CAA de LYON, 5ème chambre B - formation à 3, 22/10/2018, 16LY01158, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Grenoble du 11 juillet 2014 en tant qu'il l'a admise à la retraite pour invalidité à compter du 4 octobre 2013 et la décision du 10 octobre 2014 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 11 juillet 2014 ;
- d'autre part, de condamner l'État à lui verser une somme 21 090,20 euros.
Par un jugement nos 1407395 - 1500431 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement nos 1407395 - 1500431 du 3 février 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la condamnation demandée et d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre à l'administration de la rétablir dans ses droits dans les deux mois de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les décisions prises par l'administration entre le 3 octobre 2013 et le 4 juillet 2014 étaient provisoires et présentaient un caractère conservatoire, alors que, par ces décisions d'autorisation d'absence et d'avancement de grade et d'échelon, l'administration s'est comportée en considérant qu'elle demeurait en position d'activité durant cette période, de sorte que la rétroactivité de l'arrêté du 11 juillet 2014 n'était pas nécessaire pour assurer la continuité de sa carrière ou procéder à la régularisation de sa situation ;
- en raison de l'illégalité fautive de la décision du 11 juillet 2014, elle a subi un préjudice financier, sur la période d'octobre 2013 à juillet 2014, d'un montant de 16 090,20 euros ; elle a également subi des conséquences financières sur le montant de sa pension de retraite, du fait du placement en position de retraite à compter du 4 octobre 2013, alors qu'elle était titulaire d'un grade de classe normale 11ème échelon, à hauteur de 3 000 euros ;
- à supposer même l'arrêté du 11 juillet 2014 légal, la responsabilité de l'administration doit être engagée à raison de l'incomplète exécution financière de ses propres décisions devenues définitives et créatrices de droit, dès lors qu'elle devait se trouver en position de plein traitement, à défaut de renouvellement de l'arrêté de placement en temps partiel après le 31 août 2013, alors qu'elle n'a perçu qu'un demi-traitement au cours de la période d'octobre 2013 à juillet 2014 ;
- la responsabilité de l'administration doit être également engagée à raison d'un comportement fautif résultant de l'absence de placement en position de mise en disponibilité avec demi-traitement et de son placement dans une situation irrégulière en lui laissant croire que tel n'était pas le cas et en lui laissant également croire qu'elle percevrait un plein traitement d'octobre 2013 à juillet 2014 et qu'elle profiterait de la prise en compte des avancements dans le calcul de sa pension de retraite ; le préjudice financier doit être évalué à 16 090,20 euros et ses troubles dans les conditions d'existence évalués à 2 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les arguments développés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., professeur certifié d'anglais affectée au collège Danièle Fauchet à Loriol sur Drôme, a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 4 octobre 2012 et ce jusqu'à l'épuisement de ses droits, le 3 octobre 2013, sa demande de placement en position de congé de longue durée, présentée le 24 octobre 2012, ayant été rejetée. Par courrier du 23 septembre 2013, Mme A..., invitée par une lettre du rectorat de Grenoble du 19 septembre 2013 à choisir sa position à l'expiration de ses droits à congé de maladie ordinaire, a sollicité sa mise à la retraite pour invalidité. Après un avis du comité médical départemental du 7 janvier 2014 estimant que Mme A... était totalement et définitivement inapte à toute fonction, l'intéressée a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 4 octobre 2013, date d'épuisement de ses droits à congés de maladie, par un arrêté du 11 juillet 2014 du recteur de l'académie de Grenoble. Après le rejet, le 10 octobre 2014, du recours gracieux qu'elle avait formé le 23 août 2014 contre la décision du 11 juillet 2014, en tant qu'elle fixait la date de sa mise à la retraite au 4 octobre 2013, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une première demande, aux fins d'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2014, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux. Elle a également adressé à l'administration une réclamation préalable, le 17 novembre 2014, aux fins d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis puis, à défaut de réponse à cette réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une seconde demande aux fins de condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 21 090,20 euros. Mme A... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces deux demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 juillet 2014 :
2. Aux termes de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ".
3. Si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir l'administration peut, en dérogation à cette règle, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, des militaires ou des magistrats, leur conférer une portée rétroactive dans la stricte mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis émis par le comité médical départemental le 7 janvier 2014, estimant que Mme A... était totalement et définitivement inapte à toute fonction, que celle-ci ne pouvait être regardée comme apte a reprendre ses fonctions. L'administration n'a pu, dès lors, que constater l'inaptitude de l'intéressée à exercer ses fonctions à la date de prise d'effet de la décision de mise à la retraite contestée. Dès lors, elle était tenue de la placer dans la seule position régulière que prévoyait dans son cas le statut, c'est-à-dire de l'admettre à la retraite pour invalidité rétroactivement à la date du 4 octobre 2013. Mme A... ne peut, par suite, soutenir que l'administration aurait dû faire application des dispositions de l'article 45 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 prévoyant une mise en disponibilité d'office. La seule circonstance que l'administration, qui a fait application des dispositions précitées de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 pour maintenir le paiement d'un demi-traitement jusqu'à la date de sa mise à la retraite, a, durant cette période, à titre provisoire dans l'attente de la décision de mise à la retraite, pris des décisions d'autorisation d'absence et procédé à son évaluation n'est pas de nature à démontrer que l'administration avait entendu maintenir l'intéressée en position d'activité ni à faire obstacle à l'édiction d'une mesure de portée rétroactive.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que ni l'arrêté du 11 juillet 2014 du recteur de l'académie de Grenoble, en tant qu'il a admis Mme A... à la retraite pour invalidité à compter du 4 octobre 2013, ni la décision du 10 octobre 2014 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 11 juillet 2014 ne sont entachés d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'État alors, au demeurant, qu'à supposer même établie une illégalité fautive desdites décisions, Mme A... n'établirait pas l'existence d'un lien de causalité certain et direct entre une telle illégalité et les préjudices qu'elle invoque, résultant du versement d'un demi-traitement durant la période comprise entre le 4 octobre 2013 et le 11 juillet 2014 ou de ce que le montant de sa pension de retraite a été calculé sur la base du grade qu'elle détenait depuis une durée suffisante pour sa prise en compte pour ce calcul.
6. En deuxième lieu, d'une part, la circonstance que, par un arrêté du 1er octobre 2012, Mme A... avait été placée en position d'activité à temps partiel jusqu'au 31 août 2013 n'est pas de nature à démontrer qu'après cette échéance l'administration était tenue de verser à cet agent, eu égard à sa position de congé de maladie, un plein traitement. D'autre part, le document intitulé " gestion individuelle - historique des congés ", établi le 25 avril 2014 et constituant un tableau récapitulatif des périodes de congés pris par Mme A... ou en cours à cette date, produit par la requérante, n'est pas de nature à révéler une décision de l'administration d'accorder à Mme A... un avantage financier correspondant au versement d'un plein traitement ni, par suite, l'existence d'un acte individuel créateur de droits, nonobstant la mention " PT " pour " plein traitement " figurant pour certaines périodes de congés, alors au demeurant que ledit tableau a été établi postérieurement aux périodes en cause, de sorte que Mme A... ne pourrait, en tout état de cause, invoquer une méconnaissance, à la date de versement de son traitement pour les périodes concernées, d'un acte créateur de droits antérieur. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait méconnu, de manière fautive, ses engagements en procédant au versement d'un demi-traitement à Mme A....
7. En troisième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait placé Mme A... en situation irrégulière ni qu'elle lui aurait fait croire, comme le soutient la requérante, qu'elle percevrait un plein traitement.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
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