Conseil d'État, 5ème chambre, 18/10/2017, 400000, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 octobre 2017
Num400000
Juridiction
Formation5ème chambre
RapporteurM. Florian Roussel
CommissaireMme Laurence Marion
AvocatsSCP LEVIS ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Vu la procédure suivante :

M. C...F...D..., Mme E...D...et leurs enfants Mme B...D...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de mettre à la charge de l'Etat la réparation des préjudices ayant résulté de la vaccination de M. D... contre l'hépatite B. Par un jugement n° 1003870 et 1301218 du 20 mars 2014, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14BX01492 du 22 mars 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par les consorts D...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 22 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et par un mémoire en réplique, enregistré le 23 mai 2017, les consorts D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat des consorts D...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocomiales.




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C...D..., maréchal chef des logis de la gendarmerie nationale, a reçu trois injections d'un vaccin anti-hépatite B, pratiquées les 7 novembre 2002, 10 octobre 2005 et 17 novembre 2005 ; qu'il a développé une sclérose latérale amyotrophique qui a été déclarée imputable au service, le 7 octobre 2008, par la commission consultative médicale des anciens combattants et victimes de guerre et a donné lieu au versement, à compter du 4 mars 2008, d'une pension militaire d'invalidité, qui répare forfaitairement les préjudices subis; que M. D..., son épouse et leurs deux enfants ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices subis du fait de cette maladie qui n'étaient pas réparés par la pension versée ; que, pour rejeter l'appel formé par les consorts D...contre le jugement du 20 mars 2014 qui a rejeté cette demande, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par l'arrêt attaqué du 22 mars 2016, estimé que la pathologie de M.D..., apparue au plus tard en septembre 2005, ne pouvait être regardée comme imputable aux injections de vaccins qu'il avait reçues ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour se prononcer ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur la chronologie des faits dressée par l'expert désigné par le juge des référés de la cour, qui indiquait que l'entorse du genou apparue en mars 2005 pouvait avoir été favorisée par une faiblesse du membre inférieur droit constituant le " premier signe insidieux d'une maladie encore inconnue ", sur un courrier rédigé le 25 août 2006 par un neurologue, qui relevait une symptomatologie débutant en septembre 2005 avec un déficit amytrophiant du membre inférieur droit et, enfin, sur un certificat médical établi le 11 janvier 2007 par un autre praticien hospitalier, qui fixait au mois de mars 2005 la date d'apparition des premiers symptômes ; que l'appréciation souveraine qu'elle a ainsi portée sur les pièces du dossier est exempte de dénaturation ; que, compte tenu du délai ayant séparé l'injection du 7 novembre 2002 et l'apparition des premiers symptômes et du fait que l'injection suivante a eu lieu en octobre 2005, la cour, qui n'a cité ou mentionné les articles L. 2, L. 3 et L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que pour en écarter l'application en l'espèce, a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le lien de causalité entre la vaccination et l'apparition de la maladie n'était pas établi ;

3. Mais considérant que la circonstance qu'une personne ait manifesté des symptômes d'une sclérose latérale amyotrophique antérieurement à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue n'exclut pas que la vaccination ait pu avoir un effet dommageable en contribuant à aggraver cette affection ; que, par suite, en ne répondant pas au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la vaccination avait aggravé la pathologie de M.D..., la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions des consorts D...tendant à l'indemnisation de leurs préjudices résultant d'une aggravation de la pathologie par l'effet de la vaccination ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux consorts D...de la somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 22 mars 2016 est annulé qu'il rejette les conclusions des consorts D...tendant à l'indemnisation de leurs préjudices résultant de l'aggravation de la sclérose latérale amyotrophique dont M. D...est atteint.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera aux consorts D...la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi des consorts D...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C...F...D..., à Mme E... D..., à Mme B...D..., à M. A...D..., à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

ECLI:FR:CECHS:2017:400000.20171018