CAA de NANCY, 3ème chambre, 22/10/2019, 18NC00885, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 mars 2017 par laquelle le président de l'université de Lorraine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 20 avril 2016, ensemble la décision du 23 mai 2017 portant rejet de son recours gracieux formé le 24 mars 2017.
Par un jugement n° 1701439 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 septembre 2019, M. F... A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 janvier 2018 ;
2°) d'annuler la décision du président de l'université de Lorraine du 6 mars 2017 ;
3°) de condamner l'université de Lorraine aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- alors même que sa déclaration d'accident de service porte sur un choc émotionnel et une inflammation des articulations des membres inférieurs, il n'a pas été examiné par un médecin spécialisé dans cette seconde pathologie ;
- les règles de composition de la commission de réforme n'ont pas été respectées en l'absence d'un médecin spécialisé pour l'examen, tant de sa pathologie psychiatrique, que de l'inflammation des articulations de ses membres inférieurs ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que son état de santé a été apprécié au regard du seul choc émotionnel, à l'exclusion de l'inflammation des articulations des membres inférieurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, l'université de Lorraine, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en l'absence de critique du jugement de première instance et, subsidiairement, que les moyens invoqués par M. A... B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., pour M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Recruté le 18 décembre 1996 par l'université de Lorraine, M. F... A... B... a été titularisé, le 1er janvier 1998, dans le corps des techniciens de recherche et de formation de l'éducation nationale. Affecté à la direction du numérique, il exerce les fonctions de technicien informatique de site à la sous-direction des services aux usagers du pôle lorrain de gestion. Présentant d'importantes séquelles d'une ostéoarthrite bilatérale de hanche et atteint d'une incapacité de travail à 80 %, il est titulaire, depuis le 1er avril 1996, d'une carte d'invalidité portant la mention " station débout pénible " et a été reconnu travailleur handicapé de catégorie B à compter du 13 mai 2002. Le 17 mai 2016, M. A... B... a transmis à son employeur une déclaration d'accident de service pour des faits survenus le 20 avril 2016. Il y indique qu'il aurait subi un " choc émotionnel ", accompagné d'une inflammation des articulations des membres inférieurs, en apprenant successivement le refus de sa hiérarchie de l'autoriser à changer de bureau et la mise au concours du poste de responsable du service qu'il souhaitait occuper. A la suite de l'avis défavorable de la commission de réforme du 14 février 2017, le président de l'université de Lorraine, par une décision du 6 mars 2017, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'" accident " du 20 avril 2016. Par un courrier du 24 mars 2017, reçu le 29 mars suivant, M. A... B... a formé, contre cette décision, un recours gracieux qui a été rejeté le 23 mai 2017. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2017, M. A... B... doit être regardé comme ayant saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation des décisions des 6 mars et 23 mai 2017. Il relève appel du jugement n° 1701439 du 23 janvier 2018, qui rejette sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'université de Lorraine :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 12 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; 2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé (...) ; 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Dans chaque département, un comité médical départemental compétent à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15 ci-après est constitué auprès du préfet. / La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce même décret : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ".
3. Il résulte de la combinaison des dispositions en cause que la présence d'un médecin spécialiste dans la commission de réforme n'est requise que lorsque cette instance examine une demande de congé de longue maladie ou de longue durée, et non lorsqu'elle se prononce sur l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie déclaré par un agent public.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commission de réforme du 14 février 2017 a été signé par deux médecins, dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait de praticiens de médecine générale. Toutefois, il est constant que la commission, qui avait à se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident du 20 avril 2016, n'était saisie d'aucune demande de congé de longue maladie ou de longue durée. Dans ces conditions, M. A... B... ne saurait utilement soutenir que, en l'absence de médecin spécialisé dans les pathologies occasionnées par les faits survenus le 20 avril 2016, la composition de la commission de réforme, lors de sa réunion du 14 février 2017, était irrégulière. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ;(...) ". Aux termes de l'article 13 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dans sa rédaction alors applicable : " La commission de réforme est consultée notamment sur : 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 19-1 de ce même décret : " Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident au titre desquels est demandé un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé ".
6. D'une part, il résulte de ces dernières dispositions que, lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, la consultation d'un médecin expert agréé constitue pour elle, non pas une obligation, mais une simple faculté. D'autre part, il est constant que, après une première expertise médicale diligentée par l'administration dans le cadre de l'instruction de la déclaration d'accident de service transmise par M. A... B..., le requérant a bénéficié, à sa demande, d'un nouvel examen effectué par un médecin psychiatre agréé, dont le rapport a été soumis à la commission de réforme qui a rendu son avis le 14 février 2017. Contrairement aux allégations de l'intéressé, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le second expert ne disposait pas des compétences nécessaires pour apprécier l'ensemble des affections psychologiques et physiologiques liées au choc émotionnel qu'il déclare avoir subi le 20 avril 2016, y compris l'inflammation des articulations des membres inférieurs. Par suite, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que cette dernière pathologie n'aurait pas été examinée par un médecin spécialisé.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
8. Si les refus de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie constituent des décisions administratives individuelles défavorables qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, il ressort des pièces du dossier que la décision du 6 mars 2017 vise le texte dont elle fait application, en l'occurrence le décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Elle mentionne également l'avis défavorable de la commission de réforme du 14 février 2017. Elle précise enfin que les arrêtés de travail consécutifs à l'accident du 20 avril 2016 sont à prendre en charge au titre de la maladie ordinaire en l'absence de " lien direct, certain et exclusif avec le service ". Ainsi, contrairement aux allégations de M. A... B..., la décision en litige est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, si le requérant fait valoir que son état de santé aurait été apprécié au regard du seul " choc émotionnel ", à l'exclusion de l'inflammation des articulations des membres inférieurs, de telles allégations ne sont pas étayées par les pièces du dossier et sont, au demeurant, fortement contestées par l'administration, qui fait valoir que la question de l'imputabilité au service de l'accident du 20 avril 2016 a été examinée, tant par l'expert agréé et les membres de la commission de réforme que par le président de l'université de Lorraine, au regard de l'ensemble des lésions mentionnées dans la déclaration d'accident de service du 17 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait ainsi entachée la décision en litige ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... B... la somme réclamée par l'université de Lorraine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. Enfin, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions du requérant tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'université de Lorraine ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Lorraine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... B... et à l'université de Lorraine.
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