CAA de PARIS, 10ème chambre, 29/03/2016, 15PA03902, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 mars 2016
Num15PA03902
JuridictionParis
Formation10ème chambre
PresidentM. KRULIC
RapporteurM. Brice AUVRAY
CommissaireM. OUARDES
AvocatsSCP SAIDJI & MOREAU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris de prescrire une expertise médicale aux fins de l'examiner, de décrire son état actuel, de déterminer et d'évaluer tous les préjudices extra patrimoniaux qu'il subit.

Par une ordonnance n° 1505030/11-5 du 15 septembre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 septembre 2015 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prescrire l'expertise médicale sollicitée et de désigner le docteur Paul Jean-François en qualité d'expert ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée, faute de répondre au moyen tiré de ce que l'expertise demandée n'est pas inutile ;
- l'expertise sollicitée n'est pas privée d'objet du seul fait que sa pension de retraite a été révisée dès lors que la rente viagère qui y est associée rémunère seulement l'incapacité permanente partielle à l'exclusion de tous autres préjudices ;
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal a estimé que l'expertise demandée était inutile du fait des nombreuses expertises déjà effectuées dès lors qu'il s'agissait, en réalité, de simples examens médicaux et que l'expertise judiciaire précédemment ordonnée par le juge des référés du tribunal par ordonnance n° 1301898/11-5 du 18 avril 2013 ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un déficit fonctionnel, temporaire ou permanent, et n'a déterminé ses préjudices extra patrimoniaux ni avant, ni après consolidation.

La requête a été communiquée au ministre des finances et des comptes publics, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :
- l'ordonnance n° 1301898/11-5 du 18 avril 2013 ;
- le rapport d'expertise déposé le 10 octobre 2014 ;
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui a bénéficié d'un congé de longue maladie du 14 septembre 2009 au 13 septembre 2010, suivi d'un congé de longue durée du 14 septembre 2010 au 26 septembre 2012, a été mis à la retraite à effet de cette dernière date, sans que son invalidité ait été reconnue imputable au service, ce que l'intéressé a contesté ; que le ministre de l'économie et des finances a indiqué, dans son mémoire en défense produit le 29 juin 2015 devant le juge des référés de première instance, qu'en exécution du jugement n° 1301883/3-3 du 19 mai 2015 rendu par le Tribunal administratif de Paris, M. A...allait bénéficier d'une révision de sa pension avec une invalidité imputable au service ; que, toutefois, en première instance comme en cause d'appel, M. A...maintient sa demande d'expertise en estimant que cette pension n'a pas vocation à réparer l'ensemble des préjudices extra patrimoniaux qui, selon lui, résultent de la pathologie dont il souffre et qui a été reconnue imputable au service ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, il appartient au juge des référés saisi d'une demande d'expertise de rechercher dans quelle mesure cette expertise peut être utile à la solution d'un éventuel litige ; que, dans l'hypothèse où une telle expertise a déjà été ordonnée et que le juge des référés se trouve saisi d'une nouvelle demande portant sur le même objet, cette recherche porte sur l'utilité qu'il y aurait à compléter ou à étendre les missions assignées à la première expertise ;

3. Considérant, en premier lieu, que si l'ordonnance n° 1301898/11-5, rendue le 18 avril 2013 par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, avait notamment assigné à M.D..., médecin désigné en qualité d'expert, de décrire les préjudices psychologiques et extra patrimoniaux de M. A...au jour de sa radiation des cadres et d'en préciser les conséquences, il résulte de l'instruction que l'expertise effectuée en exécution de cette ordonnance ne répond pas à cette question, laquelle ne figurait du reste pas expressément dans la demande alors formulée par M.A..., qui avait sollicité une expertise médicale aux seules fins de décrire la pathologie dont il était affecté et d'apprécier son imputabilité au service ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle ; que les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, notamment dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre des finances et des comptes publics, M. A...n'a pas fait l'objet d'expertises portant sur les préjudices extra patrimoniaux que ce dernier aurait subis avant, puis après la consolidation de son état de santé psychologique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette ordonnance, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a, par suite, lieu d'annuler cette ordonnance et de donner mission à l'expert désigné par le président de la Cour :

- de procéder à l'examen de M. C...A...et de décrire son état psychologique ;

- de déterminer, puis d'évaluer les préjudices extra patrimoniaux dont M. A...a souffert avant la consolidation de son état, lesquels comprennent le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire subis ;

- de déterminer, puis d'évaluer les préjudices extra patrimoniaux dont M. A...souffre depuis la consolidation de son état, lesquels comprennent le déficit fonctionnel permanent, le préjudice moral et le préjudice esthétique permanent ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1505030/11-5 du 15 septembre 2015 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Il sera procédé par un expert désigné par le président de la Cour à une expertise dans les conditions prévues par les motifs du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics (service des retraites de l'Etat).
Délibéré après l'audience du 15 mars 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 mars 2016.


Le rapporteur,





B. AUVRAY
Le président,





J. KRULIC
Le greffier,




C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03902