CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/05/2017, 15NT02803, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 mai 2017
Num15NT02803
JuridictionNantes
Formation3ème chambre
PresidentMme PERROT
RapporteurM. Eric GAUTHIER
CommissaireM. GIRAUD
AvocatsABC ASSOCIATION BERTHAULT COSNARD

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.
Par un jugement n° 1301690 du 13 juillet 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 septembre 2015 et 13 mars 2017 Mme D...F..., représentée par Me Berthault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2015 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 3 avril 2013 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;

3°) d'enjoindre au Premier ministre de lui verser une rente viagère d'un montant de 543,64 euros à compter du 8 juin 2005, subsidiairement d'enjoindre à l'office national des anciens combattants de lui verser cette rente à compter du 24 août 2012 ;


4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 284 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur de droit ; le décret du 27 juillet 2004 ne vise pas uniquement les victimes de la barbarie nazie mais toutes les victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait ; son père n'est pas mort " au cours d'opérations de guerre " ;
- elle remplit les conditions pour obtenir la mesure de réparation sollicitée ; la décision contestée méconnaît par suite les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Une mise en demeure a été adressée le 2 mai 2016 à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre qui n'a pas produit de mémoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2016, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme F...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2017 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me Berthault, représentant Mme F....

1. Considérant que MmeF..., née le 12 juillet 1938, a perdu son père M. A... C..., quartier-maître chauffeur à bord du cuirassé " Dunkerque ", décédé le 3 juillet 1940 à la suite de l'attaque menée par les forces anglaises contre la flotte française stationnée à Mers-El-Kébir ; qu'elle a sollicité le bénéfice des dispositions du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ; qu'elle relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2013 du Premier ministre rejetant sa demande tendant au bénéfice de la réparation prévue par ce texte ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ. " ; qu'aux termes de l'article L. 290 du même code : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ. " ;

3. Considérant que les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, auxquelles renvoient les dispositions du décret du 27 juillet 2004, visent expressément les personnes qui ont été victimes de l'ennemi ; qu'en l'espèce, M. A... C...est décédé le 3 juillet 1940 à la suite de l'attaque menée contre la flotte française stationnée à Mers El-Kébir par les forces anglaises lesquelles, quelles que fussent les circonstances dramatiques de cette opération militaire, ne constituaient pas des forces ennemies ; qu'ainsi le décès du père de la requérante n'est pas imputable aux forces d'occupation ennemies au sens des dispositions citées au point 2 ; que, par suite, la décision du 3 avril 2013 du Premier ministre n'est pas entachée d'erreur de droit ;

4. Considérant, au surplus, que le père de Mme F...est mort du fait de blessures reçues au cours d'opérations militaires conduites par une armée alliée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, M. A... C...n'a pas été exécuté à la suite d'une arrestation par les forces ennemies mais est décédé au cours d'une opération de guerre ; que la décision contestée n'est, par suite, pas davantage entachée d'erreur de fait ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la requérante ne remplit pas les conditions pour obtenir la mesure de réparation sollicitée ; que, par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F..., au Premier ministre et à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre.


Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2017.


Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. Laurent


La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02803