CAA de PARIS, 2ème chambre, 20/09/2017, 16PA03000, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 décembre 2014 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a fixé la date de consolidation de ses troubles dépressifs au 1er mai 2013 et a refusé de rattacher à l'accident de service du 16 novembre 2010 les arrêts de travail postérieurs au 1er mai 2013. a constaté la consolidation depuis le 1er mai 2013 de son accident de service survenu
le 16 novembre 2010 et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 1er mai 2013 au
19 décembre 2014.
Par un jugement n° 1500023/5-1 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2016, Mme C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500023/5-1 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 9 décembre 2014 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a fixé la date de consolidation de ses troubles dépressifs au 1er mai 2013 et a refusé de rattacher à l'accident de service du 16 novembre 2010 les arrêts de travail postérieurs au 1er mai 2013. a constaté la consolidation depuis le 1er mai 2013 de son accident de service survenu le 16 novembre 2010 et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 1er mai 2013 au 19 décembre 2014.
Elle soutient que :
- si la procédure suivie devant la commission de réforme n'était pas irrégulière en la forme, elle l'était sur le fond, en raison du manque d'impartialité ; la commission de réforme aurait du faire procéder à une expertise complémentaire, même si elle n'était pas tenue de le faire ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la consolidation de son état ni sa guérison n'étant établies ; aucun certificat final de consolidation n'a été délivré ; le médecin sur le certificat duquel s'appuie la décision contestée n'avait pas pour mission de décider de la consolidation de son état et encore moins de fixer un taux d'incapacité temporaire de travail ; la consolidation ne met pas forcément fin à la situation d'accident de service d'après la jurisprudence ; aucun médecin n'a écrit qu'elle était guérie de sa première pathologie ; la cervicalgie, qui était temporaire, n'était qu'une affectation qui s'est ajoutée à sa pathologie initiale, à savoir un état dépressif, qui perdure ;
- la décision contestée est entachée d'une violation du principe de non rétroactivité.
Une mise en demeure a été adressée le 18 avril 2017 au ministre de l'intérieur.
Par ordonnance du 8 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juin 2017.
Un mémoire en défense, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a été enregistré le 6 juillet 2017 après clôture de l'instruction.
Un mémoire, présenté par MmeC..., a été enregistré le 4 septembre 2017 après clôture de l'instruction. .
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que MmeC..., adjointe administrative principale de 2ème classe, affectée à la préfecture de la région Ile-de-France depuis le 1er février 2006, a été victime d'une agression physique et verbale par son supérieur hiérarchique, le 16 novembre 2010 dont l'imputabilité au service a été reconnue par l'administration ; qu'elle a été placée en congé maladie du 6 juillet au 18 août 2011 puis à compter du 22 septembre 2011 ; que, par un avis du 20 novembre 2014, la commission de réforme a conclu à la consolidation au 1er mai 2013 de sa dépression en lien avec l'accident de service du 16 novembre 2010 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % et a relevé que la seconde pathologie dont faisait état Mme C...relevait d'une cause étrangère ; que, par une décision du 9 décembre 2014, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a en conséquence décidé de ne pas rattacher les certificats médicaux présentés par Mme C...depuis le 1er mai 2013 à l'accident de service du 16 novembre 2010, a estimé qu'il n'y avait toutefois pas lieu de lui demander le remboursement du traitement trop perçu à compter du 1er août 2013 et a invité l'intéressée à prendre attache avec ses services pour examiner sa situation et prévoir soit une reprise de fonctions, soit un placement en disponibilité à compter du 5 janvier 2015 ; que, Mme C...relève appel du jugement
n° 1500023/5-1 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation de la décision du 9 décembre 2014 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...)La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. (...)" ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que la commission de réforme, saisie pour avis sur l'imputabilité au service des arrêts maladie de MmeC..., n'était pas tenue de faire procéder à une expertise complémentaire alors que trois rapports d'expertise avaient déjà porté sur la situation de l'intéressée ; que la circonstance que la commission de réforme se soit fondée sur les conclusions de l'expertise du DrB..., qui différaient de celles des deux autres experts et de son médecin traitant n'est pas de nature à remettre en cause l'impartialité de cette instance ;
4. Considérant, d'autre part, que Mme C...soutient que plusieurs vices de procédure sont révélateurs de ce que la procédure était un " simulacre " et que la commission était partiale ; qu'ainsi, aucun " résumé de l'affaire " n'a été présenté devant les membres de la commission de réforme, lorsque son mari, auquel elle avait donné procuration pour la représenter, a comparu devant ladite commission le 20 novembre 2014 ; qu'elle fait également valoir que les membres de la commission de réforme n'ont pas répondu à des questions de son mari ; qu'il n'est toutefois pas contesté par l'intéressée que son mari a pu intervenir devant la commission de réforme et faire valoir des observations en son nom ; qu'en outre, il ne résulte d'aucune disposition du décret du 14 mars 1986, ni d'aucun principe, qu'un résumé de l'affaire doive être exposé devant ladite commission, avant que l'agent concerné ou son représentant ne présente ses observations ; qu'enfin, si la requérante soutient que le procès-verbal de la séance de la commission de réforme est " quasi-vide ", elle ne précise pas quelles seraient les mentions manquantes selon elle, ni en quoi de telles omissions auraient eu une incidence sur le sens de la décision prise ou l'auraient privée d'une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure devant la commission de réforme aurait été entachée de partialité doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...ne peut utilement se prévaloir des termes d'une circulaire du 25 novembre 2008 du ministre de l'agriculture et de la pêche qui mentionne l'obligation de fournir un certificat médical de consolidation, laquelle ne s'applique pas à sa situation et est, en tout état de cause, dépourvue de caractère réglementaire ; qu'en outre, le moyen tiré de la méconnaissance de circulaires du ministre de l'éducation nationale, qui n'est même pas son employeur, ainsi que de circulaires du ministre de l'intérieur ou de la DGAFP, lesquelles mentionneraient l'obligation de fournir un certificat médical de consolidation, n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant au juge d'en apprécier le bien fondé ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que le médecin expert, le
DrB..., se soit également prononcé sur le taux d'invalidité permanente de Mme C...n'est pas de nature à invalider son rapport d'expertise ni à regarder la décision en litige comme entachée d'illégalité ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " ;
8. Considérant que la date de consolidation de l'état de santé correspond au moment où l'état de santé est stabilisé, ce qui permet d'évaluer l'incapacité permanente en résultant ; qu'elle est donc sans incidence sur la persistance de l'affection dont peut souffrir la victime et, partant, sans incidence sur l'imputabilité à un accident de service des troubles en résultant et qui ont persisté après cette date ; que le droit à la prise en charge au titre de l'accident de service des arrêts de travail et des frais de soins postérieurs à la consolidation demeure toutefois subordonné au caractère direct du lien entre l'affection et l'accident de service ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a été soignée à partir du début de l'année 2013 pour une hernie discale et une névralgie cervico-brachiale qui lui est associée ; que, si Mme C...se prévaut des conclusions d'un rapport d'expertise du docteur Champay, en date du 25 septembre 2014, indiquant que l'" on peut considérer que les certificats de rechute sont bien en relation avec l'accident et que les arrêts de travail de la patiente sont actuellement justifiés ", il ressort toutefois de ce même rapport que le praticien a estimé qu'" il n'y a pas de corrélation formelle entre l'apparition de la névralgie cervico-brachiale d'origine mécanique et le traumatisme initial " ; qu'en outre, si un certificat médical établi le 13 mai 2013 par le docteur Lapras indique qu'il est " légitime de se poser la question d'une relation entre cet accident et la hernie discale " dont souffre l'intéressée, une deuxième expertise, établie par le docteur B...le 4 mars 2014, a conclu qu'" il n'est pas possible d'améliorer l'état de santé de MmeC... ", qu'il persistait à cette date une invalidité permanente partielle de 10 % et que les prolongations à compter du mois de mai 2013 étaient liées à sa pathologie neurochirurgicale ; que, si dans un premier rapport d'expertise, en date du 17 avril 2013, le docteur Yanisse, psychiatre, a indiqué que " les arrêts de travail sont toujours en lien avec cet accident ", une telle appréciation n'est pas de nature à faire obstacle à ce que les arrêts de travail postérieurs au 1er mai 2013 soient considérés comme ne pouvant être rattachés à l'accident de service initial ; que, par suite, les arrêts de travail et les soins prescrits par son psychiatre traitant dont Mme C...a demandé la prise en charge postérieurement au 1er mai 2013 ne sauraient être regardés comme étant en relation directe et certaine avec l'accident de service du 16 novembre 2010 survenu plus de deux ans auparavant ; que, dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que la pathologie cervico-brachiale pour laquelle elle a été soignée en 2013 n'était pas imputable à l'accident de service survenu le 16 novembre 2010, en constatant la consolidation depuis le 1er mai 2013 de son état de santé et en la plaçant en congé de maladie ordinaire du 1er mai 2013 au 19 décembre 2014 ;
9. Considérant, en dernier lieu, que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir ; que s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ; que l'administration était tenue, à l'issue de la procédure mise en oeuvre pour apprécier la situation médicale de MmeC..., de régulariser la situation de cette dernière ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 9 décembre 2014 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a constaté la consolidation depuis le 1er mai 2013 de son accident de service survenu
le 16 novembre 2010 et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 1er mai 2013 au
19 décembre 2014 serait entaché d'une rétroactivité illégale ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la région de Paris et d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 septembre 2017.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03000