Conseil d'État, 7ème chambre, 19/07/2017, 404969, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 juillet 2017
Num404969
Juridiction
Formation7ème chambre
RapporteurM. Thomas Odinot
CommissaireM. Olivier Henrard
AvocatsCORLAY

Vu les procédures suivantes :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 février 2014 qui a annulé le titre de pension qui lui avait été concédé le 3 juillet 2006 et a fixé le montant du trop-perçu et, d'autre part, l'arrêté du 17 février 2014 lui concédant une nouvelle pension à compter du 1er décembre 2013.

Par un jugement n° 1401786 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.

1° Sous le n° 404969, par un pourvoi enregistré le 10 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de fixer la date d'effet de la pension de M. B... au 19 avril 2009.

2° Sous le n° 405906, par une requête enregistrée le 13 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M.B....



1. Considérant que le pourvoi et la requête à fin de sursis à exécution du ministre de l'économie et des finances sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M.B..., fonctionnaire de la direction générale de la sécurité extérieure au ministère de la défense, a été radié des cadres successivement par trois arrêtés des 6 mars 2001, 22 octobre 2007 et 30 octobre 2013, respectivement annulés, par un arrêt du 18 septembre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris, un arrêt du 2 juillet 2013 de la même cour en tant que l'arrêté rétroagissait au 1er février 2001, et un jugement du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Paris ; que, par un arrêté du 17 février 2014, le ministre de l'économie et des finances a concédé à M. B...un titre de pension à effet au 1er décembre 2013 ; que, par un arrêté du 18 février 2014, le ministre a annulé un titre de pension précédemment concédé à M. B...par un arrêté du 3 juillet 2006 à effet au 1er mars 2006 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre le jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés des 17 et 18 février 2014 et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur le pourvoi dirigé contre le jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit / (...) " ; que ces dispositions ne sauraient faire obstacle à ce que l'administration, qui est tenue d'assurer l'exécution des décisions de justice, annule la pension initialement concédée à un agent lorsque celle-ci se trouve, par l'effet d'une décision du juge administratif, privée de base légale ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si l'arrêté du 22 octobre 2007 radiant des cadres M. B...a été annulé par un arrêt du 2 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il rétroagissait au 1er février 2001, il est demeuré en vigueur en tant qu'il porte sur la période postérieure au 22 octobre 2007 dès lors que, par son jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2013 qui avait pour effet de l'abroger ; qu'il suit de là que l'administration était tenue d'assurer l'exécution de ces décisions de justice relatives à la radiation des cadres de M.B..., qui doit être regardée comme ayant pris effet au 22 octobre 2007, en annulant le titre de pension qui lui avait été concédé à effet du 1er mars 2006 par un arrêté du 3 juillet suivant ; que, par suite, le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite interdisaient à l'administration de réviser la pension de M. B...concédée par l'arrêté du 3 juillet 2006 et, d'autre part, que l'administration ne pouvait pas légalement annuler cet arrêté et concéder à M. B...une nouvelle pension tenant compte de la date de radiation des cadres résultant des décisions de justice précitées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que par la présente décision le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie et des finances contre le jugement du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Bordeaux.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 405906 du ministre de l'économie et des finances.
Article 4 : Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A...B....

ECLI:FR:CECHS:2017:404969.20170719