) de constater qu'il est demandé à la commune de produire différents documents, dont, notamment, le dernier contrôle de la nacelle, effectué par la SAS Apave Sud-Europe le 10 août 2009 ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il reconnaît l'entière responsabilité de la commune dans la survenance de l'accident ;
3°) de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à indemniser l'intégralité des préjudices subis par M.I..., pour un total de 2 766 639,76 euros, déduction faite de la provision antérieurement versée de 300 000 euros, outre une rente viagère réglée mensuellement, le premier jour de chaque mois à compter de la décision à intervenir, sur la base d'une mensualité de 17 453,21 euros, avec revalorisation selon les coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
4°) de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à indemniser l'intégralité des préjudices subis par Mme I...du fait de l'accident de travail dont a été victime son époux, ainsi que ceux de leurs deux enfants, à hauteur de 350 491,07 euros pour l'épouse et de 70 000 euros pour chacun des enfants, soit un total de 490 491,07 euros ;
5°) de condamner la commune à leur verser les intérêts au taux légal sur la somme de 3 257 130,76 euros à compter de la date de réception de leur demande au fond, le 12 décembre 2011, avec capitalisation chaque année à compter du 12 décembre 2012 ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- la commune de Saint-Gervais-les-Bains, qui a l'obligation de garantir ses agents contre les risques encourus dans l'exercice de leurs fonctions, a commis plusieurs fautes constitutives de manquements aux règles applicables en matière de sécurité au travail, sans lesquelles l'accident ne se serait pas produit ; à la date de l'accident, la vérification semestrielle de la plate-forme élévatrice mobile n'avait pas été réalisée ; la périodicité de contrôle semestrielle avait déjà été dépassée à quatre reprises entre 2006 et 2010 ; la commune ne respectait pas les opérations d'entretien, quotidien ou toutes les dix heures de fonctionnement, prescrites par le constructeur ; il n'appartenait pas à M.I..., en qualité de responsable des espaces verts, de s'assurer du respect du contrôle de sécurité du matériel ; les équipements de sécurité n'ont pas été mis à la disposition des agents par la commune sur le chantier ; la commune n'a pas vérifié s'ils portaient ces équipements ; aucune information ne leur a été délivrée par la commune sur les consignes de port et d'utilisation des équipements de protection individuelle et aucune formation ne leur a été dispensée sur leur utilisation ; le manuel d'utilisation et d'entretien de la nacelle était rédigé en italien ; la commune n'a pas désigné d'agent chargé de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité (ACMO) non plus qu'un agent chargé des fonctions d'inspection en la matière (ACFI) parmi ses agents ; elle ne dispose pas de document unique sur l'évaluation des risques professionnels ; le véhicule utilisé était inadapté à l'activité d'élagage ; en outre, des fautes individualisées, commises par des agents de la commune, ont également contribué à la survenance de l'accident ;
- aucune part de responsabilité ne saurait être retenue contre M.I..., qui n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES), n'a jamais bénéficié d'une quelconque information et formation sur la sécurité au travail et/ou sur le port des équipements de protection individuels, ne pilotait pas la nacelle et avait la qualité de simple élagueur sur ce chantier particulier ; il ne connaissait pas les consignes de sécurité ; la nacelle n'était utilisée qu'une fois par an pour des activités d'élagage ; c'est son supérieur hiérarchique qui a décidé de mener cette opération ; il n'est pas établi que ses dommages eussent été moindres s'il avait porté un casque et un baudrier ; le fait qu'il ne soit pas titulaire du CACES ne lui interdisait pas de monter dans la nacelle, dès lors que deux agents titulaires de ce certificat en assuraient le pilotage ; il n'a pas volontairement sauté de la nacelle mais en a été éjecté ; la cause initiale et déterminante de l'accident est la chute de la nacelle pour défaut de sécurité ;
- ils sont en droit de demander, au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, le versement d'une somme de 13 646,68 euros au titre des frais d'assistance à expertise, des frais d'huissier acquittés pour que la commune exécute l'ordonnance du juge des référés et des frais de télévision, ainsi que d'une somme de 14 347,46 euros au titre de l'assistance par une tierce personne du 21 août 2010 au 10 juin 2011, lors de ses sorties du centre de rééducation, et de 266 428,80 euros au même titre du 11 juin 2011, date de son retour à domicile, au 1er avril 2013, soit un total de 280 776,26 euros pour ce dernier poste de préjudice ;
- s'agissant des préjudices patrimoniaux permanents, le jugement doit être réformé et l'indemnisation au titre des frais de logement adapté réévaluée ; l'aménagement de leur ancienne maison n'était pas envisageable, notamment au regard de l'ampleur des travaux à réaliser, qui auraient coûté plus cher que la troisième solution consistant en l'achat d'un terrain et la construction d'une maison adaptée ; l'état de santé de M. I...fait obstacle à ce qu'il obtienne un prêt bancaire pour l'achat d'un terrain et la construction d'une maison ; en dépit de la provision allouée, ils ne peuvent assumer la charge financière d'un tel investissement ; il appartient à la commune de prendre en charge le surcoût financier lié à l'achat d'un logement équivalent adapté ; la surface pondérée supplémentaire doit être évaluée à 80 m² au lieu de 67 m², incluant une chambre pour une tierce personne ; ils s'apprêtent à acquérir un terrain plat de 941 m² pour un montant de 278 575 euros ; le coût de la construction devrait, selon devis, s'élever à un montant de 960 455 euros, incluant le coût des aménagements spécifiques à réaliser ; par ailleurs, ils ont vendu leur maison en août 2014 pour un prix de 370 814 euros ; la commune ne justifie pas du prix du m² qu'elle avance dans sa requête ; doivent être indemnisés les frais de location liés aux logements temporaires qu'ils ont occupés, soit 42 325,57 euros, ainsi que leurs frais de déménagement, désormais chiffrés à 1 920 euros ; ils n'ont effectivement loué leur ancienne propriété que pour un montant total de 9 758 euros en 2012 et 2013 ; c'est donc à tort que le tribunal a déduit à ce titre 32 000 euros du montant de l'indemnisation ; la commune doit donc être condamnée à leur verser une indemnité de 912 461 euros au titre des frais de logement adaptés ;
- le jugement doit encore être réformé s'agissant de l'indemnisation des frais de véhicules adaptés, qui doit être portée à 585 147,32 euros, correspondant, d'une part, à l'achat d'un véhicule permettant de transporter le fauteuil de M. I...et au coût futur de ce véhicule, capitalisé selon un coefficient de 23,581 euros, soit une somme totale de 211 270,22 euros, compte tenu du renouvellement tous les cinq ans et, d'autre part, à l'achat d'un véhicule familial adapté lui permettant de conduire, ainsi qu'à son coût futur, calculé comme précédemment, soit une somme totale de 405 333,91 euros ; si la Cour décidait de n'accorder une indemnisation que pour un seul véhicule, ce dernier devrait être privilégié ;
- ils sont fondés à solliciter une indemnité de 401 447,92 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne, correspondant aux arrérages échus du 1er avril 2013 jusqu'à avril 2016, date estimée d'intervention du présent arrêt, et à une rente de 17 453,21 euros, devant être versée le premier jour de chaque mois à compter du présent arrêt, à revaloriser en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, calculée sur la base d'un taux horaire de 23,04 euros résultant d'un devis établi par l'association d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) la plus proche et tenant compte des fins de semaine et des jours de congés ; le montant de la majoration pour tierce personne versée par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) depuis le 1er avril 2013, de 1 168,97 euros par mois, insuffisant dès lors que M. I...a besoin de l'assistance d'un tiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre, est déduit de cette demande ; la perte de revenu subie par MmeI..., de 251 646,08 euros, est également déduite de ce montant ; a minima, ils devront être indemnisés sur la base du coût réel qu'ils ont déboursé par le biais de chèques emploi service universel (CESU), de 21,45 euros nets du 1er avril 2013 au 1er septembre 2015, puis, au-delà, de 22,19 euros nets ;
- s'agissant des pertes de gains futurs, la tentative de M. I...pour reprendre une activité professionnelle a été un échec et la commune ne justifie pas avoir commandé un véhicule adapté afin de lui permettre de travailler ; son placement à la retraite n'est pas volontaire ; s'il s'est inscrit comme auto-entrepreneur, cette activité, accomplie à titre thérapeutique, ne lui procure que des bénéfices très modiques et aléatoires ; il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 315 928,13 euros, courant à compter du 1er avril 2013, compte tenu de ce qu'il était âgé de quarante-huit ans à cette date et du fait qu'il aurait pris sa retraite à soixante-deux ans, sur la base d'un coefficient de capitalisation de 12,236 ; par ailleurs, sur la base d'un prix de l'euro de rente de 17,202 pour un homme de soixante-deux ans, le capital qui lui est dû pour compenser sa perte de droits de retraite s'élève à 344 090,22 euros ; après déduction du montant des arrérages échus de la pension de retraite anticipée et de la rente d'invalidité, des arrérages à échoir ou du capital constitutif de celles-ci qu'il a perçus ou va percevoir, la somme totale qui lui est due au titre de la perte de gains professionnels future et de l'incidence professionnelle est de 269 362,54 euros ;
- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires : une somme de 13 170 euros sera allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire total entre le 29 mars 2010 et le 11 juin 2011 et une somme de 17 793 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel entre le 12 juin 2011 et le 1er avril 2013, soit une somme totale de 30 963 euros ; une somme de 50 000 euros sera versée au titre des souffrances endurées et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents : le déficit fonctionnel permanent, incluant la souffrance morale et la perte d'autonomie, sera indemnisé sur la base de 4 200 euros par point, soit 378 000 euros, le préjudice esthétique permanent justifie une indemnisation à hauteur de 40 000 euros, le préjudice d'agrément à hauteur de 60 000 euros et le préjudice sexuel à hauteur de 30 000 euros ;
- s'agissant des préjudices patrimoniaux des victimes indirectes : Mme I...justifie d'une perte de revenus totale, compte tenu de sa perte de droits à la retraite, de 251 646,08 euros ; les frais de déplacement qu'elle dû assumer ensuite de l'accident représentent une somme de 7 899,99 euros ; elle a pris en charge 945 euros de frais de psychologue pour son fils ;
- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux, Mme I...est fondée à demander une indemnité de 50 000 euros pour souffrance morale et de 40 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et ses deux enfants une indemnité de 40 000 euros chacun au titre du préjudice d'affection et de 30 000 euros chacun au titre des troubles dans leurs conditions d'existence ;
- si une part de responsabilité devait lui être imputée, il devrait être fait application du droit de préférence, conformément à la loi du 21 décembre 2006.


Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2015, la SAS Apave Sud-Europe, agissant par ses dirigeants légaux en exercice et représentée par MeA..., conclut au rejet de l'appel en garantie présenté par la commune de Saint-Gervais-les-Bains et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- l'article 7 du contrat stipule qu'elle est libérée de toutes obligations de service au titre du contrat dans le cas où le souscripteur ne respecte pas les périodicités prévues, ou diffère les dates de visite au-delà des délais prévus par le contrat ; c'est donc au souscripteur qu'il incombe de respecter les périodicités prévues ; les conditions générales d'intervention, annexées au contrat, prévoient, à l'article 2, que les demandes d'essai ou d'intervention doivent être présentées ou confirmées par écrit et que les demandes doivent préciser, notamment, la nature de l'intervention demandée ; un avenant a été régularisé en mars 2006, prévoyant une vérification périodique semestrielle des équipements de levage, dont la nacelle, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier les stipulations antérieures ; elle n'est pas missionnée pour entretenir les équipements objets du contrat et il appartient à l'utilisateur de respecter la périodicité des vérifications ; en l'espèce, la commune ne lui a pas adressé de demande de vérification à la date d'échéance et aucun planning commun des interventions n'a été élaboré ;
- lors de la dernière vérification avant l'accident, le limiteur de dévers fonctionnait selon la valeur définie par le constructeur ; c'est donc ultérieurement que ce limiteur n'a pas fonctionné, ce que la commune n'aurait pas manqué de remarquer si elle avait procédé aux opérations d'entretien prescrites par le constructeur c'est-à-dire : vérifier le parfait fonctionnement des dispositifs de sécurité à chaque fois que l'équipement est mis en oeuvre et prévoir un entretien quotidien ou toutes les dix heures de fonctionnement, à l'occasion duquel le bon fonctionnement des systèmes de sécurité doit être vérifié ;
- l'existence d'une faute de la commune est établie par le jugement pénal et par le rapport d'expertise ; les circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident révèlent un défaut d'entretien de l'équipement par la commune ; l'accident a été provoqué par les nombreux manquements de la commune ; ainsi, sa responsabilité ne saurait être recherchée.


Par un mémoire, enregistré le 26 août 2015, la commune de Saint-Gervais-les-Bains conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Elle ajoute que :
- l'intervention d'élagage a été décidée par M.I..., lequel a fait preuve de plusieurs négligences ayant contribué à la survenance de l'accident ; c'est M. I...lui-même qui a décidé, d'une part, de ne pas munir son équipe des éléments de sécurité, et, d'autre part, de monter dans la nacelle, alors qu'il savait que seuls les deux autres agents avaient compétence et formation pour le faire ; une formation avait bien été délivrée aux agents qui en avaient besoin, ce que M. I...ne pouvait ignorer ; l'absence de port de casque et de baudrier n'est pas imputable à la commune, mais à M. I...lui-même ; les circonstances que les consignes de fonctionnement de la nacelle étaient rédigées en italien sur la notice du constructeur, qu'elles n'avaient jamais fait l'objet d'une traduction et que, par ailleurs, aucun agent n'avait été chargé par la commune de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité, ni des fonctions d'inspection en la matière, sont sans lien direct avec l'accident, lequel n'a pas été causé par une mauvaise utilisation de l'appareil ; M.I..., dans son audition du 25 mai 2010, a relaté les faits en indiquant lui-même qu'il avait quitté volontairement la nacelle pour s'accrocher à l'acacia en cours d'élagage lorsque la nacelle a basculé ; le choc n'est pas dû à une chute de la nacelle mais à la chute de M. I...le long du tronc d'arbre ;
- s'agissant des frais de relogement, M. I...entend remettre en cause cet élément du jugement sans toutefois en demander la réformation ; cette réévaluation ne correspond pas à l'évaluation de l'expert et démontre que la solution consistant en l'aménagement de l'ancienne maison de M. I...aurait été moins coûteuse ;
- M. I...n'est pas fondé à demander une indemnisation supplémentaire au titre de l'assistance par une tierce personne, dès lors que le coût horaire du service de I'ADMR, association subventionnée par la commune, est très inférieur au montant des indemnités qu'il perçoit à ce titre dans le cadre de sa rente ou du jugement ;
- le montant de l'indemnité que pourrait percevoir M. I...au titre d'un complément à son forfait à pension ne saurait excéder la somme de 733 000 euros.


Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2015, M. et Mme I...concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens, en portant leur demande indemnitaire totale, présentée par la voie de l'appel incident, à une somme de 3 264 930,67 euros.


Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2015, la société Dexia DS Services, représentée par la SCP Avocats Centre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2015 ;
2°) de condamner la SAS Apave Sud Europe à lui verser une somme de 230 191,83 euros au titre des dépenses de santé qu'elle assumées pour M. I...jusqu'à la date de consolidation, le 1er avril 2013, une somme de 66 385,18 euros au titre du remboursement du montant des salaires maintenus à M. I...au titre de la période d'indisponibilité et jusqu'à la date de sa mise à la retraite anticipée pour invalidité et une somme de 538 524,53 euros au titre des dépenses de santé futures, postérieures à la date de consolidation de l'état de santé de M.I..., immédiatement ou annuellement sur présentation d'un relevé ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Apave Sud Europe une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- elle est fondée, en tant qu'organisme gestionnaire du régime d'assurance sociale obligatoire de M.I..., ayant pris en charge le paiement des frais médicaux et d'hospitalisation nécessités par son état de santé et le paiement effectif du maintien de ses salaires durant son indisponibilité, à exercer, en qualité de subrogée dans les droits et actions de M. I...et sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959, tout recours à l'encontre d'un tiers responsable du préjudice subi par M.I... ;
- elle est fondée à contester la disposition du jugement qui a réservé ses droits, contrairement à la demande de condamnation qu'elle avait fait valoir en première instance ;
- il n'est pas établi qu'il incombait à la seule commune de Saint-Gervais-les-Bains de solliciter l'organisation du contrôle technique de la nacelle, dès lors qu'aux termes de l'article 7 du contrat la liant à la SAS Apave Sud-Europe, les interventions "seront programmées d'un commun accord et feront l'objet d'un avis de passage" ; la société APAVE, en sa qualité de professionnel spécialiste du contrôle et de la maintenance des matériels spéciaux soumis à obligation réglementaire, aurait dû prendre une initiative permettant la programmation commune de la date du contrôle technique ; cette société, qui assure le contrôle de la nacelle depuis longtemps et avait effectué la dernière vérification, devait se doter des moyens techniques de rappeler à la commune la nécessité de faire procéder à une nouvelle visite à l'échéance de six mois ; une obligation de moyens pèse sur la société, dès lors qu'elle est chargée de contribuer à la sécurité des personnes utilisant les matériels soumis à visite réglementaire ;
- l'accident n'aurait pas eu lieu si la visite technique était intervenue à l'échéance prévue ;
- la société APAVE Sud-Europe doit être condamnée à lui rembourser une somme totale de 835 101,54 euros.


Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2015, la commune de Saint-Gervais-les-Bains conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.


II) Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2015 sous le n° 15LY02199, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 août 2015, la commune de Saint-Gervais-les-Bains, représentée par la SELAS Adamas Affaires publiques, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1106634 du 31 mars 2015 s'agissant du versement de la rente trimestrielle et de rejeter la demande de consignation présentée par les épouxI....

Elle soutient que :
- l'exécution du jugement l'expose à la perte définitive de la somme annuelle 187 536 euros, correspondant au versement de la rente trimestrielle, outre la réévaluation appliquée en fonction des coefficients de revalorisation fixés pour les pensions d'invalidité, alors qu'elle a déjà versé 1 690 802,91 euros à ce titre ;
- elle a contesté dans sa requête d'appel le montant de la rente allouée par le tribunal à M.I... ;
- pour le cas où ses demandes en appel seraient accueillies, il existe un risque de perte définitive des rentes trimestrielles litigieuses, au regard du montant de celles-ci comparé aux ressources fixes de M.I... ;
- la demande de consignation présentée par les épouxI..., dont le montant est dérisoire, doit être rejetée.


Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2015, M. et MmeI..., représentés par MeF..., en leur nom propre et au nom de leurs deux enfants mineurs, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Saint-Gervais-les-Bains ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la commune procède à la consignation sur un compte séquestre d'un quart de la somme de 46 884 euros allouée par le tribunal au titre de la rente trimestrielle pour tierce personne, soit 11 721 euros et verse le solde, soit 35 163 euros, à M. I... dans l'attente de l'arrêt à intervenir ;
3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :
- à titre principal : la nécessité d'une assistance permanente par une tierce personne reconnue par l'expert désigné par le tribunal n'a jamais été contestée par la commune ; M. I... a un besoin impératif de la rente allouée à ce titre pour financer l'assistance dont il a besoin ; il est solvable, ayant d'ores et déjà perçu différentes indemnités et disposant de revenus fixes ; la preuve du risque de perte définitive des sommes et des conséquences difficilement réparables résultant de l'exécution du jugement s'agissant de la rente pour tierce personne n'est pas rapportée ;
- à titre subsidiaire : s'il était fait droit à la requête, une partie de la somme allouée en première instance au titre de la tierce personne devrait être consignée sur un compte séquestre dans l'attente de l'arrêt à intervenir et une rente trimestrielle versée.


Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2015, la SAS Apave Sud-Europe, agissant par ses dirigeants légaux en exercice et représentée par MeA..., s'en rapporte à l'appréciation de la Cour.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- et les observations de Me J...pour la commune de Saint-Gervais-les-Bains, celles de Me F...pour les consortsI..., ainsi que celles de Me A...pour la société Apave Sud-Europe.



1. Considérant que les requêtes susvisées de la commune de Saint-Gervais-les-Bains tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt ;

2. Considérant que M.I..., agent de maîtrise principal, responsable du service des espaces verts de la commune de Saint-Gervais-les-Bains depuis 2002, alors âgé de quarante-huit ans, a été victime, le 29 mars 2010, d'un accident de service provoqué par le basculement de la nacelle à bord de laquelle il avait pris place accompagné d'un autre agent pour élaguer une haie d'acacias ; que, par un jugement du 12 septembre 2011, le tribunal correctionnel de Bonneville a déclaré la commune coupable des faits de blessures involontaires et responsable du préjudice subi par M.I..., atteint d'une tétraplégie presque complète et placé à la retraite pour invalidité ; que le 12 décembre 2011, M. et MmeI..., agissant à titre personnel et au nom de leurs deux enfants mineurs, H...etC..., ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices que leur a causé cet accident du travail et ont sollicité en référé, d'une part, une expertise médicale ainsi qu'une expertise technique et, d'autre part, une provision de 400 000 euros sur l'indemnité à percevoir ; que, par une ordonnance du 22 mai 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, après avoir estimé que M. I...devait assumer pour moitié les conséquences dommageables de l'accident, a, d'une part, alloué une provision de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ainsi qu'une provision totale de 4 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices de son épouse et de ses enfants et a, d'autre part, désigné un expert médical ainsi qu'un expert technique chargé d'examiner les besoins d'adaptation du logement à des déplacements en fauteuil roulant ; qu'après avis favorable de la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales, M. I...a été placé à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2013 ; que, par un arrêt du 26 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Lyon, réformant cette ordonnance du 22 mai 2012, a reconnu M. I... responsable de l'accident à hauteur de 15 % et a fixé à 300 000 euros la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices de M. I...et à 17 000 euros la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices de l'épouse et des enfants ; que, par jugement du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fond, a reconnu l'entière responsabilité de la commune dans la survenance de l'accident, a rejeté son appel en garantie dirigé contre la SAS Apave Sud-Europe et l'a condamnée à verser à M. I... une indemnité de 1 779 379,49 euros, sous déduction de la provision de 300 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une rente trimestrielle de 46 884 euros, revalorisée selon les coefficients de revalorisation fixés pour les pensions d'invalidité, et à Mme I... et ses enfants une somme de 90 478,31 euros, sous déduction de la provision de 17 000 euros, outre les intérêts et la capitalisation des intérêts ; qu'il a également mis à la charge de la commune les dépens ainsi que des sommes au titre des frais non compris dans les dépens au bénéfice de M. et Mme I...et de la SAS Apave Sud Europe ; que la commune de Saint-Gervais-les-Bains doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait droit, ni à sa demande d'exonération d'une partie de sa responsabilité pour faute de la victime, ni à sa demande tendant à ce que la SAS Apave Sud Europe la garantisse à hauteur de 50 % et en ce qu'il a surévalué certains des chefs de préjudice indemnisés ; que, par voie d'appel incident, M. et Mme I...demandent une revalorisation des indemnités qui leur ont été allouées ;


Sur la requête n° 15LY01794 :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Considérant qu'il résulte du rapport de M.D..., expert désigné sur réquisition du parquet de Bonneville, remis le 10 mai 2010, ainsi que du rapport de M. E..., missionné par la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, remis le 11 avril 2011, que le basculement du camion et de la nacelle a été provoqué par l'allongement excessif du bras de télescopage de la nacelle, dû au non-fonctionnement d'un dispositif de sécurité en raison de l'absence d'huile dans la chambre du vérin limiteur de course ; que la commune de Saint-Gervais-les-Bains a été reconnue coupable par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement en l'absence de vérification semestrielle du matériel, pour non-information des agents sur la nécessité de s'attacher lors de l'utilisation de la nacelle et pour ne pas leur avoir fourni les équipements nécessaires à leur sécurité ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. E..., qu'à la date du sinistre, aucune vérification du camion nacelle n'était intervenue depuis le 10 août 2009, alors que la vérification des appareils de levage est, selon l'avenant au contrat conclu entre la commune et la SAS Apave Sud Europe le 6 mars 2006 et conformément à l'arrêté du 1er mars 2004 susvisé, semestrielle ; qu'à la date de l'accident, ce délai était échu depuis un mois et demi ; que, depuis février 2006, il n'avait jamais été respecté, étant dépassé de deux mois en octobre 2006, de dix mois en février 2008, de treize jours en septembre 2008 et de cinq mois en août 2009 ; qu'il résulte de ce même rapport d'expertise qu'aux termes du manuel d'utilisation du camion nacelle, le bon fonctionnement des systèmes de sécurité doit faire l'objet d'une vérification quotidienne ou toutes les dix heures ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors que le seul exemplaire de ce manuel dont disposait la commune était rédigé en italien, que ce contrôle ait été effectué par les services compétents ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M.I..., alors qu'il n'utilisait le camion-nacelle qu'une fois par an dans le cadre de ses activités d'élagage, qu'il n'était pas chargé de son entretien et qu'il pouvait légitimement s'attendre à ce que ce matériel lui soit fourni en bon état de fonctionnement, puisse être regardé comme ayant commis une négligence dans l'usage qu'il en a fait, alors même qu'il ne s'était pas équipé du harnais de sécurité, l'instruction ne permettant pas de retenir que le port de cet équipement, conçu pour empêcher la chute de l'utilisateur, pouvait, par lui-même, éviter l'accident résultant du basculement du camion-nacelle ou en atténuer les conséquences ; qu'enfin, il ne saurait être reproché à M. I...d'avoir commis une faute en sautant de la nacelle lorsqu'il a senti le camion basculer, pour tenter de s'accrocher à un arbre et éviter de chuter ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commune devait être regardée comme entièrement responsable de l'accident dont a été victime M.I... ;


En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

4. Considérant qu'en vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; que les articles 36 et 37 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales prévoient, conformément aux prescriptions du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, des règles comparables au profit des agents relevant de cet organisme ;

5. Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

6. Considérant, contrairement à ce qu'allègue la commune de Saint-Gervais-les-Bains, qu'alors même qu'il bénéficie, au titre du handicap consécutif à l'accident de service dont il a été victime, d'une pension et d'une rente viagère d'invalidité qui lui ont été accordées dans les conditions prévues par les articles 36 et 37 du décret susvisé du 26 décembre 2003, M. I...conserve le droit de demander à la commune, dont il établit qu'elle a commis une faute, le versement d'une indemnité réparant l'ensemble de ses chefs de préjudice, y compris professionnels, dans la mesure où ils ne seraient pas entièrement réparés par le versement de la pension et de la rente viagère d'invalidité ;


S'agissant de l'indemnisation des préjudices patrimoniaux temporaires :

7. Considérant, en premier lieu, que les époux I...ne chiffrent pas d'autres "frais de matériels futurs" qui seraient restés à leur charge en plus de ceux pour lesquels les premiers juges leur ont accordé une indemnisation ; que, par suite, les conclusions incidentes qu'ils présentent à ce titre doivent être rejetées ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter les conclusions incidentes des époux I...relatives aux frais d'huissier ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'état de M. I...a nécessité l'assistance à domicile d'une tierce personne à raison de dix heures quotidiennes au cours de soixante et une permissions thérapeutiques dont il a pu bénéficier à compter du 21 août 2010, à raison de quatre heures trente quotidiennes au cours de neuf autres permissions, puis en permanence à compter du 11 juin 2011, date de son retour au domicile familial, jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, le 1er avril 2013, soit au total 16 490 heures ; que les relevés de chèque emploi service universel (CESU) établis par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et produits par M. I... établissent que le coût horaire de cette assistance s'est élevé à 16,80 euros en moyenne au cours de cette période ; qu'il suit de là que M. et Mme I...sont fondés à demander une indemnité de 277 032 euros à ce titre ;


S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux frais de logement adapté :

10. Considérant, d'une part, que M.I..., qui est tétraplégique, n'a conservé qu'un usage partiel de sa main droite et se déplace en fauteuil roulant électrique, était propriétaire d'une maison individuelle située sur un terrain d'environ 1 200 m², désormais inadaptée à son état ; qu'un relogement dans un appartement aménagé en rez-de-jardin, préconisé par la commune, ne permet pas de rétablir les conditions d'existence de l'intéressé avant l'accident, ni, par suite, d'indemniser intégralement son préjudice ; que le rapport d'expertise remis le 17 mars 2014 indique pour quels motifs son auteur estime que la propriété des époux I...ne peut faire l'objet d'aménagements, sauf à la détruire en vue de reconstruire une maison adaptée, solution dont il est souligné que le prix serait supérieur à celui d'une construction neuve édifiée sur un autre terrain ; que le prix de 2 740 euros par m² retenu par l'expert technique correspond non au prix moyen d'édification d'une maison dans la commune, mais au prix d'une construction conforme aux normes actuelles et adaptées au handicap de M.I... ; qu'il résulte de l'instruction que la surface habitable pondérée de la maison des époux I...est de 175 m² ; qu'au regard de la surface des pièces existantes, pour tenir compte de l'emprise au sol d'une personne en fauteuil, il convient, selon le rapport d'expertise, d'augmenter cette surface de 80 m², comprenant une pièce de 13 m² pour le logement d'une tierce personne ; que le rapport d'expertise, au terme d'une estimation détaillée présentée en son annexe 4, se fonde sur le prix au m² mentionné ci-dessus de 2 740 euros, non utilement contesté par la commune de Saint-Gervais-les-Bains, laquelle, par ailleurs, ne critique pas le coût supplémentaire de 82 000 euros correspondant aux frais de maîtrise d'oeuvre et aux taxes d'urbanisme ; que, par suite, le coût de la construction à édifier doit être évalué, pour une surface pondérée de 255 m², à 780 700 euros ; que, si les époux I...présentent en appel deux devis, d'un montant respectivement de 937 518 euros TTC pour une surface de 255 m² et de 960 455 euros TTC pour une surface de 250 m², ces estimations sont, sans justification particulière, très supérieures au prix du m² évalué par le rapport d'expertise et qu'il y a lieu de retenir ; que, par ailleurs, les époux I...établissent qu'ils ont acheté un terrain pour un montant de 278 575 euros ; qu'ainsi, compte tenu de ce qu'ils ont vendu leur propriété à un prix de 370 814 euros, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une indemnité de 688 461 euros au titre des frais de construction d'un logement adapté ;

11. Considérant, d'autre part, que M. I...justifie avoir acquitté, du 1er avril 2012 au 15 octobre 2014, un montant total de loyers de 16 325,57 euros, puis, du 16 octobre 2014 au 31 août 2015, une somme de 19 500 euros à ce titre ; que, s'il demande le remboursement d'une somme de 1 920 euros pour un déménagement prévu en septembre 2015, il ne résulte pas de l'instruction que ce déménagement ne résulterait pas d'un choix personnel et devrait être pris en charge par la commune ; qu'il y a lieu de déduire du montant total des loyers ainsi acquittés, soit 35 825,57 euros, les revenus que M. I...a tirés de la location de son ancienne propriété, soit une somme de 35 302 euros selon les documents fiscaux, diminuée d'une somme de 2 525 euros au titre des charges qu'il a supportées ; qu'en l'absence d'information supplémentaire sur les loyers à acquitter entre septembre 2015 et la date de livraison de la maison, qui pourrait intervenir à la fin de l'année 2016, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains une somme de 3 048,57 euros au titre des frais de relogement provisoire supportés par M.I... ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité devant être versée par la commune de Saint-Gervais-les-Bains aux époux I...au titre du relogement s'élève à la somme globale de 691 509,57 euros ; que les conclusions incidentes présentées par M. et Mme I... tendant à ce que l'indemnité que leur a accordée le tribunal administratif de Grenoble à ce titre soit réévaluée doivent, dès lors, être rejetées ;


Quant aux frais de véhicule adapté :

13. Considérant, d'une part, que M. et Mme I...demandent que le montant de l'indemnité fixé par les premiers juges pour ce poste de préjudice soit réévalué afin de tenir compte non seulement du fait qu'ils ont dû acheter un nouveau véhicule permettant le transport d'une personne en fauteuil roulant électrique, mais aussi de la nécessité de procéder à l'achat et à l'aménagement d'un autre véhicule permettant à M. I...de conduire lui-même, l'aménagement du véhicule actuel n'étant pas possible ; que, dans la mesure où le véhicule acheté par les époux I...le 12 août 2011 ne permet pas à l'intéressé de conduire, et dès lors qu'un véhicule adapté, suffisamment spacieux pour permettre le transport de la famille, peut également être conduit par une personne non handicapée, il y a lieu de limiter l'indemnisation allouée à M. et Mme I...pour ce poste de préjudice à ce second véhicule ; que, selon les devis établis par la SARL HandiMobil en février 2013, les frais d'achat et d'aménagement de ce véhicule s'élèvent à 80 909 euros, somme dont il y a lieu de déduire le prix de vente de l'ancien véhicule des époux I...pour un montant de 10 000 euros et la prestation de compensation du handicap attribuée à M. I...par la maison départementale des personnes handicapées en vue de l'achat d'un véhicule adapté ; que, par suite, l'indemnité allouée à M. I...pour l'achat et l'aménagement d'un véhicule doit être fixé à la somme de 55 909 euros ;

14. Considérant, d'autre part, que, si M. et Mme I...font valoir que ce véhicule devra être renouvelé tous les cinq ans et demandent à ce titre une indemnisation de 334 424,23 euros, la nécessité et la périodicité de ce renouvellement ne peuvent être regardées comme présentant un caractère suffisamment certain que pour le premier renouvellement ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation due à ce titre en l'évaluant à la somme de 81 000 euros ; que l'indemnité due par la commune de Saint-Gervais-les-Bains au titre des dépenses de véhicule adapté doit, par suite, être fixée à la somme de 136 909 euros ;


Quant aux frais d'assistance permanente par une tierce personne :

15. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise médicale établi par le docteur Fisher, remis le 27 décembre 2013, que l'état de santé de M. I...est stabilisé et qu'il a besoin d'une présence humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre dont dix heures d'aide active et quatorze heures de présence passive ; que le handicap de M. I...étant définitif, il y a lieu de lui allouer, au titre des frais d'assistance à domicile par une tierce personne, une rente trimestrielle correspondant à une aide permanente, calculée sur la base d'un taux horaire de 14 euros, tenant compte de la qualification requise et des charges patronales, à raison de 103 jours par trimestre, compte tenu des coûts salariaux supplémentaires générés par le travail du dimanche, les jours fériés et les congés ; que, dans ces conditions, le montant de la rente trimestrielle due à M. I... doit être fixé, après déduction d'une somme de 3 486 euros au titre de la majoration pour tierce personne qu'il perçoit par ailleurs, à la somme de 31 122 euros ; qu'ainsi, il y a lieu, à ce titre, d'allouer à M. I...une somme de 248 976 euros pour la période de deux ans allant du 1er avril 2013, date de consolidation, jusqu'à la date de lecture du jugement du tribunal administratif et de fixer à 31 122 euros le montant de la rente trimestrielle allouée par l'article 2 de ce jugement à compter du 1er avril 2015, dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation pour une durée supérieure à quarante-cinq jours ;


Quant à la perte de gains professionnels futurs :

16. Considérant, d'une part, que la tentative de M. I...de reprendre une activité professionnelle à temps partiel thérapeutique du 7 mai au 18 juin 2012 s'est soldée par un échec ; que l'expert médical désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, dans son rapport remis le 27 décembre 2013, l'estime inapte à la reprise d'un emploi ; que, le 30 janvier 2013, la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales a émis un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2013 ; que, s'il exerce une activité professionnelle de paysagiste en qualité d'auto-entrepreneur, cette activité ne lui procure que des revenus marginaux ; que le préjudice, d'un montant de 13 068,53 euros, calculé par les juges de première instance sur la base d'une reconstitution de la carrière qu'aurait poursuivie l'intéressé s'il n'avait pas été victime de l'accident à l'origine du litige n'est pas sérieusement contesté par M. et MmeI..., qui se bornent à reprendre leurs écritures de première instance ; que l'accident s'étant produit alors que M. I...était âgé de quarante-huit ans, il aurait travaillé encore quatorze ans avant de prendre sa retraite ; que son traitement mensuel net s'élevait à 1 990,95 euros en mars 2013 ; qu'à traitement égal entre 2013 et 2024, ses revenus se seraient élevés à 262 801 euros au cours de cette période ; que cette somme peut être augmentée de 13 068,53 euros correspondant au gain indiciaire qu'il aurait obtenu au cours de ces années, tel que calculé par les juges de première instance, soit un total de 275 869,53 euros ; qu'il résulte de l'instruction que M. I...perçoit depuis le 1er avril 2013 une somme de 1 942,42 euros mensuels au titre de la pension et de la rente d'invalidité, somme qui atteindra 256 399,44 euros au total à l'échéance 2024 ; que, par suite, la perte de revenu subie par M. I...du fait de l'accident de service dont il a été victime doit être indemnisée à hauteur de 19 470,09 euros ; que, comme il a été dit ci-dessus, M. I...n'étant plus en mesure d'exercer une activité professionnelle, il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle de l'accident dont il a été victime ;

17. Considérant, d'autre part, que M. I...aurait pu prétendre à une retraite à taux plein, à compter du 1er avril 2024, d'un montant brut mensuel de 1 666,91 euros ; qu'il est constant que le montant de la pension et de la rente d'invalidité qu'il percevra mensuellement à cette échéance, de 1 942,42 euros, sera supérieur à la pension qui lui aurait été servie s'il n'avait pas été victime d'un accident de service ; que, dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ne justifie pas subir un préjudice de ce chef ;


S'agissant des préjudices extra patrimoniaux temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

18. Considérant que M. I...a subi, avant la consolidation de son état de santé, le 1er avril 2013, un déficit fonctionnel temporaire total lors de son hospitalisation pendant une durée de quinze mois, suivi d'un déficit temporaire fonctionnel évalué à 90 % à compter de la date du retour à son domicile ; que le tribunal administratif de Grenoble a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 18 000 euros pour une immobilisation quasi-totale pendant une période de trois ans ; que les conclusions incidentes présentées par les épouxI..., tendant à ce que cette somme soit portée à 30 963 euros, doivent, par suite, être rejetées ;


Quant aux souffrances endurées :

19. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient, en fixant à 21 000 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Saint-Gervais-les-Bains à M. I... au titre des souffrances physiques et psychiques endurées entre la date de l'accident et celle de la consolidation de l'état de santé, évaluées à 6 sur 7 par le rapport d'expertise médicale, procédé à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; qu'il suit de là que les époux I...ne sont pas fondés à demander, par la voie de l'appel incident, la réévaluation de cette somme à un montant de 50 000 euros ;


S'agissant des préjudices extra patrimoniaux permanents :

20. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de l'âge de M. I...à la date de l'accident, de sa situation privée et familiale, des loisirs et activités sportives qu'il pratiquait, ainsi que de la gravité des préjudices personnels qu'il subit, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont accordé une indemnisation de 230 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, évalué à 90 %, dont il souffre, incluant la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice sexuel ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'indemnisation de ce poste de préjudice ne devrait pas excéder 200 000 euros ; que les conclusions incidentes par lesquelles les époux I...demandent que cette somme soit portée à un montant de 408 000 euros doivent également être rejetées ;

21. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient mal évalué le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique de M. I...en lui accordant respectivement les sommes de 20 000 et 25 000 euros à ce titre ; que, par suite, les époux I...ne sont pas fondés à demander, à titre incident, que ces postes de préjudices soient portés à 60 000 et 40 000 euros, ni à ce qu'une somme de 10 000 euros soit accordée à M. I... au titre d'un préjudice esthétique temporaire, lequel se confond avec le préjudice qu'il subit de manière permanente à ce titre ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, comme le demandent les consortsI..., d'ordonner la production de documents par la commune de Saint-Gervais-les-Bains, qu'il y a lieu, d'une part, de ramener à 1 692 949,58 euros le montant de l'indemnité en capital allouée à M. I...par les premiers juges, incluant les sommes non contestées de 4 385,12 et 667,80 euros accordées au titre de dépenses de santé non prises en charge par l'assurance, et, d'autre part, de ramener à 31 122 euros le montant de la rente viagère trimestrielle et de réformer en ce sens les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble ;


S'agissant des préjudices de Mme I...et des deux enfants du couple :

23. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter les conclusions incidentes de Mme I...tendant à l'indemnisation d'une perte de revenus professionnels de 251 646,08 euros et de confirmer l'évaluation faite des autres chefs de préjudice invoqués, pour lesquels le jugement lui a accordé une indemnité totale de 57 478,31 euros ; qu'il y a également lieu de confirmer l'évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par les deux enfants de M. et MmeI..., au titre desquels les premiers juges ont accordé une indemnité de 25 000 euros pour chaque enfant ;


En ce qui concerne les frais non compris dans les dépens :

24. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que la commune de Saint-Gervais-les-Bains, d'une part, et M. et Mme I..., d'autre part, présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


En ce qui concerne l'appel en garantie de la commune de Saint-Gervais-les-Bains à l'encontre de la SAS Apave Sud Europe :

25. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage : " Le présent arrêté détermine les équipements de travail utilisés pour le levage de charges, l'élévation de postes de travail ou le transport en élévation de personnes auxquels s'appliquent les vérifications générales périodiques, les vérifications lors de la mise en service et les vérifications lors de la remise en service après toute opération de démontage et remontage ou modification susceptible de mettre en cause leur sécurité, prévues par les articles R. 233-11, R. 233-11-1 et R. 233-11-2 du code du travail, à la charge du chef d'établissement dans lequel ces équipements de travail sont mis en service ou utilisés. / Cet arrêté définit, pour chacune de ces vérifications, leur contenu, les conditions de leur exécution et, le cas échéant, leur périodicité. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au responsable du matériel de s'assurer du respect des prescriptions ainsi édictées ; que l'article 7 du contrat du 16 juin 1993 entre la SAS Apave Sud Europe, alors dénommée CETE Apave lyonnaise, stipule que la date de première visite est fixée d'un commun accord entre la commune et la société et que " les interventions ultérieures seront programmées d'un commun accord et feront l'objet d'un avis de passage ", l'article 2 relatif aux conditions générales d'intervention précisant que " Les demandes d'essai ou d'intervention doivent être présentées ou confirmées par écrit " ; que l'avenant à ce contrat signé le 13 mars 2006, portant sur la vérification des équipements de levage et spécifiquement sur la nacelle, qui fixe une périodicité de vérification semestrielle, n'a ni pour effet ni pour objet de déroger aux conditions générales d'intervention de la société ; que, si cet avenant prévoit une vérification semestrielle de la nacelle, cette seule circonstance ne permet pas de regarder les dates d'intervention de la société comme ayant été fixées ; qu'il résulte clairement du contrat, qui prévoit, notamment, qu'à l'occasion des visites, le souscripteur s'engage à donner libre accès aux installations, à communiquer toutes informations nécessaires aux vérificateurs et à désigner un agent pour accompagner ces derniers à chaque visite, qu'il n'appartient pas à la SAS Apave Sud Europe de procéder de son propre chef aux vérifications des équipements de la commune, lesquelles doivent être sollicitées par cette dernière ou avoir fait l'objet d'une programmation d'un commun accord ; que la SAS Apave soutient sans être aucunement contredite par la commune de Saint-Gervais-les-Bains qu'aucune demande de vérification ne lui a été adressée à la date d'échéance, le 10 février 2010, et qu'aucun planning commun des interventions n'a été élaboré ; qu'ainsi, aucune négligence ne saurait être reprochée à la SAS Apave Sud Europe ; que, par suite, les conclusions de la commune de Saint-Gervais-les-Bains tendant à ce que la SAS Apave Sud Europe la garantisse, à hauteur de 50 %, de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle doivent être rejetées ;

26. Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Apave Sud Europe et non compris dans les dépens ;


En ce qui concerne les conclusions présentées par la société Dexia DS Services :

27. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 26 qu'aucune responsabilité ne peut être imputée à la SAS Apave Sud Europe dans la survenance de l'accident dont a été victime M. I...le 29 mars 2010 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions de la société Dexia DS Services tendant à ce que la SAS Apave Sud-Europe soit condamnée à lui rembourser les sommes qu'elle a exposées au titre des conséquences de cet accident doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de ses frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Sur la requête n° 15LY02199 :

28. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête de la commune de Saint-Gervais-les-Bains dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 15LY02199 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent privées d'objet ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions que M. et Mme I...présentent dans cette instance au titre de leurs frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15LY02199 de la commune de Saint-Gervais-les-Bains tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2015.
Article 2 : Le montant de l'indemnité en capital que la commune de Saint-Gervais-les-Bains a été condamnée à verser à M. I... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble est ramené de 1 799 379,49 à 1 692 949,58 euros et le montant de la rente trimestrielle allouée par l'article 2 de ce jugement de 46 884 à 31 122 euros.
Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2015 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Saint-Gervais-les-Bains versera une somme de 2 000 euros à la SAS Apave Sud Europe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Gervais-les-Bains, à M. G... I..., à Mme B...I..., à la SAS Apave Sud Europe, à la société Dexia DS Services, à la caisse des dépôts et consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2016.
Le rapporteur,
N. PeuvrelLe président,
Y. BoucherLa greffière,
I. Dupont
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 15LY01794, 15LY02199
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