CAA de BORDEAUX, 3ème chambre - formation à 3, 07/02/2019, 17BX00354, 17BX00355, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau : 1) d'annuler l'arrêté du 13 février 2014 par lequel le recteur de l'académie de Toulouse a refusé de lui accorder le congé de longue maladie qu'elle avait sollicité le 7 février 2014 à compter du 24 septembre 2013 ; 2) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2015 l'admettant à la retraite d'office pour invalidité, en tant qu'il n'a pas reconnu cette invalidité comme imputable au service ; 3) de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis en raison des fautes commises dans la prise en charge de son handicap.
Par un jugement nos 1401790,1502248 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Pau a : 1) annulé l'arrêté du 1er juillet 2015 en tant que la retraite n'est pas reconnue imputable au service ; 2) enjoint à la rectrice de l'académie de Toulouse de procéder à la reconstitution de carrière de Mme A...et d'en tirer toutes conséquences, notamment pécuniaires, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement ; 3) mis à la charge de l'Etat les dépens ; 4) condamné l'Etat à verser la somme de 1 200 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5) rejeté le surplus des conclusions de MmeA....
Procédure devant la cour :
I°/ Par une requête enregistrée le 1er février 2017 sous le n° 17BX00354 et un mémoire enregistré le 31 mai 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2014 lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 603 494,94 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du comportement fautif dont a fait preuve l'administration dans la prise en compte de son handicap ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il est démontré par les pièces médicales versées au dossier, notamment par le rapport du médecin expert désigné en référé, que, si les postes de travail sur lesquels elle a été affectée à compter du 1er septembre 2011, notamment celui de Capvern-les-bains, avaient été aménagés afin d'être compatibles avec son handicap et lui éviter ainsi des efforts physiques inappropriés, elle aurait été en mesure d'exercer normalement ses fonctions après un congé de longue maladie tenant compte de son état de santé et qui aurait permis à l'administration d'aménager son poste de travail ; le refus de lui accorder ce congé est donc illégal ;
- il est démontré par les pièces médicales versées au dossier, notamment par le rapport du médecin expert désigné en référé, que l'administration a commis des fautes : alors que le médecin de prévention avait attiré l'attention du rectorat sur sa situation, elle a été affectée sur un poste situé à Capvern-les-Bains totalement inadapté à son handicap et n'a bénéficié d'une assistance qu'au bout de huit mois ; la demande d'aménagement du véhicule n'a été satisfaite qu'avec retard ; les caractéristiques de l'école de Capvern-les-Bains rendaient impossible l'utilisation d'un fauteuil électrique ; une demande d'allègement de poste a été refusée le 10 novembre 2011 ; le bénéfice d'un congé de longue maladie, qui aurait permis une récupération de l'état de santé et l'aménagement d'un poste de travail, a été illégalement refusé ; puis sur d'autres postes (Mascaras puis Tarbes) également non adaptés, à avoir répondu tardivement à ses demandes ;
- ces fautes ont entraîné une aggravation de son état de santé, lui occasionnant un préjudice corporel s'élevant à 12 200 euros, une invalidité totale et définitive à toutes fonctions entraînant une perte de traitement s'élevant à 260 997,34 euros et une perte de pension de retraite représentant 315 297,60 euros, et enfin un préjudice moral devant être évalué à 15 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 4 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- dès lors qu'à la date de l'arrêté du 13 février 2014, Mme A...était inapte totalement et définitivement à toute fonction, le refus de lui accorder un congé de longue maladie était justifié ;
- contrairement à ce qu'elle soutient, des aménagements ont été mis en place au cours de la période de septembre 2011 à avril 2012 dans des délais raisonnables pour tenir compte de son handicap et lui permettre d'assurer son service d'enseignement : mise en place d'un suivi médical par le médecin de prévention du rectorat, réaffectation à titre provisoire sur le seul poste alors disponible dans une classe maternelle à proximité de son domicile (Capvern-les-Bains), assistance d'un ATSEM ; réponse positive dès le 21 mars 2012 à sa demande d'attribution d'un assistant de professeur handicapé ; il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en 2011 les aménagements de l'école ne répondaient pas aux règles d'accessibilité ni qu'une aide supplémentaire, des restrictions d'activité ou des aménagements supplémentaires aient été préconisés ou sollicités sans être mis en oeuvre par l'administration ;
- contrairement encore à ce qu'elle soutient, ses demandes supplémentaires d'aménagements n'ont pas été traitées avec retard : il a été tenu compte dans les meilleurs délais possibles des restrictions d'activité préconisées en février 2012, de la demande d'attribution d'un assistant présentée le 8 février 2012 et de la demande d'aménagement d'un nouveau véhicule, qui n'étaient pas accompagnées des pièces justificatives nécessaires, de la demande d'allègement de service sollicitée le 10 mai 2012 ; l'étude ergonomique de son poste de travail a été commandée le 7 décembre 2012 au SAMETH ; Mme A...a été affectée en septembre 2013 dans une école adaptée ;
- les sommes demandées en réparation des préjudices invoqués sont excessives.
Par ordonnance du 31 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 juin 2018 à 12h00.
II/ Par une requête enregistrée le 1er février 2017 sous le n° 17BX00355, Mme A..., représentée par MeB..., conclut aux mêmes fins que la requête n° 17BX00354 précédemment visée, par les mêmes moyens.
Par un mémoire enregistré le 4 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de cette requête, par les mêmes moyens que ceux invoqués dans l'instance n° 17BX00354.
Par ordonnance du 4 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 juin 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une première requête, MmeA..., professeur des écoles, a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de l'arrêté du 13 février 2014 par lequel le recteur de l'académie de Toulouse a refusé de lui attribuer le congé de longue maladie qu'elle avait sollicité. Par une seconde requête, elle a demandé au tribunal, d'une part, l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2015 l'admettant à la retraite d'office pour invalidité à compter du 31 octobre 2014 en tant qu'il n'a pas reconnu l'invalidité comme imputable au service, d'autre part, la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle impute à des fautes commises par l'administration dans la prise en charge de son handicap. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Pau a admis qu'il existait une relation directe et certaine entre l'aggravation de son état de santé et l'exercice de ses fonctions, a annulé en conséquence l'arrêté du 1er juillet 2015 en tant que l'invalidité n'est pas reconnue imputable au service, a enjoint à la rectrice de l'académie de Toulouse de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme A...et d'en tirer toutes conséquences, notamment pécuniaires, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de MmeA.... Celle-ci fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus.
2. MmeA..., née le 27 décembre 1965, atteinte d'une paraplégie remontant à la petite enfance, à l'origine d'une invalidité au taux de 75 %, a été titularisée comme professeur des écoles le 1er septembre 2010 et affectée à la même date dans une école maternelle située en Gironde. Ayant demandé sa mutation dans l'académie de Toulouse pour se rapprocher de sa famille, elle a été affectée le 1er septembre 2011 dans une école maternelle située à Capvern-les-Bains (Hautes-Pyrénées), le 11 mars 2013 dans une école maternelle située à Mascaras (Hautes-Pyrénées), puis, le 1er septembre 2013 dans une école maternelle située à Tarbes. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 17BX00354 et 17BX00355, Mme A...demande à la cour, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 février 2014 par lequel le recteur de l'académie de Toulouse a refusé de lui accorder le congé de longue maladie qu'elle avait sollicité le 7 février 2014, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 603 494,94 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'administration de l'éducation nationale dans la prise en compte de son handicap.
Sur la requête n° 17BX00355 :
3. Les requêtes n° 17BX00354 et n° 17BX00355 sont dirigées contre le même jugement et comportent des conclusions identiques. La requête n° 17BX00355 constitue en réalité un doublon de la requête n° 17BX00354. Par suite, il y a lieu de radier la requête n° 17BX00355 des registres du greffe de la cour et de verser les productions des parties enregistrées sous ce numéro à la requête enregistrée sous le n° 17BX00354.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 février 2014 :
4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ".
5. La légalité de l'arrêté contesté doit être appréciée en fonction de la situation qui était objectivement celle de Mme A...à la date à laquelle il a été pris. La position de congé de longue maladie ou de longue durée a pour objet de permettre à un fonctionnaire de bénéficier des soins nécessaires à son état de santé dans la perspective d'une reprise à moyen terme de son activité. Un fonctionnaire qui est définitivement inapte à reprendre ses fonctions ne peut, dès lors, être placé dans une telle position. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme A...était atteinte d'un syndrome de la queue de cheval lié à un méningocèle postéro-latéral gauche, qui est venu s'ajouter à l'invalidité préexistante. Compte tenu de cet état de santé, qui est celui-là même qui a conduit ultérieurement à la mise à la retraite d'office pour invalidité de MmeA..., celle-ci présentait une inaptitude à la reprise du travail même sur un poste aménagé. Dans ces conditions, le refus de lui octroyer le congé de longue maladie sollicité n'apparaît pas comme entaché d'illégalité.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité de l'Etat :
6. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur ".
7. Ces dispositions imposent à l'autorité administrative, notamment, de prendre les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que lesdites mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.
8. Il résulte de l'instruction que le médecin de prévention a dûment averti l'inspection académique des Hautes-Pyrénées, par courrier du 9 juin 2011, de ce que Mme A... présentait un handicap " rendant nécessaire l'affectation dans une école sans problème d'accessibilité avec des toilettes aménagées " et de ce que son état de santé nécessitait " l'octroi d'un allègement de service pour lui permettre des soins ". Mme A...a néanmoins été nommée, le 1er septembre 2011, dans une école maternelle située à Capvern-les-Bains présentant d'importants problèmes d'accessibilité et de déplacement pour une personne se déplaçant en fauteuil roulant, sans qu'ait été prévue, dès cette affectation, pour compenser ces difficultés, la présence d'un assistant à personne handicapée (APH). Ce n'est en effet que le 23 avril 2012 qu'un assistant a été placé auprès de Mme A...pour lui apporter l'aide dont elle avait impérativement besoin dès son affectation dans cet établissement inadapté à son état. L'administration, à qui il appartenait de prendre, même en l'absence de demande expressément formulée par MmeA..., les mesures appropriées pour permettre à cette dernière d'exercer ses fonctions dans des conditions compatibles avec son handicap, n'apporte aucun élément permettant de penser qu'elle n'était pas en mesure, soit de nommer la requérante dans un établissement offrant des possibilités d'accès compatibles avec son état de santé, soit à tout le moins d'affecter, en temps utile et en tout cas avant la fin du mois d'avril 2012, un assistant lui permettant de faire face aux difficultés d'accès à l'établissement et de déplacement à l'intérieur de celui-ci. De plus, alors que Mme A...avait sollicité dès le mois d'avril 2011 un allègement de service au cours de l'année scolaire 2011/2012, cette demande a été rejetée par une décision de l'inspecteur d'académie du 10 novembre 2011. Si, avant l'arrivée de l'assistant à personne handicapée en avril 2012, la requérante a pu bénéficier de l'aide apportée par un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), il ne résulte pas de l'instruction que cet agent, dont le rôle n'est pas de porter assistance à un enseignant handicapé dans ses déplacements, ait pu prendre en charge Mme A...continûment pendant la période de presque huit mois qui a précédé la nomination de l'APH. Enfin, si l'administration fait valoir que Mme A...aurait dû demander un fauteuil roulant électrique, il résulte des affirmations non contestées de la requérante qu'un tel équipement n'était pas adapté à la configuration des lieux, en raison notamment de ce que le parking était gravillonné et en pente. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'administration a commis des fautes qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat sans qu'il ressorte des pièces du dossier que la prise en compte de ce handicap en temps utile aurait représenté une charge excessive.
9. Il résulte aussi de l'instruction, notamment du rapport établi le 4 février 2015 par le médecin mandaté par la direction académique à l'intention de la commission de réforme, ainsi que du rapport de l'expert désigné en référé, que la situation dans laquelle s'est trouvée Mme A...à compter du 1er septembre 2011, dans les conditions indiquées ci-dessus, l'a contrainte à des efforts physiques importants qui ont entraîné une aggravation de son état durant l'année 2012 liée à un méningocèle qui a lui-même déclenché un syndrome dit de la queue de cheval. L'aggravation de l'état de santé de Mme A...qui en est résulté, alors que l'intéressée, malgré son handicap, avait exercé sa première année de fonctions sans difficultés particulières dans un établissement adapté à sa situation, est en lien direct avec l'inaptitude définitive au service qui a conduit à la mise à la retraite d'office de MmeA..., à l'âge de 49 ans.
En ce qui concerne la réparation :
10. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.
11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'Etat doit être regardé comme responsable du surplus d'invalidité ayant mis Mme A...dans l'impossibilité de continuer à exercer ses fonctions. Il en résulte qu'elle a droit à la réparation intégrale des préjudices découlant de cette situation.
S'agissant de la perte de revenus et de droits à pension :
12. Afin de déterminer la somme éventuellement due par l'Etat à Mme A...en réparation des préjudices découlant de la perte de revenus et de la perte de droits à pension, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du versement de toute allocation, telle que l'allocation adulte handicapé, ou de toute prestation dont elle bénéficierait depuis sa mise à la retraite d'office afin de compenser la baisse de revenus résultant de cette mise à la retraite, ainsi que de toute éventuelle source de revenus provenant d'une activité professionnelle. Il importe aussi de connaître le montant du capital représentatif de la pension d'invalidité servie à l'intéressée, compte tenu de l'imputation au service retenue par le jugement du tribunal administratif non contesté sur ce point. Le dossier ne comportant pas les précisions utiles à cet égard, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de Mme A...tendant à la réparation de ses pertes de revenus et de droits à pension à l'effet de procéder à un supplément d'instruction aux fins précisées par le dispositif du présent arrêt.
13. En outre, aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) / La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret./L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que l'organisme de sécurité sociale auprès duquel Mme A...est affiliée, c'est-à-dire la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN), n'ait pas versé des prestations liées au surplus d'invalidité d'origine professionnelle ayant entraîné la mise à la retraite d'office et imputable à l'Etat. La MGEN doit, dès lors, en vertu des dispositions qui viennent d'être citées, être appelée en déclaration de jugement commun.
S'agissant des préjudices à caractère personnel :
14. Eu égard aux souffrances endurées par MmeA..., évaluées à 2 sur 7 par l'expert désigné en référé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en octroyant à Mme A...une somme de 3000 euros.
15. Le préjudice esthétique ayant été évalué par l'expert à 0,5 sur 7, la somme de 1 000 euros sera accordée à la requérante en réparation de ce préjudice.
16. Le déficit fonctionnel permanent résultant de la faute relevée ci-dessus a été évalué par l'expert à 5%, ce qui justifie l'octroi d'une somme de 7 440 euros en réparation de ce préjudice.
17. Enfin, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de la requérante en l'évaluant à 7 000 euros.
18. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 18 740 euros en réparation de ses préjudices à caractère personnel, d'autre part, avant dire droit sur le surplus des conclusions indemnitaires de MmeA..., il y a lieu de procéder à un supplément d'instruction contradictoire permettant d'évaluer la somme éventuellement due par l'Etat en réparation de la perte de revenus et de droits à pension, et de procéder à la mise en cause de la MGEN.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de MmeA....
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...la somme de 18 740 euros en réparation de ses préjudices à caractère personnel.
Article 3 : Avant dire droit sur les conclusions de Mme A...tendant à la réparation de ses pertes de revenus et de droits à pension résultant de sa mise à la retraite d'office pour invalidité, il est procédé à un supplément d'instruction contradictoire à l'effet : 1) pour l'Etat (ministère de l'éducation nationale) d'indiquer à la cour le montant du capital représentatif de la pension d'invalidité servie à MmeA..., en tenant compte de l'imputabilité au service reconnue par le jugement du tribunal administratif ; 2) pour MmeA..., de produire toutes précisions et justifications relatives à d'éventuelles allocations ou prestations qu'elle percevrait en sus de la pension d'invalidité qui lui est versée afin de compenser l'abaissement de son niveau de revenus résultant de sa mise à la retraite d'office pour invalidité, ou à d'éventuelles rémunérations au titre d'une activité. Un délai de deux mois est imparti aux parties afin de produire ces éléments. En outre, le dossier sera communiqué par la cour à la MGEN afin qu'elle soit en mesure, le cas échéant, d'exercer le recours prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à la MGEN et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 17BX00354, 17BX00355