CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 13/11/2018, 17LY00272, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2014 par lequel le président du conseil régional de la région Rhône-Alpes l'a mis à la retraite d'office, en tant que cet arrêté ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité et de mettre à la charge de la région Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404448 du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande comme irrecevable.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du Président du Conseil régional Rhône-Alpes du 15 janvier 2014 en tant qu'il ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son invalidité ;
3°) de mettre à la charge la Région Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Il soutient que :
* sa demande n'était pas tardive car il avait formé dans les délais du recours une demande d'aide juridictionnelle qui a prorogé ces délais et a déposé sa demande dans les deux mois qui ont suivi la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
* l'arrêté est entaché de vices de procédure car la commission de réforme ne comprenait pas de médecin psychiatre en son sein lors de l'examen de son dossier et alors que sa dépression est liée à l'attitude de son administration ; son avis est insuffisamment motivé car il ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de son syndrome réactionnel très sévère ;
* l'arrêté est entaché d'une erreur dès lors que son invalidité résulte directement des conditions d'exercice de ses fonctions et qu'elle est imputable au service, à supposer même que des causes étrangères aient contribué à son état ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2018, la région Auvergne, Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de celle-ci ;
* le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
* et les observations de Me A..., représentant M. C... et celles de Me D..., représentant la région Auvergne, Rhône-Alpes ;
Considérant ce qui suit :
1. Par sa requête susvisée, M. C..., employé en qualité d'adjoint technique territorial de première classe depuis 1996 par la région Rhône-Alpes, relève appel du jugement du 25 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 en tant que par celui-ci, le président de la région Rhône-Alpes a prononcé son admission à la retraite pour invalidité résultant d'une pathologie non imputable au service.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dans sa version applicable à l'espèce " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été notifié le 22 janvier 2014 à M. C.... Ainsi, la demande d'aide juridictionnelle qu'il a formée le 7 mars 2014, soit dans le délai ouvert par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, a eu pour effet d'interrompre ce délai qui, en vertu des dispositions sus rappelées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, n'a pu recommencer à courir, pour une nouvelle durée de deux mois, qu'à compter du jour où la décision du 24 mars 2014, qui lui a été notifiée le 7 avril 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle lui a accordé l'aide juridictionnelle partielle, a acquis un caractère définitif. Il suit de là que la demande de M. C..., enregistrée le 2 juin 2014 au greffe du tribunal administratif de Lyon n'était pas tardive. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable la demande dont il l'avait saisi. Son jugement en date du 25 novembre 2016 doit, dès lors, être annulé.
4. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la demande :
5. Aux termes de l'article 36 du décret susvisé du 26 décembre 2003, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". L'article 37 du même décret dispose : " I. - Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. ".
6. Le droit pour un fonctionnaire territorial de bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par ces dispositions est subordonné à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été affecté en 2005 au poste d'accueil et maintenance du lycée la Martinière Terreaux qui a fusionné l'année suivante avec le lycée Diderot et a bénéficié, à ce titre, d'une concession de logement par nécessité absolue de service. Il a, par la suite, été affecté en 2010 au lycée Jean Lurçat dans un emploi pour lequel il n'a plus bénéficié de ce logement. A la suite des troubles psychologiques qui se sont déclarés à partir de 2009, M. C... a été placé en congé maladie ordinaire en novembre 2011 en raison d'un état dépressif, puis en disponibilité d'office à compter de novembre 2012. L'invalidité provoquée par cet état dépressif a conduit à sa mise à la retraite par la décision attaquée du président de la région Auvergne, Rhône-Alpes. M. C..., qui ne conteste pas son inaptitude définitive à toute fonction, soutient que son invalidité est imputable au service.
8. M. C... soutient qu'à partir de 2006 ses relations avec une de ses collègues se sont dégradées ce qu'en l'absence de réaction de sa hiérarchie, il a vécu comme une situation de harcèlement moral et que le sentiment d'injustice qu'il en a ressenti a été aggravé par la circonstance que le bénéfice d'un logement de fonction pour nécessité absolue de service lui a été retiré lors de sa nouvelle affectation.
9. Dans un rapport du 17 septembre 2012 le docteur Sabatini, qui a examiné M. C... à la demande de l'administration, relève que ce dernier vit sa situation comme exclusivement liée à sa situation professionnelle, qu'il estime être victime de " mépris et harcèlement ", qu'" il parle inlassablement et de façon répétitive de la question du travail " et précise que " son psychisme est fixé sur le proviseur et sur l'injustice qu'il ressent du fait que son épouse n'a pas été affectée dans le même établissement que lui ". La région Auvergne, Rhône-Alpes venant aux droits de la région Rhône-Alpes, qui se borne à dénier tout lien entre la pathologie de M. C... et le service, ne fait valoir aucun élément qui permettrait de considérer que cette pathologie serait liée à des antécédents sans lien avec le service et évoluant pour leur propre compte. Il découle ainsi de l'ensemble de ces éléments, que l'invalidité de l'intéressé doit être regardée comme imputable au service, la circonstance que le harcèlement et l'injustice dont s'estime victime M. C... ne sont pas établis étant par ailleurs sans influence sur cette situation.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 en tant que par celui-ci, le président de la région Rhône-Alpes a prononcé son admission à la retraite pour invalidité résultant d'une pathologie non imputable au service.
Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles :
11. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Auvergne, Rhône-Alpes une somme de 1 500 euros qu'elle paiera à M. C..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1404448 du 25 novembre 2016, du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 15 janvier 2014 de la région Auvergne, Rhône-Alpes en tant qu'il qualifie de non imputable au service l'invalidité de M. C... sont annulés.
Article 2 : La région Auvergne, Rhône-Alpes versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., et à la région Auvergne, Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 17LY00272