CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 23/02/2017, 15NC02300, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 février 2017
Num15NC02300
JuridictionNancy
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentMme ROUSSELLE
RapporteurM. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
CommissaireM. COLLIER
AvocatsPICOCHE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficiait au titre de la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre la première décision, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de renouveler ladite allocation en fixant son taux d'invalidité global à 45 % à compter du 29 décembre 1998 et à 84 % à compter du 9 février 2002.

Par un jugement n° 1204064 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions attaquées, a fixé le taux global d'invalidité de M. B...à 40 % à la date du 29 décembre 1998 et à 83,20 % à la date du 25 janvier 2002 et a enjoint au ministre de l'intérieur de prendre une décision attribuant une allocation temporaire d'invalidité à M. B...sur la base des taux précités.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 19 novembre 2015, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 septembre 2015 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- le refus de renouveler le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité est justifié au vu du rapport de l'expertise médicale du 16 avril 2010 qui fixe le taux d'incapacité permanente résultant des accidents des 5 octobre 1987, 11 mai 1992 et 19 octobre 1998 à moins de 10 % ;
- les premiers juges ne pouvaient écarter ce rapport d'expertise dès lors que l'expert a rendu ses conclusions au terme d'un raisonnement médical méticuleux et au vu des éléments médicaux remis par l'intimé ;
- ledit rapport confirme les conclusions rendues dans le cadre des expertises diligentées les 24 décembre 1998, 30 septembre 1999 et 8 juillet 2000, à des dates proches de celle du 28 décembre 1998 à laquelle aurait dû être prise une décision sur le renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité ;
- l'expert consulté le 25 janvier 2002, quelques jours avant la radiation des cadres de l'intimé le 9 février suivant, a estimé que ce dernier présentait un taux d'incapacité supérieur à 10 % en imputant à tort l'hernie discale dont souffrait l'intéressé à l'accident du 19 octobre 1998 ;
- plusieurs experts ont relevé la mauvaise volonté voire la dissimulation de l'intimé lors des opérations d'expertise ;
- la radiation des cadres est intervenue le 9 février 2002 et non le 25 janvier 2002, ainsi que l'on retenu à tort les premiers juges.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 21 mars 2016 et le 13 septembre 2016, M. A... B..., représenté par MeC..., conclut au rejet du recours et à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...fait valoir que :

- le ministre devait se prononcer sur son droit à l'allocation temporaire d'invalidité au vu des seuls rapports d'expertise établis le 5 janvier 1999, lors du renouvellement quinquennal de cette allocation, et les 25 janvier et 9 février 2002, lors de sa radiation des cadres ;
- le rapport d'expertise du 16 avril 2010 est irrégulier en ce qu'il méconnaît les principes d'impartialité et du contradictoire, ainsi que l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 et les articles 1 à 6 du décret du 6 octobre 1960, qu'il porte une appréciation rétrospective sur sa situation médicale et qu'il mentionne des faits inexacts ;
- les rapports d'expertise des 24 décembre 1998, 30 septembre 1999 et 8 juillet 2000, qui méconnaissent les mêmes principes et les mêmes dispositions, sont incomplets ;
- son incapacité résultant des accidents des 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 a été aggravée par l'accident survenu le 19 octobre 1998, auquel est imputable sa hernie discale ;
- la décision du 5 mars 2012 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration n'a pas donné suite à ses demandes tendant à la transmission de son dossier médical à son médecin traitant et a omis de soumettre à la commission de réforme les éléments médicaux justifiant du taux d'incapacité sollicité.
Le ministre de l'intérieur a été mis en demeure le 12 avril 2016, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de deux accidents de service survenus les 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 dans le cadre de ses fonctions de sous-brigadier de la police nationale, M.B..., né le 12 avril 1953, a, en application d'un arrêté du ministre de l'intérieur du 20 octobre 1997, bénéficié d'une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % accordée pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 ; que, par un arrêté du 19 octobre 2000, le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler le bénéfice de cette allocation pour une nouvelle période de cinq ans à compter du 29 décembre 1998 au motif que, malgré un nouvel accident de service survenu le 19 octobre 1998, le taux d'invalidité global de M. B...était inférieur à 10 % ; que la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cet arrêté pour vice de procédure par un arrêt du 30 mars 2006, devenu définitif ; que statuant à nouveau sur la situation de M.B..., radié des cadres à la date du 9 février 2002, le ministre de l'intérieur a confirmé son refus de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité par une décision du 21 février 2007 ; que cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 juin 2009, devenu définitif, au motif qu'elle avait été prise au terme d'une procédure irrégulière ; que, par une nouvelle décision du 5 mars 2012, le ministre a de nouveau opposé un refus à M.B... ; que par un jugement du 24 septembre 2015, dont le ministre de l'économie et des finances relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 5 mars 2012, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de M.B..., a fixé le taux global d'invalidité de ce dernier à 40 % à la date du 29 décembre 1998 et à 83,20 % à la date du 25 janvier 2002 et a enjoint à l'administration de prendre une nouvelle décision au bénéfice de l'intéressé en lui attribuant une allocation temporaire d'invalidité sur la base des taux précités ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pension (...) " ;
3. Considérant que la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision du ministre de l'intérieur du 5 mars 2012 tendait à obtenir le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 et de l'article R. 811-1 du code de justice administrative qu'un tel litige relève en premier et dernier ressort du tribunal administratif ; qu'il y a lieu, en conséquence, de transmettre le recours du ministre de l'économie et des finances au Conseil d'État ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est renvoyé au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

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N° 15NC02300