CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/10/2018, 17NT02426, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans :
1 - d'annuler la décision du 21 mai 2010 par laquelle le ministre de la défense lui a proposé une indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de son accident du 11 décembre 2003 à hauteur de 11 000 euros ;
2 - de condamner l'Etat, à lui verser en réparation de l'ensemble des préjudices subis la somme de 42 244,65 euros à répartir comme suit : 2 668 euros d'interruption temporaire de travail (ITT), 1 576, 65 euros d'incapacité temporaire partielle (ITP), 6 500 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 1 500 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 euros au titre des répercussions professionnelles, 5 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 2 000 euros au titre de son préjudice sexuel.
Par un jugement n° 1404680 du 27 juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 21 mai 2010 par laquelle le ministre de la défense lui a proposé une indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de son accident du 11 décembre 2003 à hauteur de 11 000 euros ;
3°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission des recours des militaires sur son recours administratif préalable ;
4°) de condamner l'Etat, à lui verser en réparation de l'ensemble des préjudices subis la somme de 42 244,65 euros à répartir comme suit : 2 668 euros d'ITT), 1 576,65 euros d'ITP, 6 500 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 1 500 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 au titre des répercussions professionnelles, 5 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 2 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa requête en retenant qu'il n'avait saisi la commission des recours des militaires que le 3 août 2016, soit au-delà du délai raisonnable d'un an ;
* il n'a eu connaissance de l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire que lors de la réception du mémoire en défense du ministre de l'intérieur, près d'un an et demi après l'introduction de la requête et il a immédiatement régularisé sa requête par la saisine de la commission de recours des militaires ;
* l'analyse du tribunal administratif est de nature à porter gravement atteinte à son droit au recours ;
* le tribunal est tout aussi acteur de la tardiveté retenue à son encontre car dans un délai raisonnable suivant l'introduction de sa requête, il aurait dû lui opposer cette fin de non-recevoir d'office afin de lui permettre une régularisation ;
* le délai raisonnable d'un an ne saurait courir à compter de l'introduction de sa requête, il doit s'apprécier à compter du jour ou l'intéressé a eu connaissance de l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ;
- il est fondé à demander la condamnation de l'Etat, à lui verser la somme totale de 42 244,65 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a intégré la gendarmerie nationale en qualité d'élève gendarme le 1er septembre 1998 et, à l'issue de sa formation initiale, a rejoint le 2ème régiment d'infanterie de la garde républicaine à Nanterre le 27 septembre 1999. Le 11 décembre 2003, alors qu'il participait, au camp de Montdésir, à des tests de sélection de contre-tireur organisés par le GSIGN (groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale), il a fait une chute lors du franchissement d'un obstacle d'une hauteur de 5 mètres ayant entrainé une fracture bi-pédiculaire de la première vertèbre lombaire avec recul du mur postérieur, associée à une fracture de la branche ischio-pubienne gauche. Il a subi le 15 décembre 2003 une intervention chirurgicale et a bénéficié de quarante-cinq jours d'arrêt de travail durant lesquels il a suivi des séances de rééducation du rachis dorso-lombaire. A sa reprise d'activité, il été affecté sur un emploi sédentaire strict pour une durée de six mois et a été déclaré inapte pour les obligations militaires et les opérations extérieures pour une période de six mois et inapte aux troupes aéroportées pour une période d'un an. L'état de santé de l'intéressé a été déclaré consolidé le 15 novembre 2004. Suite à cet accident, M. A...a sollicité une pension d'invalidité et, à l'issue de plusieurs expertises et d'un contentieux l'opposant au ministère de la défense, il s'est vu octroyer, par décision du 24 janvier 2011, une pension d'invalidité à un taux fixé à 20 % pour blessure aux vertèbres. Il a également présenté une réclamation indemnitaire en vue de la réparation des préjudices non indemnisés par la pension allouée et, par lettre du 21 mai 2010, le ministre de la défense lui a proposé de l'indemniser à hauteur de 11 000 euros - 4 500 euros au titre de l'IPP, 5 500 euros au titre du pretium doloris et 1 000 euros au titre de son préjudice esthétique - En désaccord avec les sommes proposées, M. A...a, le 14 août 2014, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une requête en référé aux fins d'obtenir la prescription d'une expertise médicale en vue d'évaluer les préjudices subis à la suite de l'accident survenu le 11 décembre 2003. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 9 septembre 2014.
2. Par sa présente requête, M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 juin 2017 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2010 par laquelle le ministre de la défense lui a proposé une indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de son accident du 11 décembre 2003 à hauteur de 11 000 euros et à la condamnation de l'Etat, à lui verser la somme totale de 42 244,65 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense dans ses dispositions en vigueur à la date d'intervention de la décision du 21 mai 2010 du ministre de la défense : " I.-Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux./ Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense./ La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R.4125-10 (...) ". Il résulte de ces dispositions que la saisine de la commission des recours des militaires s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux.
4. Il est constant que les conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif d'Orléans sont relatives à la situation personnelle d'un militaire au sens de l'article R. 4125-1 du code de la défense et devaient donc être précédées d'un recours administratif devant la commission de recours des militaires en application du même article. Il résulte de l'instruction qu'à la date d'introduction de sa requête tendant à obtenir une indemnisation en réparation de l'ensemble des préjudices subis résultant de son accident du 11 décembre 2003, M. A... n'avait pas saisi la commission des recours des militaires. Il a procédé à cette saisine postérieurement à l'introduction de sa requête, par lettre du 3 août 2016. La circonstance que la décision de rejet de sa demande indemnitaire du 21 mai 2010 n'indiquait pas les voies et délais de recours et ne faisait pas état de l'obligation pour le requérant de saisir préalablement à tout recours contentieux la commission des recours des militaires, est sans incidence sur l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées directement devant le tribunal administratif. M. A...n'ayant présenté, au cours de la première instance, aucune conclusion nouvelle dirigée contre une décision de la commission des recours des militaires rendue sur le recours administratif formé le 3 août 2016, sa requête devant le tribunal administratif d'Orléans était, en application de l'article R. 4125-1 du code de la défense et en tout état de cause, irrecevable.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02426