CAA de PARIS, 6ème Chambre, 30/03/2016, 15PA02290, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 mars 2016
Num15PA02290
JuridictionParis
Formation6ème Chambre
PresidentMme FUCHS TAUGOURDEAU
RapporteurMme Marie-Isabelle LABETOULLE
CommissaireM. BAFFRAY
AvocatsGOSSEYE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 décembre 2013 par laquelle la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant.

Par une ordonnance n° 1410124 du 6 novembre 2014 le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juin 2015 et 21 août 2015 M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 6 novembre 2014 du vice président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) à titre subsidiaire d'annuler la décision du 17 décembre 2013 par laquelle la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant ;

4°) d'enjoindre à l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre de lui délivrer la carte d'ancien combattant dans un délai de sept jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à Me B...sous réserve qu'elle renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :

- sa requête devant le tribunal ne pouvait faire l'objet d'une ordonnance de rejet sur le fondement de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative dès lors que les documents qu'il produisait permettaient d'établir qu'il avait participé à des opérations de combat et satisfaisait aux conditions posées pour se voir délivrer la carte d'ancien combattant ;
- une fois l'annulation de l'ordonnance prononcée, la Cour devra renvoyer l'affaire devant le tribunal pour assurer l'effectivité du double degré de juridiction ;
- le directeur de l'ONAC, qui n'a pas joint à la décision attaquée l'avis de la commission nationale de la carte de combattant prévu par l'article R. 230 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ne justifie pas de la réalité dudit avis ni de la composition régulière de la commission qui l'a émis ;
- le requérant aurait du se voir délivrer la carte d'ancien combattant dès lors qu'il satisfaisait tant aux conditions posées par l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en ayant servi plus de quatre mois en Algérie entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, qu'aux conditions posées par l'article L. 253ter du même code en raison de sa présence au sein de l'armée française pendant deux ans.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2015 l'office national des anciens combattants conclut au rejet de cette requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 février 2016 ;

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...qui indique avoir servi dans l'armée française pendant plus de vingt mois pour des opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier1952 et le 2 juillet 1962 a déposé auprès de l'Office National des Anciens Combattants une demande d'attribution de la carte d'ancien combattant ; que par décision du 17 décembre 2013 la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre a rejeté sa demande ; qu'il a alors sollicité l'annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Paris qui, par ordonnance du 6 novembre 2014, a rejeté sa requête ; que M. C...interjette appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), le vice-président du tribunal administratif de Paris (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont pas manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;

3.Considérant que, devant le Tribunal administratif de Paris, M. C...a fait valoir qu'il avait combattu pendant vingt mois dans les rangs de l'armée française et a produit un extrait de services ; qu'ainsi, cette demande était assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que seule une formation collégiale pouvait, dès lors, régulièrement statuer sur la demande de première instance ; que, par suite, l'ordonnance du 6 novembre 2014 doit être annulée ;

4. Considérant que bien que M. C...ait conclu à titre principal au renvoi de l'affaire devant le tribunal, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, conformément aux conclusions de l'ONAC, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par le ministre de la défense que la commission prévue à l'article R. 388-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre a bien été saisie de sa demande qu'elle a examinée au cours de sa séance du 4 décembre 2013 et pour laquelle elle a émis un avis défavorable ; qu'il ressort également des pièces produites et notamment de l'extrait du procès verbal de cette séance que la commission était régulièrement composée lors de ladite séance ; que le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas justifié de la consultation régulière de la commission nationale de la carte du combattant doit dès lors, en tout état de cause, être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 253bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : les militaires des armées françaises, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa " ; que l'article R. 224 du même code pris pour l'application de cet article dispose que : " - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : a) En Tunisie, à compter du 1er janvier 1952 ; b) Au Maroc, à compter du 1er juin 1953 ; c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. I.- Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ;Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 253 ter du même code : " Ont également vocation à l'attribution de la carte du combattant, dans les conditions prévues à l'article L. 253 bis, les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de présentation de leur demande qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France " ;

6. Considérant que si M. C...justifie par l'extrait de service qu'il produit avoir servi en Algérie pendant la période visée par l'article R. 224 précité, il ressort de ce même document qu'incorporé provisoirement au CISM3 le 24 juin 1960, il a été embarqué à Alger le 18 juillet suivant pour être ensuite débarqué à Marseille le lendemain, puis être affecté au CI du 10° RAA de Vannes et n'a été renvoyé en Algérie que le 28 juin 1962, d'ailleurs pour une période de permission du 1er au 30 juillet 1962 ; qu'ainsi, il ne justifie pas avoir servi pendant quatre mois en Algérie comme le prévoit l'article L. 253 bis précité ou avoir appartenu pendant trois mois à une unité combattante ou une formation assimilée à une unité combattante comme le prévoit l'article R. 224, alors surtout que, ainsi qu'il ressort des pièces versées au dossier par le ministre en défense, le centre d'instruction du service du matériel n° 3 où il a servi du 24 juin au 18 juillet 1960 ne figure pas sur la liste des unités combattantes ; qu'il ne justifie pas non plus avoir participé à cinq actions de feu ou de combat ou avoir appartenu à une unité ayant connu pendant sa présence neuf action de feu ou de combat en application des dispositions des articles L. 253 bis et R. 224 précités, ni se trouver dans aucune autre des situations prévues par ces articles ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il aurait du se voir reconnaitre la qualité de combattant sur le fondement de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre du fait de son service en Algérie ;

7. Considérant que s'il soutient qu'il devrait en tout état de cause se voir reconnaitre également cette qualité sur le fondement des dispositions de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il se borne à faire état de ce qu'il a servi pendant prés de deux ans dans l'armée française mais ne justifie ni même n'allègue avoir participé pendant cette période soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France ; qu'il n'est dès lors pas fondé à se prévaloir de ces dispositions à l'encontre de la décision attaquée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 17 décembre 2013 par laquelle la directrice générale de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fins d'annulation de la décision attaquée présentées par M. C...n'implique aucune mesure d'exécution ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au directeur de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre de lui délivrer une carte de combattant ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C...et son conseil demandent en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


DÉCIDE :


Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 6 novembre 2014 est annulée.
Article 2 : La demande de M. C...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C...devant la Cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 4 : les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée à l'office national des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet président assesseur ,
- Mme Labetoulle, premier conseiller,


Lu en audience publique, le 30 mars 2016


Le rapporteur,
M-I. LABETOULLE
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02290