CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 28/09/2018, 17MA01194, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 septembre 2018
Num17MA01194
JuridictionMarseille
Formation7ème chambre - formation à 3
PresidentM. POCHERON
RapporteurM. Georges GUIDAL
CommissaireM. CHANON
AvocatsCABINET STEMMER-BRICE-FOUR

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision du 26 août 2005 par laquelle La Poste l'a mis à la retraite pour invalidité, d'autre part, la décision du 19 septembre 2005 relatif à son titre de pension et enfin d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans ses droits dans le délai de deux mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1502488 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2017 et le 19 juillet 2018, M. B..., représenté par la SELARL Cabinet Stemmer BriceA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 26 août 2005 par laquelle La Poste l'a mis à la retraite ;

3°) d'enjoindre à la Poste de prendre une décision fixant une nouvelle date de départ à la retraite et de reconstituer sa carrière depuis le 29 septembre 2005 jusqu'à cette nouvelle date dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au service des pensions de La Poste, d'une part, de réviser le montant de sa pension et de la servir au taux qui aurait dû être le sien s'il était parti à la retraite au maximum de l'âge requis, d'autre part, d'établir un nouveau titre de pension au titre des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

5°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal a estimé à tort que sa demande était irrecevable ;
- en l'absence d'indication des voies et délais de recours contre la décision en litige aucune forclusion ne peut lui être opposée ;
- le délai raisonnable d'un an ne lui est pas davantage opposable dans la mesure où il justifie de circonstances particulières ;
- le caractère définitif de la décision en litige ne saurait résulter de la seule circonstance que la Cour l'a mentionné dans un arrêt du 10 mars 2015 ;
- la décision le mettant à la retraite lui fait grief.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, La Poste, représentée par la SCP Granut Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les conclusions d'appel relatives au titre de pension sont irrecevables, la Cour n'ayant pas compétence pour se prononcer sur un litige de cette nature pour lequel le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ;
- les conclusions dirigées contre le titre de pension présentées en cours d'instance devant le tribunal administratif étaient tardives celui-ci ayant acquis un caractère définitif ;
- cette circonstance fait obstacle à une annulation par voie de conséquence de ce titre ;
- le requérant ne justifiait pas en première instance de son intérêt à agir contre une décision qui répondait à une demande qu'il avait formulée et ne préjudiciait pas à sa situation ;
- sa demande était en outre tardive au regard du délai raisonnable d'un an ;
- les circonstances particulières invoquées ne sont pas de nature à le relever du respect de ce délai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. B....





1. Considérant que M. B..., qui a été employé par La Poste en qualité d'agent technique de second niveau, exerçait depuis 1994 les fonctions de guichetier au sein du bureau de poste de Tourettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes) ; qu'il a été placé en congé de longue durée du 29 septembre 2000 au 28 septembre 2005 en raison d'une dépression puis, par une décision du 26 août 2005, il a été admis sur sa demande à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 29 septembre 2005 ; que par un arrêt du 10 mars 2015, la Cour a jugé que la maladie de M. B... était imputable au service et a condamné La Poste à l'indemniser de la perte de revenu qu'il avait subie pour ne pas avoir bénéficié d'un placement en congé de longue durée à plein traitement du 29 septembre 2005 au 28 septembre 2008 ; que se prévalant de cet arrêt, M. B... a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2005 prononçant son admission à la retraite, puis a présenté en cours d'instance des conclusions additionnelles tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2005 relatif à son titre de pension ; qu'il relève appel du jugement 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tout en limitant à hauteur d'appel ses conclusions d'annulation à celle de la décision du 26 août 2005 ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de mise en position de retraite :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

3. Considérant, d'autre part, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

4. Considérant que la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu'il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ;



5. Considérant que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la date à laquelle M. B... a reçu notification de la décision n° 1907 du 26 août 2005 prononçant son admission à la retraite, en l'absence d'accusé de réception de la lettre de notification du 31 août 2005 de cette décision ; qu'en outre, ni cette décision ni sa lettre de notification ne comportent la mention des voies et délais de recours prévue par les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ; que, toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. B... a perçu pour la première fois sa pension de retraite à la fin du mois d'octobre 2005 et qu'il ne conteste pas avoir reçu auparavant notification du certificat de pension du 19 septembre 2005 qui fixait les bases de liquidation de cette pension ainsi que sa date d'effet à compter du 1er octobre 2005 ; qu'il en résulte que M. B... doit être regardé comme ayant eu connaissance, au plus tard dans le courant de l'année 2005, de la décision prononçant son admission à la retraite ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si le délai de deux mois fixé par les articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative n'était pas opposable à M. B..., le recours dont il a saisi le tribunal administratif de Nice plus de dix ans après qu'il a eu connaissance de la décision prononçant son admission à la retraite excédait, en revanche, le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé ; que l'intervention de l'arrêt de la Cour du 10 mars 2015 qui a jugé que la maladie de M. B... était imputable au service n'a pas constitué une circonstance particulière de nature à rouvrir le délai d'un an dont il disposait pour contester la décision prononçant son admission à la retraite, dès lors que rien ne faisait obstacle à ce que, dès 2005, l'intéressé se prévale à l'encontre de cette décision de l'imputabilité au service de sa maladie ; que La Poste est ainsi fondée à soutenir que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nice était tardive et, par suite, irrecevable ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

9. Considérant qu'une décision juridictionnelle de rejet n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions d'appel de M. B..., ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et les différentes mesures demandées par l'intéressé au titre des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros à verser à La Poste, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;




D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et à La Poste.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.
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