CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 05/03/2019, 18MA02380, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a déclaré l'accident du 12 septembre 2014 non imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 12 septembre 2014 au 1er juin 2016.
Par un jugement n° 1606401 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a déclaré l'accident du 12 septembre 2014 non imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 12 septembre 2014 au 1er juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 septembre 2014 ou, le cas échéant, de statuer à nouveau sur l'imputabilité au service de cet accident et de reconstituer sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
* la décision du 8 juin 2016 n'est pas suffisamment motivée ;
* elle est entachée d'erreur d'appréciation ; le tribunal a méconnu les règles applicables en matière de charge de la preuve ;
* la décision du 8 juin 2016 est également entachée de deux erreurs de droit puisqu'elle a été prise en méconnaissance du principe de non rétroactivité des actes administratifs et porte atteinte à ses droits acquis.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2019 à 12 heures.
Un mémoire a été présenté par le ministre de l'intérieur le 31 janvier 2019 après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de Mme Tahiri,
* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
* et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née en 1975 et qui s'est vu reconnaître un taux d'invalidité supérieur à 80 % ainsi que le statut de travailleur handicapé, a été recrutée en 2008 en tant qu'adjoint administratif de la police nationale au sein du secrétariat général pour l'administration de la police à Marseille. Elle fait appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 juin 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a déclaré l'accident dont elle a été victime le 12 septembre 2014 non imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 12 septembre 2014 au 1er juin 2016.
2. Aux termes des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d'un accident de service.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est atteinte d'une pseudarthrose itérative du fémur gauche pour laquelle elle a subi de multiples opérations dont une le 18 mars 2013 puis à nouveau le 20 mars 2014 ayant conduit à son placement en congé de maladie jusqu'au 1er septembre 2014. Le 12 septembre 2014, se trouvant en service au laboratoire de la police technique et scientifique de Marseille, elle a été victime d'une rupture du matériel d'ostéosynthèse positionné sur son fémur gauche alors qu'elle distribuait du courrier dans les cases prévues à cet effet. Le DrA..., expert rhumatologue consulté par l'administration, a estimé que les troubles survenus le 12 septembre 2014 n'étaient pas imputables au service mais à un état antérieur au motif que l'intéressée se trouvait alors en train d'effectuer des rangements d'enveloppe et a chuté sans traumatisme particulier et sans mobilisation de cinétique particulière. La commission de réforme a émis un avis défavorable le 24 mai 2016. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, notamment du certificat établi par le Dr E..., médecin traitant de Mme B..., et de l'attestation établie par son chef de service, que l'intéressée, qui avait repris ses fonctions le 1er septembre 2014, était au moment de son accident seule en poste du fait d'un départ en congé et d'une mutation de ses deux collègues et était en conséquence chargée de tâches nécessitant des déplacements à répétition entre deux étages et tout au long de la journée afin de récupérer des dossiers et parapheurs, constituant un facteur aggravant qui a favorisé la rupture de matériel d'ostéosynthèse dont elle a été victime. Dans ces conditions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état antérieur de l'intéressée a déterminé, à lui seul, son incapacité professionnelle consécutive à cet accident, celui-ci doit être regardé comme imputable au service. Il s'ensuit que l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2016. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, elle est fondée à demander l'annulation de ce jugement et de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Le présent arrêt, eu égard au motif qui le fonde, implique nécessairement que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud prenne une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime Mme B... le 12 septembre 2014 et en tire ensuite les conséquences qui s'y attachent, notamment en termes de prise en charge de ses arrêts de travail du 12 septembre 2014 au 1er juin 2016. Cette mesure devra intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2018 et la décision du 8 juin 2016 prise par le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de placer Mme B... en congé pour maladie imputable au service à compter du 12 septembre 2014 et de prendre en charge ses arrêts de travail jusqu'au 1er juin 2016 comme imputables au service, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État (ministère de l'intérieur) versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, où siégeaient :
* M. Gonzales, président,
* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 mars 2019.
N° 18MA02380 2