CAA de DOUAI, 3ème chambre - formation à 3, 12/04/2018, 16DA01029, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon (Oise) à lui verser la somme totale de 170 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence d'accidents de service lui ayant occasionné des troubles lombaires.
Par un jugement n° 1401676 du 25 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2016, MmeA..., représentée par Me F...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 25 mars 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à lui verser la somme de 170 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me C...B..., représentant le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon.
1. Considérant que MmeA..., agent des services hospitaliers et qui exerçait ses fonctions d'auxiliaire de puériculture au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon (Oise), a présenté un carcinome basocellulaire sur l'aile droite du nez, qui a été diagnostiqué en mai 2002 et qui a nécessité la réalisation de deux interventions chirurgicales, la même année puis en 2003 ; que cette pathologie a été reconnue comme imputable au service, l'état de l'intéressée ayant été regardé comme consolidé au 19 octobre 2010 et Mme A...ayant toutefois conservé une incapacité permanente partielle de 30% ; qu'ayant dû, entre-temps, subir une nouvelle intervention chirurgicale justifiée par la découverte d'un sarcome du stroma endométrial, laquelle a été associée à des séances de radiothérapie et à une curiethérapie, Mme A...a développé en 2003, dans ce contexte difficile, un syndrome dépressif ; que, sur ce terrain fragilisé, Mme A...a ensuite présenté une lombosciatalgie d'effort le 10 janvier 2007 ; que celle-ci a été reconnue comme imputable au service, à la suite de l'avis favorable émis le 12 septembre 2007 par la commission de réforme, qui a préconisé que l'aménagement du poste de travail de l'intéressée soit étudié en lien avec le médecin de prévention ; que Mme A...a repris, dans un premier temps, son activité à mi-temps le 15 novembre 2007, puis à 80 % ensuite, la consolidation de son état ayant été fixée au 13 février 2008, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % ; que Mme A...ayant enfin présenté deux nouveaux épisodes de lombosciatique, elle été placée en arrêt de travail, puis en congé de longue durée à compter du 4 décembre 2011 ; qu'en raison notamment du syndrome anxio-dépressif développé par l'intéressée, ce congé de longue durée a été reconduit jusqu'au 3 mars 2014 ; que Mme A...relève appel du jugement du 25 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon à lui verser la somme totale de 170 000 euros en réparation des préjudices qu'elle indique avoir subis en conséquence des troubles lombaires dont elle a souffert et qu'elle estime intégralement imputables au service ;
2. Considérant que les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et celles de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui instituent, en faveur des fonctionnaires hospitaliers victimes d'affections imputables au service, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité, ont pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle ; qu'elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme il a été dit au point 1, par l'avis qu'elle a émis le 12 septembre 2007, la commission de réforme a préconisé qu'un aménagement du poste de travail de Mme A...soit étudié en lien avec le médecin de prévention ; qu'une fiche de poste a alors été élaborée, dans ce but, par le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon et a été approuvée le 7 novembre 2007 par le médecin de prévention, en prévision de la reprise par l'intéressée de ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; qu'il résulte de l'examen de ce document, versé au dossier de première instance par MmeA..., que celui-ci excluait expressément le port de charge lourde par l'intéressée et prévoyait que son travail soit partagé avec au moins une auxiliaire de puériculture présente sur le secteur jusqu'à 21 heures ; que cette fiche préconisait, en outre, que Mme A...exerce de préférence ses fonctions auprès des bébés et qu'elle n'intervienne auprès des plus grands que pour aider ses collègues et sans porter d'enfant ; qu'enfin, cette fiche excluait que Mme A...soit amenée à pousser des lits ou des berceaux dans le but de conduire des enfants sur des lieux d'examen, ou les containers destinés à la distribution des repas ; que cet aménagement de poste a été réévalué en prévision du passage de Mme A...à temps partiel à 80%, une nouvelle fiche reprenant les précédentes préconisations, y ajoutant une exclusion des opérations de désinfection terminale des chambres contaminées et limitant à cinq le nombre de chambres à entretenir ayant été validée par le médecin de prévention le 24 janvier 2011 ;
4. Considérant que, si Mme A...soutient avoir été amenée, après sa reprise du travail à mi-temps, à pousser des chariots comportant les matériels nécessaires au nettoyage des chambres et d'autres portant les sacs destinés à collecter le linge, il n'est pas établi que ces opérations auraient été proscrites par les consignes contenues dans sa fiche de poste et rappelées au point précédent ; qu'en outre, la seule production de photographies de l'un des containers destinés à apporter le repas aux patients dans les services ne peut suffire à établir que Mme A...aurait, comme elle l'allègue, été amenée à pousser de tels équipements, en méconnaissance des préconisations expresses de sa fiche de poste sur ce point ; que, si elle évoque, par ailleurs, les difficultés qu'elle aurait rencontrées, dans le cadre du nettoyage des chambres, pour manipuler les lits d'accompagnants, elle n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité de se faire aider par des collègues pour effectuer ces déplacements, alors que cette fiche prévoyait, en service de jour, un travail en équipe avec au moins une autre auxiliaire de puériculture présente dans le secteur ; que la circonstance, dont la réalité est attestée par l'infirmière remplaçante présente ce jour-là, que Mme A...se soit trouvée seule avec cette infirmière, pendant l'après-midi du 7 septembre 2010, dans un service accueillant dix-sept enfants ne permet pas d'établir, en l'absence d'élément factuel plus précis concernant notamment la durée exacte de cet incident et la nature des tâches qui incombaient alors aux intéressées, que le centre hospitalier aurait assigné à Mme A... des missions dont elle n'était pas en capacité de s'acquitter compte-tenu des lombalgies récurrentes dont elle souffrait ; que, de même, le fait qu'un médecin puis la commission de réforme et même l'inspecteur du travail, sollicité par MmeA..., ont ensuite insisté sur la nécessité de respecter les préconisations précédemment émises en ce qui concerne l'aménagement du poste de l'intéressée ne saurait suffire, à défaut de précision circonstanciée, à permettre de déduire que tel n'aurait pas été effectivement le cas ; qu'ainsi, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon aurait manqué à ses obligations en ne procédant pas, conformément aux préconisations de la commission de réforme, à un aménagement du poste de travail de MmeA..., en liaison avec le médecin de prévention ; qu'il n'est pas davantage établi par les seules pièces versées à l'instruction que cet établissement n'aurait pas suffisamment veillé, compte-tenu des contraintes d'organisation du service hospitalier qui pesaient par ailleurs sur lui, à ce que Mme A...ne se voie pas confier l'exécution de tâches proscrites par les deux fiches de poste successivement élaborées dans son intérêt ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le centre hospitalier intercommunal de Noyon-Compiègne ne peut être regardé comme ayant commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de MmeA... ; que, par suite, cette dernière ne peut obtenir la condamnation de cet établissement à réparer les préjudices, de nature personnelle, dont elle fait état ; qu'enfin, si Mme A...invoque la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier, elle n'assortit toutefois pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme A..., sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon.
Copie en sera adressée, pour information, à la directrice générale de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France.
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N°16DA01029