Conseil d'État, 8ème chambre, 12/06/2019, 417107, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal des pensions militaires de l'Isère, qui a transmis sa demande à celui de la Savoie, de réviser pour aggravation la pension militaire d'invalidité dont il est titulaire, en retenant respectivement les taux de 50 % pour baisse de l'acuité auditive bilatérale, 20 % pour vertiges et épisodes de déséquilibres et 15 % pour acouphènes et sifflements bilatéraux. Par un jugement n° 15/00003 du 1er juillet 2016, ce tribunal a homologué les conclusions de l'expert judiciaire, constaté que les invalidités de M. B...s'étaient aggravées depuis leur précédente évaluation et fixé les taux d'invalidité à hauteur de 45 % pour baisse de l'acuité auditive bilatérale, 20 % pour vertiges et épisodes de déséquilibres et 15 % pour acouphènes et sifflements bilatéraux
Par un arrêt n° 16/00004 du 1er décembre 2017, la cour régionale des pensions de Chambéry a, sur appel du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B....
Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 janvier et 16 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de la défense ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 19 mars 1985, le ministre de la défense a accordé à M. B...une pension militaire d'invalidité au taux de 50 % au titre d'une perte d'acuité auditive, d'une perte de sélectivité, de vertiges et épisodes de déséquilibre et d'acouphènes. M. B...a sollicité, en janvier 2011, la révision pour aggravation de sa pension, sur le fondement de l'article 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Après examen de l'intéressé par le docteur D...C..., médecin expert du centre de réforme de Lyon, le 14 septembre 2011, le ministre de la défense a, par décision du 1er août 2012, rejeté sa demande. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er décembre 2017 par lequel la cour régionale des pensions de Chambéry, après avoir annulé le jugement du 1er juillet 2016 par lequel le tribunal des pensions militaires de la Savoie avait constaté que ses infirmités s'étaient aggravées depuis leur précédente évaluation et fixé son taux d'invalidité à 80 %, a rejeté sa demande.
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour régionale des pensions de Chambéry n'était pas saisie de conclusions tendant à l'annulation du jugement du 1er juillet 2016 du tribunal des pensions militaires de la Savoie en tant qu'il avait accordé à M. B...la révision de sa pension pour aggravation de ses vertiges et épisodes de déséquilibre et de ses acouphènes. M. B...est dès lors fondé à soutenir que la cour a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie en annulant le jugement du tribunal des pensions militaires de la Savoie dans son intégralité et non uniquement en tant qu'il concernait la révision de sa pension pour aggravation de la baisse de son acuité auditive bilatérale.
3. D'autre part, en se bornant à relever que la décision de l'administration, fondée sur l'avis du médecin-expert qu'elle avait désigné, devait s'imposer en l'absence d'éléments contraires produits par M.B..., alors que celui-ci faisait valoir, en produisant de nombreuses pièces, que la baisse de son acuité auditive bilatérale s'était déjà aggravée à la date de l'introduction de sa demande, la cour a insuffisamment motivé son arrêt.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt du 1er décembre 2017 de la cour régionale des pensions de Chambéry doit être annulé dans son intégralité.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Chambéry du 1er décembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour régionale des pensions de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des armées.