CAA de MARSEILLE, , 30/12/2019, 19MA04664, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 décembre 2019
Num19MA04664
JuridictionMarseille
AvocatsSCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 19 059,25 euros à valoir sur la somme qu'elle estime lui être due à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'un accident imputable au service.

Par une ordonnance n° 1903770 du 21 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser une provision de 9 338 euros à Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2019, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 ;

2°) statuant en référé :

- à titre principal, de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;


- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et graphologique ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la créance complémentaire dont se prévaut Mme B... est sérieusement contestable dès lors que les préjudices ont été estimé par l'expert en tenant compte d'une agression sur le lieu d'exercice des fonctions dont la réalité n'est pas établie ;
- le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés ne distingue pas les préjudices selon qu'ils sont ou non en lien avec l'accident de service ;
- le recours à l'assistance effective d'une aide familiale n'est pas démontré ;
- le préjudice d'agrément n'est pas justifié.


Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D... C..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 9 338 euros la provision au versement de laquelle il a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

- de porter à la somme de 19 059,25 euros le montant de la provision due ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'accident du 30 juillet 2014 a été reconnu imputable au service par une décision créatrice de droits devenue définitive ;
- le droit à l'allocation temporaire d'invalidité ne fait pas obstacle à l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux ;
- sa demande ne porte pas sur la réparation du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par une tierce personne ou du préjudice d'agrément ;
- l'expertise ordonnée par le juge des référés a été réalisée contradictoirement ;
- la réalité des préjudices extrapatrimoniaux est établie.


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative ;


Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.



Considérant ce qui suit :


1. Auxiliaire de soins principal territorial employé par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Montpellier, Mme B... a été victime le 30 juillet 2014 d'un accident qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du président de cet établissement public en date du 11 octobre 2018. La date de consolidation de l'état de santé de l'agent a été fixée par le même arrêté au 18 juin 2018. Par une ordonnance n° 1806000 du 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le CCAS à payer à Mme B... une provision de 27 000 euros à valoir sur l'indemnité due au titre de l'incapacité physique permanente. Le juge des référés de la Cour a, par une ordonnance n° 19MA01343 du 6 juin 2019, rejeté les conclusions d'appel et d'appel incident présentées respectivement par le CCAS de Montpellier et par Mme B... à l'encontre de l'ordonnance du premier juge.


2. A la suite du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée le 6 février 2019 par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, Mme B... a saisi le juge des référés, le 15 juillet 2019, d'une demande tendant à ce que son employeur lui verse une provision de 19 059,25 euros à valoir sur l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice sexuel. Par une ordonnance du 21 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le CCAS de Montpellier à verser une provision de 9 338 euros à Mme B.... L'établissement public demande à la Cour d'annuler cette ordonnance. Par la voie de l'appel incident, Mme B... conclut à la réformation de cette ordonnance pour obtenir une meilleure indemnisation.


3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.



4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et à leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.


5. Le CCAS se prévaut du rapport établi le 11 décembre 2017 par le Dr Boussagol, qui a estimé que les arrêts de travail depuis le 15 décembre 2016 n'étaient pas imputables au service mais étaient en lien avec une pathologie indépendante de celle résultant de l'accident de service et que la guérison des séquelles résultant de cet accident était acquise au 30 novembre 2014. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport du 18 juin 2018 du Dr Deblock au vu duquel a été émis l'avis de la commission de réforme du 28 septembre 2018 sur le fondement duquel l'accident du 30 juillet 2014 a été reconnu imputable au service par l'arrêté du 11 octobre 2018, ainsi que du rapport du 12 juin 2019 du Dr Gomis désigné par le juge des référés du tribunal administratif, que la date de consolidation de l'état de santé consécutif à l'accident de service doit être fixée au 18 juin 2018 et que les arrêts pour maladie doivent être imputés au service. Il suit de là que la névralgie dorso-cervicale-brachiale droite, les douleurs de l'épaule droite et les lombalgies sont en lien avec l'accident de service du 30 juillet 2014. L'obligation du CCAS à réparer les préjudices en découlant présente dans cette mesure un caractère non sérieusement contestable.


6. Il ne résulte pas de l'instruction avec une certitude suffisante que le trouble de stress posttraumatique sévère dont souffre Mme B... trouve son origine dans les circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident de service du 30 juillet 2014, la réalité de l'agression de l'agent par un patient n'étant pas suffisamment établie par les pièces versées au dossier. Dans ces conditions, la créance que Mme B... allègue détenir sur son employeur au titre des conséquences dommageables de ce trouble ne présente pas un caractère non sérieusement contestable.


7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés, que Mme B... a été victime, au titre des seules affections mentionnées au point 5, d'une incapacité temporaire totale le 8 juin 2015 et du 5 septembre 2017 au 10 septembre 2017, partielle au taux de 75 % du 9 juin 2015 au 10 juillet 2015 et du 11 septembre 2017 au 10 novembre 2017, au taux de 25 % du 30 juillet 2014 au 7 juin 2015, du 11 juillet 2015 au 24 octobre 2016, du 27 décembre 2016 au 31 mai 2017, du 13 juillet 2017 au 4 septembre 2017 et au taux de 20 % du 11 novembre 2017 au 18 juin 2018. L'obligation du CCAS présente ainsi un caractère de certitude suffisant à hauteur de la somme de 6 200 euros.

8. Le traumatisme physique subi lors de l'accident de service du 30 juillet 2014 et les soins chirurgicaux qui ont été dispensés pour y remédier, ont été à l'origine d'un préjudice esthétique, évalué à 0,5 sur une échelle de 1 à 7. Mme B... a en outre enduré des souffrances à l'occasion des deux interventions dont elle a fait l'objet ainsi que des soins de kinésithérapie au long cours. Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer une provision au titre des souffrances que l'expert rattache aux longues périodes d'hospitalisation en établissement psychiatrique. L'obligation du CCAS au titre de la part, imputable au service, de ces préjudices présente un caractère suffisant de certitude à hauteur de la somme de 2 500 euros.


9. Il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice sexuel, consistant en une perte de libido, soit, d'une manière suffisamment certaine, en lien avec le traumatisme physique consécutif à l'accident du 30 juillet 2014 reconnu imputable au service.


10. Mme B... demande une provision en réparation du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a présenté, des souffrances qu'elle a endurées et des préjudices esthétique et sexuel. Le CCAS ne peut dès lors pas utilement se prévaloir de ce que l'agent n'établit la réalité ni du recours à une assistance par tierce personne ni du préjudice d'agrément, dont la réparation n'a pas été demandée au juge des référés.


11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise avant dire droit, que le CCAS de Montpellier est seulement fondé à demander que la provision de 9 338 euros que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme B..., soit ramenée à la somme de 8 700 euros. Mme B... n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la provision mise à la charge du CCAS soit portée à la somme de 19 059,25 euros.


12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que le CCAS de Montpellier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge du CCAS de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante.



ORDONNE



Article 1er : La somme de 9 338 euros que le CCAS de Montpellier a été condamné à verser à Mme B... par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 est ramenée à 8 700 euros.


Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.


Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CCAS de Montpellier est rejeté.


Article 4 : Les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au centre communal d'action sociale de Montpellier et à Mme A... B....


Fait à Marseille, le 30 décembre 2019.
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N°19MA04664