CAA de BORDEAUX, 3ème chambre - formation à 3, 07/02/2019, 17BX01959, 17BX02587, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 février 2019
Num17BX01959, 17BX02587
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. DE MALAFOSSE
RapporteurMme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
CommissaireMme DE PAZ
AvocatsSCP MATUCHANSKY POUPOT VALDELIEVRE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 29 octobre 2014 par laquelle le directeur adjoint chargé du pôle affaires médicales ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013, d'annuler l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 d'un montant de 70 331,47 euros, d'enjoindre au CHUM le réexamen de sa situation et de condamner le CHUM à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices moral et financier.

Par un jugement nos 1500023, 1500078 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 29 octobre 2014 admettant Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013, a annulé l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014, a enjoint au CHUM de réexaminer la demande de retraite pour invalidité de Mme D...et a rejeté le surplus des conclusions de MmeD....

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 17BX01959, par une requête et des mémoires enregistrés les 21 juin 2017, 28 juillet 2017, 15 novembre 2017 et 26 avril 2018, le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM), représenté par la société d'avocats Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2017 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a annulé la décision du 29 octobre 2014 admettant Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013 et l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 et en tant qu'il lui a enjoint de réexaminer la demande de mise à la retraite pour invalidité de Mme D...;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D...devant le tribunal administratif de la Martinique aux fins d'annulation de ces actes et d'injonction ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête de Mme D...contre la décision du 29 octobre 2014 ; cette requête comportait, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, des conclusions à fin d'annulation de ladite décision ;
- le tribunal aurait dû relever d'office l'irrecevabilité des conclusions de Mme D...dirigées contre la décision du 29 octobre 2014 ; en effet, Mme D...a sollicité par un courrier du 20 septembre 2012 sa mise à la retraite pour invalidité " à la date échue, selon la réforme de la commission de réforme " ; la décision attaquée est ainsi conforme à sa demande, de sorte qu'elle ne lui fait pas grief ;
- le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas répondu à son moyen, opérant, tiré de ce que Mme D...avait indûment perçu une pension d'invalidité à compter du 1er février 2013 et jusqu'à sa radiation des cadres alors qu'elle percevait l'intégralité de son traitement sur cette période ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la délégation de signature accordée par le directeur général M.B..., signataire de la décision du 29 octobre 2014, devait être présumée publiée au regard des éléments apportés ;
- le tribunal a méconnu son office en n'interrogeant pas la préfecture sur la publication de cette délégation de signature ;
- le tribunal aurait dû à tout le moins prononcer l'annulation de la décision du 29 octobre 2014 sous la réserve d'une absence de régularisation dans un délai qu'il lui incombait de fixer ;
- il convient d'admettre qu'une décision prise par un délégataire dont la délégation de signature n'avait pas été préalablement publiée, puisse être régularisée par l'auteur de cette délégation de signature, ce qui est le cas en l'espèce ;
- en tout état de cause, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision était inopérant compte tenu de l'existence d'une situation de compétence liée et de ce que la décision avait été prise sur la demande de l'intéressée, dont les droits à congé étaient épuisés ;
- la décision du 29 octobre 2014, prise sur sa demande, n'était pas soumise à l'obligation de motivation car elle ne revêtait pas un caractère défavorable ;
- la décision du 29 octobre 2014 est suffisamment motivée ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, Mme D...a été informée de la date de consultation de la commission de réforme ;
- le moyen tiré de ce que la décision du 29 octobre 2014 serait entachée d'un vice de procédure tenant à l'absence de convocation devant la commission de réforme est également inopérant en raison de la situation de compétence liée ;
- Mme D...ayant sollicité sa mise à la retraite pour invalidité, l'absence de convocation à la séance de la commission de réforme ne l'a pas privée d'une garantie et n'a pas pu avoir d'influence sur le sens de la décision prise par le centre hospitalier ;
- la décision n'est pas entachée de rétroactivité illégale ; elle a permis de placer Mme D... dans une situation régulière après l'expiration de ses droits à congé et à compter de l'avis de la commission de réforme concluant à son incapacité définitive et absolue ;
- la décision du 29 octobre 2014 n'étant pas entachée d'illégalité, c'est à tort que le tribunal a annulé par voie de conséquence l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 ;
- les conclusions d'appel incident de Mme D...soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont donc irrecevables.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 janvier 2018, 22 février 2018 et 20 juin 2018, MmeD..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du CHUM d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du CHUM à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices.

Elle soutient que :
- la circonstance que la décision du 29 octobre 2014 ait été prise à sa demande ne rend pas ses conclusions dirigées contre cette décision irrecevables, d'autant que cette décision a caractère rétroactif et lui fait donc grief ;
- Mme D...n'ayant été reconnue inapte qu'à l'exercice de ses fonctions, et non de toutes fonctions, le centre hospitalier n'était pas en situation de compétence liée et aurait pu la reclasser sur une autre poste ; le centre hospitalier n'était pas lié par l'avis favorable de la commission de réforme ; en application de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003, la mise à la retraite ne peut être prononcée qu'à l'expiration des droits à congés maladie, longue durée et longue maladie ; or, elle bénéficiait d'un arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2014 et n'avait donc pas épuisé ses droits à congés ;
- le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal n'est pas remis en cause par le CHUM ; un vice d'incompétence affectant une décision individuelle relative à la carrière d'un fonctionnaire ne peut être régularisé de manière rétroactive ; en tout état de cause, la ratification du 2 octobre 2017 ne constitue pas une décision de régularisation, à savoir une nouvelle décision identique purgée de son vice d'incompétence ;
- la décision du 29 octobre 2014, qui retire une décision créatrice de droits en ce qu'elle a pour effet de lui retirer le bénéfice des traitements perçus, est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure tenant au défaut de convocation devant la commission de réforme ; elle a été privée d'une garantie ;
- cette décision présente un caractère rétroactif illégal ;
- l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 est par voie de conséquence privé de base légale ;
- le jugement doit être réformé en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; son appel incident ne soulève pas un litige distinct puisque l'appel principal tend à l'annulation totale du jugement ; la responsabilité du CHUM est engagée du fait de l'illégalité fautive de la décision du 29 octobre 2014, du temps de traitement de sa demande, qui entraine une rupture d'égalité devant les charges publiques ; elle a subi un préjudice financier et un préjudice moral.

Par une ordonnance du 22 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 septembre 2018 à 12 heures.


II) Sous le n° 17BX02587, par une requête et des mémoires enregistrés les 1er août 2017 et 15 novembre 2017, le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM), représenté par la société d'avocats Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement susvisé nos 1500023, 1500078 du 21 mars 2017 du tribunal administratif de la Martinique et de mettre à la charge de Mme D...une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens qu'il invoque à l'appui du recours au fond sont sérieux et de nature à justifier la réformation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2018, MmeD..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du CHUM d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 10 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 mars 2018 à 12 heures.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraites des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MmeD....


Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., infirmière diplômée d'Etat de classe supérieure titulaire, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013 par une décision du 29 octobre 2014 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM). Un avis de sommes à payer portant sur une somme de 70 331,47 euros a été émis le 4 décembre 2014 par cet établissement pour avoir paiement des traitements indûment versés à l'intéressée depuis le 1er février 2013. Mme D...a saisi le tribunal administratif de la Martinique de deux requêtes tendant à l'annulation de ladite décision du 29 octobre 2014 et dudit avis de sommes à payer ainsi qu'à la condamnation du CHUM à l'indemniser des préjudices subis. Le tribunal, qui a joint ces requêtes, a, par jugement du 21 mars 2017, annulé la décision du 29 octobre 2014, au motif tenant au vice d'incompétence de son signataire, ainsi que, par voie de conséquence, l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014, a enjoint au CHUM de réexaminer la demande de retraite pour invalidité de Mme D...et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière. Le CHUM, qui précise dans sa requête d'appel que son appel ne porte pas sur l'article 4 de ce jugement par lequel le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de MmeD..., fait appel dudit jugement en tant qu'il a annulé la décision du 29 octobre 2014 admettant Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013 et l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 et en tant qu'il lui a enjoint de réexaminer la demande de mise à la retraite pour invalidité de MmeD.... Par la voie de l'appel incident, Mme D...demande à la cour l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.


Sur la requête n° 17BX01959 :

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident de MmeD... :

2. Ainsi que le soutient le CHUM, en demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 21 mars 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, Mme D...soulève un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal. Ces conclusions incidentes sont dès lors irrecevables et ne peuvent par suite qu'être rejetées.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 29 octobre 2014 en litige au motif que M. E...B..., directeur adjoint chargé du pôle affaires médicales ressources humaines du CHUM, signataire de cette décision, n'était pas compétent pour prononcer la mise à la retraite de Mme D...en l'absence d'une publication régulière au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Martinique de la décision du 17 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'établissement lui avait consenti une délégation de signature portant, notamment, sur les décisions individuelles de mise à la retraite des personnels non médicaux. Contrairement à ce que fait valoir le CHUM, le tribunal administratif n'était pas tenu de faire usage de ses pouvoirs d'instruction aux fins de solliciter auprès du préfet de la Martinique de justifier de la publication de cette décision de délégation de signature.

4. En second lieu, le tribunal administratif, après avoir annulé la décision du 29 octobre 2014 portant admission de Mme D...à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013, a annulé par voie de conséquence l'avis des sommes à payer émis le 4 décembre 2014 pour avoir paiement des traitements versés à l'intéressée à compter du 1er février 2013. Il est exact que, comme le soutient le CHUM, le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui par cet établissement qui était tiré de ce que Mme D...avait indûment perçu une pension d'invalidité à compter du 1er février 2013. Toutefois, cet avis de sommes à payer étant privé de base légale en raison de l'annulation de la décision du 29 octobre 2014, un tel moyen était inopérant, de sorte que le tribunal administratif n'était pas tenu d'y répondre.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la décision du 29 octobre 2014 portant admission de Mme D...à la retraite pour invalidité a été notifiée à l'intéressée le 27 novembre 2014. Les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision, présentées devant le tribunal administratif de la Martinique par une requête n° 1500023 enregistrée le 15 janvier 2015, soit avant l'expiration du délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, n'étaient pas tardives. Par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, la requête n° 1500078 enregistrée le 4 février 2015 ne comportait pas de conclusions à fin d'annulation de ladite décision. Par suite, le CHUM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir qu'il avait opposée à ces conclusions, tirée de leur prétendue tardiveté.

6. En second lieu, le CHUM soutient devant la cour que, Mme D...ayant sollicité par un courrier du 20 septembre 2012 sa mise à la retraite pour invalidité, la décision du 29 octobre 2014 ne lui fait pas grief. Toutefois, si Mme D...a effectivement demandé sa mise à la retraite pour invalidité, et n'en conteste d'ailleurs pas le principe, sa demande de première instance tendait à l'annulation de cette décision en tant qu'elle prend effet au 1er février 2013. Or, en tant qu'elle fixe la date de prise d'effet de sa mise à la retraite, la décision attaquée lui fait grief. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CHUM ne peut davantage être accueillie.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite auquel renvoie l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 et des articles 30 et 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. L'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement.

9. Il ressort des pièces du dossier que MmeD..., victime d'accidents de trajet les 25 mai 1985 et 1er octobre 1991, a été placée en congé de maladie du 25 septembre 2006 au 31 décembre 2014 en raison de pathologies imputables à une rechute consécutive à ces accidents de trajet, constitutifs d'accidents de service. L'intéressée a sollicité le 20 septembre 2012 sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service. La commission de réforme a émis le 31 janvier 2013 un avis favorable à cette demande. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dont l'avis conforme est requis par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003, a émis un avis favorable le 15 septembre 2014. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt, l'administration pouvait admettre l'intéressée, dont il est constant qu'elle est définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et qui n'a pas sollicité de reclassement, à la retraite par anticipation. En revanche, s'agissant d'une invalidité imputable au service, aucune disposition n'imposait à l'administration de prononcer cette mise à la retraite à la date du 1er février 2013. Dès lors, et contrairement à ce qu'il soutient, le CHUM, bien que saisi d'une demande de mise à la retraite, n'était pas dans une situation de compétence liée pour prononcer, de manière rétroactive, cette mise à la retraite au 1er février 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 29 octobre 2004 en litige est entachée d'un vice d'incompétence de son signataire n'est pas inopérant à l'appui de la contestation de ladite décision.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-35 du même code : " Les délégations mentionnées à la présente sous-section, de même que leurs éventuelles modifications sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables. Elles sont communiquées au conseil de surveillance et transmises sans délai au comptable de l'établissement lorsqu'elles concernent des actes liés à la fonction d'ordonnateur des dépenses. ". L'article R. 6143-38 de ce code dispose enfin : " Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège. ".

11. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le CHUM, qui ne saurait se prévaloir d'une " présomption de publication ", n'établit pas la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Martinique de la décision du 17 mars 2014 par laquelle son directeur général a consenti une délégation de signature à M. E...B..., directeur adjoint chargé du pôle affaires médicales ressources humaines de l'établissement, signataire de la décision en litige du 29 octobre 2014. Par suite, et alors en outre que le CHUM ne justifie pas davantage avoir satisfait aux formalités d'affichage prévues par les dispositions précitées, le tribunal a considéré à juste titre que la décision du 29 octobre 2014 était entachée d'un vice d'incompétence affectant sa légalité. A cet égard, le CHUM ne peut utilement invoquer la régularisation de ladite décision en se prévalant d'une décision du 2 octobre 2017 de son directeur général portant ratification de la décision attaquée, qui est, en tout état de cause, postérieure à son annulation par le tribunal administratif.

12. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, le CHUM n'était pas tenu de prononcer, de manière rétroactive, la mise à la retraite de Mme D...au 1er février 2013. Ainsi que le soutient MmeD..., la décision du 29 octobre 2014 est, par suite, entachée d'une rétroactivité illégale.

13. Il s'ensuit, d'une part, que la décision du 29 octobre 2014 portant admission de Mme D...à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013, est entachée d'illégalité, d'autre part, que l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 est, par voie de conséquence, privé de base légale.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le CHUM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 29 octobre 2014 admettant Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2013 et l'avis des sommes à payer du 4 décembre 2014 et lui a enjoint de réexaminer la demande de mise à la retraite pour invalidité de MmeD.... Par voie de conséquence, les conclusions du centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge dudit établissement le versement de la somme de 1 500 euros à Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Sur la requête n° 17BX02587 :

15. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête n° 17BX01959 tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 21 mars 2017, les conclusions de la requête n° 17BX02587 tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.



DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17BX02587.
Article 2 : La requête du CHUM enregistrée sous le n° 17BX01959, ensemble les conclusions d'appel incident de MmeD..., sont rejetées.
Article 3 : Le CHUM versera la somme de 1 500 euros à Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de la Martinique (CHUM) et à Mme F...D....
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 17BX01959, 17BX02587