Conseil d'État, 10ème chambre, 09/11/2016, 394872, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 30 septembre 2010, par laquelle le ministre de la défense a refusé de revaloriser sa pension militaire d'invalidité sur la base du grade de lieutenant.
Par une ordonnance n° 1100112 du 11 avril 2011, le président du tribunal administratif de Bastia a transmis la requête de M. B...au tribunal des pensions de Corse-du-Sud.
Par une ordonnance du 12 septembre 2011, la présidente du tribunal de grande instance d'Ajaccio a transmis le dossier au tribunal des pensions de Bastia.
Par un jugement n° 14-00026 du 1er décembre 2014, le tribunal des pensions de Bastia a annulé la décision du ministre de la défense du 30 septembre 2010, ordonné la liquidation de la pension militaire d'invalidité de M. B... au grade de lieutenant et la perception des arrérages correspondant à cette revalorisation à compter du 22 octobre 2007.
Par un arrêt n° 15/00026 du 21 septembre 2015, la cour régionale des pensions de Bastia a rejeté l'appel formé par le ministre de la défense contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 27 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été radié des cadres de l'armée active le 3 septembre 2000 au grade d'adjudant-chef. Une pension militaire de retraite lui a alors été concédée. Par arrêté du 28 juillet 2008, une pension militaire d'invalidité lui a également été concédée sur la base du taux du grade d'adjudant-chef, détenu à la date de sa radiation des contrôles le 3 septembre 2000. A l'issue de deux engagements de courte durée effectués dans la réserve, sa pension militaire de retraite a été revalorisée, par arrêté du 28 juin 2010, au grade de lieutenant. M. B...a demandé au ministre de la défense que sa pension militaire d'invalidité soit également revalorisée sur la base du grade de lieutenant. Par une décision du 30 septembre 2010, confirmée par courrier du 8 novembre 2010, le ministre de la défense a rejeté cette demande. Le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 septembre 2015 par lequel la cour régionale des pensions de Bastia a confirmé le jugement du 1er septembre 2014 du tribunal des pensions de Bastia annulant cette décision et ordonnant la revalorisation de la pension militaire d'invalidité de M. B...au grade de lieutenant ainsi que la perception des arrérages correspondant à cette revalorisation à compter du 22 octobre 2007.
2. Aux termes de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les juridictions des pensions ne sont compétentes que sur les contestations soulevées par l'application du livre Ier et du livre II de ce code. Les pensions mixtes de retraite et d'invalidité sont prévues à l'article L. 34 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dès lors, le contentieux de ces pensions relève de la compétence du juge administratif de droit commun, à l'exception des questions relatives à l'existence, à l'origine médicale et au degré de l'invalidité, lesquelles doivent être tranchées par la juridiction des pensions.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... perçoit une pension mixte de retraite et d'invalidité. La demande présentée par lui devant la juridiction des pensions et tendant à ce que sa pension militaire d'invalidité soit revalorisée sur la base du grade de lieutenant ne portait sur aucune des questions relevant de la juridiction des pensions. Ainsi, en écartant le moyen, au demeurant d'ordre public, soulevé devant elle par le ministre de la défense tiré de l'incompétence de la juridiction des pensions, la cour régionale des pensions de Bastia a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Cet arrêt doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le tribunal des pensions de Bastia n'était pas compétent pour statuer sur la demande de M.B.... Son jugement doit, par suite, être annulé.
6. Lorsqu'en la qualité de juge d'appel que lui confère l'application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat annule un jugement rendu en première instance au motif que la juridiction administrative saisie n'était pas compétente, il peut, soit, en vertu des dispositions de l'article R. 351-1 du même code, attribuer le jugement de l'affaire à la juridiction administrative compétente en première instance, soit évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M.B....
7. Aux termes de l'article L. 34 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les militaires qui ont été atteints en service d'infirmités susceptibles d'ouvrir droit à pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité reçoivent la pension dudit code afférente à leur grade (...) ". Aux termes de l'article R. 50 du même code : " La pension du code des pensions militaires d'invalidité attribuée aux militaires mentionnés à l'article L. 34 est calculée sur la base du grade détenu à la date de la radiation des cadres ".
8. Si la pension militaire de retraite de M. B...a été revalorisée à l'issue de ses engagements dans la réserve, cette circonstance est sans influence sur le calcul et le montant de la pension militaire d'invalidité qu'il percevait en application des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite dont il résulte que la pension militaire d'invalidité dont bénéficie le militaire qui y a droit est liquidée sur la base du grade atteint à la fin de la période d'activité au cours de laquelle a eu lieu l'évènement ouvrant droit à pension. Par suite, M. B...ne peut prétendre à la révision, sur la base du grade de lieutenant, de sa pension militaire d'invalidité. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 30 septembre 2010, le ministre de la défense a rejeté sa demande.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bastia du 21 septembre 2015 et le jugement du tribunal des pensions de Bastia du 1er décembre 2014 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.